Je suis un peu en retard mais le voilà !

Premier chapitre du troisième arc de cette histoire, il donne le ton. Et son titre suffit à dire ce que vous allez y trouver. J'ai eu du mal à l'écrire, j'aurais voulu qu'il soit meilleur mais il est quand même un peu rigolo.

J'espère qu'il vous plaira ! Je profite pour dire un gros merci à tout vos messages gentils de la dernière fois, ça m'a fait du bien. J'en avais besoin :) je suis contente que vous aimiez cette histoire.


Oven avait insisté pour avoir une discussion avec son frère le lendemain de la réunion. Katakuri n'avait accepté qu'après lui avoir arraché le serment qu'il ne tenterait pas de le faire changer d'avis sur sa grève.

Brûlée l'avait aidé à débarquer et tous les deux s'étaient retrouvé dans la cour du palais, là où poussaient des arbres à l'écorce rose que Mama avait offert à Katakuri, le jour où il était devenu le ministre de l'île. Elle leur avait insufflé une âme mais ils étaient toujours dociles et silencieux, presque aussi timides que lui. Il n'avait jamais su dire si c'était pour lui faire plaisir ou pour se moquer de lui.

Lui et ses frères avaient l'habitude de se retrouver autour de ses arbres. C'était "leurs arbres". C'était toujours là qu'ils se retrouvaient, avec Daifuku, pour se détendre, boire ensemble et se donner des nouvelles, quand ils étaient restés trop longtemps sans se voir. Cette fois, Oven était tout sauf détendu. Il avait les épaules raides et la mâchoire crispée. Katakuri lui avait offert de partager un verre avec lui mais il devinait que son coup d'éclat de la veille ne lui avait pas beaucoup plu et qu'une boisson ne suffirait pas à l'amadouer. Il s'attendait à des reproches, Oven avait l'habitude de ne pas le ménager. Or là, il était muet et n'arrivait pas à lancer la conversation. Il fixait son verre, l'air hagard.

— Je t'ai fait peur à ce point là hier ? Demanda enfin Katakuri pour qui ce silence devenait insoutenable.

— Mais non, se défendit-il. Tu m'as surpris c'est tout. Je ne m'attendais pas à ce que tu veuille prendre la tête de tout ce foutoir. T'as perdu les pédales ou quoi ?

— Comme d'habitude, il faut bien que quelqu'un le fasse.

— Bon allez, on a dit qu'on parlerait pas de ça !

Katakuri était soulagé qu'il s'agace et change de conversation de lui-même, lui non plus n'avait pas envie de revenir sur ce qu'il avait fait. Il voulait rester fier et ne pas ressentir la moindre culpabilité vis à vis de sa décision.

— Tu voulais me parler de quoi alors ?

— De rien, c'est surtout pour avoir de tes nouvelles. Ça fait longtemps qu'on s'est pas vus, tu sais, entre frères.

Katakuri n'était pas dupe, quelque chose le tracassait. Il commençait à comprendre où il voulait en venir et pourquoi il tournait autour du pot.

— Crache la ta pastille, tu veux savoir quoi ?

Oven baissa les yeux, réfléchit une seconde et releva le menton d'un air déterminé. Katakuri connaissait bien cette tête là et il savait d'avance qu'il allait détester ce qui allait suivre.

— Tu m'as menti l'autre fois, déclara alors Oven.

Ah, peut-être qu'il se trompait ?

— Quand ça ?

— Le soir où, avec les autres, on discutait de la possible mort de Mama, précisa-t-il. Tu m'as menti. C'est bien le lunaria qui a fait exploser notre salle. Des mecs avec des ailes noires, il y en a pas 1000 dans ce pays et je sais ce que j'ai vu.

Lui qui s'était juré de ne pas culpabiliser, c'était raté. Il fuit son regard, gêné d'avoir à admettre son méfait. Il avait eu de bonnes raisons de le faire et n'en aurait pas eu besoin sans sa mise à l'écart mais il se détestait d'avoir été obligé d'en arriver là. Il se félicitait d'avoir tenu tête devant toute la famille mais faire de la peine à son jumeau n'avait rien d'une expérience agréable. Finalement, il aurait préféré que Oven l'engueule au sujet de sa grève. Ca aurait été plus facile à gérer.

— Et comment tu aurais pu savoir pour Mama s'il te l'avait pas balancé, insista Oven, dont la soudaine lucidité était surprenante.

— C'est vrai. J'ai menti. Je suis désolé, je ne voulais pas, c'est juste que j'étais sur place et je ne pouvais pas prendre le risque de...

— Ça va t'excuse pas. C'est oublié.

Katakuri haussa un sourcil, il était de plus en plus déconcerté. Oven lui pardonnait bien vite à son goût. Il ne lui avait même pas demandé d'explication sur la présence de King sur Whole Cake Island. Pourtant la première question qu'il aurait fallu poser.

— C'est autre chose qui me travaille.

— Je t'écoute.

— Comment dire, hésita-t-il en se grattant la nuque. Bon, tu couches avec lui ou pas ?

Katakuri, qui avait commis l'erreur fatale de siroter son verre à ce moment là, cracha tout ce qu'il avait avalé sur les pauvres arbres d'écorce rose. Il toussa pendant une bonne minute — ce qui donnait une merveilleuse justification à ses joues écarlates — avant de reprendre la parole.

— C'est pour demander ça que tu voulais me voir ?!

