Hey ! C'est la reprise !
J'ai l'impression de ne pas avoir écrit depuis une éternité. Alors que c'est faux, j'ai publié un OS surprise pour Noël et c'était il n'y a pas si longtemps !
Edit : Pardon j'ai oublié de préciser, c'est un OS Red Snitch et il est exclusif à Wattpad ! Donc n'hésitez pas à faire un petit tour sur mon compte pour l'y trouver (mon pseudo est toujours Law Esculape)
J'espère que je n'ai pas perdu la main. Ce chapitre a été difficile. Par à cause de ce qu'il raconte mais parce que j'ai l'impression d'aller trop vite sur un évènement qui nécessiterait une fic entière pour le raconter. Pourvu que ce ne soit pas trop confus.
Bref, comme je l'avais dit, ce chapitre là est aussi un flashback mais du côté de Katakuri. Et comme celui de King, je vous invite à noter ce qui s'y passe. C'est important pour la suite.
(cw : évocation du racisme envers les hommes poissons, violence graphique)
38 ans auparavant, avant la création de Totto Land.
Il ne pouvait pas s'arrêter de pleurer. De grosses larmes roulaient sur ses joues sans discontinuer depuis qu'il était entré dans la pièce.
Brûlée dormait profondément, assommée par les anti-douleurs. Mais son petit visage crispé, enveloppé par des bandages sanguinolents, traduisait l'insoutenable douleur qui était la sienne. Il n'avait pas entendu tout ce que le médecin avait dit mais d'après ce qu'il avait compris, sa petite sœur n'était pas tirée d'affaire.
Elle avait perdu énormément de sang et souffrait d'un traumatisme crânien sévère. Elle pouvait ne pas survivre à ses blessures. Il avait supplié qu'on prenne son sang pour le lui donner mais on lui avait expliqué que ce n'était pas possible. Depuis, il restait à son chevet à la regarder lutter contre la mort, en priant de toutes ses forces pour qu'elle s'en sorte.
Il ne s'était jamais senti aussi triste, ni aussi enragé.
Hier encore, il jouait avec ses frères juste avant d'aller se bagarrer contre des apprentis pirates de l'île de la Ruche, assez bêtes pour se moquer de lui. Il était le fils de Linlin ! Il ne risquait rien ! Mais leur mère avait quitté l'île avec les Rocks quelques jours auparavant pour une mission importante et avait laissé sa progéniture au camp qu'elle avait établi au port. Son absence avait enhardi ses jeunes rivaux.
Katakuri étant fort comme un bœuf et aussi résistant que sa génitrice, il avait brisé ses adversaires comme des jouets, sans retenir leurs noms, ni penser aux risques qu'il pouvait y avoir à tuer les sous-fifres d'autres pirates, assez puissants et assez cruels pour s'en prendre à des enfants, fussent-ils les apprentis de Rocks et les rejetons d'une pirate de renom comme Mama.
Il avait tourné le dos quelques minutes, le temps d'aller déjeuner, et ils avaient frappé. Pour cible, il avait choisi la plus facile à atteindre. La plus faible, la plus innocente et la plus douce de la fratrie. Personne ne l'avait vu venir et surtout pas Katakuri.
Brûlée n'était qu'une petite fille, elle ne se battait pas ! Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps quand Mama était partie en mer sans l'emmener. Il n'aurait jamais imaginé qu'on puisse s'en prendre à elle à cause de lui ! Et pourtant, voilà que sa cadette, toujours souriante et affectueuse avec lui, gisait dans ce lit, à mijoter dans ses propres fluides, menaçant de ne peut-être plus jamais se réveiller.
Perospero entra dans la chambre, accompagné d'un homie infirmier incarnée dans le corps d'une poupée de porcelaine géante, et referma doucement la porte, pour ne pas déranger le sommeil de leur pauvre sœur. Il fit le tour du lit — ignorant Katakuri qui était assis dans le seul fauteuil de la pièce — et déposa un panier plein de linges propres et de couvertures chaudes sur la table de nuit.
Il avait les traits tirés. Peut-être plus que Katakuri.
Il posa un regard presque endeuillé sur Brûlée et ordonna à l'homie de changer son pansement, sans jamais accorder la moindre attention à son petit frère. Légèrement agacé de ne pas être mis à contribution, Katakuri se frotta vivement les yeux pour essuyer les larmes et se leva pour proposer son aide à l'infirmier.
