Bonjour, bonjour !
Au programme aujourd'hui, encore un chapitre très long. C'était pas prévu et je me suis infligée pas mal de souffrance parce que je me suis niquée le dos et que j'ai passé mon samedi dessus mais ça en fait plus à lire !
C'est au tour de King de livrer des infos sur lui cette fois. Parce que bon, Katakuri il confie des trucs très intimes depuis le début, il était temps qu'il s'y mette aussi...
La lumière l'éblouissait.
Il voulait fermer les yeux mais il en était incapable, c'était comme si quelque chose les retenait. Il ne pouvait pas non plus tourner la tête, ni remuer le moindre muscle. Il était allongé dans une position inconfortable et il ne pouvait rien y faire. Il était contrarié, s'il restait sur le dos, son aile allait encore en pâtir et il ne voulait pas saboter le travail que Katakuri avait fait sur lui.
Il y avait une odeur de désinfectant dans l'air et un bruit continu derrière lui, un bruit de machine. Très agaçant. Il se serait bien levé pour l'éteindre mais encore une fois, il ne pouvait pas bouger.
Une porte s'ouvrit à la volée et ses yeux grands ouverts virent s'approcher un groupe de personnes qui s'affairaient autour de lui en discutant. Il comprit ce qu'il se passait. Il savait où il était.
C'était impossible. Comment ? Quand ? Il voulait se débattre mais ses liens étaient tellement serrés… Et le granit marin n'aidait pas. Il fallait qu'il se sorte de là avant qu'il ne soit trop tard. Pourquoi ses muscles et ses flammes restaient immobiles ?! Il n'était plus un enfant, il aurait dû être capable de faire exploser le bâtiment sans se fatiguer mais il était paralysé. Qu'est-ce qu'on lui avait donné ?
Les bonhommes grouillaient autour de lui comme des insectes. Visages masqués, emballés de pied en cape dans des uniformes blanc luisant, ils parlaient vite et à voix basse. King ne comprenait pas un mot de ce qu'ils se racontaient mais il savait trop bien ce qui l'attendait…
Comme son cœur était le seul muscle encore capable de lutter, il tambourina comme un fou dans sa cage thoracique.
Il se réveilla.
Le paysage devant ses yeux changea du tout au tout. Il n'était pas sur le dos, il n'y avait pas de lumière aveuglante devant ses yeux ; seulement une table de nuit et une chambre aux tons rose pâle. Il savait où il se trouvait et il se réveillait d'un cauchemar particulièrement déplaisant.
Il soupira de soulagement. Son cœur continuait de cogner dans sa poitrine et il était couvert de sueur mais ça allait passer. Il le savait, ça passait toujours. Il y avait longtemps qu'il n'avait plus fait ce genre de rêve. La douleur de son aile blessée avaient réveillé de vieilles blessures et de vieux réflexes.
Il se leva. Il connaissait la chanson et cette routine ne lui avait pas manqué. Il se traîna jusqu'au lavabo et se passa la tête sous l'eau. Le contact glacé le tira une bonne fois pour toute de la panique dans laquelle son rêve l'avait plongé. Avec l'âge, il revenait de ses cauchemars avec beaucoup plus de facilité, il était simplement un peu agacé de savoir qu'il allait mettre des heures à se rendormir.
Il essora ses longs cheveux et s'en alla prendre l'air à la fenêtre. Il aurait aimé voir la lune et les étoiles mais le ciel de Flour Town était orageux. Une légère bruine sucrée flottait dans l'air et rafraîchissait son visage — il remarqua que l'odeur de cette pluie était semblable au parfum de Katakuri.
Son rythme cardiaque revint tranquillement à la normale. La crise était passée mais il n'était pas sûr d'être capable de se rendormir. Même s'il devait bien reconnaître qu'il se sentait bien plus détendu que d'habitude après un mauvais rêve. Malgré la douleur et les menottes qu'il portait toujours aux poignets il se sentait en sécurité. Il savait que personne ne risquait de s'introduire dans sa chambre à l'improviste — de toute façon il n'avait plus rien à cacher — et de l'emporter pour le remettre entre les mains du gouvernement. Ça n'avait rien de rationnel, il n'avait aucune garantie que les Charlotte n'allaient pas changer d'avis d'un jour à l'autre et profiter de leur nouveau trophée pour se faire de l'argent facile. S'ils décidaient de le vendre au gouvernement, ils pourraient reconstruire leur capitale en un clin d'œil.
Pourtant, il avait le sentiment qu'il ne craignait rien. La dernière qu'il avait ressenti ça, c'était juste après son évasion en compagnie d'un Kaido encore jeune et plein d'espoir. Mais à ce moment là, il n'était qu'un gosse et il avait toutes les raisons du monde de se fier corps et âme à celui qui l'avait tiré de l'enfer. Aujourd'hui, il était en position de faiblesse et sa liberté était très relative. Il n'aurait pas dû être aussi confiant. Ou reconnaissant.
Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour vérifier l'état de son aile. Elle lui faisait toujours mal mais elle était propre et correctement pansée. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que Katakuri l'avait soigné avec plus d'attention que n'importe qui aurait jamais pu en avoir pour lui. Et il aurait dû se trouver révolté d'avoir une image aussi positive de lui. Le King qu'il était il y a trois semaines l'aurait méprisé de le voir aussi inoffensif. Et de fait, il avait honte.
Honte d'être amoché à ce point, honte d'être prisonnier, honte de ressentir des émotions nouvelles et de les accueillir avec plaisir au lieu de se concentrer sur la seule chose qui aurait dû occuper son esprit à l'heure actuelle : le sort de son premier bienfaiteur. Et fatalement, il avait honte de ne pas lui consacrer toutes ses pensées. Pire que ça, il avait honte que quelqu'un d'autre prenne sa place. Il était en train de se laisser aller à la faiblesse.
Il avait beau se forcer à concentrer ses réflexions sur le sort de son capitaine, il s'égarait toujours en pensant à Katakuri. Ça ne lui ressemblait pas, il était farouchement loyal. Jusqu'ici, rien n'avait jamais volé la place de Kaido dans l'ordre de ses priorités et il n'arrivait pas à comprendre comment les choses pouvaient en être autrement. Il lui devait tout, cette vie qu'il lui avait rendu, il avait choisi de la lui offrir. Il ne pouvait pas revenir sur ce serment. Et pourtant, il l'envisageait.
Il poussa un long soupir. Il semblait que son destin était de passer sa vie à questionner à qui est-ce qu'il devait consacrer son temps et son allégeance. Car ce n'était pas la première fois qu'il se posait la question. Sa dévotion envers Kaido ne s'était pas construite en un jour : avant lui, il y avait eu le souvenir d'un clan, d'une famille et de toute une culture qu'il aurait dû défendre et protéger coûte que coûte. Mais c'était il y a si longtemps.
Il avait vécu auprès de Kaido pendant trente et un ans et malgré la culpabilité, il avait fini par dissimuler ses origines au fond de son cœur, pour empêcher quiconque de s'en approcher mais également pour y penser le moins possible. Pour fuir la douleur de souvenirs trop pénibles. Et de ça aussi, il en avait honte.
Il y avait des promesses bien plus anciennes qu'il n'avait pas réussi à tenir. Parfois il y pensait. Qu'aurait-il fait s'il n'était pas resté aux côtés de Kaido ? Évidemment, il n'avait jamais envisagé de le quitter, c'était hors de question, mais des fois il y pensait.
Est-ce qu'il aurait trouvé un moyen d'entretenir un lien avec les siens ou de faire vivre leur héritage ? Probablement pas.