— Oui ou non ?

— Mais évidemment que non !

Il ne savait pas ce qui était le plus gênant à présent : que son frère lui pose cette question — pas si étonnante venant de lui — ou que la réponse "je crois que j'aimerai bien" lui avait traversé l'esprit et parut une seconde comme acceptable. Il avait envie de s'enterrer six pieds sous terre mais il ça aurait une réaction trop explicite. Tant qu'il serait en vie, il était hors de question qu'il parle de sa vie intime à son frère. Il avait résisté pendant des années, ce n'était certainement pas maintenant qu'il allait céder.

— Tu peux me le dire, insista-t-il, sur le ton de la confidence. C'est un peu compliqué parce que c'est le bras droit de Kaido mais...

— Je te dis que non !

— Je croyais ! Vu ce que tu m'as dit l'autre fois, j'ai pas capté tout de suite que... Peut-être que vous étiez occupés.

Katakuri se prit la tête dans la main.

— Oven, comment j'aurais pu... être avec King alors que je viens de reconnaître que je t'ai menti sur sa présence à Sweet City il y a même pas une minute ?

— Ah, réalisa-t-il. Merde, c'est vrai. Mais il fallait que je demande, au cas où.

— Idiot, grogna Katakuri.

Ils se turent tous les deux et finirent leurs verres en silence. Katakuri avait l'impression que des deux, c'était lui qui avait mangé le fruit du démon de la cuisson tant il se sentait cuir sur place. Affronter sa famille au grand complet, c'était de la rigolade comparé à ce sujet de conversation. Il n'était pas sûr d'avoir convaincu son jumeau de sa bonne foi mais ça aurait été encore pire d'insister et d'essayer de lui faire croire qu'il n'avait aucun intérêt pour King. Il espérait simplement qu'il lâcherait l'affaire et le laisserait tranquille. Connaissant Oven, il n'aurait droit qu'à un bref moment de répit avant qu'il ne se mêle à nouveau de ses histoires.

— Du coup, reprit-il. Est-ce que tu peux au moins m'expliquer pourquoi il a foutu le feu ce soir là ?

Il accueillit la question avec soulagement et s'empressa d'aller sur ce terrain, qu'il maîtrisait déjà beaucoup mieux.

/

King tirait sur son aile mais, étrangement, cette fois elle refusait de lui obéir. Il n'arrivait même pas à la déployer et la douleur était insupportable. Il était content que personne ne puisse le voir jurer et gémir de douleur à chaque mouvement.

Il avait complètement brûlé la surface de l'arbre sur lequel il s'appuyait tant il forçait pour tendre ses muscles et ouvrir ses longues plumes mais rien n'y faisait. Il était complètement coincé. Il aurait dû se douter que la guérison ne serait pas aussi facile qu'il l'avait espéré et qu'un plongeon d'urgence pour récupérer Pudding ne signifiait pas qu'il était de nouveau capable de voler correctement. Il devait se montrer patient mais la frustration prenait le pas sur la raison.

Il n'avait aucune indulgence pour lui même, il devait y arriver. S'il ne pouvait plus utiliser ses ailes, à quoi bon ? Il n'avait pas le droit de laisser ce don pourrir. L'idée d'être un lunaria incapable de voler le terrifiait. Même si son fruit du démon pouvait compenser d'éventuels problèmes, ça ne comptait pas pour lui. Il voulait retrouver l'usage total de son aile, à tout prix.

Malheureusement, il était évident qu'il n'arriverait à rien en cédant à la panique. Il avait besoin d'une pause. Faire quelques pas dans la forêt lui ferait du bien le temps de retrouver un esprit serein.

/

Comme Katakuri se l'était promis à la suite de la réunion, il était temps qu'il s'accorde un moment rien que pour lui et de savourer : le meilleur des goûters possibles. Il l'avait bien mérité.

Tout de suite après le départ d'Oven, il avait rejoint son emplacement favori et avait emmené avec lui une cargaison complète de ses donuts favoris et de pâtisseries sucrées. Son programme, pour son premier jour officiel de grève, était le suivant : ne pas bouger de la journée. Se vautrer sur le dos, roupiller et manger pendant des heures sans que RIEN ne vienne perturber sa quiétude. Pas le moindre appel escargophonique, pas de délai à tenir, pas même une conversation importante à avoir avec qui que ce soit. Aucun stress. Rien que lui et le calme prometteur d'un après-midi en solitaire.

Il installa son coin comme il en avait l'habitude. Quand il séjournait sur les autres îles de l'archipel, il avait toujours une cohorte de servants collés à ses basques qui se chargeaient de lui préparer ses repas et d'éloigner les curieux, juste le temps qu'il avale ce dont il avait besoin pour tenir le reste de la journée ou pour profiter d'un bref répit avant de redevenir le frère parfait qui-ne-dort-jamais. Chez lui, il pouvait se permettre de faire les choses lui-même et à sa manière.

Il avait son arbre préféré, devant lequel il installait une nappe colorée, suffisamment grande pour qu'il puisse s'y allonger, puis il y disposait son nécessaire habituel : un oreiller pour caler sa tête, un magnifique service à thé en porcelaine — inanimé — qu'il avait récupéré en cachette dans le butin des Rocks il y a plus de trente ans et une grande coupe qu'il remplissait d'eau fraîche et qu'il laissait à disposition des animaux. Beaucoup aimaient se joindre à lui quand il mangeait. Ils ne le voyaient pas comme un prédateur et profitaient de sa proximité pour jouer entre eux et manger ce qu'il leur donnait. Leur compagnie ne le dérangeaient pas puisque leur regard n'était jamais un problème.

