Résumé du chapitre précédent : Trois ans après la naissance de Scorpius, le petit-frère de Draco, et après le déshéritement de ce dernier, Harry et Draco se font surprendre à Cork et les spéculations sur leur relation vont bon train pendant quelques semaines. Les réactions sont vives mais sans réelles conséquences sur eux et l'attention des médias finit par se retourner vers les tensions croissantes au Magenmagot, où les Sang-purs conservateurs reprennent du pouvoir.
Au cours d'une patrouille, Harry voit Lucius et Scorpius sortir de Gringotts. Il montre le souvenir à Draco. Trois ans qu'ils attendent de pouvoir le récupérer. Trois ans sans que le Bureau des Aurors n'arrive à rien mettre sur le dos de Malfoy malgré leur intime conviction qu'il est le donneur d'ordre derrière nombre de leurs affaires. Trois ans d'attente qui commencent à peser sur toute la famille.

Je n'aime pas spoiler le lecteur et j'espère que vous m'excuserez exceptionnellement mais je ne peux pas vous laisser poursuivre sans vous alerter que ce chapitre traite de fausse-couche. Prenez soin de vous et ne lisez pas si vous sentez que ce n'est pas pour vous. Vous pourrez éventuellement reprendre lors d'un prochain chapitre, les résumés devraient être suffisants pour réussir à suivre l'action, même si, fatalement, le sujet sera à nouveau soulevé par la suite.

Bonne lecture !

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La soirée était idéale pour dîner dehors, si ce n'étaient les guêpes qui tournaient autour de leurs Bièrobeurres. Draco, qui était secrètement terrifié par les insectes volants, se cachait la bouche d'une main et fermait les yeux en tendant les épaules à chaque fois que l'une d'elle s'approchait à moins d'un mètre de lui, donnant à Harry envie de rire malgré les circonstances.

A côté de lui, Teddy agitait sa serviette avec agacement bien que sa grand-mère lui conseille de de ne pas les énerver.

« Il n'y a pas un sortilège ou une potion pour soulager les piqures ? » Demanda Harry en direction d'Andy, puisque Draco semblait incapable de parler tant que l'insecte était dans les parages.

« Une potion, oui, mais à moins d'être allergique, une piqure ne fait pas mal bien longtemps… » Répondit la sorcière en haussant les épaules, rassemblant les dernières tomates dans son assiette à l'aide de ses couverts.

« Victoire m'a dit que ça faisait super mal. » Réagit Teddy en se mettant debout sur le marchepied de sa chaise haute pour agiter sa serviette au-dessus de la table, manquant de reverser la bouteille de Harry.

« Assieds-toi Teddy. » Gronda Andy, et son petit-fils s'exécuta en soufflant. « Elle est peut-être allergique dans ce cas. »

« Est-ce que moi je le suis ? » S'inquiéta Teddy alors que Harry profitait de l'éloignement de la guêpe pour boire une longue rassade de Bièrobeurre.

« Aucune idée. Mais on a des potions antihistaminiques, s'il le faut. » Le rassura sa grand-mère en levant sa fourchette.

« Qu'est-ce que c'est ? » Interrogea Teddy avec curiosité.

« N'oublie pas de respirer de temps en temps. » Glissa Harry à Draco pendant qu'Andromeda expliquait brièvement le terme à son filleul.

Draco ouvrit un œil, surveilla la table et écarta sa main de sa bouche avec réluctance pour reprendre ses couverts. Harry pinça les lèvres pour ne pas rire et reçut un regard irrité.

« Je suis allergique. » Dit-il d'un ton hautain comme pour justifier sa peur, piochant dans sa salade d'un geste délibérément désinvolte.

« A quel point ? » S'intéressa Andy.

« Mortellement. » Lâcha Draco avant de mettre sa fourchette dans sa bouche.

Le silence lui répondit, et il cessa de mâcher en les fixant tour à tour. La guêpe fit alors l'erreur de revenir dans les parages et fut brutalement écrasée sous la serviette d'Andromeda.

