C'est la livraison du dimanche !
Comme promis, aujourd'hui on parle de la jeunesse de King. Et comme je sais que pas mal d'entre vous n'ont pas encore lu/vu sa backstory, je vous conseille de la regarder avant. (On la trouve facilement sur Youtube)
Le passé de King, c'est pas la joie et on va plonger les deux pieds dedans. En vrai, ce chapitre là est loin d'être le pire que j'ai prévu. Disons qu'il est de circonstance pour le début de la spooky season ! Mais je me permets un avertissement (cw : violence graphique & meurtre, mention d'abus et de torture, stress post traumatique).
Installez vous avec un truc chaud.
Alber marchait tranquillement derrière la silhouette massive de son "capitaine".
Il avait encore du mal à réaliser sa situation. Il était libre. Il n'était plus dans le laboratoire, et il n'y retournerai plus jamais ! Il était pouvait sentir le vent dans ses cheveux et la caresse du soleil sur sa peau. Il s'était déjà pincé des dizaines de fois pour s'assurer qu'il ne rêvait pas mais tout ça était réel. Un inconnu l'avait bel et bien sorti de l'enfer et lui avait offert de le protéger s'il devenait son bras droit.
Il ne savait pas comment se comporter et n'osait pas poser la moindre question sur les projets du pirate mais au fond, peu lui importait. Tout était bon tant qu'il n'était plus manipulé et sanglé à une table.
Il faisait de son mieux pour ne pas avoir l'air trop intimidé mais le dos immense de Kaido projetait son ombre sur lui et le faisait se sentir ridiculement sans défense. Même si l'homme avait reconnu sa force et l'avait choisi pour être son second. Il n'en revenait toujours pas. Pour le moment, il ne s'en sentait pas digne. Il savait se battre, d'accord, mais qu'est-ce que c'était de seconder quelqu'un ? Qu'avait-il vu en lui pour lui donner une telle chance ? Il ne le connaissait que depuis deux jours mais il avait déjà envie de lui prouver qu'il ne regretterait pas de l'avoir choisi, même s'il était complètement perdu.
— T'as pas faim ? Lui demanda soudain Kaido, après des heures de silence paisible.
— Si, confirma Alber.
— Parfait, on va faire un petit arrêt.
Kaido stoppa brutalement sa marche et Alber dut faire un pas de côté pour éviter de lui rentrer dedans. Ce bref écart de trajectoire lui révéla ce que le dos de son gigantesque nouveau capitaine dissimulait à ses yeux : un village. Kaido avait le sourire aux lèvres, visiblement ravi de trouver un endroit où on pourrait enfin lui servir à manger. Alber ne partageait pas son enthousiasme.
Il imagina soudain les multiples paires d'yeux qui allaient se poser sur lui à la seconde où il pénétrerait dans la ville. Il frissonna et les plumes de ses ailes gonflèrent, lui donnant l'allure d'un chat en colère. Une bouffée de rage s'empara de lui ; voir des gens marcher en groupe lui était insupportable. L'incendie dans son dos crépita furieusement alors qu'il reculait déjà pour s'éloigner du danger, par réflexe.
— Un problème ? Demanda Kaido.
Alber s'en voulut immédiatement de ne pas avoir été plus discret. Il ne voulait pas passer pour un trouillard ! Pas après le geste que Kaido avait eu envers lui. Mais il ne pouvait pas faire semblant d'être totalement prêt à côtoyer le reste du monde non plus. Un lunaria dans la nature risquait de provoquer une émeute. Et même s'il était de nouveau libre de ses mouvements et apte à riposter, rien ne lui garantissait qu'il était totalement en sécurité.
— Je ne peux pas débarquer en ville comme ça, dit-il simplement.
Kaido le jugea d'un regard sévère avant de se frotter le menton, l'air concerné.
— C'est vrai que si quelqu'un t'identifie, tu risques d'attirer la Marine et tous les chasseurs de prime du coin. Bah, il haussa les épaules. On les tuera si besoin. Mais je pense qu'ils n'oseront pas se frotter à nous. C'est un village de bouseux ici, pas une base militaire.
Voyant qu'Alber était livide — malgré ses efforts pour contenir sa crainte — il hésita.
— Non ? Tu ne veux vraiment pas te montrer ?
— Je peux attendre ici.
— Et puis quoi encore ! Tu viens de me dire que t'avais faim, alors tu te magnes !