Il contempla son coin, maintenant parfaitement aménagé, et la pile de donuts qui ne demandait qu'à être engloutie, puis il se laissa tomber sur la nappe, directement sur le dos, les bras derrière la tête, avec un soupir satisfait. Il ne culpabilisait toujours pas, c'était grisant ! Jamais le sol ne lui avait parut si confortable. D'une main, il se versa du thé bien chaud dans une tasse, de l'autre, il s'empara d'un donut à la framboise. Sa mâchoire béante s'ouvrit aussitôt pour gober son délice sucré. Il adorait la sensation du glaçage sur sa langue et sa grande bouche lui permettait de prendre des bouchées suffisamment grandes pour déguster et laisser le temps à chaque saveur de s'épanouir sur ses papilles.

Secrètement, il adorait se dire que si sa mère était celle qui détenait le titre la personne la plus friande de bonbons, de chocolat et de gâteaux, il était celui qui savait le mieux les manger. Il avait accès à des sensations qu'elle ne pourrait jamais atteindre, même dans ses rêves les plus fous. Quand il goûtait un plat, le sucre et les arômes fondaient dans sa bouche et avaient des effets bien plus explosifs que ce que pouvait espérer Mama, même avec les meilleurs pâtissiers du monde sous sa coupe. C'était sa petite revanche silencieuse : sa bouche immonde qu'on l'avait incité à cacher toute sa vie lui offrait l'accès à un savoir que Mama ne connaîtrait jamais. C'était mesquin mais c'était un vrai plaisir.

Là encore, il aurait dû culpabiliser de penser une chose pareille alors que le sort de sa génitrice était incertain, mais c'était à ça que servait ses meriendas : à laisser ses responsabilités derrière lui, juste le temps de manger.

Il ferma les yeux et dévora son donut avec un immense plaisir. Il en croqua un, puis deux, puis trois, sans s'arrêter sauf pour boire une gorgée de thé de temps en temps. Des chats avaient débarqués et lui grimpaient dessus pour aller vers la coupelle qui leur était réservée. Des oiseaux aussi se posaient tout autour de lui pour picorer les miettes qu'il faisait tomber. Il était entouré par leur chant et par le bruit du vent qui soufflait calmement dans les arbres, transportant avec lui le parfum sucré de la mer de sirop. Le tableau était parfait, il ne manquait absolument rien.

Un craquement inattendu se fit soudain entendre et les oiseaux s'envolèrent en piaillant des cris d'alerte. Ce petit imprévu attira son attention. Il n'y avait normalement rien de plus effrayant que lui dans cette forêt, il ouvrit un œil pour inspecter l'environnement et comprendre ce qui avait perturbé la tranquillité de sa merienda. Dans un premier temps, il ne vit rien d'autre que les feuilles et le ciel bleu, puis ses yeux croisèrent ceux de King, debout en face de lui, l'air incrédule.

Il eut la sensation que le monde s'effondrait autour de lui.

Très vite, toutes les sensations agréables qui l'avaient bercé jusque là se transformèrent en abominables malaises dont il fallait se débarrasser de toute urgence. Il avait conscience de la taille de sa mâchoire, de la salive qui lui avait coulé sur le menton, de la grosseur absurde de ses joues, des pépites collantes tout autour de sa bouche et de son aspect monstrueux. Pourquoi est-ce qu'il avait arrêté de se cacher ? Toute la honte et toute la culpabilité revinrent à l'assaut et le submergèrent d'une seule vague. Il aurait voulu s'enfuir en courant, disparaître le plus loin possible mais ses muscles refusaient de bouger. Lui et King se fixaient sans bouger comme deux chats sauvages se rencontrant soudain sur le même territoire.

King restait planté là, devant lui, sans rien dire et c'était pire que tout. Katakuri ne pouvait qu'imaginer ce qu'il était en train de penser, il devait le mépriser. Ses yeux le scrutaient et bondissaient entre la pile de donuts, les chats ronronnants et Katakuri lui même, allongé paresseusement sur une nappe à carreaux. Son expression était neutre mais Katakuri s'attendait à ce qu'il grimace de dégoût d'une seconde à l'autre.

— Donc il t'arrive de manger, déclara-t-il finalement.

Le sourire qui naissait sur son visage lui parut hostile et il déclencha son agressivité.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?! Gronda-t-il, plus fort qu'il ne l'aurait voulu.

Sa mâchoire disloquée revint à la normale mais il continua de montrer les dents, par réflexe. King paraissait surpris. Il ouvrit légèrement ses ailes abimées pour lui rappeler son état.

— Je fais ma rééducation ici, tu te rappelles ?

Il avait complètement oublié. Qu'est-ce qui lui avait pris de lui conseiller de faire ça si près de son jardin secret ? Il n'avait pas réalisé qu'il lui avait offert la possibilité de le surprendre et donc d'obtenir de quoi l'écraser et l'humilier de son propre chef. Il lâcha tout ce qu'il avait dans les mains et se leva brusquement, sur la défensive. Prêt à bondir pour l'achever au moindre rire.

Un frémissement agita les ailes de King. Il avait l'air surpris par son attitude.