— Sûrement pas, aboya Perospero en le poussant violemment contre le mur. T'en as déjà fait bien assez, merci.
Katakuri montra les crocs. Peros était peut-être l'aîné mais il pouvait lui faire passer l'envie de mal lui parler. Il en avait marre de son ton. Son reproche était évident, il considérait que Katakuri était entièrement responsable de la situation.
— Je ne pensais pas qu'ils viendraient se venger ! Se défendit-il.
— Non, bien sûr ! S'exclama son frère, sarcastique. Tu ne penses jamais à rien d'autre que t'empiffrer toute la journée !
Un grondement s'échappa de la gorge de Katakuri. Il avait envie de se jeter sur Perospero. L'homie, intimidé par ce brusque changement d'atmosphère, les rappela à l'ordre.
— S'il vous plaît, ne vous disputez pas ici, elle a besoin de calme.
Le soucis du bien être de leur sœur les calma tous les deux. Ils échangèrent un regard plein de rancune et Perospero incita son frère à le suivre en dehors de la chambre. Il aurait peut-être dû refuser et rester au chevet de Brûlée, mais il était trop en colère pour ne pas écouter ses premiers instincts. Il le suivit, en réprimant toujours ses pleurs. Il ne voulait pas avoir l'air d'un coupable devant l'aîné.
Ils sortirent en trombe et Perospero referma doucement la porte derrière lui. Ils firent quelques pas dans le couloir, jusqu'à ce que tous les deux estiment qu'ils s'étaient suffisamment éloignés pour pouvoir se hurler dessus.
— Je t'ai déjà prévenu je ne sais combien de fois, reprit Perospero. Si tu m'avais écouté, rien ne serait arrivé !
— Ça, t'en sais rien du tout !
— Si je le sais !
— Nan !
Katakuri devait faire de gros efforts pour cacher le trémolo dans sa voix. Il savait parfaitement que tout était de sa faute ; il n'aurait jamais dû répondre aux provocations que les pirates leur lançaient en l'absence de Mama, mais une part de lui refusait d'admettre ses torts.
— Ça n'a rien à voir avec moi, ils sont venus parce que Mama n'est pas là ! Sinon personne n'aurait jamais osé s'en prendre à Brûlée !
— Et si tu passais pas ton temps à te faire remarquer, personne se soucierait de nous !
Vert de rage, Katakuri attrapa son frère par le col de sa veste, les lèvres retroussées sur ses dents tranchantes. Se faire remarquer ? Pourquoi c'était à lui que Peros reprochait ça ? Oven et Daifuku étaient bien pires que lui en matière de bagarre ! Ils avaient tabassé plus de pirates adultes que lui, qui était d'un naturel plus calme. Ca aurait très bien pu être leur faute ! Et eux, on ne les traitaient pas comme des monstres.
Car en vérité, il savait très bien ce que Perospero voulait dire. Depuis tout petit, on reprochait à Katakuri d'avoir une nature plus "brutale" que les autres membres de la fratrie. Mama lui avait intimé plus d'une fois d'ajuster son comportement sans qu'il ne comprenne en quoi il différait de celui de ses frères. Puis, avec les années et les rencontres avec d'autres gens qui n'étaient pas de sa famille, il avait rassemblé les pièces du puzzle et avait saisit que tout cela avait un rapport avec sa mâchoire. On lui disait qu'elle était dégoûtante, on s'en moquait, on lui donnait des sobriquets d'animaux... Mais quel contrôle pouvait-il avoir sur son apparence ? Il n'avait pas fait exprès de naître comme ça !
— Je n'ai rien demandé, s'insurgea-t-il, conscient de l'injustice des propos de son frère. Et je ne vais pas me laisser insulter sans rien faire !
— Si, c'est ce que tu devrais faire justement !
Malheureusement pour lui, Perospero n'en avait plus rien à faire de sa bouche menaçante, il ne le craignait pas. Il repoussa Katakuri avec violence, sûr de son autorité de frère aîné.
— Grandis un peu ! Si on devait se venger de toutes les personnes qui t'insultent, on n'aurait jamais fini ! T'avais le choix dans cette histoire, et au lieu de faire un effort pour t'intégrer, t'as décidé d'être bête et tu t'es fait des ennemis. Sauf que tes ennemis, ce sont aussi les ennemis de Mama et donc de toute la famille ! Mets toi ça dans le crâne !