Kaido ôta sa veste en cuir et la lui jeta au visage. Alber s'en dépêtra d'abord maladroitement, surpris, et comprit son geste en la prenant dans ses mains : elle faisait la taille d'une cape et s'avérait suffisamment grande pour dissimuler ses ailes et son visage.
— Et arrête de trembler, lui ordonna Kaido d'une voix agacée. Je t'ai vu à l'œuvre, tu pourrais raser ce village en une seconde si tu le voulais.
— Elle va brûler si je la porte, l'avertit-il au sujet de sa veste.
— Je m'en tape, j'en prendrais une autre. J'ai la dalle, alors on se dépêche.
Il tourna les talons et fonça vers le village, torse nu face au vent, sa lourde massue sur l'épaule.
Alber lui emboîta le pas en plaçant la veste par dessus sa tête et en faisant un effort pour que ses flammes ne s'emballent pas. Avec ses ailes, il devait avoir l'air d'un bossu étrange et c'était tant mieux. Moins il ressemblait à ce qu'il était réellement, mieux c'était. Et heureusement, Kaido avait l'air tellement menaçant qu'il attirait toute l'attention sur lui.
Certaines personnes semblaient l'avoir reconnu : on poussait des exclamations effrayées sur son passage, quand certains ne fuyaient pas carrément à l'autre bout du village en claquant leurs portes. Kaido s'en moquait complètement, il fonça tout droit sur le seul restaurant du coin et passa la porte en baissant la tête. Alber hésita à le suivre, il faisait sombre à l'intérieur et la nuit tombait. Il se demandait si la lueur de son dos n'allait pas trop attirer l'attention.
— Bouge toi, King ! Ou je bouffe ta part, cria Kaido à son attention.
Il ne réagit pas tout de suite, il n'avait pas encore intégré que c'était son nouveau nom. King, un nom de roi pour quelqu'un de fort. Méritait-il vraiment ce titre alors qu'il hésitait à entrer dans un modeste restaurant de campagne, de peur qu'une foule entière se jette sur lui pour l'enchaîner comme une bête ? Soucieux de ne pas décevoir son bienfaiteur, il entra comme une tornade dans l'établissement. Kaido était déjà attablé et tapait du poing sur la table pour qu'on lui amène la meilleure gnôle du stock et assez de nourriture pour un régiment. Alber le rejoignit vite, la tête basse, en prenant bien garde à ne croiser le regard de personne. Il prit place rapidement et cacha ses mains sous la table. Il voulait éviter les regards indiscrets sur sa peau nue. Rien que d'imaginer les éventuelles réactions de ces villageois à la présence d'un lunaria en chair et en os lui donnait envie de hurler.
En levant les yeux, il croisa le regard de Kaido. Il avait l'air affligé par son attitude. La crainte de le voir changer d'avis sur son recrutement le força à retrouver une contenance, il se tint droit et releva le menton, l'air fier, sans pour autant enlever le vêtement qui lui cachait le visage.
— Il faut te détendre gamin.
La honte chauffa ses joues. Il ne trouva rien à répondre. C'était plus fort que lui, il se sentait entouré d'ennemis et prêt à mordre au moindre geste brusque.
— T'as quel âge exactement ? Demanda Kaido.
— Seize ans.
Sa nervosité l'avait poussé à répondre sans réfléchir, il aurait peut-être du se vieillir un peu, Kaido aurait-il toujours envie d'un bras droit aussi jeune pour son équipage maintenant ? Comme beaucoup, le pirate l'avait sans doute cru plus vieux qu'il ne l'était en vérité. Malgré tout, il lui adressa un sourire amusé avant de s'emparer du tonneau de bière qu'on lui tendait. Tout à coup, des gens pressés et intimidés installèrent tout un tas de plateaux garnis de nourriture sur la table, sans accorder le moindre regard à Alber.
Il y avait de la viande rôtie dorée dans son jus, des légumes frais, des œufs, du fromage et du pain tout chaud. Face à cette abondance, Alber saliva. A force d'avaler du gruau aussi nutritif qu'insipide, il avait oublié à quel point les odeurs d'une table remplie et colorée pouvaient donner envie. Il ne demanda pas la permission pour se jeter dessus et manger avec les doigts. Son appétit aussi était enragé et Kaido ne s'en offusqua pas le moins du monde.
— J'avais à peu près ton âge quand je suis devenu pirate, ajouta-t-il en tirant une assiette à lui.
— Ah bon ? Répondit Alber la bouche pleine.