— Je te dérange apparemment ?

Katakuri ne trouva rien à répondre. Il était crispé, les poings serrés, sur le point de lui sauter à la gorge. Il était passé de la détente complète à la terreur d'avoir été pris sur le fait. Tout ce qu'il pouvait faire c'était grogner comme un animal pris au piège. Il s'attendait à ce que King éclate de rire d'une seconde à l'autre mais rien ne vint. A part une lueur de compréhension qui apparut discrètement sur son visage.

Son regard se fit alors compatissant et désolé. Katakuri parvint presque à distinguer le souvenir qui lui était revenu en mémoire au fond de ses yeux. Tout de suite après, il opina du chef pour s'excuser du dérangement et fit mine de s'éloigner.

Il tourna les talons et Katakuri réalisa que le voir s'en aller à un moment pareil lui était insupportable.

— Non, attends !

King s'arrêta et l'interrogea du regard, confus. Katakuri ne savait plus ce qu'il faisait. Il avait envie de disparaître mais peut-être que d'avoir affronté toute sa famille lui avait donné le cran nécessaire pour retrouver son calme après que quelqu'un l'ait vu manger. Normalement, il éliminait tout ceux qui le surprenaient en plein repas. Mais il ne pouvait pas — et surtout ne voulait pas — faire disparaître King. Il avait décidé de vivre sans écharpe, il était temps d'assumer. Un jour où l'autre, il aurait bien été obligé de se montrer en plein repas. C'était venu plus tôt qu'il l'aurait cru et avec la dernière personne par qui il aurait préféré être surpris mais c'était chose faite.

— Je ne voulais pas t'agresser. Je suis... Enfin, ce que j'étais en train...

— Te fatigue pas, je comprends.

King lui fit face, les mains dans les poches. Il n'y avait aucune trace de répulsion sur son visage et il en fut profondément soulagé.

— Je sais ce que c'est que d'avoir à se planquer pour profiter d'être soi-même pendant au moins quelques minutes. Je voulais pas m'immiscer dans ton rituel, s'excusa-t-il.

— Qu'est-ce qui te fait croire que c'est un rituel ?

King pencha la tête sur le côté et son sourire moqueur apparut enfin.

— "Le seigneur Katakuri ne veut pas être dérangé pendant qu'il s'entretient avec le dieu de la guerre" répéta-t-il avec exactitude, une phrase qu'on lui avait certainement servie à plusieurs reprises pour justifier ses absences. Je sais reconnaître un gros bobard quand j'en entends un.

Katakuri rougit malgré lui. Il se sentait parfaitement idiot, évidemment qu'il n'avait pas gobé le mensonge. Il n'était pas un homme impressionnable ou naïf, ni quelqu'un que ça arrangeait bien de le voir se planquer de son propre chef.

— Et puis...

Il contempla tous ses accessoires avec un regard admiratif.

— C'est beaucoup trop précis comme installation pour être improvisé.

Il eut encore plus honte que King soit témoin de ça. Il n'avait pas l'air de se rendre compte qu'il venait de voir ce que Katakuri s'était toujours évertué à cacher au reste du monde. C'était tellement intime et donc tellement humiliant d'être aussi exposé. Sans le vouloir, il avait donné à King un aperçu de son âme et il ne savait pas par quel miracle il ne faisait pas encore une crise de panique.

Qu'est-ce qu'il pouvait bien penser à cet instant ? Lui, l'homme lige du monstre Kaido et son équipage de bêtes sanguinaires, face au fils timide et complexé de l'abominable Linlin ? Son sang froid légendaire ne tenait plus dans une situation comme celle-là. Il était incapable de ne pas regarder par terre, comme quand il était gamin et qu'on le prenait en faute.

King sembla s'en rendre compte. Et heureusement pour la dignité de Katakuri, il ne prenait aucun plaisir à le voir mal à l'aise.

— Je te laisse tranquille.

Il s'éloigna tranquillement et Katakuri se demanda d'où lui venait cette envie incompréhensible de le voir rester.

— Euh ! S'exclama-t-il pour le stopper encore une fois, sans avoir la moindre idée de ce ce qu'il faisait. T'es pas obligé de partir. Tu ne pouvais pas savoir que j'étais là et maintenant que tu m'as vu...

Il préférait lui offrir l'excuse toute prête. C'était ce qu'il y avait de mieux à faire pour garder un minimum de contrôle sur la situation.

— Tu me proposes de rester ?

Il était impossible de déterminer lequel, de lui ou de King était le plus surpris par cette invitation. Katakuri n'avait jamais partagé un seul repas et il n'était pas sûr d'avoir raison de l'empêcher de partir. Pourtant, il insistait. Quitte à renverser l'ordre établi et bouleverser de vieilles habitudes, autant y aller à fond.

— Je n'en reviens pas moi-même mais je préfère te garder à l'œil plutôt que de te laisser t'en aller avec ce que tu viens de voir.

Ce n'était pas tout à fait vrai mais King ne posa pas de questions. En vérité, il avait l'air soulagé qu'il le lui propose.

— Ca m'arrange, dit-il. Si tu as de quoi boire, j'en aurais bien besoin.