Au lieu de le culpabiliser, son discours enragea Katakuri. Il se fichait bien que Perospero soit plus vieux et plus grand que lui : il était toujours le plus costaud. Il se jeta sur son frère et le plaqua au sol. Il l'aurait frappé s'il n'avait pas été plus pressé de lui clouer le bec.
— Quand on m'insulte, c'est elle qu'on insulte ! Et Mama elle en fait quoi de ses ennemis ?! Elle les tue ! Elle les écrase un par un !
— Tu n'es pas Mama !
— JE POURRAIS !
Perospero écarquilla les yeux, complètement hébété par cette déclaration stupide. Katakuri n'avait rien trouvé de mieux à répondre.
— Si tu avais été comme Mama, dit-il, la voix calme et froide, personne ne serait revenu pour se venger parce qu'il n'y aurait pas eu qui que ce soit pour le faire. Tu n'as tué personne, tu t'es contenté de fanfaronner et de ne penser qu'à toi. Brûlée a payé pour ton caprice et c'est ce que Mama comprendra à son retour.
Un frisson glacial parcourut le corps de Katakuri et le força à lâcher prise. Perospero le bouscula et se releva avec dignité. Il avait dit ce qu'il avait à lui dire et ne comptait pas poursuivre la conversation. Il retourna calmement dans la chambre de Brûlée et abandonna Katakuri à son sort dans le couloir.
Il était toujours en colère mais il ne savait pas quoi répliquer pour se défendre. Il avait beau réfléchir, tout ce qui lui venait à l'esprit pour contredire son frère sonnait effectivement très égoïste. Il avait estimé qu'il n'avait pas à cacher sa bouche et qu'il n'avait qu'à punir ceux qui osait se moquer mais Perospero avait raison : c'était de l'orgueil. Et à cause de ça, il avait donné l'envie à des gens vraiment dangereux de s'en prendre à eux. S'il avait pris la peine de s'auto-discipliner avant, comme on le lui avait répété des centaines de fois, alors Brûlée n'aurait pas...
Mais il n'avait pas envie de s'auto discipliner ! Ce n'était pas lui qui avait commencé ! C'était à lui de se venger !
Perospero avait raison sur ce point aussi : s'il avait été un frère responsable, il aurait fait le nécessaire.
Et il n'était pas trop tard.
/
Il avait porté son choix sur l'arme qui lui avait semblé être la plus tranchante et la plus douloureuse : un trident. Il était un peu trop grand pour lui mais il se faisait confiance, il trouverait le moyen d'en faire bon usage.
Il avançait à pas rapide dans les rues, impatient de retrouver les coupables. Des pirates de pacotille, qui n'auraient sûrement jamais osé s'approcher du repaire de Mama ou toucher à ses enfants si elle avait été dans les parages. Plus il y pensait, plus il se sentait bouillir. Comment avaient-ils osé ? La raclée qu'il leur avait mis auraient dû suffire à leur faire comprendre que c'était une mauvaise idée de mettre en colère les fils de la redoutable Linlin.
Mais il était tout aussi vert de rage contre lui-même ; pourquoi est-ce qu'il n'avait pas pris la peine de les tuer ? — il n'avait encore jamais tué personne — pourquoi est-ce qu'il était né avec cette bouche infernale qui ne faisait que lui attirer des ennuis ? Il se détestait si fort qu'il se serait bien embroché lui-même sur son trident. Mais il avait une mission plus importante à accomplir.
Il devait les punir pour donner l'exemple, et vite.
Ce qui le rendait fou, plus que tout, c'était que Brûlée risquait bel et bien de mourir à cause de ses erreurs. Il ne pouvait plus prétendre le contraire. Sa dispute avec Perospero n'avait fait qu'augmenter son sentiment de culpabilité. Malgré tout ce qu'il pouvait dire pour se défendre, c'était indéniable : elle avait subit des représailles qui aurait lui être destinées, à lui seul.
Pendant une seconde, il se figura l'avenir sans Brûlée. Il imagina son cercueil porté en terre, les pleurs des autres pendant des jours, les bandages et le linge couverts de sang qu'il faudrait bien jeter à un moment ou à un autre, les jouets qui resteraient derrière elle, sa jumelle qui se retrouveraient seule, lui qui ne sentirait plus jamais la chaleur de sa petite sœur qui lui fait un câlin... Et Mama.