Teddy sursauta avant de féliciter sa grand-mère dans un gloussement.

« Tu as d'autres informations capitales de ce style, Draco ? » Demanda celle-ci avec les yeux étrécis dans sa direction, intimant Teddy au silence d'un geste de la main. « Parce qu'après plus de quatre ans dans cette maison, on pourrait se dire que ça pourrait être utile. » Ajouta-t-elle sèchement.

L'expression de Draco se fit ironique alors qu'il mâchait et il sembla prendre un malin plaisir à prendre son temps pour avaler.

« Comme tu l'as dit, on a des potions antihistaminiques. »

« Réponds, Draco. » S'agaça Andy avant que Harry n'ait le temps de le faire.

« Hyménoptères, racine de valériane, rue, tentacules de Murlap, plumes et œufs d'Occamy, pustules de Clabbert, joncs de Kelpy- »

« Merlin. » Émit Harry avec horreur.

« Sang de Re'em. » Ajouta Draco en pliant patiemment une feuille de salade dans son assiette. Il leva les yeux avec placidité et haussa les épaules. « Pas de Felix Felicis ou de potion de force pour moi. »

« Ça se mange les pustules ? » Demanda Teddy avec une expression dégoûtée.

« Ça te choque plus que du sang ? » S'amusa Draco alors que Harry s'appuyait contre son dossier pour digérer l'information.

« Oui. » Acquiesça Teddy avec les sourcils haussés.

« Je m'attendais à pire. » Finit par soupirer Andromeda, s'attirant le regard stupéfait de Harry. « Ma liste est plus longue que la sienne. Les joies d'être Sang-pur. » S'expliqua-t-elle.

« Et tu ne t'es pas dit que ça pourrait être utile de le mentionner ? » S'irrita-t-il.

« C'est moi l'adulte ici. » Fit-elle remarquer en levant le menton. « Et il y a peu de risques que vous m'étaliez du baume de chiendent étoilé ou que vous me donniez une potion Exstimulo. N'en boit pas non plus, d'ailleurs, Draco, il y a du sang de Re'em dedans. »

« Qu'est-ce que c'est ? » Interrogea Harry avec inquiétude.

« Une potion pour renforcer les enchantements. » Répondit Draco. « Bien utile pour contrer les malédictions dans ton service. » Ajouta-t-il en direction d'Andromeda qui hocha la tête avec déjection.

« Vous allez tous les deux me faire la liste de ce que vous ne pouvez pas boire. » Déclara Harry d'un ton irrité.

« Tout est dans mon dossier médical. » Fit remarquer Draco avec une expression sceptique. « Tu comptais me gaver de potions dans mon sommeil ? »

« Non, mais… » Hésita Harry. « Sérieusement, on ne sait jamais. Je préfère savoir. »

Draco le fixa un instant avant d'expirer doucement.

« Comme tu veux. »

« Je suis allergique à quelque chose, moi ? » Interrogea Teddy.

« Pénicilline. » Répondirent-ils en cœur, ayant certainement tous en tête l'image du petit garçon couvert de boutons alors qu'ils tentaient de le soigner d'une simple otite.

« Mais pas mortellement, Teddy, rassure-toi. » Fit doucement Andromeda en lui tapotant la main, lui faisant perdre son expression effrayée. « Et tu peux remercier ton sang moldu pour avoir échappé aux allergies aux ingrédients magiques. »

Draco et Andromeda passèrent quelques minutes à lui expliquer ce qu'était la pénicilline pendant que Harry regardait les environs de la table avec fatigue et inquiétude. C'était tellement typique de Draco de ne pas dire qu'une simple piqure pouvait le tuer, comme si quelqu'un allait user de l'information contre lui. Il se sentait stupide et cruel de s'être intérieurement moqué de sa peur mal cachée pendant tout ce temps. Il avait cru qu'il avait l'étrange crainte que les insectes tentent d'entrer dans sa bouche. Mais en y réfléchissant, c'était peut-être le cas. Aurait-il le temps de boire une potion s'il était piqué dans la gorge ?