Ce n'était pas sa faute mais ça ne l'empêchait pas de culpabiliser. De ne pas en être capable mais aussi de n'avoir jamais cherché à rendre hommage à son clan autrement que par des démonstrations de force. Il avait préféré enfouir tout ce qu'il savait, refouler au maximum pour empêcher qu'on ne découvre son identité et qu'on lui arrache des informations.
Il serra les poings jusqu'à s'entailler la peau avec les ongles. Il ne fallait pas qu'il s'égare. Chaque fois qu'il pensait à ça, il se plongeait dans des abîmes de douleur incommensurable. Ça n'en valait pas la peine. Mais c'était trop tard pour ce soir, son cauchemar l'avait forcé à explorer ce qu'il s'efforçait d'oublier depuis des années. Il n'avait plus qu'à essayer de se rendormir avec des images du passé.
/
Finalement, King était parvenu à se rendormir sans trop de difficultés mais il n'avait pas été capable échapper aux songes troublants qui suivaient souvent ses cauchemars. Il avait rêvé de silhouettes et de voix à la fois familières et inconnues, dont il comprenait la langue sans vraiment saisir leurs propos. Comme souvent, il s'était réveillé frustré, incertain de ce qu'il avait vu.
D'ordinaire, il ne rêvait pas. Quand il dormait — et il dormait peu — il avait le sommeil lourd et profond. Dès qu'il ouvrait les yeux, il avait l'esprit clair et apte au travail. A l'inverse, quand ses cauchemars revenaient à la surface, il passait la journée à maugréer et à serrer les dents. Il parvenait à chasser cette mauvaise humeur en étant trop occupé pour penser à autre chose mais sur Totto Land, malheureusement, il n'avait pas d'autre choix que de ressasser ce qui l'avait troublé.
Il ne pouvait même plus se permettre de prendre l'air pour s'exercer puisqu'il devait laisser son aile se reposer. Et il avait toujours du mal à l'admettre, mais il préférait refaire cent fois le même cauchemar que de ruiner les efforts de Katakuri.
Et à force de ruminer seul dans son coin et de penser à son peuple, il avait pris le temps d'étudier une question sur laquelle il ne c'était jamais attardé auparavant : comment Big Mom l'avait-elle démasqué ?
Il se souvenait encore de la première fois qu'il l'avait vue.
Kaido était un jeune capitaine à l'époque et son équipage, bien que puissant, était loin de ressembler à l'armée prodigieuse qu'il avait sous ses ordres aujourd'hui. King était le premier à l'avoir rejoint et le seul à connaître intimement ses doutes et ses ambitions. Kaido cherchait encore quel genre de pirate il était et cherchait à se détacher de l'influence des Rocks pour se faire sa propre réputation.
King avait entendu parler de Charlotte Linlin très tôt après son arrivée. Il n'avait jamais bien compris comment Kaido la considérait — il avait toujours prétendu qu'il la haïssait mais après les avoir vu boire comme des trous, tels deux vieux amis avant le festival du feu, King nourrissait maintenant quelques doutes sur cette haine.
Il avait toujours parlé d'elle en l'appelant "la vieille" ou "cette sorcière" et avait averti King à de nombreuses reprises, tout en s'esclaffant : "Le jour où on tombe sur elle, planque toi. Elle va tout faire pour t'attirer dans ses filets !"
King n'y avait pas prêté attention. Il avait cru que Kaido disait ça pour flatter sa force et comme la nouvelle "Big Mom" se créait une réputation elle aussi, il avait simplement pensé qu'il faisait allusion aux nombreux partenaires qu'elle collectionnait pour avoir des enfants puissants. Puis il l'avait rencontrée. Elle et Kaido ne s'étaient pas vus depuis longtemps et les retrouvailles avaient été tendues. Ils ne s'étaient pas affrontés pour éviter de perdre du temps et des ressources à se battre alors que tous les deux cherchaient à étendre leur pouvoir dans le nouveau monde. Ils s'étaient contenté d'une brève conversation et de quelques provocations de routine.
Au cours de cette rencontre, elle avait posé des yeux avides et pétillants sur King. Il n'avait pas bronché, puisque son masque le protégeait et qu'il y avait longtemps qu'il ne se souciait plus des éventuels regards lubriques qu'on lui adressait, même si sur le moment, il s'était senti petit. Elle avait demandé à Kaido qui il était et où il l'avait trouvé. Comme promis, il n'avait rien dévoilé sur son identité. Mais elle s'était finalement adressé à lui, avec un ton mielleux qui lui faisait encore froid dans le dos :
"Totto Land accueille toutes les races. Si un jour tu en as marre de ce grincheux, viens me voir. Je serai ravie de te compter parmi les miens, lunaria."
Sur le coup, il n'était pas passé loin de tomber dans les pommes. Depuis qu'il avait rejoint les rangs de Kaido, personne ne l'avait percé à jour. Et si des rumeurs naissaient, il ne perdait pas une seconde pour faire disparaître ceux qui en était à l'origine. Son peuple était redevenu un mythe, une histoire qu'on se raconte au coin du feu, une lubie stupide du gouvernement ou un piège pour punir ceux qui, par l'appât du gain, se lançait dans une quête aussi insensée que celle du One Piece. Mais en un coup d'œil, Big Mom avait deviné. Malgré son costume et malgré l'extinction des siens.
Il avait assailli Kaido de questions dès qu'ils s'étaient retrouvés seuls et celui-ci lui avait expliqué sans enthousiasme que la vieille voulait créer un pays qui rassemblerait toutes les races du monde sous le même drapeau et que King, par sa rareté, représentait un sacré joyau pour sa collection.
Sur le coup ça l'avait révolté — ça le révoltait toujours — mais ça n'avait pas répondu à sa question. Comment avait-elle su ?
Il n'avait pas réalisé qu'il serait facile à débusquer pour des pirates capables de voyager aux confins du monde, aptes à découvrir ses secrets les plus enfouis, tels que Kaido, Charlotte Linlin, Barbe Blanche ou Gold Roger.
Quelques années plus tard, Ohara brûlait, son savoir avec. Le peu d'informations fiables qu'il restait des lunarias était probablement parti en fumée avec cette île. Sur le moment, King avait éprouvé du soulagement mais aussi de détresse. Son identité s'effaçait peu à peu, il ne restait de lui que le pirate et c'était très bien ainsi. Mais à force de se tapir dans l'ombre de Kaido, loin de tout ce qui concernait son peuple, il perdait la mémoire. Ce qu'il avait d'abord cherché à préserver comme le plus précieux des trésors devenait flou, même pour lui.
Alors, il se posait la question. Big Mom possédait-elle de quoi raviver ses souvenirs ?
Au cours de ses voyages et de sa croisade pour rassembler toutes les races, avait-elle accumulé des informations que même lui pouvait ignorer sur les lunarias ? Elle était connue pour ça. La vieille était extrêmement douée pour trouver des trésors. Kaido dominait par la force, elle dominait par la connaissance.
Il s'était réveillé avec cette idée fixe : ici, il avait la possibilité de fouiner en personne parmi les trésors que Big Mom avait accumulé pendant toute sa carrière. Il avait entendu parler de sa gigantesque bibliothèque à plusieurs reprises depuis qu'il était coincé sur cette île. Il n'avait rien à perdre à la consulter. De toute façon, il n'avait rien d'autre à faire. Il essayait de justifier son désir d'y fureter par les bénéfices qu'une telle recherche pouvait apporter à Kaido quand il retournerait sur Onigashima mais au fond, ses motivations étaient purement égoïstes.