Ça ne pouvait pas arriver, ça ne pouvait pas se passer comme ça. C'était trop cruel ! Brûlée ne pouvait pas mourir, elle était tellement adorable. C'était l'enfant la plus adorable du monde ! On ne pouvait pas rêver meilleure petite sœur. Le plus ignoble dans l'histoire était qu'elle adorait Katakuri. Il ne savait pas exactement pourquoi, peut-être parce qu'il avait tendance à s'éloigner du bruit quand toute la fratrie était réunie et que son silence la rassurait ou bien parce qu'elle l'idéalisait complètement. Mais il ne méritait pas son affection, il l'avait trahie en l'exposant à un danger dont elle ignorait tout. Qu'est-ce qu'il allait devenir si elle mourrait ? Il refusait d'imaginer un monde sans elle...
Son cœur cognait comme un tambour dans sa poitrine et petit à petit la fureur se mêlait à la panique. Il était fort et téméraire mais il n'en restait pas moins un enfant, et c'était la première fois qu'il éprouvait une telle peine. Depuis le départ de Mama, rien n'allait plus dans sa vie. Il n'avait aucune idée de la façon dont il était censé gérer toutes ces émotions et les réactions physiologiques qu'elles entraînaient.
Il essayait de se concentrer sur son objectif mais ses oreilles bourdonnaient, il avait envie de pleurer et de hurler tout à la fois. Il n'arrivait plus à chasser l'image de sa sœur mourante de son esprit. L'idée de la perdre lui était insupportable et il ne pouvait rien faire pour améliorer son état. Son sort ne dépendait pas de lui. Il ne lui restait que la haine et il comptait bien la laisser exploser, à défaut de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre.
Il fonçait à travers la ville et personne ne lui prêtait la moindre attention, pour une fois. Ce désintérêt soudain ne faisait qu'augmenter sa colère car il savait pourquoi, cette fois, on ne l'insultait pas ni ne le regardait de travers. Il était toujours furieux contre Perospero mais il avait décidé de suivre son conseil et de dissimuler ses dents. Ce qui était arrivé à Brûlée ne devait plus jamais se produire ; alors il avait ramassé la plus grosse et la plus touffue des écharpes qu'il avait pu trouver et l'avait enroulée autour de son cou. Dorénavant, il ne permettrait plus à qui que ce soit de lui faire des remarques désobligeantes. De cette façon, il éviterait d'attirer la foudre sur les autres.
Mais il était stupéfait de constater à quel point ce stratagème minable marchait. Pas un seul passant ne l'avait appelé par son sobriquet habituel, "l'anguille pélican". Il s'en voulait d'autant plus de ne pas avoir suivi le conseil de Perospero plus tôt.
L'urgence de retrouver les bourreaux de Brûlée se faisait sentir de plus en plus fort, il allait leur faire payer toute cette douleur et ce sentiment d'injustice qui le submergeaient. Il avait été trop gentil. Il se savait capable d'être beaucoup plus violent que ça. Encore une fois, il était le fils de Linlin... Il allait leur apprendre à ne surtout pas le mettre en colère.
Il atteignit enfin la tanière des pirates qui avaient lacéré le visage de Brûlée et en franchissant leur porte, il réalisa qu'il avait de plus en plus de mal à réfléchir correctement. La tête lui tournait. Ce n'était pourtant pas le moment de faire un malaise. Il avait soif de vengeance. Quand il pénétra dans leur campement, il les trouva en train de paresser autour d'un repas, déjà ivres morts.
C'était des pirates mais leur réalité frappa Katakuri en pleine face : c'était aussi des rigolos. Des jeunes blancs-becs qui ne comprenaient rien à rien. Certains d'entre eux devaient avoir son âge. Ils ne pensaient déjà plus à ce qu'ils avaient fait, Brûlée n'avait été qu'un insecte sur leur chemin. Une broutille insignifiante qu'ils avaient aussitôt oubliée.
Ses lèvres se retroussèrent derrière son écharpe et il serra le poing sur son trident. Son cœur cognait de plus en plus fort dans sa poitrine. Il était proche de l'évanouissement pourtant ses jambes ne faiblissaient pas ; elles le portèrent jusqu'à eux. Il était plus déterminé que jamais à leur faire payer leur crime.
