Me revoilà sur le terrain du fandom Death Note pour un nouveau MelloxNear presque dix ans après la dernier. J'ai revu l'anime et, bon, j'ai dû me rendre à l'évidence que je n'avais pas encore dit tout ce que j'avais à dire sur ces deux-là. Il faut dire que les approches sont inépuisables avec le peu qu'on sait, et en même temps l'intensité qui existe entre eux. Surtout: le pairing Mello/Near est le seul à me faire assez d'effet pour me faire bondir sur mon clavier dix ans après dans un état de "merde, je dois écrire une nouvelle fanfiction."

La fic a vocation à être courte. Entre 8 et 10 chapitres maxi sans compter l'épilogue.

TEMPORALITE : AU dans lequel la mort de L se produit aux 16-18 ans de Near et Mello, restés à la Wammy's, l'enquête sur Kira se poursuit donc jusqu'à leurs 20-22 ans.


Dans un monde de dualité, on n'a d'autres choix que de devenir double soi-même. Accepter la déchirure.

Parce que ce n'est pas suffisant d'être sage, tu dois aussi apprendre à être fort.

0-0-0

Nate se réveilla les cheveux collés au front, le cœur battant et le corps en nage. Les draps légers, qui étaient spécialement changés pour l'été, étaient trempés et emmêlés atour de sa taille et de ses jambes, lui donnant l'impression d'être un insecte pris au piège d'une toile d'araignée redoutable. Il se força à se concentrer sur la fissure qui traversait le plafond au-dessus de son lit pour se calmer et à reprendre son souffle, inspiration après expiration, tâchant d'apaiser les battements de son cœur.

Le rêve avait semblé réel, trop réel. Nate ne pouvait nier la panique qui continuait à lui tordre le ventre alors même qu'il se le répétait, et se le répétait encore ce n'était qu'un rêve, qu'un rêve. Les rêves n'avaient aucun lien de causalité avec la réalité. Ils n'étaient que la projection des conflits internes de l'inconscient du sujet. Nate le savait sur le bout des doigts. Pourtant, aucun des raisonnements logiques qu'il suivait ne parvenait à calmer le flot de terreur glaciale qui le gagnait.

Nate tendit l'oreille. Les trois garçons qui partageaient sa chambre respiraient lentement et profondément. L'un d'entre eux, Stephen Lynx, dit Puma, émit un gémissement étouffé dans son oreiller. Personne n'avait été troublé par son réveil épouvanté. Tant mieux.

Nate repoussa sa couverture enchevêtrée et entreprit de se relever sur un coude pour examiner les chiffres lumineux sur son réveille-matin en forme de robot à antennes, le même qu'il avait depuis son enfance. Il n'avait jamais souhaité s'en séparer en dépit des sourires goguenards qu'il s'attirait. Il était 3 :13. Nate n'était en rien superstitieux mais la vision de ces chiffres ne fut pas pour le rassurer, bien qu'il refusât de se l'avouer. Il se laissa retomber lourdement sur son matelas et écrasa d'un geste impatient un moustique qui venait de s'aventurer trop près de son oreille.

Les mois de juillet à la Wammy's House pouvaient être difficiles à supporter, surtout la nuit. Nate décida finalement de mettre son agitation sur le coup de la chaleur écrasante qui desséchait la région depuis une semaine. Il ne l'avait jamais supportée. Oui, cela devait être ça. Même un esprit lucide et vif pouvait se laisser atteindre par les vicissitudes de conditions qui dépassaient son seuil de tolérance. Nate tâcha de s'endormir sur cette pensée mais, alors qu'il était sur le point de s'abandonner, une autre pensée, comme une fulgurance, éclata dans son esprit.

0-0-0

- « Je dois parler à Matt ». Alors là, mon petit Near, je dois dire que tu me la coupes.

Le soleil entrait à pas de loup dans la salle commune, diffusant une belle lumière orangée qui faisait briller les fils d'or tissés dans le tapis tressé qui recouvrait le sol. Il n'était que sept heures et quart, aussi Near avait été plus que surpris de trouver Matt, le lève-tard en chef, déjà debout et occupé par son ordinateur, une grande tasse de café noir fumante posée à côté de lui, enfoncé dans un grand pouf en velours côtelé.

