Me revoilà !
Avec le début de ce que j'appelle mon quatrième acte. On a fait la moitié du chemin, ce chapitre entame une nouvelle partie de l'histoire. Et j'ai hâte parce que les choses vont tranquillement se mettre à chauffer.
Maintenant qu'ils reconnaissent avoir un faible l'un pour l'autre la question c'est : qu'est-ce qu'on fait de cette idylle ? Car c'est tout sauf évident. Ils ne peuvent pas juste passer à l'acte. Qu'est-ce qui va se passer à présent ?
Voyons ce que ça va donner, il faut déjà se remettre de la Tea Party et ce n'est pas une mince affaire.
Bonne lecture !
Katakuri ouvrit un œil avec difficulté. La faible lumière de la loupiotte du plafond lui agressa la rétine avec autant de violence que celle de l'ampoule d'un phare. Il grogna avec mauvaise humeur et enfonça sa tête dans un coussin brodé qui sentait les fleurs séchées. Il eut besoin de plusieurs minutes pour se remettre les idées en place et se souvenir de pourquoi il dormait sur le divan de Brûlée.
Il se rappelait vaguement avoir discuté avec elle avant de s'effondrer mais avant ça... ?
Tout un tas d'images désordonnées lui revinrent aussitôt à l'esprit mais il n'y en avait qu'une seule capable de lui rendre toute sa tête : un baiser sur le dos de la main. La sensation délicieuse, douce et chaude des lèvres de King sur son gant l'assaillit à nouveau comme si il l'avait embrassé il y a cinq secondes.
Le choc du souvenir le fit se redresser comme un ressort et il le regretta instantanément. Une épouvantable et soudaine migraine le frappa pour l'empêcher de réfléchir trop fort. Elle tombait bien mal, il sentait qu'il y avait beaucoup de choses auxquelles il devait réfléchir de toute urgence et il n'avait même pas effleuré la surface du plus urgent.
Des bruits de pas résonnèrent dans l'escalier de l'autre côté de la pièce et Brûlée apparut bientôt dans son champ de vision, vêtue d'une robe légère et confortable. Katakuri l'enviait, lui qui se sentait moite et étriqué dans ses vêtements trempés de sueur. Il voyait qu'elle faisait des efforts pour ne pas faire de bruit mais les marches qui grinçaient à chacun de ses pas était un supplice. Le moindre son accentuait son mal de crâne.
Il n'était vraiment pas fait pour boire de l'alcool.
— Bonjour ! Chuchota-t-elle en s'approchant de lui. Bien dormi ?
— Grrrmpf, marmonna-t-il pour toute réponse. Moyen.
— Tu l'as bien cherché, se moqua-t-elle en le gratifiant d'une petite tape punitive sur l'épaule. Allez, lève toi.
Même basse, sa voix lui martelait les tempes. Comme il ne bougeait pas, elle insista.
— Je vais te servir le petit déjeuner, alors tu vas me faire le plaisir de te lever Katakuri. Tu as plutôt intérêt à m'écouter si tu veux survivre à ta gueule de bois.
Il avait très faim mais l'idée d'ingurgiter quoi que ce soit lui donnait la nausée. Il s'assit tout de même, prêt à quitter le confort relatif d'un canapé trop petit pour lui, il devait bien ça à Brûlée. Elle avait dû se briser le dos à le traîner jusqu'ici.
Il enfouit son visage dans ses mains et expira lentement, comme si ce geste pouvait l'aider à défroisser ses traits. Ou l'aider à reconstituer le fil de sa soirée. Il avait des difficultés à remettre les choses dans l'ordre et plus les informations lui revenaient, plus il avait envie de soulever le divan pour se cacher dessous et ne plus jamais en sortir.
Des millions de berrys de dégâts. Des millions. Des immeubles démolis, des rues mises à sac, du mobilier urbain mis en pièce ! Comme si il pouvait se permettre de dépenser de l'argent dans des bêtises pareilles pendant une période aussi critique de l'histoire de Totto Land. Si jamais Mama l'apprenait...
— Je sens que tu as des choses à me dire, continua Brûlée, qui préparait de quoi manger de l'autre côté de la pièce.
— Je me sens ridicule. Comment est-ce que j'ai pu me donner en spectacle comme ça...
— C'est vrai qu'on ne t'avait jamais vu dans cet état.
Ce n'était pas un reproche. Elle s'amusait beaucoup de la situation et ça s'entendait à sa voix enjouée.
— Mais il fallait bien que ça t'arrive un jour ! C'était ton baptême d'alcool, en quelque sorte.
— J'ai l'impression que ma tête va exploser.
Il se leva, endolori de partout, et rejoignit Brûlée dans la cuisine. Il y avait longtemps qu'il n'était pas venu chez elle. Sa maison était petite, acceuillante, et tout ce qui s'y trouvait portait sa marque de fabrique. Comme elle n'avait pas de territoire sous sa juridiction — en dehors de la Forêt de la Tentation — elle pouvait se permettre d'avoir son petit foyer rien qu'à elle, aménagé sobrement. Mama n'exigeait pas que sa maison représente quoi que ce soit aux yeux du monde extérieur. Elle avait aussi l'obligation d'afficher un portrait familial dans son entrée, mais il semblait normal tel qu'il était : posé sur un petit meuble en bois, avec d'autres babioles décoratives pour le mettre en valeur.
Il y avait du désordre sur les étagères et des animaux gambadaient ça et là. Les homies qui vivaient avec Brûlée semblaient dormir à l'étage. Elle avait toujours apprécié leur compagnie et Mama lui en avait offert des particulièrement complexes pour l'aider à maintenir l'ordre dans le monde des miroirs. Ils n'étaient pas que des serviteurs, elle les traitait comme ses enfants. Katakuri se demandait parfois si elle ne se sentait pas seule mais à la voir aussi bien installée, elle était bien mieux lotie qu'il ne l'avait jamais été.