Il leur fallut un moment pour remarquer qu'un intrus s'était introduit dans leur base. Mais contrairement aux autres gens qu'il avait croisé sur la route, eux le reconnurent immédiatement. Le chef — le plus grand, le plus grande gueule, le plus fort — esquissa un sourire satisfait à son approche et alerta son voisin de table d'un petit coup de coude. Les têtes pivotèrent dans sa direction et les moqueries revinrent aussitôt.
— Oh ! Katakuri, tu as décidé de nous rendre visite ?
Ils abandonnèrent leur déjeuner et s'approchèrent de lui. Katakuri sentit la présence d'autres dans son dos, qui cherchaient à l'encercler. Il jeta un bref coup d'œil par dessus son épaule pour déterminer leur nombre. La réponse était simple : ils n'étaient pas assez nombreux. Ils ne seraient jamais assez nombreux pour l'arrêter. Il se sentait sur le point d'exploser et son instinct lui soufflait qu'il était temps de passer à l'action. Quelque chose en lui — quelque chose de nouveau — avait soif de carnage.
— On t'attendait, ricana à nouveau le chef du groupe en sortant une arme.
Katakuri n'écoutait pas, il pouvait à peine l'entendre. Sa tête était de plus en plus lourde, son esprit de plus en plus embrouillé. Il ne pensait qu'à Brûlée, au fait qu'il ne la reverrait peut-être plus jamais à cause de ces minables, ces punaises insignifiantes qui grouillaient autour de lui.
— Comment avez vous osé... défigurer ma sœur...
En prononçant ses mots, il eut tout à coup la sensation que la violence s'échappait de lui comme une gigantesque vague déferlante. Exactement comme Mama quand elle partait au combat. Avant même de les avoir touchés, il leur avait donné un aperçu de ce qui les attendait. Ce fut la dernière image claire que son cerveau enregistra : les visages de ses victimes qui se décomposaient en comprenant qu'ils avaient commis une erreur fatale. Ils allaient mourir.
Les plus faibles s'enfuirent aussitôt et, par un réflexe de prédateur, Katakuri se jeta sur eux en premier. Il les transperça de son trident presque sans effort. Des éclaboussures de sang arrosèrent son visage et ses vêtements. Il s'attendit à ressentir une petite satisfaction devant la vengeance mais il n'y avait rien. Le vide abyssal causé par le chagrin et la peur de perdre Brûlée prenait toute la place et aspirait sa conscience comme un vortex. Il se sentait de plus en plus étourdi. Pourtant, il continuait son massacre.
Il prit le temps d'anéantir chacune de ses cibles. C'était facile, très facile. Peut-être que s'il continuait, encore et encore, son vertige finirait par s'apaiser. Il se laissa sombrer, comme s'il s'endormait profondément. Il savait que pendant ce temps, son corps continuait à obéir à ses désirs de vengeance, sa colère se chargeait de remplir seule sa mission. Mais lui, il était loin. Perdu quelque part là où la mort de Brûlée n'existait pas.
/
Katakuri ! ... Arrête ! ... Katakuri, reviens !
Il entendait son nom mais il n'arrivait pas à répondre. Ni à identifier les voix. Il ne savait plus très bien où il était, ni ce qu'il faisait. II tenta de se souvenir. Il pensait à Brûlée... Oui, c'était ça. Il devait faire payer ceux qui l'avaient gravement blessée. Il savait que c'était ce qu'il était en train de faire et c'était plus important que tout.
Kata ! Arrête toi !
Ces voix l'agaçaient, comme des mouches qui viendraient vrombir un peu trop près de ses oreilles. Mais elles lui permettaient de se sortir un peu de la spirale dans laquelle il s'était laissé tomber.
Katakuri ! Stop ! Tu nous reconnais pas ?
A vrai dire non, il ne les reconnaissait pas. Mais pour le moment, elles l'aidaient à s'ancrer dans la réalité sans qu'il ne s'en rende compte. Son corps cessa de bouger. Il le sentait épuisé et tendu mais il semblait avoir terminé ce qu'il avait commencé. Maintenant, il sentait qu'il avait froid, faim et sa tristesse n'avait pas disparu. Comprenant cela, il revint peu à peu à la raison.