— Ouais. Avant ça j'étais un enfant soldat, c'était une suite logique.
Un enfant soldat. Alber comprenait mieux pourquoi il avait su apprécié sa valeur au combat.
— Pour qui ? Demanda-t-il en espérant ne pas se montrer indiscret.
— Un pays de merde qui voulait rallier le gouvernement mondial. Après c'est la Marine qui a essayé de me mettre la main dessus mais je me suis tiré.
Alber sourit, il l'avait déjà constaté de ses yeux, Kaido n'avait aucune pitié pour la Marine et il appréciait ça chez lui. Lui aussi détestait l'armée. Voir avec quelle barbarie il s'était acharné sur eux lors de leur évasion lui avait fait du bien. C'était ce qui l'avait encouragé à le suivre dans son carnage. Il lui avait juré de ne pas le vendre au plus offrant mais ce n'était pas ces belles paroles qui l'avait convaincu, c'était le mépris avec lequel il avait traité les soldats qui les avaient emprisonnés. Alber avait vu de ses propres yeux que Kaido ne traiterait jamais avec la Marine ou le gouvernement, jamais. Sans oublier sa promesse de changer le monde.
A quelques tables de là, des hommes parlaient à voix basse, en essayant de ne pas se faire remarquer.
— Qu'est-ce qu'on fait ? On les appelle ?
— T'es dingue, on risque de se faire tuer !
— Et l'autre … ?
— Il est bizarre. Peut-être qu'il a mangé un fruit du démon.
Il se crispa immédiatement. On l'avait repéré ! Il était en danger ! C'est alors que toutes les conversations lui parvinrent; il écoutait chaque voix et observait chaque visage. Il devait tous les compter et les reconnaître, vite ! Rassembler un maximum d'informations avant que ça ne tourne mal, mais il avait la sensation d'être encerclé et d'étouffer. Il sentait la chaleur envahir la pièce alors que les flammes s'emballaient sur ses épaules.
— T'as du mal à te concentrer toi, soupira Kaido en sirotant sa bière. Calme toi, tu te battras plus tard, mange !
— Ah, euh, désolé, répondit-il en revenant à la réalité. Mais ces hommes mijotent quelque chose…
— Et alors ? Tu veux que je les tue ? Laisse moi le temps de manger d'abord.
— Je disais ça pour prévenir, bafouilla Alber.
Il se sentait parfaitement ridicule. Deux jours avant, il avait fanfaronné devant Kaido en lui montrant tout ce dont il était capable, à savoir : incendier un régiment entier et détruire un complexe scientifique sans trop se fatiguer et à présent il pleurnichait presque à l'idée de voir débarquer la Marine. Il devait se ressaisir ! S'il devait être son second, il devait agir comme tel. Et non pas comme un agneau qu'on envoie à l'abattoir.
Il se retint de s'excuser aussi. Il ne voulait pas avoir l'air encore plus pathétique.
— Bon, parle moi de toi, reprit Kaido sans cesser de boire. C'est ambitieux de ta part de vouloir changer le monde, comment est-ce que tu visualises tout ça ?
Il ne s'attendait pas à cette question. Cette fois, il prit la peine de réfléchir avant de répondre du tac au tac. Il ne voulait pas changer le monde à proprement parler, il espérait seulement que quelqu'un le ferait. Qu'un évènement majeur se produirait enfin et ferait disparaître dans les flammes cette vie de torture et de douleur qui était la sienne.
C'était ce à quoi il s'était accroché durant son séjour sur Punk Hazard. Pour fuir la peur, le chagrin, la douleur et la honte, il s'était raccroché la légende du retour de Joy Boy. Ce secret transmis comme une rumeur depuis des siècles et qui promettait la fin imminente des bourreaux qui l'avaient mis en cage comme un animal et profité de lui à loisir. Il y avait pensé sans relâche pendant des nuits entières pour ne pas perdre la tête. Quelqu'un allait changer le monde, écraser le gouvernement comme un insecte, un jour, bientôt. Et il devait rester en vie pour voir ce jour, c'était grâce à ça qu'il avait tenu.
Alors quand Kaido l'avait libéré, il n'avait pas réfléchi. Son arrivée lui avait semblé providentielle : c'était lui qu'il attendait ! Mais à tête reposée, il ne pouvait décemment pas lui parler de Joy Boy, ni de Nika, c'était des fantaisies de gosse. Il lui aurait ri au nez. Pourtant il n'avait rien d'autre à répondre.