Katakuri se rassit doucement sur sa nappe et lui versa une tasse de thé en essayant de dissimuler les tremblements frénétiques qui agitaient ses mains. King hésita avant de s'approcher et il s'en sentit encore plus honteux, s'il n'avait pas réagi au quart de tour à son arrivée, il n'aurait peut-être pas compris à quel point son intrusion dans son jardin secret était miraculeuse et donc : embarrassante. Néanmoins, il s'approcha pour saisir la coupe que Katakuri lui tendait. Il apprécia de voir qu'elle était normale et il se laissa tomber à ses côtés avec raideur. Les animaux détalèrent aussitôt. Si Katakuri leur paraissait inoffensif, ce n'était pas le cas de King.

Et il avait tendance à l'oublier mais il était immense, lui aussi. Il le dépassait d'une tête et il n'était pas en reste au niveau de sa carrure. Avant lui, seule Mama était capable de le faire se sentir petit. King le faisait se sentir, non seulement petit, mais fébrile comme un adolescent dont le cœur s'emballait à toute vitesse en présence d'un garçon un peu trop plaisant. La dernière fois qu'il avait été aussi proche de lui — il n'avait qu'à tendre la main pour le toucher — c'était lors de leur intrusion à Sweet City. Et cette fois encore, sa proximité mettait Katakuri au supplice. Il sentait la chaleur de ses flammes sur sa peau et la douce odeur chaude qui se dégageait de lui. Odeur qu'il pouvait désormais reconnaître entre mille.

Comme toujours, King ne remarqua pas son trouble. Il étendit ses jambes interminables devant lui et poussa un soupir de soulagement mais se crispa presque aussi immédiatement, tout en se massant le haut de l'aile.

— Est-ce que ça va ? S'enquérit Katakuri, sautant sur l'occasion d'attirer l'attention sur King plutôt que sur lui.

— Ça va, mentit-il.

La sueur qui perlait sur son front trahissait sa souffrance. Sa convalescence ne se passait peut-être pas aussi bien que ce qu'il voulait faire croire.

— Un souci avec ton aile ?

King hésita à répondre mais Katakuri lui offrit son regard le plus sévère. Celui qu'il réservait à ses frères et sœurs menteurs quand ils essayaient de dissimuler une bêtise. Après avoir été aussi gracieusement convié à se joindre à ce qu'il considérait comme l'évènement le plus important et le plus secret de sa journée, il n'avait pas le droit de se refermer comme une huître. Il devait d'abord égaliser le score. King soupira et céda.

— La guérison ne se passe pas aussi bien que ce que je croyais, lui confia-t-il en grimaçant de douleur. Un jour ça va, le lendemain elle refuse se bouger. Et ça me fait un mal de chien.

— Tu veux que je convoques un médecin pour...

— Non ! Gronda-t-il à son tour, avec une voix rugissante que Katakuri ne lui aurait jamais soupçonnée.

Les flammes de son dos léchèrent la cime des arbres sous le coup de sa colère. Elle avait été brève et choqué par son propre excès de rage, il se tempéra et se radoucit.

— Aucune blouse blanche se s'approchera de moi, se contenta-t-il d'expliquer. Ça va passer, c'est tout.

Katakuri n'insista pas. Visiblement, c'était un sujet sensible. Une part de lui mourait d'envie de savoir ce que cachait cette agressivité mais il avait l'air déboussolé et coupable d'avoir perdu son calme. Katakuri fit mine de n'avoir rien remarqué. Ils étaient dans le même bateau.

— Peut-être que tu forces trop, dit-il en haussant les épaules.

— Tu dis ça en tant que spécialiste du surmenage ?

— Très drôle.

Cette petite pique eut au moins le mérite de détendre l'atmosphère entre eux. Ils étaient quittes. Katakuri savait qu'il ne serait plus capable d'avaler quoi que ce soit maintenant que King était là mais il pouvait profiter d'un moment avec lui. Même s'il n'avait pas la moindre idée de comment faire. La situation sortait trop de l'ordinaire : il lui avait proposé de rester mais sa présence était tellement étrange. Il n'avait jamais partagé ses repas avec qui que soit, comment était-il censé faire la conversation ? Comment devait-il avoir l'air normal ?

— Tu manges toujours seul ? Demanda King, lui épargnant la peine de se creuser la tête pour relancer la discussion.

— C'est direct comme question mais oui, avoua Katakuri. j'avais besoin de faire un rituel de mon heure de repas pour m'assurer que personne ne viendrait me solliciter à ce moment là.

C'était sans compter sur la présence d'un invité ennemi qui se fiche complètement des convenances.

— Même pendant vos cérémonies mondaines ? Tu ne manges pas non plus ?

— Non.

— Tu as un estomac à l'épreuve du feu, dit-il en regardant les provisions de Katakuri avec convoitise.

Voilà qu'il était tenté par les pâtisseries colorées qui exhalaient leur parfums sucrés. Katakuri s'en amusa, King s'était tellement plaint du manque de nourriture "consistante" de Komugi ! Il y avait de quoi rire de le voir finalement baver d'envie devant ses mets préférés. Il était hors de question qu'il lui cède un donut mais après tout, il pouvait bien lui partager un petit quelque chose.

— Tu veux goûter peut-être ?

— Non merci. Je ne suis pas très "sucres", déclina King sans lâcher la nourriture des yeux pour autant.

— Malheureusement je n'ai que ça sous la main, qu'est-ce que tu aimes manger normalement ?

— J'en sais trop rien, je me suis jamais posé la question. J'aime bien le poisson, dit-il en réfléchissant un peu.