« Et Harry ? » Interrogea Teddy.

« Hm ? » Emit-il dans sa direction.

« A rien. » Répondit Andromeda à sa place.

« Bien sûr qu'il n'est allergique à rien, qu'est-ce que tu crois, c'est Harry Potter. » Railla gentiment Draco, le faisant secouer la tête avec amusement.

« Comment on peut le savoir ? » Interrogea Harry.

« Tu as raison, il y a peut-être des produits moldus auxquels tu es allergique sans qu'on le sache. Mais les enfants sorciers sont testés à la naissance pour la plupart des ingrédients de potions et les principaux allergènes. » Expliqua Andy.

« Et je l'ai été ? » S'étonna-t-il pendant que Draco se remettait enfin à manger.

« Bien sûr. » Sourit-elle. « Quelques jours après ta naissance. Le parchemin de résultat est dans ton dossier médical à Ste-Mangouste. »

Harry hocha pensivement la tête, imaginant avec un étroit sourire ses parents l'amener à l'hôpital sorcier alors qu'il n'était qu'un bébé. Cela lui fit néanmoins réaliser quelque chose.

« Je ne sais même pas où je suis né. » Dit-il avec malaise.

« Oh… » Emit Andy alors que Draco levait un regard peiné vers lui. « Et bien… La plupart des enfants de sorciers naissent dans la maison familiale. Sauf éventuel problème qui forcerait à ce que ça se passe à Ste-Mangouste. »

« Ça doit être écrit quelque part dans des documents dans ton coffre à Gringotts. » Réagit Draco.

« Tu penses ? »

« Tous les Sang-purs ont un registre magique qui enregistre ce genre de choses. » Affirma-t-il. « Je ne vois pas pourquoi les Potter feraient exception. »

Harry se frotta le côté du visage, se demandant pourquoi il ne s'était jamais posé la question, et surtout, pourquoi il n'avait jamais pris le temps de plus fouiller les coffres Potter dont il avait les clés.

« C'est d'ailleurs probablement en m'effaçant du registre que j'ai été déshérité. » Ajouta Draco avec nonchalance, lui serrant le cœur.

« Je suis né ici, moi ? » Demanda Teddy.

« Oui. » Sourit Andy. « Et ta maman aussi. Dans la même chambre, à vingt-cinq ans et trois jours d'intervalle. » Précisa-t-elle. « Un peu en retard, mais un merveilleux cadeau d'anniversaire pour elle tout de même. » Termina-t-elle en pinçant légèrement la joue de Teddy, le faisant rire.

« On peut aller voir demain, si tu veux. » Proposa doucement Draco dans la direction de Harry, qui le fixa un instant avant de hocher la tête.

La discussion se tourna vers des sujets plus légers et ils terminèrent leur dîner dans la lumière dorée du soleil déclinant. Malgré les protestations d'Andromeda, Teddy réussit à convaincre Harry de l'aider à faire la roue dans l'herbe. Ses tentatives désordonnées leur donnèrent l'impression qu'il avait hérité d'une partie de la légendaire maladresse de sa mère, mais il prit pour une fois ses échecs avec amusement, ravi de les faire rire avec des chutes de plus en plus théâtrales.

Pas particulièrement souple lui-même mais ayant suffisamment souffert à l'entrainement de l'Académie pour réussir à atterrir sur ses pieds, Harry fut ensuite forcé de démontrer quelques figures qui lui firent tourner la tête et se tapoter l'estomac avec la crainte que sa Bièrobeurre ne remonte brutalement.

« T'inquiète, Potter ! » Ricana Teddy dans une terrifiante imitation du ton de Draco. « Si tu vomis, on a deux guérisseurs. »

« Merlin, ne m'appelle pas comme ça. » Demanda-t-il en lui poussant légèrement l'épaule, le faisant tituber et rire.

« Dada, fais la roue ! » Interpella son filleul alors que Draco ressortait de la maison après avoir aidé Andromeda à débarrasser la table.