Matt prit plusieurs gorgées de café, s'essuya la bouche d'un revers de la main puis, comme s'il venait de découvrir la présence de Near, repoussa ses lunettes à verre épais sur son nez et le dévisagea avec une curiosité toute en retenue. Matt avait un flegme bien à lui qui faisait tout son charme, une façon très personnelle de jamais se laisser surprendre par les évènements. Ce n'était pas par calcul comme lui, Near, qui envisageait toutes les possibilités imaginables pour ne pas se retrouver pris de court. Matt, tout au contraire, acceptait qu'il lui était impossible de les envisager toutes, et donc prenait le partie d'accueillir n'importe laquelle, mais sans jamais lui faire la faveur de le trouver étonné. Near avait toujours imaginé que ç'avait été sa manière de protester contre le climat d'intellectualisation extrême qui régnait à la House. Si dans un environnement normal il serait probablement passé pour un geek un peu extravagant, ici, il avait l'un d'un baba cool complet.

- Ça fait, quoi, six mois qu'on ne s'est pas parlé toi et moi ? reprit Matt.

- Qu'est-ce que tu fais levé à cette heure ? ne put s'empêcher de demander Near, esquivant la pique contenue dans sa phrase.

Matt esquissa un sourire amusé.

- J'ai bien peur que ça me regarde, patron.

C'était le sobriquet que lui donnait Matt depuis que Near avait stabilisé sa position de premier du classement sans concurrence quelques années auparavant. Un sobriquet plutôt ironique étant donné que Near faisait au minimum une tête de moins que tous les garçons ici. Il semblait que toute l'énergie qui aurait dû être utilisée pour lui faire suivre une croissance normale s'était logée droit dans son cerveau, et n'avait plus décidé de faire quoi que ce soit pour sa taille. A dix-sept ans tout juste, Near donnait l'impression d'en avoir douze.

Matt profita de l'instant de flottement qui suivit pour entrecroiser ses doigts et étirer ses bras de tout leur long au-dessus de sa tête, faisant craquer ses articulations et bâillant à s'en décrocher la mâchoire. Dans ces moments, sa ressemblance avec un jeune chat de gouttière sautait aux yeux. Visiblement, le réveil matinal ne lui réussissait pas. De lourdes cernes soulignaient ses yeux et sa peau était cireuse. Le motif devait être important, comme l'avait supposé Near. Soudain, un doute le saisit : avait-il même dormi ? Il dévisagea le rouquin avec une attention accrue.

- Pour répondre à ta requête, non, je ne parlerai pas à Mello.

Cette réponse déclencha un mélange d'incompréhension et d'énervement chez Near qui n'en laissa rien paraître. Le temps passant, et l'enquête sur Kira continuant à stagner, même sa patience avait tendance à s'éroder. A moins qu'il s'agisse des murs de plus en plus étroits de l'orphelinat. Supposition qui était tout ce qu'il y avait de plus ridicule : si Near devait venir à agir, c'était qu'un malheur serait arrivé à L, et c'était bien la dernière chose qu'il souhaitait, mais en être toujours réduit à ronger son frein et à atteindre finissait par le rendre morose et irritable. Near avait lu que cela pouvait aussi être un état hormonal, mais il avait écarté cette idée.

- Pourquoi ? demanda-t-il avec un contrôle total.

- Comprends-moi bien, Near : pour ma part je n'ai rien contre toi. Je n'irai pas jusqu'à dire que je te trouve sympathique, mais que Mello ou toi devienne le nouveau L, ça n'a aucune importance pour moi. Mello est mon ami, mais j'estime que le plus capable de vous doit assumer cette charge, et je n'ai pas la prétention de savoir qui c'est. C'est une décision que seul L peut s'arroger. Personnellement, je m'en moque. Nous, les bons perdants, nous avons toujours été sur la touche depuis notre enfance. Je ne dis pas que je n'aurais pas pu briguer au poste au début, mais l'avance que vous avez prise a fini par nous faire prendre compte de la réalité. En-dehors de toi, Mello, Esther, Ayda et Terence, il n'existait aucune apothéose pour nous. Aucune ambition de s'approcher de la succession de L ou de l'enquête sur Kira de près ou de loin. Nous sommes gardés ici comme de la marchandise de second choix, des seconds couteaux éventuels, mais nous savons tous que nous serons tous pour la plupart écartés de l'enquête dès notre majorité. Merci beaucoup, au revoir (il le dit dans un français révérencieux).