— Parce que tu es un ptérodactyle je suppose, les zoans carnivores aiment la viande alors ça doit jouer.

King cessa de lorgner les pâtisseries et le fixa droit dans les yeux, l'air outré, comme si Katakuri avait insulté sa mère. Il eut d'abord peur de l'avoir réellement offensé mais après avoir passé autant de temps avec lui, il était capable de déchiffrer s'il était sérieux ou non. Et il ne l'étais pas, il n'y avait rien d'aussi grave dans ce que Katakuri avait dit. Alors il se demandait ce qui avait mérité un tel regard dédaigneux.

— Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ?

— Ptéranodon.

— Pardon ?

— Je suis un ptéranodon, pas un ptérodactyle, précisa-t-il pour ce qui semblait être la centième fois.

Katakuri le regarda sans comprendre, jusqu'à ce que King se tourne vers lui et lui expose l'offense, le plus sérieusement du monde.

— Un ptérodactyle c'est ça — il mima un espace entre ses deux doigts qui devait mesurer un mètre de long — un ptéranodon c'est ça — il mima un nouvel espace entre ses deux bras, qui ne semblait pas assez longs pour représenter la taille réelle d'un ptéranodon.

Un bref silence s'installa.

— Je suis plus proche du dragon que du poulet, précisa King devant la confusion de Katakuri. Et j'en ai marre de la confusion.

— Ah, je vois. Pardon d'avoir confondu deux créatures disparues qui chassaient les poissons, ironisa Katakuri.

— Bref. Peut-être que c'est pour ça que j'aime bien le poisson mais j'en sais trop rien. J'aime pas trop manger en général. Je m'en fiche un peu.

— Parce que tu dois te cacher aussi ?

D'une façon tout à fait égoïste, cette pensée fit plaisir à Katakuri. Il aurait adoré que King partage ce même problème.

— Non je n'en ai pas besoin, ma forme hybride me permet de manger en public, dit-il.

— Ça doit être pratique, le jalousa Katakuri, un peu déçu.

— Ouais, mais un bec ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour savourer les aliments. Je ne prends pas de plaisir à manger comme je sens à peine le goût, la plupart du temps.

Sans le savoir, il venait de donner une information capitale à Katakuri. Il cherchait peut-être à se détacher de sa famille et de ses valeurs hypocrites mais il restait un Charlotte. Et s'il y a bien une chose avec laquelle on ne plaisantait pas dans la famille Charlotte, c'était bien la cuisine. C'était à son tour d'être offensé. Il jugea King avec un regard mi-choqué, mi-compatissant, puis saisit une pâtisserie au hasard dans sa réserve. Il porta son choix sur un muffin simple, fourré au chocolat avec des pépites et un peu de crème chantilly sur le dessus.

— Mange ça, ordonna Katakuri.

King n'eut pas la possibilité de refuser. Il prit le muffin dans sa main et l'examina avec la même incompréhension que si Katakuri lui avait donné une grenade.

— Je t'ai dit, je suis pas très...

— Tu as dit que tu ne savais pas savourer. Alors tais-toi et goûte.

Après plusieurs secondes de résistance il céda et prit une bouchée. Katakuri attendit l'inévitable verdict, fier de lui. Il pouvait voir le visage de King se transformer peu à peu alors que le muffin faisait son effet. Il était passé de la condescendance à la surprise en un rien de temps. Maintenant il fixait son muffin comme s'il était ensorcelé.

— C'est super bon, déclara-t-il alors, à la fois péremptoire et surpris.

— Évidemment que c'est bon, tout est bon ici. Les desserts et les sucreries sont la spécialité de Totto Land, tu t'attendais à quoi ? Ma mère a une obsession pour ce genre de cuisine depuis son plus jeune âge et elle nous l'a transmis. Tout le pays fonctionne grâce sur le sucre, les desserts, les friandises et la boulangerie. Notre économie, notre urbanisme et même nos statuts sont basés dessus. On ne plaisante pas avec ça ! Ce serait un outrage que tu ne trouves pas ça bon. Ou alors ça voudrait dire que tes papilles gustatives sont gravement atteintes et qu'on ne peut plus rien faire pour toi.

— Oui bon, ça va, j'ai compris ! C'est toi qui l'a fait ce gâteau ou quoi ? Demanda-t-il, un peu amusé par son laïus.

— Non pas celui-là. Je sais en faire, on a tous appris à faire la cuisine dans la famille, mais mes cuisiniers sont plus doués que moi.

Il croqua une nouvelle fois dans son muffin avec enthousiasme. Son appétit n'avait visiblement rien à envier à celui de Katakuri, en quelques secondes il l'avait englouti et avait répandu miettes et pépites partout autour de lui et sur ses vêtements. Katakuri n'avait aucun mal à imaginer le zoan derrière ce beau visage. King prit soudain conscience d'être observé et se tourna vers lui, les joues encore gonflées par les bouchées qu'il n'avait pas encore avalées.

— Oui je sais, je suis un glouton, se justifia-t-il en essuyant distraitement sa bouche avec sa main.

Katakuri n'aurait jamais cru entendre quelqu'un prononcer cette phrase devant lui pour s'en excuser et il eut bien du mal à ne pas rire.

— Je ne risque pas de te juger, maintenant que tu as vu comment je mange, dit-il en rougissant.

— Comment ça ?

— Ne fais pas semblant, ma façon de manger est pire que la tienne. Pourquoi crois-tu que je me cache.