— Je sais pas, dit-il en haussant les épaules.
— Tu avais l'air de savoir quand je t'ai détaché, insista Kaido.
— Je veux juste que ça change. Et que le gouvernement rampe dans la boue en hurlant, ajouta-t-il avec fureur. Qu'ils tombent de leur piédestal et qu'on plante leurs têtes sur des piques pour leur faire payer tout ce qu'ils ont fait.
— Wololo, ça c'est parlé !
Alber se sentit soulagé d'avoir son approbation. Il sourit timidement et recommença à manger. Sans cesser d'épier les alentours, pour être sûr que personne n'allait surgir de nulle part pour le capturer.
/
Alber sentit une énorme poigne lui serrer l'épaule.
Il se réveilla en sursaut, toutes flammes dehors, et roula sur le côté pour s'emparer de son sabre. La main qui l'avait réveillée se rétracta aussitôt et une voix orageuse le ramena à la réalité.
— Calme-toi, ordonna Kaido en parlant doucement, comme s'il ne voulait pas être entendu. Et suis moi.
Alber ne s'exécuta pas tout de suite. Il était encore stressé d'avoir été tiré brutalement de son sommeil et peinait à rassembler ses esprits. A cet instant, il n'était plus très sûr d'être sorti du laboratoire et n'avait aucune garantie que Kaido ne lui veuille pas de mal.
— Pour aller où ? Demanda-t-il, sur la défensive, tenant fermement son sabre contre lui.
Kaido lui fit signe de ne pas faire de bruit et s'éloigna à travers les arbres, dans la nuit sombre. Il fallut une minute complète à Alber pour se rappeler où il en était.
Lui et Kaido avait passé leur troisième nuit de liberté dehors, en pleine forêt, après avoir copieusement vidé les stocks de nourriture du village où ils s'étaient arrêtés. Alber avait cru qu'il aurait encore des difficultés à s'endormir mais son ventre plein avait décidé pour lui. Il avait sombré en quelques minutes. Kaido ne dormait pas quand il avait fermé les yeux, il ne savait pas combien de temps s'était écoulé depuis.
Sûrement pas plus de quelques heures d'après ce qu'il voyait dans le ciel. La lune était encore haute. Peut-être que Kaido l'avait réveillé pour reprendre la route un peu plus tôt que prévu mais Alber savait que sa discrétion cachait quelque chose d'étrange.
Sa respiration était erratique, Kaido avait déclenché un début de crise de panique sans le vouloir. Il fallait qu'il se calme, il n'avait pas envie qu'il le remarque. Il serra sa prise sur son sabre et partit à sa suite dans la forêt, sans savoir ce qui l'attendait. Peut-être avait-il tort de le suivre. Il ne le connaissait pas, et si il lui avait menti ? Si c'était un piège pour le vendre à de nouveaux ravisseurs ?
Il essayait de retrouver la raison, la brutalité de son réveil l'avait rendu paranoïaque.
Il retrouva Kaido non loin de leur campement. Il était accroupi dans les buissons, camouflé par un bosquet de houx et il fixait droit devant lui sans faire le moindre mouvement. La lumière d'un feu éclairait très légèrement ses yeux et son immobilité avait quelque chose de reptilien qui impressionna Alber une fois de plus. En le voyant arriver, Kaido afficha un sourire carnassier.
— Viens voir.
Alber s'approcha et s'accroupit à son tour pour voir ce que son capitaine observait depuis sa cachette. Ils étaient au sommet d'une colline et en contrebas se trouvaient une troupe de soldats, facilement repérables dans la pénombre grâce à leurs uniformes blancs. Ils n'étaient pas très nombreux, une vingtaine tout au plus, et dormaient à même le sol pendant que trois bleus montaient la garde autour d'un feu de camp. Une grande tente était dressée à l'abri d'un arbre et ses occupants ne dormaient pas puisque la lueur d'une lampe éclairaient faiblement leurs silhouettes à l'intérieur.
Peut-être étaient-ils à leur poursuite, les hommes qu'Alber avait entendu au restaurant avaient sans doute dénoncé Kaido et sa piste n'était pas difficile à suivre tant qu'il n'avait pas pris la mer. Mais maintenant qu'ils les avaient devant les yeux, Alber était rassuré. Ces pauvres soldats n'avaient aucune chance contre eux, s'ils commettaient l'erreur de les attaquer, ils finiraient six pieds sous terre à coup sûr.