Il prit place autour d'une table ronde et laissa tomber sa tête sur la nappe colorée. Sa migraine empirait de seconde en seconde et sa position ne le soulageait pas mais elle restait plus confortable que s'il essayait de se tenir droit. Il sentit Brûlée s'afférer dans son dos et quand elle le rejoignit, elle lui déposa un verre plein devant le nez.
— Qu'est-ce que c'est ? Grogna-t-il.
— De l'eau. C'est ce dont tu as le plus besoin pour le moment.
Elle s'éloigna à nouveau, inconsciente de la reconnaissance que Katakuri éprouvait à son égard.
— Merci.
Il l'attrapa et le vida d'un seul trait. Tout ce qui pouvait l'aider à retrouver son état normal était bienvenu. La sensation de fraîcheur lui fit un bien fou mais le poids qu'il avait dans le crâne persistait.
Brûlée revint avec un plateau plein de viennoiseries, de confiture fait maison, de biscuits, de fruits frais et, tout spécialement pour lui, un donut à la framboise. Il apprécia l'attention mais il se sentait bien incapable d'avaler tout ça.
— Brûlée, c'est adorable. Mais je ne sais pas si...
— Fais de ton mieux.
Elle se servit un café bien chaud et prit place autour de la table à son tour. Elle paraissait tiraillée entre l'envie de respecter le besoin de calme de son aîné et de l'assaillir de questions personnelles. Il valait mieux crever l'abcès tout de suite, il ne serait plus aussi bien traité par la suite. Et Brûlée était la seule à qui il pouvait parler franchement de tout ça.
— J'ai vraiment détruit ma propre ville ? Demanda-t-il d'abord, en espérant toujours qu'elle puisse le rassurer ou lui apprendre qu'il avait imaginé cette partie de la soirée.
Elle but une gorgée et prit son temps pour répondre, ce qui n'augurait rien de bon.
— Tu auras quelques immeubles à rebâtir. Et moi, je vais devoir raccorder de nouveau mes miroirs à ton île.
— Je suis tellement désolé, se lamenta-t-il. Je nous rajoute du travail. Heureusement, mon trésor personnel pourra largement couvrir les dégâts mais quel gaspillage...
— Je ne crois pas que ce soit ça ce qui t'inquiète le plus.
Elle avait raison. Il était obnubilé par le souvenir du baiser qui lui brûlait encore la main. Mais il n'osait pas aborder le sujet. Il ne savait même pas par où commencer, il ne se souvenait plus de ce dont elle avait pu être témoin ou non. Heureusement que Brûlée le connaissait bien.
— Peut-être que tu veux m'en dire plus sur ce qu'il s'est passé entre toi et King.
— Qu'est-ce que je t'ai déjà dit exactement... ?
— Que tu étais amoureux.
Elle reposa sa tasse et croisa les mains sur la table, avec un sérieux terrifiant, impatiente d'entendre la suite. Katakuri encaissa. Il avait vraiment été aussi direct ? Il avait besoin de café lui aussi, sinon il n'allait pas survivre à cette discussion.
— Ce n'était pas vrai ? S'impatienta-t-elle devant son silence.
— Si.
Finalement, il se précipita sur la nourriture. Il lui fallait des forces pour supporter la conversation. Il se sentait déjà devenir tout rouge. Brûlée se racla la gorge en guise de préambule à la suite.
— Après ça, tu t'es demandé si ce n'était pas réciproque et je n'ai pas nié. On a tous été témoins de votre flirt.
Ce nouvel aveu fit remonter d'autres flash de la soirée. Ceux auxquels Brûlée n'avait pas assisté. Katakuri se rappela avec chaleur les derniers moments passés avec King ; leur déambulation dans les ruelles, leur fou rire, puis ce moment de tension insoutenable où tout avait failli basculer...
Une pointe de tristesse vint refréner son enthousiasme en se remémorant cet instant. Il savait ce qu'il avait vu dans les yeux de King à ce moment-là, c'était — avec le baiser — le souvenir le plus vivace qu'il gardait de la soirée. Pendant un court instant, tout lui avait semblé possible et il l'aurait embrassé à pleine bouche s'il n'avait pas senti une telle frayeur de la part de King, au tout dernier moment. Et ça, il savait qu'il ne l'avait pas rêvé.
— C'est passé à ça, avoua-t-il à Brûlée.
— Quoi ? Que vous sautiez le pas ?
Il opina du chef et un silence s'installa. Maintenant que le sujet était lancé, la situation n'était plus amusante du tout. Et le visage soucieux de Brûlée ne l'aidait pas à se sentir mieux.
— Qu'est-ce qui vous a arrêtés ?
— Je ne sais pas. Je crois que King a eu un éclair de lucidité au dernier moment et qu'il a stoppé la machine avant qu'elle ne s'emballe.
Il se sentait déchiré en deux. D'un côté, il était atrocement déçu de ne pas avoir pu faire plus que lui tenir la main, de l'autre il était soulagé que King se soit montré plus raisonnable que lui. Si c'était bien pour cette raison qu'il avait fui, car il avait toujours la crainte que sa bouche soit à l'origine d'un dégoût de sa part.
— C'est mieux comme ça, dit-il pour se convaincre, sans y croire.
— Je me sens coupable, lui avoua Brûlée.
— Pourquoi ?
— Je t'ai un peu poussé vers lui en me disant que ça te ferait du bien de t'amuser, j'étais contente de te voir aussi joyeux, mais je ne pensais pas que ça deviendrait aussi...