Matt eut un rictus ironique.

- Ce n'est pas pour me plaindre. J'aurais pu rêver de mettre ma vie en danger pour le Bien il y a quelques années de ça. Maintenant, je n'y pense plus. Nous sommes tous si brillants, si géniaux que notre place est assurée dans le gouvernement, dans les services secrets, dans l'ingénierie, ou que sais-je. La FBI, la CIA, ou la NASA, tous ce monde-là, c'est ça notre avenir. Mais moi, Near, je suis fatigué de tout ça. De devoir se prouver en permanence. De devoir se représenter, être en performance quoi qu'il arrive. Je n'ai aucune idée de comment Mello et toi vous supportez ça. Franchement, ça me dépasse. J'ai d'autres projets pour mon avenir.

Matt croisa ses longues jambes en tailleur sous lui et sembla réfléchir à où il voulait en venir. Son soliloque tournait dans la tête de Near. Il devait admettre qu'il n'avait jamais considéré les choses sous cet angle. Bien sûr, il s'était déjà demandé ce que ferait les autres, tous les autres sauf Mello et lui, qui ne seraient pas L, et il en était arrivé à la même conclusion que Matt.

Il ne leur serait pas difficile de trouver des postes honorables dans toute une panoplie de métiers, surtout les services secrets et les bureaux d'enquêtes, ou d'avoir accès à des écoles prestigieuses partout dans le monde. Mais il n'avait jamais réfléchi à l'aspect émotionnel de l'impact que ce serait de se voir définitivement rayé de l'enquête sur Kira alors même que c'était l'objectif qui leur avait été assigné depuis leur enfance. Lui, Near, ne pouvait guère imaginer l'effet que cela lui ferait. Il ne pouvait l'imaginer car il n'avait jamais considéré la possibilité qu'il pourrait ne pas être choisi. Mello était un adversaire de taille, mais Near refusait, purement et simplement, cette idée.

- Tout ça pour dire. reprit Matt. Que je ne peux pas intercéder auprès de Mello pour accepter de collaborer avec toi pour devenir L. Je ne prends parti ni pour l'un ni pour l'autre. Donc je ne dis pas ça pour te mettre des bâtons dans les roues.

- Alors pourquoi ? répéta Near qui avait le sentiment agaçant d'avoir fait le tour complet du pot sans avoir approché la question.

Matt éclata de rire.

- Parce qu'il ne m'écoutera pas, bien sûr ! Near, il faut que tu comprennes. Tu es la bête noire de Mello, mais ça n'a rien à voir avec toi en tant que personne. Tu comprends à quel point cette école nous rend bête ? Elle nous dresse, nous, des gosses, les uns contre les autres. Elle nous fait nous voir comme des adversaires. Mello n'aurait rien contre toi si tu n'étais pas une longueur devant lui, à lui boucher constamment la vue qu'il imagine être le seul salut possible pour lui. Mais tu as déjà compris ça, non, puisque tu es si intelligent ?

Near pinça imperceptiblement les lèvres.

- Je le sais, évidemment. Mais je ne fais pas les règles. Et c'est précisément pour cette raison que je veux lui demander de collaborer avec moi. Nous serions des égaux. Je n'ai jamais vu Mello comme inférieur à moi. La mince avance que je gagne en résultats scolaires et en discipline, Mello la balance au centuple en instinct et en spontanéité. Tu crois que je n'y ai pas pensé, Matt ?

Matt balança lentement la tête d'un côté et de l'autre dans un mouvement qui ne signifiait ni oui ni non, un sourire ambigu flottait sur ses lèvres.

- Il y a plus important, continua Near, très sérieux, je veux lui faire cette offre avant que L fasse son choix. Si L choisit Mello, il pensera que je lui demande cela par dépit. Si, au contraire, il me choisit, sa colère et son orgueil l'empêcheront d'accepter.

- Alors si ce n'est pas par peur que Mello soit choisi, demanda Matt que son petit sourire malin ne quittait plus, pourquoi ça te démange tellement de travailler avec lui, tout à coup ?