Il y avait trop longtemps qu'il refusait d'affronter le passé. Il ne risquait rien à s'y aventurer un peu, il ne pouvait pas être plus prisonnier qu'il ne l'était déjà.
Enfin, si. Ça aurait pu être infiniment pire, c'est pourquoi il devait en profiter. Il n'aurait peut-être plus jamais une occasion pareille.
/
Seul problème : il n'avait pas la moindre idée de l'emplacement de la bibliothèque.
Il était sorti flâner dans les couloirs du château sans réfléchir avant de réaliser qu'elle ne se trouvait probablement sur Whole Cake. Où il ne pouvait pas se rendre seul.
Et c'était un gros problème. Katakuri n'aurait sans doute pas d'objection à le conduire là-bas mais, pour une raison qu'il n'était pas encore tout à faire sûr de comprendre, il était hors de question qu'il lui demande de l'accompagner.
Il en avait déjà fait bien assez en le soignant, il n'avait pas envie de se rendre encore plus ridicule en lui demandant un service aussi stupide. Et puis, il appréhendait de se retrouver seul avec lui à présent. La tension qu'il avait ressenti la dernière fois l'avait… effrayé. Il n'y avait rien eu de désagréable entre eux — au contraire — et il ne s'était pas senti en danger une seule seconde mais c'est bien ce qui l'inquiétait.
Il était capable de tenir le menton à n'importe quel adversaire sauf lui apparemment. C'était d'autant plus déstabilisant que c'était la première fois que ça lui arrivait. En même temps, il n'avait jamais rencontré quelqu'un comme Katakuri, qui parvenait à être menaçant et exagérément poli à la fois. Il remerciait le soleil que Queen ne soit pas là, il n'aurait pas supporté qu'il soit témoin de tout ça. Il l'entendait déjà se foutre de lui :
"Alors beau gosse ? On a le palpitant qui chavire ?"
— N'importe quoi, grogna-t-il dans sa barbe, sans cesser de faire les cent pas dans un couloir inconnu.
Même quand il n'était pas là, il trouvait le moyen de le faire chier celui-là. En attendant, il ne pouvait pas aller sur Whole Cake sans l'aide de Katakuri. Et il ne voulait pas de son aide. Il était coincé.
— Tiens, bonjour ? Piailla une voix haut perchée dans son dos.
Il baissa les yeux pour trouver la personne qui lui faisait l'affront de dire bonjour et tomba, une fois n'est pas coutume, sur Pudding. Il ne se cacha absolument pas d'être agacé par sa présence.
— Encore toi ? Tu m'as collé un escargot mouchard dans le dos pour me suivre partout comme ça ?
— Non, ma chambre est là, dit-elle en désignant la porte derrière elle. Et je me demandais ce qui faisait tout ce boucan dans le couloir. Tu sais l'heure qu'il est au moins ?
Il ne savait pas et il s'en fichait mais il n'allait tout de même pas lui gâcher le plaisir de faire la maline en lui apprenant la vie comme à un gosse mal élevé.
— Il est six heure du matin. Il y a des gens qui dorment à cette heure-ci figure toi, ironisa-t-elle.
— Et il y en a qui bossent, ça fait de toi une privilégiée, te plains pas.
Elle plissa les yeux une seconde. Elle avait sous-estimé son adversaire. Après vingt huit ans à supporter Yamato, King avait l'habitude des échanges acerbes. Il se détourna d'elle pour quitter la zone avant qu'elle ne s'intéresse trop à ses errances matinales.
— Tu cherches quelque chose ? Demanda-t-elle avant qu'il ne puisse tourner au coin du couloir.
— Non, merci.
Raté, il n'aurait pas pu mieux la convaincre de lui filer le train. Elle se précipita à sa suite, sans éprouver la moindre gêne d'être vue en pyjama par le personnel qui commençait à s'activer dans le château.
— Je peux peut-être t'aider ?
— A ton âge, ne pas comprendre le mot "non" c'est un problème. Ça ne t'a pas suffit la dernière fois ?
— La dernière fois, si Katakuri n'était pas intervenu, tu serais drôlement amoché maintenant.
Il ne pouvait pas lui donner tort. Il se contenta de soupirer en accélérant le pas. Mais il devenait évident qu'il ne savait absolument pas où il allait et Pudding était une maline. Il n'allait pas la semer comme ça.
— Allez, dis moi ce que tu veux ! Comme ça je t'aide et on sera enfin quittes.
King se put s'empêcher de rire franchement. Elle savait où viser pour le convaincre cette petite teigne. Il savait parfaitement qu'il lui faudrait plus que ça pour le laisser tranquille mais il cessa de la fuir. Il fallait qu'il se fasse une raison : il n'allait pas se débarrasser d'elle avant un moment.
— Vraiment ? Si je t'expose mon problème tu me fous la paix ?
— Absolument ! Dit-elle en croisant les bras sur sa poitrine, déterminée.
— Je voudrais me rendre dans votre bibliothèque.
Le visage de Pudding perdit immédiatement de son assurance. King n'en était pas sûr, mais la bibliothèque semblait lui évoquer des souvenirs déplaisants.
— Oh.
— Sauf que je ne peux pas quitter cette île et j'imagine qu'elle n'est pas ici ?
— Non, elle est sur Whole Cake. Mais…
— Mais quoi ?
— Elle a subit de gros dégâts après… Après le passage de Chapeau de Paille. Il y a eu un incendie et le château de Mama s'est écroulé alors on a perdu beaucoup de choses. On ne peut plus y aller sans l'autorisation d'un ministre.
— Je m'en doutais, dit-il, plus pour lui même que pour Pudding.
Il réfléchissait à une solution mais rien ne lui venait. Il se concentra sur Pudding, en espérant qu'elle lui souffle une idée mais elle avait abandonné toute idée de l'accompagner. Son visage s'était fermé, il ne lui restait plus que l'expression suspicieuse qui se dégageait de son troisième œil.
— Pourquoi tu veux y aller ?
— Ça ne te regarde pas.
Il avait dit ça d'un ton parfaitement ferme, sans agressivité ni condescendance, pour décourager toutes les questions et de fait : elle n'insista pas. Sans doute parce qu'elle espérait que lui non plus ne la questionnerait pas sur son brusque changement de comportement plutôt que pour respecter sa volonté.
— Si tu demandes la permission à Katakuri, je pense qu'il t'y conduira avec plaisir, lui conseilla-t-elle en haussant les épaules d'un air indifférent.
King se renfrogna aussitôt.
— Pas question.
Son refus raviva aussitôt la curiosité de Pudding. Elle était sincèrement étonné de le voir repousser cette possibilité aussi sèchement.
— Mais… Pourquoi ?
— J'ai pas besoin de sa "permission", grommela-t-il, gêné d'avoir gaffé devant elle.
— Bah… Si. Si tu veux y aller, t'as pas le choix.
Elle l'observa de nouveau avec attention et il lui reconnut le même air que le jour où elle l'avait nargué après leur duel. Il n'aimait pas ça.
— Je ne comprends pas pourquoi tu refuses encore son aide…
— Parce que je ne suis pas un lapin de trois semaines, je peux me débrouiller tout seul !
Il n'aurait pas pu trouver plus puéril comme réponse et se trouva ridicule. Pudding n'était pas convaincue non plus. Elle fit la moue et soudain, elle s'en alla en courant vers sa chambre.
— Ne bouge pas je reviens !
Il comprit ce qu'elle avait derrière la tête et n'eut pas beaucoup de mal à la rattraper — l'avantage d'avoir des jambes aussi immenses que les siennes : il pouvait parcourir les distances beaucoup plus vite.