Il essaya machinalement de relever son écharpe sur sa bouche, encore une fois, avant de se rappeler qu'il ne la portait pas. La façon dont King le regardait le mettait mal à l'aise.

— Attends voir, je croyais que tu te cachais pour être peinard ?

— Oui. Mais aussi parce que je sais que c'est un spectacle déplaisant pour tout le monde.

— Ça ne m'a pas choqué, dit King en enlevant les miettes de sa chemise.

Cette fois, il ne savait pas s'il plaisantait ou non. Une telle déclaration semblait inconcevable pour lui. Que sa difformité ne l'incommode pas, d'accord, mais qu'il ne ressente rien en la voyant en action : c'était impossible. On lui avait trop souvent répété qu'il était dégoûtant pour croire King complètement indifférent à cette vision. Et il ne lui en voulait pas, c'était normal. Il préférait l'honnêteté à l'hypocrisie.

— Tu te fiches de moi ? Demanda-t-il sans animosité. Tu as déjà vu quelqu'un d'autre manger comme je le fais ? Ce n'est pas un tabou familial pour rien.

King écarquilla les yeux en entendant les mots "tabou familial".

— J'ai simplement pensé que tu avais du sang d'homme poisson. C'est pas le cas ?

— Je... Non ! Pourquoi ?

— C'est le genre de caractéristiques qu'on retrouve chez les hommes poissons. Deux de mes collègues en sont et ils ont des dents similaires aux tiennes.

— Je ne suis pas un homme poisson. Enfin, je ne crois pas, réalisa-t-il soudain.

King poussa un petit rire.

— Tu le sais pas ?

— Non, je ne connais pas mon père alors techniquement j'imagine que c'est possible, admit-il. Mais non, tu te trompes. Je n'ai pas de branchies ni de doigts palmés.

— Normal, ta mère est humaine.

— Mais mes frères n'ont pas ce genre de traits et nous sommes des triplés.

— Visiblement votre ressemblance s'arrête à votre date de naissance. Et peut-être qu'ils ont des particularités que tu ne connais pas.

S'il avait su qu'il en viendrait à se poser des questions sur ses gènes en se levant ce matin, il ne l'aurait pas cru. D'un côté ce que lui disait King était la vérité, mais d'un autre côté, s'il avait vraiment été un homme poisson, Mama se serait servit de cette particularité pour mettre en avant son utopie et son désir de voir toutes les races main dans la main. Elle ne l'aurait pas encouragé à cacher son ignominie ni ne l'aurait traité comme une gêne. Si ?

— On peut revenir au sujet initial ? Implora Katakuri qui ne se sentait pas la force de réfléchir plus longtemps aux contradictions de sa mère pour aujourd'hui.

— Ok. Tu me parlais de ta façon de manger.

— Oui, se rappela-t-il. Tu ne me feras pas croire que ça ne t'a pas perturbé de voir comme elle pouvait s'agrandir.

Peut-être qu'au fond de lui, il était également un peu vexé que King ne se montre pas plus curieux à son égard.

Finalement, King plongea ses yeux dans les siens — ses iris étaient rouge pâle, légèrement brillants, à la fois très doux et très perçants et il fallait une volonté surhumaine pour ne pas détourner le regard — et déclara :

— Parmi les matelots de mon équipage, il y a un mec qui a son corps au bout de la tête d'une girafe.

Il fallut quelques secondes à Katakuri pour oser reprendre la parole.

— Excuse moi, je crois que je n'ai pas bien compris.

— Si, si, t'as bien compris. Il y a aussi un gars donc le corps est à l'intérieur de la gueule d'un hippopotame. Et j'en ai encore des dizaines d'exemples comme ça.

Qu'était-il censé répondre à ça ?

— Je peux te dire que quand eux ils mangent, effectivement c'est bizarre, conclut-il. Toi, tu as une mâchoire qui sort de l'ordinaire mais rien qui justifie un tabou. Puis alors vu comment elle mange ta mère, elle est gonflée de t'avoir mis ça dans le crâne.

C'était comme s'il venait de lui arracher une écharde purulente qui le faisait souffrir depuis des années. Une nouvelle douleur s'envola alors. Au soulagement d'avoir tenu tête à sa famille, il vit disparaître un peu de son dégoût d'être comme il était. Son entretien avec Pudding l'avait déjà aidé à comprendre toute l'injustice dont il était victime mais c'était encore autre chose de l'entendre de la bouche de quelqu'un d'extérieur. Quelqu'un d'objectif, qui ne disait pas ça pour le consoler mais pour énoncer un fait. Plus la discussion se poursuivait, plus il avait du mal à contenir le plaisir qu'il ressentait à sa compagnie. Il ne savait même pas pourquoi il s'embêtait à se contenir, la bienséance le lui ordonnait il obéissait. Mais si ça ne tenait qu'à lui, il serait déjà en train de lui ronronner sa reconnaissance au visage.

— Tu as vu ma mère manger ? S'amusa-t-il.

— Ouais, elle a bien épuisé notre stock le jour où Kaido a décidé de s'allier à elle. Je ne sais pas comment elle a pu manger autant, heureusement qu'on avait des brioches à gaspiller.

— Ça lui ressemble.

— C'est déjà suffisamment un cirque chez nous, vous avez intérêt à la récupérer, dit-il en menaçant Katakuri de l'index.