— Regarde bien la tente, murmura Kaido, le sourire aux lèvres.
Alber obéit et concentra toute son attention sur les gens qui s'affairaient derrière le voile de tissu. Pour le moment, il n'y avait pas grand chose à voir. Ils refusaient d'en sortir. Il interrogea Kaido du regard, curieux de ce qu'il attendait de lui.
Il ne lui répondit pas et l'encouragea à se montrer plus attentif.
Quand enfin les occupants de la tente se décidèrent à sortir, Alber reconnut immédiatement le premier homme qui posa le pied dehors et eut un mouvement de recul violent. Comme si on l'avait giflé. Kaido le regarda s'éloigner de leur poste d'observation sans bouger.
— Un vieil ami à toi je crois, ricana-t-il.
— Je croyais qu'il avait brûlé avec les autres…
— Il ne devait pas être sur place à ce moment-là.
L'homme en question portait une tenue civile mais Alber l'aurait reconnu au milieu d'une foule, même sans sa blouse habituelle. Il faisait parti de l'équipe scientifique qui travaillait sur "son cas". Et comme tous ses collègues, il avait lui aussi eu tout le temps du monde pour infliger les pires sévices à Alber. Il pouvait sentir le latex de ses gants rien qu'en posant ses yeux sur lui.
Il n'y avait qu'une raison pour qu'il se trouve ici, en pleine forêt, protégé par une petite troupe de soldats armés : il espérait remettre la main sur le précieux spécimen qui s'était fait la malle, sans quoi tout son travail serait réduit à néant. Il comptait certainement sur sa docilité pour le faire revenir. Une bouffée de colère s'empara de lui et il fut obliger de se mordre l'intérieur de la joue pour éviter ses larmes de couler.
— Il est venu me chercher, déclara-t-il d'une voix blanche.
— Je ne crois pas, répondit Kaido. Cette escorte est nulle, ils doivent être là pour le raccompagner chez lui. C'est tout.
Il adressa un sourire entendu à Alber, sans prêter attention à son expression de terreur.
— Il a la trouille que toi tu viennes le chercher, dit-il en riant. Qu'est-ce que ça t'inspire ?
De la rage, pensa-t-il sans le répondre. Ce type n'avait pas le droit d'avoir la trouille. Pas après avoir fait tout ce qui lui avait fait subir sans éprouver la moindre compassion. Il sentait croître la flamme dans son dos, il fallait qu'il se calme s'il ne voulait pas révéler leur position.
Il sentait le regard de Kaido sur lui. Il ne devait pas le laisser déduire quoi que ce soit mais il ne pouvait pas non plus s'empêcher d'extérioriser les émotions violentes qui le traversaient. Il ne savait pas quoi en faire.
— J'ai une première mission à te confier.
Alber revint à la réalité et interrogea Kaido du regard, sans savoir si son pressentiment était bon ou mauvais.
— Une mission ?
— Ouais. J'ai besoin que tu comprennes un truc sur toi-même. Alors écoute moi bien.
/
Il prit une grande inspiration. Il voulait être le plus détendu possible avant de sortir des bois.
Sa flamme éteinte, il se demandait si Kaido pouvait le voir depuis sa cachette. Quand il fut prêt, il serra sa prise sur la garde du sabre à sa ceinture, au point de se faire saigner. Il était hors de question qu'il laisse la peur le gouverner. Il fit quelques pas.
Les soldats discutaient autour de leur feu et n'était pas attentifs à ce se passait autour d'eux. Kaido avait raison, ils n'étaient pas en mission pour capturer qui que ce soit. Ils manquaient trop de vigilance pour ça. En revanche, sa vieille connaissance exprimait des signes de grande nervosité. Dès qu'une branche craquait ou qu'un oiseau poussait un cri, il sursautait et portait la main au malheureux revolver hors d'âge qu'il cachait dans sa poche. Comme si ça pouvait le défendre.
Alber marcha jusqu'à eux avec une discrétion de félin, pour garder l'effet de surprise. Il avait envie de les surprendre mais aussi de retarder l'inévitable face à face. Il se savait parfaitement capable de faire ce que Kaido lui avait demandé mais il pouvait difficilement lutter contre son instinct de préservation qui ne demandait qu'à s'éloigner le plus possible de ce qui avait été la cause de tant de souffrance pour lui. Le meilleur moyen de continuer à avancer était de se laisser envahir par cette rage qui le consumait, comme le lui avait conseillé son capitaine. Il n'avait pas à avoir peur, il s'en sortirait.