Elle ne parvint pas à finir sa phrase, il s'en chargea pour elle.
— Concret ?
— Oui.
Lui non plus ne l'aurait jamais cru si on le lui avait dit. Au contraire, depuis tout ce temps il s'était fait à l'idée que la romance n'était pas pour lui et qu'il n'aurait jamais l'occasion de jouer le jeu de la séduction. Et voilà que tout lui tombait sur la tête, d'un seul coup ! Cela aurait été parfait si King n'avait pas été quelqu'un d'aussi important.
— Qu'est-ce que je devrais faire d'après toi ? Demanda-t-il a sa sœur, en priant pour que ses conseils ne lui fassent pas trop de mal.
A la tête qu'elle faisait, elle n'avait pas l'intention de le ménager mais elle n'y prenait aucun plaisir non plus. Il devinait aisément la suite, il savait comme elle que les choix n'étaient pas nombreux.
— Je sais que ça ne va pas te plaire mais ça ne devrait pas aller plus loin, répondit elle à contrecœur. J'y ai réfléchi et...
— Tu as raison, la coupa-t-il avant que ça ne devienne trop dur à entendre. C'est le bras droit du grand rival de Mama. Je n'ai pas le droit de l'aimer.
Ce détail n'avait aucune importance pour lui mais il en aurait certainement pour leur mère. Et elle ne laisserait jamais un couple pareil exister, il le savait.
Brûlée aussi. Comme lui, elle était une "célibataire endurcie" — souvent synonyme d'homosexualité dans la famille Charlotte — et il savait qu'elle vivait dans la crainte que Mama ne décide soudain de se mêler de ses relations amoureuses. Le statut de Brûlée lui permettait d'être relativement libre sur ses choix tant qu'elle restait discrète et totalement dévouée à leur mère. Katakuri n'avait pas cette possibilité et elle compatissait à sa situation.
— Je sais qu'on est censé être alliés avec l'équipage des Cent Bêtes mais je ne crois pas que Mama approuverait cette relation, se désola Brûlée. Cette alliance n'était sûrement pas faite pour durer.
— Encore moins maintenant que Kaido a perdu Wano, ajouta Katakuri.
Il restait persuadé de cela, en dépit de ce qu'Oven avait espéré tirer de la présence de King à la Tea Party. En effet, maintenant que l'empereur était tombé en disgrâce, sans territoire et sans armée, il ne serait plus d'aucune aide pour Mama. Elle ne verrait aucun intérêt à entretenir cette alliance. Quant à Kaido, il ne laisserait sûrement pas son meilleur élément aux mains de sa plus ancienne ennemie sans rien dire.
Et même si leur mère pouvait accepter la présence de King parmi eux — après tout c'était pour ça qu'il était là, en tant que trophée d'une extraordinaire rareté — elle ne l'aurait jamais laissé à Katakuri. Au contraire, peut-être même qu'elle s'empresserait de le lui retirer dès son retour pour le marier de force à une de leur sœur puis de profiter de ses gènes pour ensuite se pâmer d'admiration devant une ribambelle de petits enfants lunarias.
Cette option était la pire de toute mais aussi la plus probable. Il en eut des sueurs froides.
— La solution ce serait que King jure allégeance à Mama, tenta Brûlée pour lui remonter le moral. S'il décidait de rester avec nous de son plein gré, là tu pourrais peut-être envisager de...
— Il ne trahira jamais Kaido.
Brûlée lui rendit un regard triste mais elle savait qu'il avait raison, il n'y avait pas d'issue positive possible à cette situation. La seule alternative proposée ferait le malheur de King et il en était absolument hors de question. Comme elle attendait une explication, il s'éxécuta.
— Depuis qu'il est là, je lui ai confié pas mal de choses. Je sais, je n'aurais sans doute pas dû mais ce n'est pas le problème. Si nos situations avaient été inversées, peut-être que j'en aurais appris plus sur lui que lui sur moi, mais le fait est que depuis qu'il est là, il ne me dit rien. On s'entend bien mais au final je ne sais... pas grand chose de lui. A part qu'il respecte son capitaine plus que n'importe qui.
Plus que je ne respecte Mama, s'abstint-il d'ajouter.
— Sa place n'est pas avec moi.
Cette conclusion lui serrait le cœur et lui faisait bien plus mal que sa gueule de bois. Il devait voir la vérité en face. King était sûrement quelqu'un de très secret par nature mais il savait que, contrairement à lui, il avait toujours délibérément fait attention à ne rien révéler qui pourrait porter préjudice à Kaido. Il n'avait jamais dit de mal de lui, pas une seule fois, et pourtant dieu sait qu'il en avait eu l'occasion.
Katakuri avait bien senti que la loyauté de King n'avait rien d'une obligation.
Il essaya de se consoler en se disant qu'au moins, il aurait eu la chance de connaître une soirée incroyable avant que sa vie ne reprenne son cours et sa morosité. Mais quelque part, c'était pire de savoir qu'il avait goûté au fruit défendu et qu'il devrait maintenant y renoncer. Pour le bien commun.
Le temps de réfléchir à tout ça, il avait englouti la totalité des plats que Brûlée avait laissé à sa disposition sans s'en rendre compte. Sa migraine ne freinait pas son hyperphagie. Il ne se sentait pas mieux : il avait un goût immonde dans la bouche, la sensation d'être incroyablement sale et vieux et après ce debriefing, il avait envie de s'enfouir sous un amas d'oreillers pour oublier son existence.
— Est-ce que tu sais ce qu'a fait King après tout ça ? Demanda-t-il, sans parvenir à cacher sa tristesse.
Brûlée se leva pour rapporter sa vaisselle dans la cuisine en haussant les épaules.