Ses yeux, qui n'avait vu que du flou jusque là, se stabilisèrent. Il avait la tête baissée et fixait le sol sous ses pieds. Il était très essoufflé et il était trempé. La pluie tombait à grosses gouttes et le faisait grelotter. Ce premier détail l'alarma. Quand il avait attaqué les bourreaux de Brûlée, le ciel était parfaitement bleu. Combien de temps avait-il passé dans la rue ?
— ... Kata ?
La voix le fit sursauter. Maintenant qu'il avait retrouvé ses esprits — qu'est-ce qui lui était arrivé ? Pourquoi avait-il perdu l'esprit si longtemps ? Ce n'était pas normal ! — il reconnut Oven et Daifuku, postés à quelques mètres de lui. Tous les deux étaient aussi trempés que lui, ils avaient donc passé un certain temps dehors. Ils le regardaient avec horreur, comme s'il était une grenade sur le point d'exploser, et avaient l'air prêts à détaler d'une seconde à l'autre.
Comme il avait réagi à son nom, Daifuku s'approcha le premier.
— Tu nous entends ?
— Oui, répondit Katakuri, maintenant conscient qu'ils avaient dû l'appeler pendant un moment.
La tension quitta les épaules de Daifuku mais il n'avait pas l'air moins effrayé. Oven, lui aussi, osa enfin s'approcher. Katakuri voulait leur demander ce qu'il s'était passé mais un simple coup d'œil aux alentours lui donnait une idée de ce qui leur faisait si peur. Il ne pouvait pas reconnaître la zone parce que tout était complètement dévasté. Un quartier tout entier de la Ruche s'était écroulé et n'était plus qu'un tas de gravats humides. Comme si une catastrophe naturelle avait soudain frappé l'île.
Il se demanda si les Rocks étaient de retour et si Edward Newgate avait fait des siennes, mais il n'avait pas pu rester en transe aussi longtemps, si ?
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda-t-il bêtement à ses frères.
Ils échangèrent un regard entre eux et Oven saisit Katakuri par le bras pour l'entraîner ailleurs. Il se laissa diriger sans broncher, un peu surpris que son corps soit aussi lourd et endolori.
Les trois frères coururent le plus loin possible de la civilisation.
Ils s'arrêtèrent sur une plage rocailleuse de l'île, difficilement accessible et parfaite pour tenir une conversation secrète. Katakuri n'en pouvait plus, il avait envie de dormir. Mais avant ça il devait comprendre ce qui lui était arrivé et visiblement ses jumeaux le savaient.
— Katakuri, reprit Daifuku. Tu ne te rappelles de rien, pas vrai ?
— Je me souviens que j'ai frappé les salauds qui ont blessé Brûlée mais après ça...
Après ça, le trou noir.
— Non, je ne me rappelle pas ce qui s'est passé, avoua-t-il, soudain inquiet.
Oven, les yeux complètement exorbités par la peur, se jeta presque sur lui.
— Tu as fait comme Mama !
— Quoi ?
— Tu as eu une crise !
Daifuku lui flanqua un coup de coude pour le réduire au silence. Il prévoyait certainement de le lui dire les choses avec un peu plus de tact.
Katakuri encaissa la nouvelle sans bouger. Il savait ce que ça voulait dire ; les crises de Mama était ce qu'il y avait de plus terrifiant au monde pour la famille Charlotte. Elles étaient rares, et ne se produisaient que quand elle avait envie de manger quelque chose de précis qu'on ne pouvait pas lui fournir dans la seconde, mais les aînés de la fratrie avaient déjà eu l'occasion d'en être témoins. Katakuri avait un vague souvenir de la première fois qu'il avait vu Mama faire une crise en leur présence. Il devait avoir l'âge de Brûlée et il n'avait jamais eu aussi peur de sa vie.
Il savait que dans ces moments là, elle perdait totalement le contrôle de ses moyens et ne retrouvait sa lucidité que quand ses désirs étaient satisfaits. Sans se souvenir des dégâts qu'elle avait causés.
Ça correspondait tout à fait à ce qu'il ressentait en cet instant. Mais comme il restait silencieux, ses frères se chargèrent de lui rafraîchir la mémoire.
— T'as rasé le quartier, il ne reste plus rien, bafouilla Daifuku. On a essayé de t'arrêter mais tu ne répondais pas.