Ses flammes suivirent ses pensées et réapparurent dans son dos, éclairant brusquement leur campement avec un éclat bien plus puissant que celui renvoyé par leurs bûches humides. Un des soldats l'aperçut alors et le reconnut. Il alarma les autres et tous sortirent les armes pour le mettre en joue. Il entendit d'abord leurs invectives — "bouge pas !" — puis les détonations de leur armes. Les balles ricochèrent sur sa peau, sans lui faire d'autre effet que d'augmenter sa colère.
Comme au moment de son évasion, il constata une nouvelle fois l'étendue de sa supériorité quand il n'était pas paralysé par des drogues ou des liens. Ces Marines n'étaient que des insectes à côté de lui. Le plus grand d'entre eux devait lever son fusil en l'air pour le mettre en joue. Ils ne pouvaient rien lui faire. Ce constat n'empêchait pas son cœur de tambouriner d'angoisse mais ça lui donnait la force nécessaire pour leur tenir tête et ne pas se recroqueviller de peur. Il était seul mais il était puissant, tellement puissant...
Il brandit son sabre devant lui et laissa son pouvoir consumer le métal pour chauffer la lame à blanc. L'ivresse du pouvoir allait revenir vite. L'hésitation et l'incertitude qu'il ressentait encore allait disparaître d'une seconde à l'autre, exactement comme la dernière fois. C'était ce que Kaido attendait de lui. Ses mains tremblaient encore mais ce n'était plus à cause de la crainte. C'était l'excitation de la vengeance.
Il ne lui fallut qu'un seul battement d'ailes et quelques secondes pour trancher les soldats. Un par un.
A chaque nouvelle victime, sa colère devenait plus forte et sa prise sur son arme devenait plus ferme. Il n'avait aucun scrupule à les découper en morceaux ; ils n'étaient qu'un rouage du gouvernement et comme il l'avait dit à Kaido : il voulait les voir souffrir et brûler. Puisqu'ils avaient d'abord pris la décision de disposer de son corps comme bon leur semblait, il se permettait de leur rendre la pareille. C'était facile, rapide, efficace. Son arme seule faisait le double de leur taille. Combinée à sa force naturelle, il n'avait même pas à se fatiguer pour séparer leur troncs de leur jambes. Même frapper avec le plat de la lame était suffisant pour faire éclater leurs organes.
Mais son massacre ne lui apportait aucun soulagement. Au contraire, sa rage s'amplifiait d'autant plus. Il se laissait emporter par sa frénésie. Comment avait-il pu rester enfermé tout ce temps ?! Il lui aurait suffit de laisser éclater sa rage une bonne fois pour toute, faire sauter ce maudit laboratoire lui-même, l'île toute entière avec ! Il aurait pu le faire ! Ils étaient si fragiles et il était l'incarnation d'une légende dont le gouvernement souhaitait s'accaparer la force. Il leur ferait passer l'envie de l'approcher à tout jamais ! D'avoir profité de sa jeunesse pour lui inspirer une peur viscérale qui n'aurait jamais dû l'effleurer !
Il tailladait sans réfléchir mais il peinait à contrôler l'incendie qui consumait les arbres alentours. Il allait couper toute retraite à sa proie et lui infliger le plus grand désespoir possible mais rien n'était réfléchi. Il laissait s'exprimer toute la douleur accumulée pendant tout ce temps.
Quand finalement plus aucun soldat ne s'agitait autour de lui, il fit une pause pour observer son propre carnage. Il était couvert de sang, les flammes dévoraient les arbres et l'atmosphère étouffante provoquée par la chaleur renforçait son aspect menaçant et poisseux. Il essuya distraitement la lame de son sabre sur sa cuisse. Il n'avait aucune idée de ce qu'il ressentait mais il se trouvait étonnamment serein. Il avait eu si peur quelques heures plus tôt et maintenant... Il contemplait les restes de ses ennemis avec mépris. Un bref haut le cœur le saisit quand il réalisa la violence dont il était capable mais il oublia très vite.