« Pourquoi tu l'appelles Dada et moi Potter ? » Se plaignit Harry.

« Moi ? » S'étonna Draco en s'approchant d'eux, les sourcils haussés.

« Tu ne sais pas la faire ? » Demanda Teddy.

« Je savais la faire quand j'étais petit, mais ça fait au moins quinze ans que je n'ai pas essayé. » Répondit-il en tournant la tête vers le jardin comme s'il considérait le terrain avant de se lancer. « Montre-moi. » Demanda-t-il ensuite à Harry, qui haussa un sourcil.

« Tu vas vraiment essayer ? »

« Quoi, Potter, tu crois que tu es le seul à avoir des muscles ? » Railla Draco, croisant les bras sur son torse avec une fausse expression effrontée.

« Arrête de m'appeler comme ça, tu es une terrible influence sur Teddy. » Rigola-t-il, faisant pouffer son filleul.

« Harry mon chéri, dépêche-toi de faire la roue que je puisse ensuite m'humilier en m'écroulant sur la pelouse, s'il-te-plaît. » Fit alors Draco d'un ton léger, le faisant s'empourprer face au petit nom utilisé.

« Demandé si gentiment… » Répondit-il à voix basse sous son regard brillant d'amusement.

Il s'exécuta puis se frotta les mains pour enlever l'herbe s'étant collée sur ses doigts pendant qu'ils l'applaudissaient exagérément. Il fit une petite courbette puis désigna l'espace entre eux avec un sourire narquois.

« A ton tour, Draco mon amour. »

L'interpellé eut un éclat de rire surpris et décroisa ses bras pour serrer et desserrer les doigts comme pour les échauffer. Ses oreilles légèrement rouges le firent sourire plus largement encore.

« Et il fait des rimes. » L'entendit-il commenter avec humour avant de prendre une grande inspiration. « Préparez-vous à être époustouflés. »

« On n'attend que ça. »

Draco pencha la nuque de chaque côté, leva les bras, et fit une roue parfaite au milieu de la pelouse avant de légèrement tituber jusqu'à lui pour s'accrocher à son épaule.

« Wouhou ! » S'exclama Teddy. « A moi ! »

« Salazar, je suis vieux. » Rit faiblement Draco alors que son cousin s'écroulait dans l'herbe avec un soupir bougon.

« Je suis pourtant époustouflé. » Plaisanta Harry avec la main sur sa hanche, s'attirant un sourire de coin.

« Je peux remercier Pansy, c'est la seule chose qu'elle voulait bien faire au manoir avec moi. Elle trouvait mes jeux 'ridicules et puérils'. » Imita-t-il d'une voix de fosset.

« Parkinson, acrobate ? » S'étonna Harry avec un rire en regardant Teddy refaire une tentative.

La main de Draco se serra sur son épaule et il serra la sienne en retour sur sa hanche.

« Elle a longtemps détenu le record de celle qui sait marcher le plus loin sur les mains, à Serpentard. » Murmura Draco.

Harry tourna la tête pour le voir observer Teddy, souriant légèrement. C'était étrange et attendrissant d'imaginer les petits Serpentards avoir des jeux aussi enfantins et innocents. Il l'attira contre lui et lui embrassa la tempe.

« Scorpius est tout seul, là-bas. » Poursuivit Draco encore plus bas. « Je doute que Lucius permette à qui que ce soit de passer du temps avec lui… »

Le cœur de Harry s'enfonça et il détourna le regard en perdant son sourire, fixant Teddy se mettre à faire de parfaites roulades en avant avec les cheveux du même vert jauni par la chaleur que la pelouse.

« On va le sortir de là. » Promit-il. Il n'était pas un seul instant question d'abandonner. Il priait pour que cela arrive plus tôt que tard, et il souffrait lui-aussi pour Scorpius, mais il mettrait sa famille en danger s'il agissait trop vite, s'il exfiltrait le petit garçon sans avoir mis Lucius hors d'état de nuire d'abord.