— C'est impossible, paniqua Katakuri en repensant aux voix qu'il avait entendues alors qu'il était inconscient. Je voulais juste m'en prendre à ceux qui ont...
— Ils sont tous morts, s'exclama Oven. Tu les as tous tués ! Eux et... Les autres aussi.
Sa tête recommençait à tourner. Il ne savait pas si c'était à cause de la fatigue — qui s'expliquait à présent — ou parce qu'il n'arrivait pas à accepter ce qu'il entendait. Il ne se rappelait de rien. Il avait atteint son objectif mais au lieu de réparer les problèmes qu'il avait causés, il en avait créé de nouveaux.
— Quels autres ? Demanda-t-il avant de retomber dans les pommes.
— Des pirates qui étaient fidèles à Rocks, ils avaient leur base juste à côté. Et...
Oven et Daifuku échangèrent un regard inquiet. Ni l'un, ni l'autre ne savait comment dire les choses à Katakuri.
— Tu as détruit l'entrepôt ou Streusen préparait les repas de Mama et le stock qui allait avec.
C'était pour ça qu'ils avaient l'air aussi terrifiés. C'était la plus grosse bêtise qu'un enfant Charlotte pouvait possiblement faire. Il était très, très, très dangereux de s'en prendre aux friandises de Mama ou à ce qui lui permettait d'en obtenir. Si elle apprenait que son propre fils avait complètement démoli ce qui comptait le plus pour elle ; non seulement il risquait de ne pas survivre à sa colère mais en plus il y avait de grandes chances que cet incident provoque une autre crise, autrement plus violente et dangereuse.
— Je ne comprends pas, je... Je voulais seulement...
Je voulais seulement venger Brûlée, ne parvint-il pas à articuler.
Il réfléchit à toute vitesse. Il avait faux d alors que Perospero avait raison sur toute la ligne. Encore une fois, il n'avait pensé qu'à lui et les conséquences désastreuses de ses actions s'enchaînaient. Il n'avait protégé personne. Il avait mis tout le monde en danger et pire que tout : il avait fait une crise. Il ne s'en serait jamais cru capable ! Il n'y avait que Mama qui en faisait !
Mais c'était la première fois qu'il perdait autant son calme. Est-ce que c'était pour ça que Mama le rappelait ordre dès qu'il s'excitait un peu ou mangeait trop ? Parce qu'elle savait qu'il risquait de perdre la tête d'un jour à l'autre, comme elle ?
Il pensait avoir déjà ressenti que le monde lui tombait sur la tête en voyant Brûlée couverte de sang, et pourtant cette fois c'était pire. Il s'était cru irréprochable trop longtemps. Il n'avait plus qu'une chose à faire : attendre sagement le retour de Mama et prier pour qu'elle ne le tue pas. En ayant prit la peine de changer radicalement son comportement. Tout était de sa faute. Tout.
Il respira un grand coup et réajusta l'écharpe qu'il avait toujours autour du cou. Sa présence le réconforta et l'empêcha de fondre en larmes.
— Vous êtes les seuls à être au courant de ce qu'il s'est passé ? Demanda-t-il à ses frères.
Oven opina du chef et Katakuri se sentit un peu soulagé.
— Alors ne dites pas aux autres que j'ai fait une crise, supplia-t-il.
— Mama finira par le savoir, même si on ne dit rien, l'avertit Daifuku.
— Sûrement. Mais au cas où, personne d'autre ne doit le savoir, s'il vous plaît.
Ils le regardèrent avec incompréhension.
— Il faut voir la vérité en face : je suis un monstre. C'est pas faute de me l'avoir dit, dit-il en baissant les yeux. Je dois faire de mon mieux pour compenser maintenant. Mais si quelqu'un apprend que j'ai fait une crise... Alors...
Alors cacher sa bouche ne suffirait jamais à faire oublier cet état de fait.
— Mais si tu en fais une autre ?
— J'en ferai plus.
Il n'avait jamais été aussi sûr d'une décision. Plus jamais un membre de sa famille ne serait blessé à cause de lui. Plus jamais. Il allait devoir travailler dur pour rattraper ça. Si Mama le lui permettait, bien sûr. Mais comme Peros le lui avait suggéré : il était tant de grandir. Il n'exposerait plus sa difformité à tout va et il ne ferait plus jamais de crise.
Il apprendrait. Il leur devait ça, à tous.