— D'après ce que Pudding m'a dit, il est rentré à bon port et il va bien. T'inquiète pas pour lui.
Il ne s'inquiétait pas. Il se demandait comment il allait devoir se comporter lors de leur prochaine rencontre. Avec un peu de chance, King aurait encore plus la gueule de bois que lui et il aurait tout oublié, comme ça ils pourraient reprendre leur relation telle qu'elle était avant. Même s'il n'y croyait pas une seule seconde.
Il se leva et aida sa sœur à débarrasser la table.
— Laisse moi faire la vaisselle, je te dois bien ça.
— Avec joie !
Elle lui céda sa place avec une légère révérence.
— Merci de m'avoir hébergé, je ne vais pas t'envahir plus longtemps. Dès que j'ai fini je retourne bosser. Il faut que je répare mes bêtises avant que je sois la risée du pays.
— Tu peux rester encore un peu, tu ne me gênes pas tu sais.
— C'est gentil mais je ne veux pas rentrer chez moi trop tard.
Elle pouffa de rire dans son dos. Il avait conscience que sa volonté de surveiller sa réputation frisait le ridicule après ce qu'il s'était passé mais c'était la moindre des choses que de redevenir sérieux au plus vite.
— Katakuri. Il est quinze heure.
Il lâcha la tasse qu'il tenait entre les mains dans l'évier et chercha immédiatement une horloge. Brûlée disait la vérité.
— J'ai dormi tout ce temps ?
— Oh oui, confirma-t-elle.
— Mais enfin pourquoi tu ne m'as pas réveillé avant ?!
— J'ai essayé mais tu ne bougeais pas d'un poil. Et pour ton information : tu ronfles.
/
Katakuri avait pris une douche rapide avant de retrouver son bureau mais il ne se sentait pas moins sale. Il avait eu le temps de s'observer un peu dans le miroir avant de reprendre le travail et il ressemblait à un zombie. Brûlée lui avait dit que la veille, il avait eu l'air d'avoir vingt ans de moins. Et bien il en avait récupéré vingt de plus aujourd'hui. Il s'attendait presque à trouver des cheveux blancs sur ses tempes.
Mais il était temps qu'il arrête de se morfondre. Il savait que se lancer à fond dans une tâche l'aiderait à se sentir mieux. Même si son atroce migraine refusait de le laisser tranquille et qu'il avait déjà honte d'estimer le coût de ses propres bêtises. Totto Land avait cruellement besoin d'argent et il vidait encore plus les caisses du pays. Et dire que la Tea Party devait leur rapporter de quoi les aider, il avait vraiment tout gâché. Et il prétendait pouvoir gérer l'empire à lui tout seul, quelle blague !
Mais se morfondre et blâmer sa migraine pour son manque d'entrain n'allait pas arranger les choses. Il n'avait plus qu'à assumer ses actes.
— Monsieur, un visiteur pour vous ! L'avertit la porte.
Se ventre se contracta d'angoisse. King ? Il venait déjà le voir ? Il n'était pas prêt ! Qu'est-ce qu'il était censé faire ? Il aurait préféré avoir un peu plus de temps pour se préparer psychologiquement à leur nouvelle rencontre. Il n'avait aucune idée de ce qu'il était censé lui dire. Et il n'avait pas non plus envie qu'il le voit avec sa tête de déterré. Il se sentait déjà assez moche comme ça au quotidien alors la dernière chose qu'il voulait, c'était avoir l'air d'un papier froissé à côté d'un type qui serait forcément sublime même après avoir fini à quatre pattes dans les buissons. Il se passa nerveusement la main dans les cheveux et vérifia son haleine avant de lui donner la permission d'entrer.
Il fut soulagé de voir Oven passer la tête par la porte. Pendant une seconde. Car son sourire goguenard promettait de lui faire passer un mauvais moment.
— BONJOUR FRANGIN, Hurla-t-il en entrant dans la pièce. CA VA LA TÊTE ?
L'effet était efficace, sa voix puissante amplifia la douleur déjà agressive de sa migraine. Et il ne pouvait pas le lui reprocher. Il l'avait bien cherché.
— Ma tête va fondre, merci de t'en soucier, gemit-t-il. J'espère que tu prends du plaisir à me voir souffrir. Tu es vraiment obligé de crier ?
— ABSOLUMENT.
Oven trottina jusqu'à son bureau, les mains dans le dos, l'air parfaitement ravi de maîtriser la situation. Au moins, il ne lui en voulait plus d'avoir fichu la Tea Party en l'air. C'était déjà ça.
Arrivé à son niveau, et sans cesser de sourire, il lui tendit un joli paquet cadeau. Katakuri, surpris, l'accepta avec méfiance. Il l'avait emballé avec soin et l'avait orné d'un énorme bolduc rose pétant. Il s'était donné du mal.
— Je ne crois pas mériter de cadeau.
— Oh si, celui-là est parfaitement mérité.
Il ouvrit le paquet d'un geste rapide et tomba nez à nez avec sa propre image, joliment placée dans un magnifique cadre doré. C'était la pire photo de lui qu'il n'avait jamais vue. Cent fois pire que celles que Flampée avait placardées dans la ville: il avait les yeux mi-clos, tenait à peine debout et était manifestement soûl comme un cochon.
Les mots lui manquaient pour décrire la finesse de cette taquinerie fraternelle dont il ne pensait pas Oven capable. A croire qu'il avait attendu l'occasion de lui faire une telle farce pendant des lustres. Car à présent, il se délectait de la situation. Il le laissa admirer son œuvre pendant un instant avant de lui reprendre doucement le cadre des mains pour le poser sur le bureau, bien en évidence en face de lui.