Near se retint de lever les yeux au ciel. En dépit de ce qu'il prétendait, Matt croyait avoir tout compris à la situation. Il le prenait pour un opportuniste qui voulait assurer toutes ses chances d'accéder au poste promis. Il devait probablement penser que cet accord deviendrait caduc dès lors que L le choisirait officiellement, s'il le choisissait. Matt était définitivement du côté de Mello, peu importe ce qu'il prétendait.

- « Pourquoi » ? répéta Near, et sa voix était devenue glaciale. Pour la même raison que je suis premier du classement de la Wammy's depuis six ans, Matt. Parce que je ne travaille pas pour des raisons d'ego, ni pour « battre » qui que ce soit. Tu veux savoir pourquoi je suis devant Mello, alors qu'il pourrait me surpasser ? Parce que Mello a une obsession : battre Near, et moi, j'ai une obsession : battre Kira. Voilà pourquoi je veux travailler avec Mello. Parce que je sais qu'ensemble, nous avons une chance plus solide que nous n'en aurons jamais, séparés.

Matt secoua la tête. Ses lèvres avaient pris un pli de dégoût.

- Nan. Pas ça, Near. Pas à moi. Tu veux jouer le rôle du grand chevalier blanc ? Pas à moi. Tu ne me feras pas gober que tu ne fais pas ça pour ton ego. Parce que depuis que tu as six piges on t'a fourré dans le crâne que ta valeur se mesure à ta capacité à en foutre plein la vue à un type que tu as entendu une fois dans ta vie sur un écran d'ordinateur. Alors même si tu ne t'en rends pas compte, moi, je te le dis. Kira, ça ne signifie rien. C'est juste une idée. Juste un nom. Pour moi, comme pour toi, comme pour Mello, comme pour n'importe qui dans cette putain de baraque. C'est comme la guerre en Afghanistan. C'est triste, mais c'est loin. On a grandi avec Kira, comme d'autres gosses ont grandi avec les bombardements à la télé. Si tu ne peux pas le voir en toi, je vais te l'apprendre, Near. Tu ne fais pas tout ça pour le Bien, ni pour L. Tu fais ça pour qu'on te reconnaisse. Pour qu'on te distingue. Pour qu'on t'aime. Comme nous tous. Tu es exactement comme nous.

Near resta silencieux. Il n'avait rien à répondre à ça. Matt se trompait, toutefois. Near n'était pas si sensible que ça. Mais ses mots avaient un poids qu'il ne pouvait ignorer. Involontairement, il détourna la tête. Ce fut en suivant des yeux le dessin des nervures du bois sur la bibliothèque qu'il répondit finalement d'une voix neutre :

- Peu importe la raison. J'ai mûrement réfléchi, et cette solution est la meilleure pour nous tous. Moi, Mello, et le bien de l'enquête.

- OK, OK, patron, le coupa Matt, sarcastique, j'ai compris. Le bien de ceci, le bien de cela. Mais t'as pas répondu à ma question : pourquoi maintenant ? pourquoi cette urgence ? L n'a manifesté aucun signe qui laissait penser que son choix était imminent.

Near se sentit mal à l'aise. C'était tout à fait juste. Matt avait visé dans le mille, comme toujours. Il n'avait rien à lui envier en termes de perspicacité. Il ne pouvait tout de même pas lui avouer que ce qui lui avait fait prendre cette résolution était un rêve, un rêve dans lequel L... Sa gorge se serra à l'évocation de son rêve. Ça avait semblé si réel. Ses pupilles noires dilatées et ses yeux exorbités. Son corps raidi comme celui d'un automate, et sa chute...

- Eh bien ? le titilla Matt, conscient de son inconfort.

- C'est juste... Un pressentiment.

- Voyez-vous cela. Near a des pressentiments.

Deux jeunes filles, Mathilde et Lana, firent irruption dans la salle commune en discutant à voix basse, chacune un livre sous le bras, interrompant sans le savoir leur échange.

- Écoute, Near. conclut Matt, soudain sérieux. Je ne sais pas ce que tu as derrière la tête, et je ne veux pas le savoir. Mais si tu as la moindre velléité concernant Mello, je n'ai qu'un seul conseil à te donner : va lui parler toi-même. (avec un sourire moqueur, il ajouta :) Tu ne pourras pas être plus mal reçu que d'habitude.