— Non ! N'y pense même pas !
Malheureusement pour lui, Pudding filait comme une souris. Elle entra dans sa chambre et se jeta sur son escargophone personnel. King aurait pu faire brûler toute la pièce pour l'empêcher de commettre son crime mais il préféra abandonner et la laissa faire son numéro. Il soupira et attendit sur le pas de la porte, prêt à affronter l'humiliation.
La tonalité d'attente ne dura qu'une seconde, Katakuri fut rapide à répondre. Sa voix profonde retentit dans toute la pièce.
— Qu'y a-t-il Pudding ? Demanda-t-il d'une voix inquiète.
— Rien de grave ne t'en fais pas mais tu as une minute là ? J'ai vu King errer dans les couloirs comme une âme en peine, je m'inquiète un peu.
Elle avait dit cela tout en fixant King droit dans les yeux, le sourire aux lèvres. Elle mimait la sollicitude à la perfection et il se fit la réflexion que cette gamine était un danger public. Avec un talent pareil, il n'était pas étonné que Big Mom l'ait gardée à son chevet pour avoir un œil sur elle en permanence. Il valait mieux l'avoir comme amie que comme ennemie — et il ne savait pas encore dans quelle catégorie il se plaçait.
— Il était censé se reposer dans sa chambre, qu'est-ce qu'il fait debout à cette heure-ci ? Râla Katakuri à l'autre bout du fil.
King était partagé entre l'embarras et l'amusement. Il se préoccupait vraiment de son état.
— Je sais pas, c'est pour ça que je t'appelle. Il a l'air tout perdu le pauvre…
Il serra les dents, jurant de faire payer à cette gamine insolente de se foutre de lui comme ça. Elle, pas intimidée le moins du monde, lui tira la langue, très amusée par ce jeu.
— J'arrive, où est-ce qu'il est ?
— Devant ma chambre.
Katakuri marmonna un "mh" surpris puis il raccrocha. Pudding reposa le combiné sur la coquille de l'escargot et s'allongea sur son lit, sans lâcher King des yeux, en balançant nonchalamment ses jambes d'avant en arrière, comme une petite fille espiègle.
— Bon, comme ça c'est réglé ! S'exclama-t-elle joyeusement. Maintenant ne va pas le décevoir et sois là quand il arrive. Moi je vais me recoucher.
Elle ponctua sa phrase en se faufilant sous les draps, comme si de rien était, devant un King abasourdi par son audace.
— T'es bien la fille de ta mère toi, sorcière.
— Merci du compliment ! Amusez-vous bien et soyez sages. Et profitez, vous au moins vous pouvez vous voir, marmonna-t-elle en lui tournant le dos.
King leva les yeux au ciel et referma la porte. Maintenant qu'il n'avait plus le choix, il devait trouver un moyen de ne pas avoir l'air trop stupide devant Katakuri. Pudding lui avait laissé la possibilité de baratiner en ne donnant pas à son frère la raison de son "errance" mais il était bien parti pour passer pour un idiot. Et il n'était pas doué pour jouer la comédie, s'il devait faire semblant d'être surpris de le voir par dessus le marché…
Il n'eut même pas le temps de réfléchir à un plan, Katakuri débarquait déjà par un miroir. Il avait été jusqu'à déranger sa sœur débordée pour venir jusqu'ici. King fit de son mieux pour avoir l'air détaché. Il jeta un coup d'œil à Katakuri, espérant avoir l'air légèrement étonné de le voir, mais une brève observation suffit pour voir que celui-ci avait sa tête de grand frère fâché. Il regardait King avec la même sévérité que lorsqu'il tenait tête à sa famille. Pendant une seconde, il eut la sensation d'être un gosse qui a fait une grosse bêtise et tout ce qu'il lui vint à l'esprit fut "oh merde". Puis il se rappela qu'il était un adulte et qu'il n'avait rien à se reprocher.
Katakuri se planta devant lui — il avait l'air fatigué lui aussi, apparemment il n'avait pas beaucoup dormi — et son air mécontent s'envola peu à peu alors qu'il regardait King dans les yeux.
— Tu devrais retourner te coucher, grommela-t-il, qu'est-ce que tu fais ici ?
— Et toi ? Tu as sûrement mieux à faire que de t'occuper de moi.
Ils venaient de se clouer le bec mutuellement et ni l'un ni l'autre ne savait comment avoir l'air normal. Katakuri sembla réaliser que tout laisser tomber pour courir au chevet de son prisonnier était étrange et il tenta de se rattraper maladroitement.
— Pudding m'a appelé pour me dire que… Bref, j'ai cru que tu allais plus mal que ça.
Puisqu'il trouvait le moyen d'être plus bizarre que lui, King lui épargna davantage de gêne. Il lui adressa un sourire compatissant et avoua.
— Je sais, elle t'a appelé devant moi, pour m'emmerder.
— Quoi ?
— J'ai dit que je n'avais pas besoin de ton aide, elle ne m'a pas cru.
Katakuri fronça les sourcils, il ne savait pas quoi penser de cette information.
— Désolé du dérangement, t'avais sûrement mieux à faire, ajouta King, cette fois sincèrement désolé.
Katakuri ne répondit pas. Il avait presque l'air déçu d'avoir la permission de s'en aller.
— Mais… Pourquoi tu aurais eu besoin de mon aide ?
— Pour rien.
Le silence qui suivit n'avait rien de convaincant.
— Tu es un très mauvais menteur, se moqua Katakuri.
King se vexa un peu.
— Je ne vais pas venir te chercher dès que j'ai une question à poser !
— Ça ne t'avait jamais arrêté jusqu'à présent…
King souffla de dépit. Foutu pour foutu, autant avouer ce qu'il cherchait. Il préférait ça plutôt que de pousser Katakuri à se poser plus de questions sur son comportement. Tout était préférable à ça.
— Je voudrais voir votre bibliothèque, déclara-t-il.
Katakuri opina du chef. Il suffisait de le demander.
/
King était bizarre. Du moins, plus bizarre que d'habitude.
Il avait le regard fuyant et osait à peine se tenir à côté de lui. Et ce n'était pas son imagination. Katakuri le sentait à fleur de peau. Il ne lui posa aucune question, il préférait lui laisser un peu d'espace le temps qu'il retrouve son comportement habituel. Après tout, leur dernière entrevue avait été riche en émotions et Katakuri avait presque peur qu'il ne sente l'odeur du vice sur lui s'il l'approchait de trop près.
Déjà qu'il s'était précipité comme un idiot pour le voir…
Brûlée n'avait pas appréciée d'être dérangée pour quelque chose d'aussi ridicule mais il ne lui avait pas laissé le temps de râler. Il s'était senti stupidement inquiet pour sa santé — ce n'était pas comme s'il risquait de mourir dans la seconde non plus — et impatient de le voir. Comme un gosse. Il fallait qu'il garde la tête froide. Là encore, il avait du mal à ne pas avoir l'air trop heureux de l'emmener faire un tour sur Whole Cake.
Il ne comprenait pas bien pourquoi il n'avait pas osé lui demander ce service, peut-être qu'il se sentait déjà redevable à cause de son aile. Mais il était plus que ravi de le conduire à la bibliothèque. Comme celle-ci faisait aussi office de prison, c'était un des premiers endroits qui avaient été reconstruits après la dernière Tea Party. Il aurait la chance de la voir à peu près en état. La bibliothèque était un des endroits préférés de Katakuri, il ne savait pas ce que King cherchait mais l'idée de flâner avec lui dans les allées lui plaisait énormément.