— Après ce que tu viens de me dire, j'ai du mal à croire qu'elle puisse être plus bizarre que vos recrues.

King plissa les yeux.

— Ne m'entraîne pas sur ce terrain.

— Quoi ? Tu veux prétendre que Kaido est moins bizarre que ma mère ?

— Ça me paraît évident !

— Permet moi d'en douter.

— Je connais Kaido, et d'accord il est bizarre, mais moins que ta mère.

— J'admets que le souvenir que j'ai de lui est un peu biaisé.

King se redressa soudainement. Il avait l'air heureux de parler de son capitaine.

— Parce que tu l'as déjà rencontré ?

— Une seule fois. En vérité, je ne me rappelle pas bien de lui. C'est surtout ma mère qui m'a raconté. J'étais petit.

Les flammes du dos de King brûlaient d'impatience. Il avait très envie de connaître la suite et Katakuri était ravi de captiver son attention.

— Il paraît que je l'ai mordu, expliqua-t-il.

— Tu as quoi ?

Il avait l'air à la fois profondément révolté et amusé. Katakuri n'aurait jamais cru que cette histoire, que sa mère servait aux invités à toutes les Tea partys pour amuser la galerie, puisse un jour le mettre en valeur.

— Apparemment, ma mère m'a déposé dans ses bras, j'ai pleuré parce que j'ai eu peur et je l'ai mordu. Il aurait gardé une grosse cicatrice à ce qu'il paraît. D'après elle, j'ai eu de la chance qu'il ne me balance pas par-dessus bord et que ça ne tourne pas en baston générale sur le navire.

King était muet de stupeur. Son cerveau devait rassembler les morceaux du puzzle un à un.

— Je confirme que t'as eu de la chance, il a aucune patience avec les gosses. Mais attends, c'était sur le bateau des Rocks ça ?

— Oui. Je suis né dessus.

— Ça veut dire que tu as connu Kaido quand il avait quoi, quinze ans ? J'ai absolument besoin d'une description.

— Je ne vais pas pouvoir t'en donner beaucoup, j'étais un bébé.

— Fais un effort.

Ne pouvant résister à ses suppliques, Katakuri fit un effort pour se rappeler. Il n'avait qu'une vague image floue en tête mais il pouvait toujours essayer de la rendre plus nette. Ca valait la peine pour que King continue de le regarder avec ses yeux là.

— Il avait des cheveux très longs mais pas de barbe. Et il ne parlait jamais, je crois qu'il était timide. Ma mère le taquinait tout le temps avec ça, et comme elle était plus grande que lui déjà à l'époque, elle lui tapait toujours gentiment la tête quand elle le croisait. Elle l'adorait mais à mon avis il avait horreur de ça. Je pense que si elle avait pu elle l'aurait adopté.

King semblait à deux doigts d'éclater de rire. Il se prit la tête dans les mains, sans cesser de sourire.

— Nika, soupira-t-il, sans que Katakuri comprenne. Tu as d'autres anecdotes sous le coude ?

— Mes frères en ont peut-être. Je leur demanderai, promis t-il.

Katakuri attrapa machinalement un nouveau donut et voulut mordre dedans mais il ne se sentait pas encore assez sûr de lui pour utiliser sa bouche devant King. Il le reposa discrètement sur sa pile, ce serait pour une prochaine fois. La situation en elle-même était déjà exceptionnelle. Il se sentait bien. Il avait déjà remarqué les effets que King produisait sur lui — en dehors des effets habituels qu'il produirait sur n'importe qui — sa présence l'apaisait. Et, sans en être certain, il avait l'impression que c'était réciproque.

King n'avait pas l'air d'être quelqu'un de très enjoué ou de très souriant. Bien au contraire ; quand Katakuri l'observait du coin de l'œil, il le voyait toujours renfrogné et sur le qui vive. Ses expressions faciales trahissaient son sentiment d'être entouré d'ennemis mortels. Alors quand il le voyait se dérider en sa présence, témoigner de l'importance à ce qu'il pouvait lui raconter et franchement apprécier ses histoires, il se sentait léger. Depuis qu'ils se connaissaient, le respect qu'il lui portait grandissait un peu plus chaque jour. Il fit taire la voix de la raison qui lui chuchotait qu'il lui accordait trop vite sa confiance et qu'il allait certainement tomber de haut, un jour ou l'autre. Il devait rester prudent, se rappeler qu'il était celui qui devait rester vigilant.

Mais pas cette fois.

Cette semaine, il avait le droit de ne pas être raisonnable. Il n'avait rien à faire, il pouvait bien profiter de sa présence.


Dites moi que vous voyez venir les mecs qui vont être très copains.

Ca c'est une mise en bouche mais ça va être de plus en plus drôle (et triste des fois) là ils ont abordé la surface. Mais quand on va aller en profondeur ça va être très sympa.

Katakuri qui mange avec quelqu'un c'est déjà une grosse étape de franchie. King a aussi partagé, sans le vouloir, une part de son secret. Quand on va aller par là, ça va piquer.

J'écris toujours Oven comme un gros crétin ça, ça change pas. Mais ça m'amuse beaucoup trop.

La prochaine fois, ça va être très drôle. Je sais déjà ce qu'il va se passer. Il est temps que Katakuri se rende compte que non ; sa bouche n'est pas horrible, il n'est pas laid. King va lui filer un coup de main à sa manière. On va bien rigoler.

A la prochaine !