Near hocha la tête, contrarié, mais prenant soin de ne rien laisser paraître de ses impressions.

- Merci, Matt.

Alors qu'il tournait les talons pour quitter le séjour, il entendit Matt ajouter :

- Parle-lui avant les résultats des examens, sinon tu seras bon pour rôtir à la broche !

Near s'immobilisa, pesa ses mots, et ne put s'empêcher de rétorquer :

- Le cours de Wall Street n'aura probablement pas besoin de toi pour s'effondrer. Rien ne t'empêche de faire la grasse matinée.

Au silence retentissant qui suivit, Near sut qu'il avait visé juste quant aux 'projets pour son avenir' de hacker de systèmes professionnel.

0-0-0

Nate poussa un soupir de bien-être lorsque l'eau brûlante dévala sur son corps, atténuant momentanément le bruit de ses pensées. Que c'était bon d'être, comme ça, délivré pour un instant de son esprit, de son être. Nate avait déjà remarqué ceci. Les moments où il se sentait le plus libre étaient ceux où il se sentait le plus loin de lui-même. Quand un tourbillon d'estimations, de calculs et d'analyses ne l'envahissait plus. Quand il pouvait même oublier qui il était, Nate River, alias Near, la promesse d'un avenir pour la Justice. C'était quand on s'oubliait, qu'on se laissait envahir par les stimulations de son corps, qu'on devenait libre. Même Nate ne pouvait plus nier cette vérité.

Il renversa la tête en arrière, bouche ouverte, recueillant les jets chauds et leurs chatouilles agréables sur sa langue.

Cependant, ce n'était qu'en se servant de sa tête que l'on pouvait réellement influer sur le réel. Changer le monde. Dans un monde de dualité, on n'avait d'autre choix que de devenir double soi-même. Accepter la déchirure. Se scinder volontairement pour à la fois exister et agir.

Mello.

Nate ne pouvait expliquer pourquoi sa pensée lui revenait toujours lorsque son corps se détendait, lorsqu'il cessait d'être Near.

Mihael.

Qui était-il, lui, quand il cessait d'être Mello ? Nate avait le sentiment de si bien le connaître, de le connaître mieux que personne, mais n'était-ce qu'une illusion ? Nate connaissant Mihael, n'était-ce qu'une illusion de Near, croyant connaître Mello ?

« Tu es exactement comme nous. Pour qu'on te distingue. Pour qu'on t'aime. »

Il ne put réfréner l'agacement qui afflua alors que lui revenaient les paroles de Matt. Lui, Near, ne se donnerait tant de mal que pour assouvir des besoins bas et égotiques ? C'était ridicule.

Et pour Mello ?

Nate ouvrit les paupières, laissant la cascade ruisseler dans ses yeux.

« Le bien de ceci, le bien de cela »

C'était vrai, pourtant. Near ne voulait agir que pour le bien de l'enquête. Mais il y avait aussi quelque chose d'autre auquel il voulait du bien.

Mello.

Il sortit de la douche une demi-heure plus tard, alors que l'eau devenait tiède, et on tambourina à la porte, une voix vociféra : « Bordel t'as pris toute l'eau chaude, connard ! ». Au timbre, c'était Elias. Nate s'excuserait plus tard. Il frictionna énergétiquement ses cheveux mouillés, puis noua sa serviette autour de sa taille.

La glace lui renvoya le reflet d'un garçon pâle au corps sec et puérile. Une vilaine acné lui mangeait les tempes et une partie du front, qu'il cachait sous ses mèches longues. Pourtant, il n'était plus un enfant, et lui-même pouvait le voir. Plus encore, il pouvait le sentir. Nate détailla ses épaules, ses clavicules saillantes et ses muscles à peine apparents sous sa peau diaphane et, l'espace d'un instant, il s'autorisa le jeu qu'il jouait avec lui-même, chaque soir devant le miroir, après la douche. Les yeux mi-clos, il voyait Mello s'avancer derrière lui, passer ses bras autour de sa taille, poser sa tête dans le creux de son épaule, son souffle chaud contre son cou.

- Near bordel ! Je sais que c'est toi !

Avec un soupir, Nate abandonna ses rêveries et déverrouilla la porte de la douche.

- J'ai fini.