/
Quelques jours plus tard, le médecin qui s'occupait de Brûlée leur déclara qu'elle était en voie de guérison. Elle allait vivre mais garderait probablement une balafre toute sa vie.
Tout le monde avait accueilli la nouvelle avec bonheur. Ils étaient sauvés ! Les responsables de son état avaient péri sous les coups de Katakuri — c'était tout ce que les triplés avaient rapporté à leurs adelphes, le reste serait pour toujours un secret entre eux, la destruction du quartier où ils vivaient avait été attribué à un détenteur de pouvoir anonyme — et Brûlée se remettrait de l'accident !
Elle n'avait pas encore quitté son lit, les anti-douleurs l'empêchaient de se lever, mais elle parlait et avait déjà réclamé son grand frère. Mais Katakuri n'était pas retourné la voir depuis. Il avait trop honte pour la regarder en face. Comme tout le monde, il avait été terriblement soulagé de savoir qu'elle allait s'en sortir. Sa chère petite sœur pourrait grandir sans trop de séquelles. Malgré tout, il avait la sensation que sa présence dans la même pièce qu'elle pourrait la mettre en danger. Elle ou n'importe qui d'autre.
Depuis l'incident, il avait radicalement changé de comportement. Sa nouvelle écharpe ne permettait à personne de le voir, mais il ne souriait plus. Il gardait le silence, évitait les regards et se tenait à l'écart de tous. Certains avaient été surpris mais il n'avait pas cherché à se justifier. Perospero n'avait fait aucun commentaire mais il avait cessé de lui reprocher quoi que ce soit.
L'atmosphère redevint légère au camp de Mama mais Katakuri se sentait incapable de rejoindre ses frères et sœurs dans leur insouciance infantile. Et comme il avait une vague idée de ce qui l'attendait, il préférait se mettre à l'écart tout seul. Au moins pour se préparer psychologiquement à la suite.
Quand Mama revint enfin de son voyage, bien plus tard que ce qu'ils avaient imaginé, tout le monde fut ravi de la revoir. Elle et les quelques Rocks qui faisaient de bons compagnons de jeu pour des enfants turbulents leur avaient manqué. Mais elle étaient revenue seule et de très mauvaise humeur. Katakuri ne s'était pas approché trop près — il avait peur de ce qu'elle allait lui faire — mais il pouvait voir aussi bien que les autres à quel point elle était furieuse.
Ça n'avait rien à voir avec lui puisque tous apprirent au même moment que l'équipage des Rocks avait éclaté suite à des évènements politiques qui restaient trop compliqués pour des enfants. Les plans de Mama avaient certainement été changés contre son gré et ce n'était pas bon signe pour la suite. D'autant qu'elle était encore enceinte, passablement irritée, et n'avait toujours pas été mise au courant de la perte de son entrepôt et de l'accident de Brûlée.
Katakuri se fit tout petit dans un coin, priant pour que son châtiment ne soit pas aussi terrible que ce qu'il imaginait. Il allait devoir jouer au fils modèle s'il voulait éviter ses foudres et ce n'était pas gagné. Il était loin, très loin, d'être son préféré. Mais il n'avait plus d'autre choix.
Au moins, il avait eu raison sur un point. Il était fort et il pouvait s'en servir.
Un des gros secrets de Katakuri dévoilé.
Je ne sais pas si j'aime ce chapitre ou pas, j'espère que je m'en suis bien sortie pour décrire tout ça. En tout cas le pauvre n'est toujours pas gâté. Non seulement il se prend des insultes injustes, sa sœur est blessée, mais en plus il découvre qu'il n'a pas seulement hérité de la gloutonnerie de sa mère. Il a aussi hérité de ses troubles.
Et si jamais : oui, Big Mom était bien à God Valley là.
Pour le prochain chapitre, on revient au présent et... Je sens déjà que ça va être un gros morceau. Je sais pas trop comment je vais m'en sortir. D'autant que je vais devoir le sortir un peu plus tôt que prévu parce que j'ai un truc qui m'empêchera de faire ça un dimanche comme d'habitude.
Je vise la date du 19/01 mais je ne vous promets rien !
En attendant, si vous aimez cette histoire ou son évolution, n'hésitez pas à m'en faire part car je suis un peu démotivée et j'ai tendance à douter de ce que je fais. En tout cas, merci d'être au rendez-vous à chaque chapitre. Ca aide !