— Là ! Comme ça, à chaque fois que tu te mettras trop la pression au boulot, tu te souviendras que tu es parfois capable de te laisser aller.
— Tu te trouves drôle, je suppose ?
— Je suis drôle.
C'était de bonne guerre, Katakuri accepta de laisser cette horreur en place. Il aurait préféré que l'affection de son frère se manifeste sous une autre forme, mais il voulait bien admettre que la blague était drôle.
— Je vais être la risée de toute la famille maintenant ? Demanda-t-il, en sachant que Oven ne serait sans doute pas aussi bienveillant que Brûlée.
— Noooon, on a déjà fait bien pire Daifuku et moi, le rassura-t-il. Je regrette qu'il ne soit pas là pour te chambrer avec moi, il aurait adoré.
Mentionner leur frère les attrista tous les deux. Il y avait trop longtemps qu'il n'avait aucune nouvelle de lui et leur inquiétude était difficile à cacher.
— Je suis désolé Oven. Sincèrement. Je t'ai fait la leçon sur l'organisation de la soirée et au final, je nous ai empêchés de faire de nouvelles alliances avec mon attitude. Je me rattraperai, promit Katakuri.
Oven pouffa de rire.
— N'en fais pas trop, tu n'as rien empêché du tout.
— Ah ? Est-ce que...
— Non. Pas de nouveaux partenaires à l'horizon. Mais nos alliances habituelles sont toujours solides et figure toi que votre petite démonstration de force involontaire, à toi et à King, a rappelé à tout le monde qu'on était toujours des pirates et qu'il était déconseillé de nous la faire à l'envers parce que nous sommes imprévisibles et ingérables. Personne ne veut se mettre notre équipage à dos et ça, c'est une bonne nouvelle.
Il le soupçonnait d'enjoliver les choses pour qu'il ne regrette pas de s'être mis la tête à l'envers et ça marchait. Tant qu'il n'avait pas complètement anéanti la réputation de l'équipage de Big Mom, alors tout allait bien. Sur ce point, il se sentait un peu mieux.
— Par contre, tu vas devoir casquer pour les dommages causés.
— C'était déjà mon intention.
Ils ricanèrent tous les deux puis Oven vint s'asseoir contre le bureau. Il ne disait rien mais il fixait son frère avec intensité. Katakuri savait déjà à quoi s'attendre. Sa journée promettait de n'être qu'une suite de discussions désagréables.
— Oui, Oven ?
Le jumeau prit un peu de temps pour formuler sa pensée.
— La dernière fois tu m'as juré n'avoir jamais fait quoi ce soit avec King mais après ce que j'ai vu hier soir, je ne te crois plus. Il s'est passé quoi ? Demanda-t-il à voix basse en se penchant sur lui pour recueillir ce qu'il espérait être la confidence du siècle.
Katakuri était presque désolé de n'avoir rien de croustillant à lui raconter.
— Il ne s'est rien passé.
Il n'avait aucune idée de ce que traduisait l'expression de son frère à cet instant : de la déception ou une furieuse envie de lui mettre une baffe pour le punir d'être un tel poltron.
— Tu mens là ?
— Pas du tout.
Il était bon menteur et il était hors de question qu'il lui répète ce qu'il avait confié à Brûlée. Il acceptait de se faire charrier sur sa gueule de bois mais son frère n'avait pas à connaître le détail de ses sentiments pour le second de Kaido.
— Mais qu'est-ce que tu fous bon sang ?! S'agaça subitement Oven.
— Pardon ?
— Tu as toujours été très clair sur ton vœu de chasteté mais il y a des limites ! Face à un avion de chasse pareil, je ne sais pas comment tu te retiens. Même moi je serai tenté d'y aller !
Katakuri était sous le choc. Après la conversation qu'il avait eu avec Brûlée — une conversation réfléchie et sérieuse — il n'aurait pas pensé une seconde recevoir des encouragements à passer à l'acte. Oven ne réalisait donc pas ce que ça impliquait ?
— Ce n'est pas aussi simple.
— Mais si ! Je te dis pas de l'épouser, juste de...
— Par pitié, ne finis pas ta phrase.
S'il allait au bout de son raisonnement, Katakuri risquait d'être tenté de suivre ses conseils. C'était très agréable d'entendre son frère jumeau, dont il était si différent, lui dire de foncer. Mais comme beaucoup de ses idées, celle-ci était mauvaise.
— Comme toujours, tu veux du sérieux sinon rien du tout ? Conclut Oven, soudain sérieux.
Katakuri acquiesça, en espérant changer de sujet.
— Tu es sûr de toi ?
Il s'inquiétait autant que Brûlée mais il l'exprimait autrement. En ça, Katakuri le reconnaissait. Plutôt que de lui recommander le retrait ou la prudence, il préférait lui suggérer de séduire King le premier, pour avoir le dessus. Mais ce n'était pas ce qu'il désirait. "Posséder" King ne l'intéressait pas. Il ne voulait pas être comme sa mère.
— Je suis sûr que traiter le lieutenant de Kaido comme un produit jetable est une mauvaise idée, répondit-il.
— Peut-être mais arrête de me prendre pour un con. Ça te déplairait pas de te le faire. Tu m'as fait le coup du mec outré la dernière fois mais ça ne prend plus. Je sais ce que j'ai vu.
Katakuri soupira d'épuisement. Son cerveau n'était pas encore remis de son empoisonnement et il ne pouvait pas lutter contre ces arguments. Il avait besoin de solitude et de chasser son frère de son bureau.
Il ne faisait que remuer le couteau dans la plaie.
— Oven, s'il te plaît. Ne complique pas les choses.
L'air grave de Katakuri lui ôta toute envie de plaisanter. Il avait conscience que tout ça n'avait rien d'un jeu pour lui.