Et il espérait plus que tout que le futur ne lui donnerait pas tort.

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Le lendemain, le Chemin de Traverse était à nouveau bondé. Ils hésitèrent à l'entrée s'étant ouverte dans le mur de brique du Chaudron Baveur, et des sorciers pressés les bousculèrent légèrement en passant autour d'eux.

« On aurait peut-être dû venir plus tôt. » Concéda finalement Draco en s'écartant de leur passage, manquant de lui écraser le pied.

« N'est-ce pas. » Souffla Harry avant de se mettre en marche à côté de lui. Il était relativement plus anonyme sans son uniforme, mais ça n'allait pas durer s'ils restaient ainsi statiques. « Ce n'était pas le bon jour pour faire une grasse matinée. »

« Tu râles quand je dors, tu râles quand je ne dors pas… »

Harry eut une expiration amusée en secouant légèrement la tête, jouant des coudes pour dépasser Fleury & Bott qui avalait et crachait une quantité impressionnante de jeunes sorciers et leurs parents.

« Pas très sympa de m'envoyer Teddy alors que j'étais à poil, d'ailleurs. » Fit remarquer Draco en inclinant la tête vers lui pour pouvoir lui parler à voix basse.

Harry ne put s'empêcher de rire un peu. Draco ne lui avait guère laissé le choix. Il était venu le réveiller deux fois, sans pour autant le voir descendre alors qu'il lui promettait de se lever.

Ils montèrent gravement les marches permettant d'accéder à la porte de la banque, l'humeur assombrie par le souvenir de Scorpius descendant ces mêmes escaliers la veille, puis entrèrent dans la semi-obscurité et la fraîcheur de Gringotts.

Le silence y était remarquable après le brouhaha du Chemin de Traverse, et Harry s'accorda quelques secondes d'immobilité pour s'habituer à la faible luminosité et au radical changement d'ambiance.

« Loin de moi l'idée de mettre en doute ton sens de l'organisation. » Commença Draco à côté de lui en frottant légèrement ses bras couverts d'une simple chemise blanche. « Mais, rassure-moi, tu as bien pris tes clés ? »

« Bien sûr que j'ai pris mes clés. » Souffla Harry avant de vérifier dans la poche de son jean qu'elles s'y trouvaient toujours bien.

Il les sortit et les exhiba sous le regard sarcastique de Draco.

« Tu n'étais pas sûr, hein ? »

« Chut. » Gronda Harry avec amusement avant de se diriger vers le bout de la file la plus courte devant les trois gobelins d'accueil.

« Fais voir ? » Demanda Draco en le rejoignant, et Harry lui confia ses clés sans aucune hésitation.

Il le regarda les manipuler entre ses longs doigts et passer son pouce sur les blasons gravés sur l'embase de chaque anneau.

« Tes parents, toi, Teddy, Sirius ? » Supposa-t-il d'une voix mesurée en désignant quatre clés du trousseau dont les initiales gravées étaient évidentes.

Harry hocha la tête, et désigna tour à tour les suivantes.

« Walburga, mes grands-parents paternels. »

« Walburga ? » S'amusa un peu trop fort Draco avant de baisser d'un ton après un coup d'œil aux autres personnes patientant près d'eux. « Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? »

« Aucune idée. » Avoua Harry.

Draco haussa un sourcil surpris et lui rendit son trousseau.

« Tu n'y as jamais mis les pieds ? »

« Non… Mais je n'étais déjà pas fan de ses goûts en matière de décoration, donc j'ai un peu peur de ce que je pourrais y trouver. » Répondit-il en l'empochant.

Il se tourna pour observer les autres files d'attente et croisa le regard curieux de plusieurs sorciers qui le détournèrent brutalement. Il soupira.

« C'est gentil de m'amener à Gringotts pour me donner la moitié de tes coffres. » Murmura Draco, penché vers lui.

« Ne viens pas alimenter le scandale. » Rit discrètement Harry avec un petit coup de coude.