Il lui jeta un coup d'œil par dessus son épaule pour l'observer, en espérant qu'il partage au moins un peu son enthousiasme, mais son visage était fermé. Il avait l'air fatigué et soucieux.
— Comment va ton aile ? Demanda Katakuri pour briser la glace.
Il lui répondit avec un sourire amical.
— Mieux. J'ai toujours mal mais je sens que ça cicatrise.
Il était toujours distant et étrangement silencieux mais son sourire était sincère. Il lui était toujours reconnaissant. Katakuri éprouva alors une pointe de culpabilité. Il pensait à ce qu'il n'avait pas eu le courage de lui dire après avoir recousu son aile. Il avait failli lui parler de leur future Tea Party mais s'était ravisé au dernier moment, prétextant que King avait trop besoin de se reposer avant d'envisager quoi que ce soit. Il ne faisait que repousser le moment où il devrait le lui demander et il n'avait aucune envie de le faire. Encore moins maintenant qu'il le trouvait aussi triste et fatigué. Peut-être ce petit tour de la bibliothèque lui ferait du bien et il trouverait le courage d'aborder le sujet.
Katakuri ouvrit la porte et fit signe à King de lui passer devant.
— Après-toi, dit-il joyeusement.
King haussa un sourcil surpris et entra.
— Elle est extraordinaire à ce point votre bibliothèque ?
— Oui, affirma Katakuri qui n'avait pourtant jamais eu l'occasion de faire la comparaison.
Il entra à sa suite et se sentit de bonne humeur rien qu'en sentant le parfum qui flottait dans l'air. Il y avait longtemps qu'il n'était pas venu. Il scruta la visage de King pour guetter ses réactions. Il n'avait pas l'air impressionné mais une lueur d'intérêt apparut dans ses yeux.
— Tu cherches quelque chose en particulier ?
— A vrai dire, je ne sais pas trop ce que je cherche…
Katakuri n'y tenait plus, il était trop curieux.
— Je t'écoute ?
— Tu veux m'aider à ce point là ? S'amusa King. Tu es bibliothécaire à tes heures perdues aussi ?
Il s'empourpra. Effectivement il avait mieux à faire mais si King le lui demandait, il resterait.
— Non, je ne suis pas bibliothécaire mais je connais mieux cet endroit que toi alors puisque je suis là, autant que je serve à quelque chose. Qu'est-ce que tu veux ?
— C'est que… C'est assez personnel.
Cette déclaration fit l'effet d'une gifle à Katakuri. Il aurait aimé ne pas être aussi blessé mais c'était le cas. Il aurait souhaité que King lui fasse un peu confiance. Bien sûr il ne pouvait pas l'obliger et il était avisé de rester aussi secret, mais il se sentit mal.
Sa déception devait se lire sur son visage puisque King le fixa avec intensité avant de changer brusquement d'avis et de lui confier ce qu'il avait derrière la tête.
— J'espérais trouver, je ne sais pas, n'importe quoi qui puisse concerner… mon peuple.
Il avait avoué ça dans un souffle, la voix basse, comme si ça lui coûtait ses dernières forces de l'admettre. Katakuri, soulagé, se montra compréhensif. Il y avait de quoi se montrer secret. Lui-même ne savait strictement rien des lunarias hormis les grandes lignes qui permettaient d'en identifier un d'un seul coup d'œil. Son savoir se limitait à cela et au fait qu'ils s'étaient éteints. Au point de n'être que des légendes dont parlent les livres.
— Ça te dit quelque chose ? Ajouta-t-il en jetant un regard d'espoir à Katakuri.
Il fit non de la tête, il était désolé de n'être d'aucune utilité.
— Le peu que je sais, je l'ai appris en t'observant. Et je pense que tu en sais plus que n'importe quel livre qu'on pourrait trouver ici.
— Si seulement, soupira-t-il, tristement.
Il fit quelques pas en avant, cherchant du regard un rayon à choisir. Katakuri ne savait plus quoi dire, King n'avait pas menti, c'était une quête très personnelle et il se demandait s'il avait vraiment le droit de s'immiscer à ce point dans son intimité.
— Passe devant si tu veux donner un coup de main, lui lança King. C'est la première fois que je fous les pieds dans une vraie bibliothèque moi.
Il avait son autorisation, il avait le droit de rester ! Katakuri retrouva immédiatement son entrain et l'invita à le suivre dans l'allée principale. Il tâcha néanmoins d'observer une certaine discrétion vis à vis de son compagnon. Il ne savait pas comment il réagirait à sa présence si d'aventure il trouvait les réponses qu'il cherchait.
— Je vois, dit-il pour plaisanter. C'est vrai que ça ne doit pas bouquiner beaucoup dans votre équipage.
King goûta volontiers à la plaisanterie, soulagé de voir l'atmosphère se détendre un peu.
— Non, c'est vrai. Nous sommes tous des brutes épaisses. Moi, je ne sais même pas lire d'ailleurs, je sais pas ce que je fais là, plaisanta-t-il.
— Tu regarderas les images.
Katakuri le conduisit là où Mama rangeait ses livres géants, plein de trésors et de créatures étranges. Il s'abstint de préciser que King aurait pu se retrouver épingler dans l'un d'eux comme un joli papillon si Mont D'Or avait été présent.
Il n'était pas sûr de trouver quoi que ce soit dans ce secteur mais si Mama avait récupéré des informations sur les lunarias, ils les trouveraient par ici.
King observait attentivement les ouvrages généraux qui se trouvaient devant lui, visiblement content de voir qu'ils étaient adaptés à leur taille. Il en attrapait un ou deux de temps à autre, les feuilletait à toute vitesse et les remettait en place quand il n'y trouvait rien d'intéressant.
— Tu trouves quelque chose ? Demanda timidement Katakuri, en feuilletant lui aussi des livres, un peu au hasard.
— Non, soupira King. Mais je ne sais pas par où commencer. Je ne sais pratiquement rien sur mon propre peuple.
Katakuri réalisa que c'était la première fois qu'il lui parlait de quelque chose d'aussi personnel depuis qu'ils se connaissaient. Katakuri lui avait parlé de plusieurs de ses secrets mais finalement, il en savait très peu sur King. Et il avait du mal à ne pas l'assaillir de questions. Il se montra aussi réservé que possible pour ne pas le brusquer même s'il mourrait d'envie d'en savoir plus.
— Tu en sais sûrement plus que la moyenne, non ?
— Peut-être, mais pas beaucoup plus.
Il réfléchit une minute, piochant un autre livre au hasard.
— Je saurais dire ce qui est faux par exemple.
— Comment ça ?
—Je sais ce qui relève de la légende pure et dure et ce qui sont des faits avérés à notre sujet. Mais en dehors de ça, j'en sais trop peu.
— Pourtant tu parles une autre langue, souligna Katakuri qui n'avait pas oublié les mots qu'il lui avait lancé au visage lors de leur duel.
King releva les yeux de son livre et croisa son regard. Un sourire malicieux apparut sur ses lèvres et Katakuri se sentit fondre de nouveau, il était décidément bien sans défense face à son charme.
— Je ne la parle pas vraiment, dit-il, légèrement embarrassé. J'ai quelques notions, je connais certaines expressions, des mots me sont restés et je saurais te demander l'heure mais ce ne sont que des souvenirs. C'est ma langue maternelle mais je ne l'ai pas pratiquée depuis…
Il laissa flotter sa phrase dans l'air. Le nombre des années était trop grand pour qu'il veuille bien l'énoncer. Katakuri reconnut le voile de tristesse qui tombait sur ses yeux. Aborder le sujet lui était douloureux.