— Et lui, tu crois qu'il va faire quoi ? Demanda-t-il avec sérieux, visiblement prêt à ramener King de force ici pour le faire parler si jamais Katakuri le lui demandait.
— Je n'en ai aucune idée.
/
King contemplait le plafond sans bouger depuis une heure.
Il était réveillé depuis longtemps, il avait même réussi à prendre une douche. Mais il n'avait pas osé mettre le nez dehors. De toute façon, il était mieux dans la pénombre. Il était dur au mal mais son estomac était encore un peu chamboulé par la nuit précédente et sa migraine était douloureuse. Sans oublier les courbatures et autres traumatismes infligés à son aile au cours de la soirée. Il avait intérêt à rester au lit encore un petit moment. Mais ce n'était pas pour ça qu'il ne bougeait pas.
Il n'osait pas sortir de sa chambre. Il ne voulait pas prendre le risque de tomber sur Katakuri sans savoir minutieusement réfléchi à ce qu'il allait pouvoir lui dire. Malheureusement, rien de ce qu'il avait imaginé ne fonctionnait. Et il était effrayé par les réflexions que celui-ci avait certainement médité de son côté.
Qu'est-ce qui lui avait pris de lui faire un baise main ? Depuis quand est-ce qu'il faisait des trucs aussi maladroits et aussi déplacés ? L'alcool n'était pas une excuse, il n'avait même pas bu tant que ça. Il avait eu de la chance que ses écarts aient été bien accueillis.
Il en était venu à la conclusion qu'il ne laissait pas Katakuri indifférent mais il se rappelait aussi sa discussion avec Pudding. Il ne pouvait rien se passer de plus. C'était trop risqué pour eux deux. Et il avait vu comme Katakuri était prudent et méticuleux, il l'était bien plus que lui. Jamais il ne ferait quoi que ce soit qui puisse mettre en péril sa famille. King était le seul des deux à être assez égoïste pour regretter qu'il soit un homme bien, incapable de ne pas prendre soin de ses proches. Si ça ne tenait qu'à lui, il aurait suivi le conseil de Pudding et l'aurait traîné sur Onigashima pour qu'il se joigne à son équipage. Si toutefois il lui en restait un.
Il ne ressentait plus la moindre joie maintenant. Seulement de l'amertume.
La météo avait décidé de refléter son humeur. Il pleuvait des cordes. Et comme l'univers détestait King, la pluie de Totto Land était parfumée et exhalait un parfum sucré qui lui rappelait celui de Katakuri. Histoire de lui ôter toute possibilité de penser à autre chose.
Il allait bien être obligé de faire face aux conséquences de ses actes à un moment ou un autre. Il devait se lever.
Il était tard mais il se demandait si Katakuri était réveillé. Il l'était probablement, cet homme avait l'air incapable de manquer un jour de boulot. Il espérait qu'il ne l'avait pas attendu pour manger. Même s'il mourrait de faim, King n'avait pas osé descendre jusqu'à la cuisine de peur de le croiser. C'était vraiment ridicule.
De quoi avait-il si peur au juste ? Qu'Oven mette sa menace à exécution et vienne lui péter la gueule pour avoir entaché la vertu de son saint de frère ? Non. Il craignait plutôt de perdre leur complicité. Il n'avait jamais apprécié la compagnie de quelqu'un d'autre que Kaido jusqu'à présent. C'était trop rare pour qu'il accepte de faire une croix dessus comme ça, d'un coup. Mais il n'avait pas d'autre choix, il n'était pas un gamin. Il devait assumer ce qu'il s'était passé et accepter la suite, même s'il avait de grandes chances d'être blessé.
Sa propre fragilité émotionnelle le répugnait.
Il quitta sa chambre en catimini, soulagé de voir que Pudding n'était pas au bout du couloir. Il n'était pas d'humeur à subir la moindre taquinerie. Il s'en alla machinalement vers le bureau de Katakuri. Il connaissait le trajet par cœur à force. Il ne pouvait pas s'empêcher de se trouver ridicule ; il manquait tant d'expérience qu'il n'était même pas capable de trouver un peu de courage pour faire face à une situation légèrement gênante. Et tous les ragots qu'il avait subi contre sa volonté au cours de sa vie ne lui étaient d'aucune utilité à présent. C'était une chose d'entendre les autres se plaindre de leurs vies amoureuses, c'en était une autre de ressentir les choses soi-même. Et il ne savait pas quoi se conseiller. Aucune histoire de son répertoire ne s'approchait de ce qu'il ressentait. Il n'avait plus qu'à espérer que Katakuri soit moins ignorant que lui et que les choses ne soient pas aussi douloureuses qui le redoutait.
Il arriva devant la porte et attendit un peu avant d'entrer. Est-ce qu'il empirait les choses en venant ici ? Est-ce qu'il avait raison ? N'aurait-il pas mieux fait de jouer celui qui avait tout oublié ? Qu'est-ce qu'il voulait, au fond ?
— Est-ce que j'annonce votre arrivée ou pas ? Demanda la porte, confuse devant son mutisme.
— Oui, oui, c'est bon, grommela-t-il sans réaliser qu'il n'était plus surpris de voir des objets lui parler.
Il ne pouvait plus s'enfuir en courant maintenant. La porte s'ouvrit et il entra, peu confiant mais déterminé à mettre fin à son calvaire.
Comme prévu : Katakuri était assis à son bureau, l'air parfaitement sérieux et apte au travail malgré des cernes qui lui faisait une tête de raton laveur en fin de vie. Il n'avait pas l'air surpris de voir King et on voyait à son expression timide qu'il avait redouté ce moment tout autant que lui. Quelque part, c'était rassurant. Ils étaient toujours sur la même longueur d'onde.