Il posa enfin ses yeux sur le dernier survivant : le seul de ses bourreaux qui avait survécu à l'évasion de Kaido il y a deux jours. Il s'était retranché autour des pierres incandescentes du feu de camp — elles devaient lui paraître inoffensives à côté du brasier qu'il avait créé — et le regardait avec des grands yeux ronds de gibier pris au piège. Quelques années auparavant, peut-être qu'Alber aurait eu pitié de lui. Mais c'était terminé. Le souvenir des tortures qui avaient marqué sa chair à jamais était à vif et le besoin de lui ôter la vie apparaissait comme le seul remède à sa douleur.
Il prit son temps en s'avançant vers lui, le toisant de toute sa hauteur. Comment un être aussi insignifiant avait réussi à lui inspirer une telle terreur ? Son existence lui était insupportable. Il devait le faire disparaître et détruire sa propre faiblesse en même temps que lui. Kaido avait raison, c'était tout ce dont il avait besoin.
L'homme brandit les mains devant lui, dans une dernière tentative de défense pour sauver sa vie.
— Non ! Attends, Alber, ne fais pas ça ! Calme toi !
Il sentit sa gorge se serrer, à la fois de peur, de tristesse et de fureur. Etait-il en train de le supplier ? Lui qui, comme ses collègues, avait toujours ignoré ses pleurs et sa détresse, du moment que les résultats des expériences étaient satisfaisants ? Ils l'avaient traité comme moins qu'un objet et maintenant il lui faisait l'affront de lui demander grâce ?
— Comment oses-tu… Murmura Alber. Comment oses-tu m'adresser la parole ?
Comprenant qu'il n'avait plus aucun moyen pour s'en sortir, l'homme tenta une dernière fois de ramper loin de lui et sortit son revolver. Alber lui bondit dessus avant qu'il ne puisse tirer et le saisit à la gorge. Il était minuscule dans sa main, un rat entre les griffes d'un dragon.
Il le souleva au-dessus du sol mais sans l'étouffer. Il ne voulait pas lui donner l'opportunité de s'évanouir avant la fin. Il voulait être la dernière chose qu'il verrait avant de mourir. Il était possédé par la vengeance, son cœur tonnait dans sa poitrine et ses tambours accompagnaient les mots de Kaido qui résonnaient dans crâne.
"Exécute le. En personne. Fais lui sentir qu'il n'est rien avant de l'achever. La seule justice qui vaut est celle du plus fort, il est tant de l'appliquer. Tu as encore des doutes mais après ça : tu n'hésiteras plus jamais. Tu ne seras libre que lorsque tu auras écrasé ton ennemi alors lâche toi, prouve moi que j'ai eu raison de te choisir."
Il était hors de question de décevoir celui qui lui avait rendu sa vie.
Sa victime se débattait au bout de son bras, il tentait de lui griffer les mains ou de l'atteindre par ses coups de pieds. Ses ongles n'effleuraient même pas sa peau. Le contact le révulsait mais il devait tenir bon. C'était presque fini.
— C'est moins facile quand je ne suis pas enchaîné.
Il reconnaissait à peine sa propre voix, elle était rauque et étranglée. Il peinait à retenir les sanglots qui montaient mais il était hors de question qu'ils les laissent gâcher son moment. Il voulait inspirer la peur. Le gouvernement convoitait la puissance lunaria alors il allait en donner un aperçu et la graver dans la mémoire d'un de leur représentant avant qu'il ne meure.
— Toi et tes copains, ça vous fascinait de voir comme je résistais bien aux tortures, déclara-t-il. Et toi ? Combien de temps avant que tu ne brûles vif ?
— Alber, gémit l'homme, ne…
— Rien ne vaut l'expérience.
Le feu jaillit de sa main et incendia aussitôt sa victime. L'homme hurla et Alber serra les dents en le regardant brûler. Il n'arrivait pas à faire le tri parmi toutes les émotions qui le submergeaient et ses flammes reflétaient cet état d'esprit. Il ne brûlait pas qu'un homme, il brûlait tout ce qu'il avait été. Il voulait se débarrasser de toute sa peine et de toute sa terreur infantile, qui ne faisaient que l'affaiblir, pour laisser exploser sa hargne.
Il ne devait garder que la colère et la haine qu'il éprouvait pour ce corps décharné qui s'agitait devant ses yeux. Le reste était inutile, il n'avait besoin que de ça pour avancer.
La créature dans sa main était en train de fondre et, toujours révulsé par ce contact, il se dépêcha d'en finir. Il fallait effacer toute trace de l'ignominie qui lui collait à la peau. Il n'en avait plus rien à faire de se faire repérer ou non, de toute façon on ne pouvait plus rien lui faire. Intérieurement, il fit le serment au soleil de ne plus jamais se laisser attraper.