— Je ne me rappelle même plus des visages maintenant, dit-il soudain. Je n'ai pas tout oublié mais si on me demandait à quoi ressemblaient mes parents aujourd'hui, je serai incapable de donner une description.
Il avait l'air d'en prendre conscience à l'instant. Il essaya de ne pas avoir l'air trop abattu et repris ses recherches.
— Est-ce que tu es…
Katakuri n'était pas sûr que ce soit une bonne idée de poser la question. Il prit la peine de vérifier l'avenir puis se sentit profondément abattu par l'horreur de sa réponse. Il la posa néanmoins, tout en ayant du mal à croire ce qu'il allait lui dire.
— Est-ce que tu es le dernier lunaria ?
Les yeux de King flottèrent dans le vide un instant. C'était sans doute la première fois qu'on le lui demandait. Il n'était pas blessé, ni fâché. Il avait presque l'air reconnaissant que Katakuri s'y intéresse. Il prit son temps pour réfléchir. Ce n'était pas une expérience plaisante pour lui mais il donnait l'air d'avoir besoin de le dire à voix haute.
— Il y a des chances, admit-il. S'il y en avait d'autres, je serai au courant depuis le temps.
Il fit une pause puis ajouta, dans un souffle :
— Et s'il en reste, je pense que la mort est préférable à ce qu'ils sont en train de vivre en ce moment.
Il ne précisa par ce qu'il voulait dire par là et Katakuri ne lui en demanda pas davantage. C'était trop douloureux, il n'avait pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.
Il n'avait pas réalisé à quel point King devait se sentir seul. Lui qui avait grandi dans une famille assez grande pour remplir une ville entière, il était incapable d'imaginer une telle solitude. Aussi dysfonctionnelle que soit sa famille, ils avaient toujours pu compter les uns sur les autres pour faire front face à une menace commune. Malgré les disputes et les mesquineries fraternelles, tous se comprenaient et se retrouvaient sous un même nom et une même fierté devant tout ce qu'ils avaient accompli. Et quand on ne rentrait pas dans le moule, on avait toujours au moins un frère ou une sœur sur qui se reposer. Les expériences des aînés profitaient aux plus jeunes et s'il y avait bien une chose que Katakuri appréciait dans sa famille, c'était cette notion de transmission de savoir et de principes qui devaient leur permettre d'appréhender le monde.
King n'avait jamais rien eu de tout ça. Ou alors, le peu qu'il avait eu, il n'avait pas eu d'autre choix que de l'oublier. Cette langue avec laquelle il l'avait troublé pour gagner un duel amical allait mourir avec lui. Il avait certainement créé des liens avec ses membres d'équipage mais il serait pour toujours privé de partager la culture qui avait d'abord été la sienne avant de rejoindre Kaido.
Il se demandait ce qui lui était arrivé avant cela, comment avait-il perdu les siens ? Il ne l'interrogea pas à ce sujet. Il savait qu'il n'obtiendrait aucune réponse. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était l'aider à rendre ce vide plus supportable.
/
Ils avaient passé de longues minutes à inspecter les étagères de livres, en quête de la moindre mention des lunarias mais même Big Mom ne possédait pas d'informations sur le sujet.
Katakuri avait poliment évité de lui faire subir un interrogatoire. Il l'avait simplement gratifié d'un regard compatissant, difficile à supporter venant du lieutenant d'un équipage ennemi, mais King ne lui en voulait pas du tout. Au contraire, il avait du mal à croire qu'il lui avait confié autant de choses en si peu de temps. Il n'en avait jamais parlé aussi ouvertement avant aujourd'hui. Il n'était pas sûr d'avoir bien fait mais il devait bien ça à Katakuri, après tout, il lui avait raconté des histoires incroyablement intimes le premier.
A présent, il ne cherchait même plus à dénicher des secrets dans cette grande bibliothèque vide. Comme Pudding le lui avait conseillé, il profitait. Il admirait les reliures anciennes et les titres rares qui passaient sous ses yeux juste pour le plaisir, décochant parfois un petit regard à Katakuri qui lui continuait de chercher avec le plus grand sérieux.
Devant chaque livre, il approchait et reculait la tête avec une expression de hibou agacé afin d'en déchiffrer les écritures. King se dit qu'il avait besoin de lunettes mais se garda bien de le lui dire, il préférait garder cette remarque de côté pour leur prochaine joute verbale.
— Ils sont plus vieux que nous ces livres, où est-ce que ta mère les a déniché ?
Katakuri releva le nez, surpris d'entendre de nouveau le son de sa voix après de longues minutes de silence.
— Au cours de nos voyages, sur des navires abordés, parfois ce sont des cadeaux faits par des admirateurs ou des familles riches qui voulaient s'attirer ses faveurs…
— Est-ce qu'elle les a tous lus au moins ?
— Personne ne peut lire autant, se moqua Katakuri. Il y en a des milliers.
— Est-ce que chaque enfant Charlotte à le droit à son petit coin lecture ?
Il se demandait ce que Katakuri pouvait bien lire. Comme il n'avait l'air de ne pas voir grand chose, ça ne devait pas lui arriver souvent de lire autre chose que des rapports écrits spécialement à son attention, avec le plus grand soin.
— Non, la plupart des livres pour enfants sont dans la nurserie, répondit-il le plus sérieusement du monde.
— Ma question c'était : ils sont où tes bouquins ?
Katakuri releva le nez de son livre. Ses joues se teintèrent de rose, comme à chaque fois qu'il se sentait bête devant lui.
— Ah, et bien demande le simplement, se vexa-t-il en reposant le livre qu'il avait entre les mains. Pourquoi tu veux savoir ça ? Je croyais que tu cherchais des livres sur ton peuple ?
— Il faut se rendre à l'évidence, je ne trouverai rien. Alors comme je m'en voudrais de t'avoir fait venir pour rien, autant jeter un coup d'œil à ton étagère.
— Je n'ai pas d'étagère, dit-il précipitamment.
King n'en croyait pas un mot. Il était peut-être un très mauvais menteur mais Katakuri était transparent.
— Menteur.
— C'est la vérité ! Je n'ai jamais eu beaucoup de livres à moi. Et je ne comprends pas pourquoi tout à coup je parle de ça, s'excita t-il.
King était amusé. Il lui avait parlé sans difficulté de ses cicatrices et de ce qu'elles signifiaient mais il était plus frileux à l'idée de parler de ses livres favoris.
— Parce que ta réaction m'intrigue, avoua-t-il. Maintenant je dois absolument savoir où se cache ton livre.
— Tu peux toujours chercher tu ne trouveras jamais, dit-il en levant les yeux au ciel.
— Tu veux parier ? Rappelle toi comment ça s'est terminé la dernière fois.
— Je sais que tu as du temps à perdre mais quand même, ça risque d'être long, ricana Katakuri.
— Oh je ne crois pas, je suis sûr qu'il est dans le coin ton bouquin préféré.
Le léger sourire de Katakuri s'envola pour laisser place à une expression d'angoisse gênée. King jubilait.
— Je te parie que je le trouve en moins d'une minute.
— Je ne parie pas mais je demande à voir.
— Ok, c'est parti.
Sans lâcher Katakuri des yeux il se dirigea lentement vers l'étagère à droite de celle qu'il était en train d'inspecter quelques secondes plus tôt et fit glisser son doigt sur le dos de chacun des livres qui s'y trouvait. Il surveillait le moindre battement de cil, le moindre changement d'expression sur le visage de Katakuri pour se guider. Comme toujours, quand il fallait rester concentré, il savait y faire. Il avait les joues roses mais il luttait vaillamment en rendant à King son regard pénétrant.