Ils échangèrent un regard craintif et se fut suffisant pour eux deux. Chacun savait que l'autre savait qu'il savait. King n'osa rien dire. Même un simple "bonjour" ne parvenait pas à franchir la barrière de ses lèvres.
Katakuri le lâcha des yeux une seconde et baissa soudain le nouveau cadre photo posé sur son bureau. Ce geste piqua la curiosité de King et chassa aussitôt son embarras. Il s'approcha et fit le tour du bureau pour relever ce cadre qu'il tenait tant à cacher.
Un gloussement lui échappa quand il vit l'horrible photo qui s'y trouvait — probablement prise par son frère, par vengeance.
Katakuri poussa un soupir de défaite mais ne fit aucun commentaire.
— Ce n'est pas ton meilleur profil, dit King pour détendre l'atmosphère.
Katakuri saisit la perche tendue sans aucune hésitation et répondit mais rabaissa une nouvelle fois le cadre.
— C'est pour ça que je m'efforce de cacher cette photo.
— J'ai de la chance de m'être éclipser juste avant.
C'était une façon comme une autre d'engager la conversation. Katakuri lui sourit en retour.
— Si tu avais été sur la photo, même dans cet état, je suis sûr qu'elle aurait été réussie.
Malheureusement, faire de l'humour ne suffisait pas à chasser l'éléphant dans la pièce. Ni l'un, ni l'autre, ne savait comme rebondir. Échanger des banalités ou demander si l'autre avait passé une bonne nuit ne les intéressait guère. Il était trop tard, revenir en arrière et faire comme si de rien était n'était plus possible. Et Katakuri n'avait pas l'air de savoir mieux que lui comment aborder le sujet. Il aurait dû se sentir réconforté à l'idée qu'il s'était autant pris la tête que lui sur la question mais il ne l'était pas.
King se demandait s'il devait s'excuser. Ce n'était pas dans ses habitudes de le faire, son orgueil le lui interdisait, pourtant il en ressentait le besoin. Ou au moins, dire quelque chose. N'importe quoi, qui pourrait effacer ce qu'il s'était passé et revenir là où ils en étaient restés. C'était injuste de vivre les séquelles de tout ça alors qu'il y a encore quelques heures, ils se déchaînait comme des gosses.
Le silence se prolongeait un peu trop. Katakuri avait l'air de réfléchir à ce qu'il devait dire. Apparemment, voir le futur ne l'aidait pas à trouver les mots justes. C'était inquiétant. King ne supportant plus de se sentir aussi apeuré — Kaido aurait honte s'il le voyait se comporter comme un tel geignard — se jeta à l'eau.
— Est-ce que tu as des nouvelles de ton frère parti pour Wano ?
Katakuri parut surpris par sa question.
— Non. Pas encore. Pourquoi ?
— Parce que ça devient urgent de savoir ce qu'il advient de nos capitaines. Je me trompe ?
Ils échangèrent un regard lourd de sens. Katakuri comprit immédiatement où il voulait en venir.
— Oui. On peut le formuler comme ça, dit-il dans un souffle.
Il reconnut la tristesse dans sa voix et il la ressentit à son tour. Ils savaient tous les deux dans quelle direction les choses allaient évoluer. Dès que Big Mom et Kaido seraient de retour, l'alliance prendrait fin. Big Mom tenterait sûrement de garder King, Kaido ne laisserait pas faire, les choses allaient s'envenimeraient et ils seraient forcés d'oublier l'amitié née entre eux. En plus du reste.
Un maigre espoir résidait dans la possibilité que l'un ou l'autre accepte de trahir son capitaine mais il fallait être réaliste : aucun d'entre eux ne le ferait. Ils étaient condamnés à s'apprécier en dépit de ce qui les attendait. King s'en voulait de tout : d'avoir empêché le suicide de Pudding, de s'être laissé charmer par la droiture de Katakuri, d'avoir apprécié sa compagnie, de l'avoir laissé le soigner et de ne jamais avoir cherché à le repousser. S'il s'était contenté d'être odieux, comme il en avait toujours eu l'habitude, il n'aurait pas eu à se sentir aussi déchiré entre deux univers.
— J'en aurais sûrement bientôt, reprit Katakuri alors que King avait presque oublié sa question. Et alors on saura si nous sommes toujours alliés ou non.
— A mon avis : non.
— Je ne pense pas non plus. Mais avec ma mère, on ne peut jamais être sûr de rien.
Il lui adressa un regard compatissant et insoutenable qui donnait envie à King de le supplier d'oublier la nuit dernière et de recommencer à zéro.
— Qu'est-ce que vous allez faire, toi et Kaido ?
— Je n'en ai aucune idée. Et si tu redeviens notre ennemi, mon devoir est de ne rien te dire à ce sujet.
Katakuri esquissa un sourire triste.
— Tu ne m'as jamais rien dit à ce sujet.
King ne savait pas si c'était un reproche ou une façon de le féliciter pour sa loyauté. Sans doute un peu des deux.
Il n'était pas d'accord, il lui avait confié énormément de choses. Il ne l'avait simplement pas remarqué.
Le malaise ne se dissipait pas et aucun d'entre eux n'osait poser la seule vraie question qui importait. A savoir : est-ce qu'il y a quelque chose entre nous ? King ignorait si la raison qui retenait Katakuri de la poser était la même que pour lui. Savoir qu'à l'instant où elle serait oralisée, tout ce qui existait entre eux prendrait fin. Il n'y aurait plus d'amitié possible et ils subiraient une obligation d'éloignement.