Une énorme boule de feu, suffisamment brûlante pour vaporiser toute trace de vie alentour, se forma autour de lui. Puisque le gouvernement avait toujours tant désiré un aperçu de ce dont son peuple était capable, il allait le leur donner. Et montrer aux dragons célestes qui était digne de prétendre au titre de divinité. L'explosion retentit dans ses oreilles et son souffle ardent rasa la forêt. Il y avait été plus fort que sur Punk Hazard, il voulait punir mais il voulait aussi laisser une trace de son passage. Créer la crainte, faire savoir à Marie Geoise qu'ils n'auraient jamais dû le laisser s'échapper. Qu'ils tremblent dans leur château blanc à l'idée qu'un seul lunaria soit encore en vie…
Quand enfin il se calma, il était en nage et ruisselant de sueur mais n'avait pas la moindre égratignure. Autour de lui, la forêt n'existait plus. Il ne restait qu'une lande desséchée, noire et stérile, ou les derniers arbres encore debouts étaient rongés par les flammes.
Il brandissait un poing vide dans les airs. Il ouvrit la paume et se débarrassa des dernières cendres, qui s'envolèrent au loin.
Il s'attendait à ressentir un soulagement, ou la satisfaction de la tâche accomplie, mais il n'y avait rien. Il était toujours bouillant de rage et prêt à détruire le monde entier si jamais l'opportunité s'offrait à lui. En revanche, il se sentait fort. Terriblement fort. Il savait qu'il avait laissé quelque chose derrière lui avec cette éxécution.
Kaido, lui aussi indemne, le rejoignit, son énorme massue sur l'épaule. Il contemplait le paysage d'un œil admiratif. Il considérait la mission comme accomplie.
— Alors ? Comment tu te sens ? Demanda-t-il avec nonchalance, parfaitement à l'aise devant ce spectacle.
— Mieux, répondit Alber, la voix éteinte.
Ce n'était pas exact mais la fierté avait pris la place de l'angoisse. Sa peur était maintenant enfouie, écrasée par un désir de revanche et de conquête grisant. Il savait qu'il n'allait pas mieux, mais il préférait ce qu'il ressentait maintenant au désespoir d'un rat de laboratoire. Kaido l'avait libéré sur tous les plans. Il l'avait aidé à dire au revoir à cette part de lui qui était incapable d'avancer ou d'affronter les ennemis. Il ne la regretterait pas. C'était tuer ou être tué et il avait choisi son camp. Il avait encore a assez e rage à évacuer pour affronter l'univers tout entier et il avait quelqu'un pour le guider dans cette quête à présent.
S'il n'était pas encore complètement acquis à sa cause lors de leur rencontre, maintenant il l'était. Il voyait en lui plus qu'un simple pirate.
Il fit face à Kaido et lui offrit son sabre, prêt à le suivre jusqu'au bout du monde.
Alber était mort. Il était temps de devenir King.
Ecrire les méchants c'est toujours intéressant. Et avec un passé pareil, les anger issues de King elles sont violentes.
Comme Katakuri, il a pas eu d'autre choix que de grandir trop tôt, beaucoup trop vite et dans son cas à cause d'une violence insoutenable. (Celle de Big Mom est plus pernicieuse). C'était important pour moi de montrer que malgré toute sa force et son pouvoir, à ce moment là c'est juste un ado terrorisé et qu'il n'y a eu que la violence pour le sauver.
Puis depuis le début, l'analogie de la belle et la bête est claire avec cette histoire mais tout le monde est parti du principe que c'était Katakuri la bête. J'en suis pas si sûre. King il est rongé par la rage et la mélancolie (son compteur d'atrocités commises est largement plus élevé aussi) et c'est ce qu'il a connu toute sa vie.
Enfin bref, c'était mon petit chapitre d'Halloween. La prochaine fois, le retour de la rigolade et probablement le début de la Tea Party (je suis pas encore sûre de comment je vais découper tout ça) !
En attendant moi je retourne jouer à Paleo Pines parce que les dinosaures mignons c'est aussi une des raisons pour laquelle je vis.
On se retrouve le : 15/10 !
Petit udpdate : Il n'y aura pas de chapitre ce dimanche (15/10), ma santé est pas terrible et malheureusement je dois faire attention à ne pas forcer. Je décale la sortie. Je n'ai pas de date à donner mais je reviens le plus vite possible !