Il passa sur une première rangée sans que Katakuri ne bronche, puis sur une seconde, une troisième, avant de revenir sur la première. Son sourire s'élargit quand il remarqua qu'il avait cligné une fois de plus qu'à l'accoutumé. Il se rapprochait du but. Il fit un arrêt sur chaque livre, dévisageait Katakuri, l'interrogeait du regard et obtenait toutes les réponses qu'il espérait sans que celui-ci en soi conscient. Il enchaîna en posant son index sur un très vieux bouquin avec une reliure énorme, complètement écornée et jaunie par les années.
Il tira légèrement sur la tranche, prêt à le sortir de l'étagère, toujours en fixant Katakuri. Il était étonnamment inexpressif. King avait le pressentiment qu'il concentrait ses forces afin de cacher ses émotions. Il haussa un sourcil interrogatif et tira un peu plus sur le livre, dont la couverture était pratiquement visible à présent. Katakuri ne bougea pas d'un poil puis, passé quelques secondes, il soupira et abandonna la bataille en croisant les bras sur sa poitrine. Comme King l'avait envisagé ; il avait consulté l'avenir et deviné la victoire de King. Il ricana, triomphant, et s'empara du livre.
— Et hop, se réjouit-il en jetant un coup d'œil à la couverture. Du premier coup.
— Mouais, tu as eu de la chance.
— Il suffit de compter sur ta capacité à deviner la suite des évènements et le tour est joué.
Ravi de sa petite victoire, King consulta le bouquin — qui était très lourd, même pour lui — et afficha une expression de surprise. C'était un vieux livre pour enfant, avec une illustration sublime sur la couverture, représentant divers personnages de contes célèbres. King reconnut vaguement Norland le menteur avant de l'ouvrir. Un nuage de poussière lui vola dans la figure, il toussa une seconde alors que Katakuri s'approchait.
— Tu as l'air surpris, s'amusa-t-il à son tour.
— J'avoue que, kof, kof ! Je ne m'attendais pas à ça. Je croyais que les livres pour enfants étaient à la nurserie ?
— Pas tous. Et tu t'attendais à quoi ? Demanda Katakuri en lui prenant le livre des mains avec douceur, comme s'il avait peur que le livre tombe en poussière.
King fit la moue tout en réfléchissant.
— Je sais pas trop. Je me suis que ça allait être, au choix : un livre sur une passion peu commune et hyper pointue du genre "les différentes espèces d'escargophone et leurs usages à travers les âges" ou bien "la poliorcétique selon les Tontattas"…
Katakuri se mit à rire alors que King continuait ses descriptions.
— Ou bien : des romans à la con qu'on lit quand on a trop bossé et qu'on veut s'éteindre le cerveau. Avec des histoires d'aristo qui s'ennuient et qui vont s'encanailler dans des pays lointains.
— T'as l'air de t'y connaître dis donc, ironisa Katakuri.
— Bah non, rappelle toi : je sais pas lire.
Katakuri pouffa de rire en levant les yeux au ciel, tout de même amusé.
— Mais un livre pour enfant, j'avoue je n'aurais pas cru. Surtout un vieux truc comme ça.
— C'est le livre que Mama nous lisait quand on était petits.
Un rapide calcul permit à King de comprendre à quel point ce livre était ancien. Et si c'était celui que Big Mom lisait pour bercer ses enfants, ça expliquait aussi sa taille. Même entre leurs mains, il avait l'air gigantesque.
— Je ne l'ai pas lu depuis des années, de toute façon je n'ai pas le temps, mais j'y suis attaché. Il y a plusieurs histoires que j'aime beaucoup là-dedans.
Finalement, ça faisait sens. Que Katakuri soit attaché à des contes à la morale rigide mais positive que sa mère essayait hypocritement de reproduire dans son propre pays. C'était probablement plus son idéal à lui qu'à sa mère finalement. Il se garda de lui faire la remarque, ça faisait beaucoup de confidence en peu de temps et pour le moment, il préférait faire de l'humour.
Katakuri se perdit un instant dans la contemplation des vieilles illustrations du livre, passant sa main à plat sur les pages gondolées, vestiges de ses années de jeunesse et d'espoirs perdus. Il releva lentement le menton, le regard dans le vide, avant de poser un nouveau regard perplexe sur King.
— J'ai vraiment une passion pour les escargophones, avoua-t-il.
King se mit à rire, fier de lui.
— Je peux savoir comment tu as deviné ?
— Honnêtement, j'ai dit ça au pif.
Katakuri rangea son livre, en essayant de lui tirer les vers du nez. Ils étaient parti pour jouer au jeu de "et toi quelle est ta passion improbable" quand une voix tonitruante — et très facilement reconnaissable — tonna dans toute la bibliothèque.
— Kata, t'es là ?
Le sourire de Katakuri disparut instantanément et il ferma les yeux, déjà las de la conversation à venir.
— Mais c'est pas vrai, murmura-t-il. Comment il fait pour toujours me trouver quand je veux être peinard ?!
— Me demande pas à moi, ça fait des années que je me pose la même question, répondit King sur le même ton.
Katakuri prit une grande inspiration et appela son frère, pressé d'en finir.
— Ici Oven !
Les chaussures du jumeau grincèrent sur le carrelage de la bibliothèque et le bruit s'amplifiait alors qu'il s'approchait d'eux. C'était probablement un des sons les plus angoissants que King eut jamais entendu. Quand la tête de Oven apparut à l'angle de la rangée où il était installés, il leur adressa un sourire de ravi de la crèche en se précipitant à leur rencontre.
— Ah ! Il est là aussi lui ! Parfait !
Il les rejoint et tendit une poigne amicale à King. Il fut d'abord surpris mais accepta nonchalamment de lui serrer la main. Oven lui broya les doigts en récompense, devant un Katakuri ennuyé qui ne faisait aucun effort pour cacher qu'il aurait préféré que son frère déguerpisse.
— Qu'est-ce qui se passe encore ?
— Rien d'urgent t'inquiète, je voulais juste voir avec toi pour les préparatifs.
— On a le temps, c'est obligé de faire ça là maintenant ? On aurait pu voir tout ça demain, tranquilles, dans mon bureau.
— Eh, c'est toi qui voulait de la rigueur je te rappelle.
King profitait de leur conversation pour les observer et il était toujours frappé de voir à quel point les deux frères étaient différents. Physiquement il était facile de repérer les similitudes; ils avaient les mêmes yeux perçants, le même front large et des voix semblables mais en dehors de ça, il était à des années lumières l'un de l'autre. Katakuri était large et massif mais discret, avec une silhouette élancé de félin, alors que son frère avait tout du buffle ou du rhinocéros, avec des poings plus larges que sa tête et une absence totale de prudence. Avec tout ça, il se demandait à quoi pouvait bien ressembler le troisième frère.
— T'as pas à t'en faire pour quoi que ce soit, annonça Oven. C'est moi qui prend en charge toute la gestion des évènements. Ca va être incroyable, fais moi confiance !
— Oula, non attends ! Oven, commença Katakuri avec sa voix d'homme raisonnable. C'est une Tea Party, pas une de tes soirées privées, il ne faut surtout pas que tu gères ça de la même façon…
— Tu me prends vraiment pour un abruti. Je sais bien qu'il va falloir de la tenue et tout, mais je te le dis : je me charge des invitations, des stocks de bouffe, de la déco, de la sono, des animations… Ca va le faire ! Au pire, tu valideras derrière si tu veux mais franchement, pour organiser un truc pareil après le fiasco de la dernière fois, il vaut mieux que ce soit moi qui le fasse non ?