C'était leur responsabilité que de mettre les choses au clair. Égoïstement, King n'en avait aucune envie. Il repensait encore à ce que Pudding lui avait dit. L'emmener avec lui, ce serait bien. Mais il savait depuis longtemps que les compromis et les espoirs de vie heureuse étaient vains. Il n'avait pas d'autre option. A part : faire comme si de rien était.
— Restons en là, déclara soudain Katakuri, le prenant au dépourvu.
Comme King ne répondait pas — il ne savait pas quoi dire — il poursuivit.
— On sait tout les deux ce qu'il va se passer quand nos capitaines vont rentrer. Je ne serai plus en mesure de décider de quoi que ce soit ici. Mon champ d'action actuel est provisoire. Le moindre de mes choix se répercutera sur ma famille au retour de ma mère. Car quand elle reviendra, elle analysera tout ce que j'ai fait en son absence et me fera payer la moindre erreur. Comme j'en ai déjà fait un certain nombre, j'aimerai qu'elle ne réalise pas... à quel point on s'est bien entendus.
Sa voix s'éteignait au fur et à mesure qu'il parlait. King était si touché qu'il en aurait presque oublié qu'il était tout aussi dévasté d'entendre ça. Mais il était d'accord, il ne pouvait qu'être d'accord. C'était la solution la plus raisonnable. La plus censée. Ils avaient bel et bien tiré les mêmes conclusions de ce qui leur était arrivé. Ils avaient profité tant que possible de la compagnie de l'un de l'autre, au point d'oublier leurs rôles et de goûter au plaisir du lâcher prise pendant une soirée, et il était temps que ça se termine.
Passé quelques secondes, Katakuri osa lui adresser un regard timide. Il avait sûrement peur que King s'emporte ou réagisse mal.
A vrai dire, il ne réagissait pas du tout. A l'extérieur, il était étonnement calme. Comme d'habitude, il ne voulait surtout pas que ses émotions soient visibles. Maintenant que leur statut de pilier d'équipage leur revenait droit dans la figure, il faisait de son mieux pour rester froid et hautain. Il avait du mal, mais il y parvenait. A l'intérieur, il sentait une part de lui mourir. Encore une fois.
Il leva les mains pour contempler les liens qui le retenaient prisonnier sur Totto Land depuis... quoi ? Un mois ? Un mois et demi ? Il n'avait pas envie de les enlever. Il aurait ri de l'ironie de la situation s'il n'avait pas fait autant d'effort pour rester stoïque.
— Qu'est-ce qu'on est alors ? Demanda-t-il, sans lâcher ses menottes du regard. Des rivaux ? Des alliés ? Des potes de boisson ?
Katakuri réfléchit une minute.
— On est mal barrés. Voilà ce qu'on est.
Tous les deux laissèrent échapper un rire triste. Et, encore une fois, un silence s'installa. Pesant et lourd, empli de leur désarroi.
— Tu vas me libérer ? Demanda King, en essayant de ne rien montrer de sa déception.
Katakuri fit "non" de la tête.
— Pas encore. Mais je le ferai quand j'aurais des nouvelles de Cracker.
King se tourna vers lui, il avait besoin de vérifier une chose et pour ça, il devait scruter le moindre changement d'expression. S'il lui promettait de lui rendre sa liberté, il voulait voir dans ses yeux ce que cette promesse signifiait.
— Serment ?
Sa voix avait un peu tremblé et Katakuri l'avait perçu. Il fut d'abord dépourvu par la simplicité de sa demande, puis déstabilisé par le poids du sentiment qu'elle transportait. En réponse, ses yeux trahirent plusieurs émotions successives ; quand King y reconnut la même lueur que celle qui lui avait réchauffé le cœur et le ventre à la fin de la Tea Party, il sut qu'il n'avait pas besoin de confirmation. Katakuri avait parfaitement compris l'importance de la promesse qu'il venait de lui faire. Ce n'était pas sa liberté supposée qui était en jeu, c'était tout le reste. Il avait déjà tant fait pour lui, sans rien demander en échange, alors King voulait savoir ; est-ce qu'il se souciait réellement de lui ? Malgré la décision qu'il avait prise, lui accordait-il encore assez d'estime ?
Même s'ils s'étaient compris sans mots, Katakuri lui ôta tout inquiétude, avec la solennité qui le caractérisait si bien, et lui répondit.
— Serment.
Paniquez pas hein, j'ai dit qu'on était à la moitié de l'histoire.
Pour ma défense, je savais pas que ça allait se passer comme ça. Mais ils ne pouvaient pas faire autrement. King et Katakuri, contrairement à d'autres ships, ils se parlent. Ils galèrent parce qu'ils sont inexpérimentés mais ils se disent les choses. Et ils ne pouvaient pas simplement ignorer ce qui leur arrive et faire semblant de rien. Ils prennent leur rôle trop au sérieux. Ils devaient en arriver à cette conclusion. Pourtant : ils s'aiment.
Alors maintenant, qu'est-ce qui va bien pouvoir se passer ? Et bien, vous verrez. Je ne vais pas vous spoiler.
En plus vous allez vraiment me détester parce que les fêtes de fin d'année approchent et non seulement je vais faire une grosse pause mais en plus les deux chapitres prochains sont des flashbacks (mais c'est nécessaire pour ce qui va venir, croyez moi). Je vais essayer d'en sortir un la semaine prochaine (le 17 !) parce qu'après ça, comme tout le monde, je vais être un peu occupée donc ce sera dur de poster avant le 7 janvier ... T_T J'espère vraiment que vous n'allez pas décrocher, ce serait trop bête. Le meilleur approche !
Sinon je tiens encore à tous vous remercier d'être toujours au rendez vous pour cette histoire, de me laisser des petits mots à chaque fois etc. Quand j'ai une baisse de moral, je vous jure que c'est précieux !