— Mh, c'est vrai, lui concéda Katakuri. Je sais que t'es doué pour ça, mais je t'en supplie, ne fais pas comme la dernière fois quand on avait invité…
Il se rappela soudain de la présence de King et, alors qu'il avait très envie de connaître la suite de cette histoire, il estima qu'il valait mieux s'abstenir de rappeler cette anecdote en sa présence.
— Donc t'es ok, j'ai carte blanche ? Demanda Oven.
— Mmmh, oui. Mais sois raisonnable, vois ça avec Compote aussi.
— Oh non, si je la laisse faire elle va tout me pourrir et après on va se faire chier.
— Peut-être mais les Tea Partys sont des cérémonies à la base, c'est pour raviver la gloire de notre famille donc un peu de sérieux c'est bien aussi.
Oven et lui s'entendirent sur ce compromis. King pensait que Oven aurait pu se contenter d'un coup de fil pour parler de tout ça mais le coup d'œil qu'il lui jeta en dernier lui appris qu'il avait fait tout ce trajet dans le seul but de l'avoir en face de lui.
— Et donc, toi t'es d'accord ou pas ?
King le regarda sans comprendre et avant qu'il ne puisse répondre Katakuri se racla la gorge de la façon la moins naturelle du monde, attirant toute l'attention sur lui.
— Hum ! Je-ne-lui-ai-pas-encore-demandé, bafouilla-t-il précipitamment.
— Hein ?!
— Je ne lui ai pas encore demandé, déclara-t-il d'un air coupable.
Oven toisa son frère, exaspéré.
— Kata, sérieusement…
— Bah tu sais quoi : fais le. Moi je ne peux pas, se vexa Katakuri en s'éloignant de quelques mètres, comme s'il avait peur que King ne s'enflamme.
Maintenant, King était légèrement inquiet. C'était donc ça, le truc qu'il avait voulu lui demander après avoir soigné son aile. Il ne savait pas à quoi il devait s'attendre mais il était impatient de connaître la nature exacte de la question. Il croisa les bras sur sa poitrine et attendit sagement que Oven lui expose la situation. Le jumeau perdit aussitôt toute son assurance en se rappelant que King n'était pas un ami mais un prisonnier. Et pas n'importe lequel. Il prit des pincettes pour s'adresser à lui.
— Comme tu l'as sûrement compris on va organiser une Tea Party parce que notre équipage a grand besoin de renouer des amitiés. Et là, après tout ce qui s'est passé l'autre fois, on a intérêt à se présenter sous notre meilleur jour.
— Continue, dit King, sans cacher qu'il prenait du plaisir à le voir ramper.
— On va devoir mettre les bouchées doubles en terme de prestige, tout ça... Et on s'est dit, tous ensemble, ajouta-t-il un peu plus fort à l'attention de Katakuri, que ta présence était une aubaine.
King écarquilla grand les yeux. Katakuri se ratatina derrière son frère, mort de honte.
Il comprenait mieux pourquoi Katakuri n'avait pas voulu lui en parler après l'avoir soigné. Il avait conscience de ce que ça signifiait de lui demander une chose pareille. Et en d'autres circonstances, il aurait sans doute fait brûler Oven comme une torche mais cette fois, il répondit par un large sourire carnassier.
— Tiens donc ! S'exclama-t-il. Une aubaine ?
— Ouais, parce que… Euh…
— Parce que je suis le lunaria de service ?
Oven se rendit soudain compte du malaise alors que Katakuri essayait de se confondre avec le mur quelques mètres derrière eux.
— Alors : oui, admit Oven qui ne se laissait pas abattre. Mais c'est surtout parce que t'es le second de Kaido.
— Bien rattrapé, salua King sans cesser de sourire. Et du coup c'est quoi le projet ? Vous comptez me faire sauter dans des cerceaux de feu devant un public ?
— Bien sûr que non, dit-il en riant, pour le rassurer. Si nos invités te voient, échangent deux ou trois mots avec toi, peut-être qu'ils se diront qu'on n'est pas encore complètement hors de la course parce qu'on est toujours alliés avec Kaido, que son second est même parmi nous. Donc si tu acceptes de faire acte de présence lors de la Tea Party, ça nous filerait un sacré coup de main.
— Je vois.
Il fit semblant de réfléchir quelques instants, pour donner un peu de grain à moudre à Oven, avant d'accepter comme si de rien était.
— Ok, dit-il.
Katakuri se redressa d'un coup dans sa vision périphérique, visiblement choqué. Oven lui-même chercha où était le piège pendant un moment avant de comprendre qu'il avait bien entendu.
— Ah bon ? S'étonna-t-il.
— Oui, mais je peux changer d'avis.
— Non, non ! C'est parfait ! Super !
Il le noya encore une seconde sous un flot de paroles concernant certaines de ces idées pour la soirée puis il s'en alla aussi vite qu'il était arrivé, tout fier d'avoir obtenu tout ce qu'il voulait. King le toisa avec insolence jusqu'à ce que Katakuri revienne vers lui, complètement ahuri par sa décision.
— Mais… Tu as vraiment accepté ?
— Bah ouais, assura King. Ca t'ennuie ?
— Non, mais je n'aurais jamais cru que tu serais d'accord ! Je n'osais même pas poser la question. Je pensais que tu serais très en colère.
Il plissa les yeux et l'analysa de haut en bas, pas dupe.
— Tu manigances quelque chose, n'est-ce pas ?
King lui sourit.
— J'ai accepté de venir. Je n'ai pas promis d'être sage.
— Je me disais aussi, désapprouva Katakuri.
King se pencha sur lui, sur le ton de la confidence.
— Et je fais ça pour te rendre service, je t'ai dit que je t'en devais une.
Katakuri rosit légèrement.
— Entre nous, poursuivit King, tu détestes ce genre de célébration, je me trompe ?
Katakuri opina du chef, discrètement, au cas où son frère serait toujours dans les parages.
— Oui, je le reconnais. Je déteste les réceptions. Rester debout à faire le beau toute une journée sans pouvoir manger quoi que ce soit avec plein de monde autour, ce n'est pas mon truc.
— Je m'en doutais. J'en ai subi aussi des soirées pénibles de ce genre là, je sais ce que c'est. J'en connais un qui s'entendrait bien avec ton frère d'ailleurs. Bref, c'est pour ça que je viens : en soutien moral.
Katakuri l'interrogea du regard, pour être sûr d'avoir bien compris.
— Je sais que tu as horreur de ça, j'ai horreur de ça moi aussi, pour une fois on ne sera pas tout seuls dans notre coin à subir. Je sais bien que tu ne m'aurais pas demandé de venir juste parce que je suis un lunaria, mais parce que c'est trop pénible d'endurer ces fêtes à la con en solitaire.
— C'est vrai, reconnut Katakuri, avec une pointe d'excitation dans la voix.
— Dans ce cas, je serai ton plus un.
King qui accepte de venir à la Tea Party, ça personne ne l'avait vu venir. Et moi je vais beaucoup m'amuser à ce moment-là ! J'ai HÂTE !
Ce chapitre c'est beaucoup d'exposition mais aussi une amitié qui progresse. J'avais envie qu'ils passent un peu de temps tous les deux à chiller et la bibliothèque c'était l'endroit idéal pour ça. Et puis ça m'a permis de parler un peu du passé de King.
Le prochain chapitre sera entièrement consacré à ça d'ailleurs, j'ai prévu un petit flashback de son adolescence à lui. J'ai déjà quelques trucs de prêts et j'ai envie de le protéger le pauvre.
On se retrouve le 01/10 (purée déjà) !