Les trois files avancèrent lentement et d'autres personnes vinrent patienter derrière eux, leur présence les empêchant de discuter confortablement. Harry entendit plusieurs fois leurs noms être chuchotés dans l'accueil de la banque, lui faisant croiser les bras devant lui avec malaise. A côté de lui, Draco avait adopté une position similaire, le nez levé vers les plaques de bronze gravé qui adornaient les murs faiblement illuminés.

Leur relation aurait quatre ans dans quelques mois, et il pouvait compter sur une seule main les fois où ils avaient passé du temps juste à deux en dehors de la maison d'Andromeda. Il réalisa alors qu'il s'agissait de leur première sortie publique depuis la parution de la photographie prise à Cork et il se maudit de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il s'était simplement rassuré en se disant qu'il était fort peu probable que Malfoy se déplace à Gringotts deux jours de suite.

Au moins personne ne sembla avoir le mauvais goût de les prendre en photo ici.

Ils atteignirent finalement le comptoir et Harry énonça son nom en déposant son trousseau, que le gobelin prit entre ses doigts crochus en baissant un regard soupçonneux sur lui. C'était presque rafraichissant d'être fixé de la sorte.

« La banque apprécierait que vous visitiez tous ces coffres un jour de plus faible affluence. » Grinça la créature.

« Je veux juste voir celui de mes parents. Eventuellement celui de Fleamont et Euphemia Potter si je ne trouve pas ce que je cherche. » Le rassura-t-il, et le gobelin soupira avant de sélectionner rapidement une clé et de soulever le trousseau par celle-ci pour le tendre à son collègue qui patientait derrière lui.

« Et vous êtes ? » Demanda-t-il presque agressivement à Draco alors qu'ils s'apprêtaient à contourner le comptoir pour suivre l'autre gobelin.

« Draco Tonks. » Répondit-il platement.

« Il m'accompagne. » Intervint Harry en voyant le gobelin étrécir les yeux avec méfiance. « J'ai besoin de son aide si vous voulez que j'aille vite. »

Avec un soupir agacé, le réceptionniste fit un geste de la main pour leur signifier qu'ils pouvaient passer.

« Toujours aussi aimables. » Marmonna Draco alors qu'ils descendaient la série de marches menant à l'accès aux chariots.

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C'était étrange de se trouver là, au milieu des restes d'une vie qu'il n'avait pas connue, parmi les quelques biens que ses parents n'avaient pas emportés avec eux pour se cacher de Voldemort. Etrange et désagréable. Il se sentait comme un étranger, un imposteur. Tout ceci lui appartenait, mais rien n'était vraiment à lui.

Il y avait là quelques meubles anciens, venant probablement de ses grands-parents. Il y avait une collection de chaudrons aux pieds et poignées ouvragées, avec le nom d'un de ses ancêtres, Linfred de Stinchcombe, élégamment gravé sur certains. Des coffres étaient remplis de livres ayant appartenu à sa mère, d'autre de vêtements de bébé qu'il avait certainement porté. Lors de sa première visite après la bataille de Poudlard, il avait récupéré quelques pyjamas qu'il avait donné à Teddy. Ils étaient maintenant dans la malle de Scorpius, même s'ils étaient déjà bien trop petits pour lui.

Il y avait aussi trouvé de nombreuses photos qu'il avait emportées et qui avaient grandement grossi la collection qu'il avait amassé au fil des années. Il avait aussi pu récupérer quelques affaires de Sirius qu'il avait sans doute laissées chez Fleamont et Euphemia avant leur mort.

Des piles et sacs de gallions d'or à ne pas savoir quoi en faire jonchaient le sol.

Draco se tenait devant un vieux meuble secrétaire, les mains dans les poches de son pantalon noir. Il s'était lentement déplacé en silence dans le coffre, observant sans jamais rien toucher, les torches illuminant son profil sérieux.

Lui-même n'avait plus de coffre. Celui qu'il avait ouvert après avoir fui le manoir avait été saisi lorsqu'il avait été déshérité un an et demi plus tard. Ce n'était pas une grosse perte, selon lui, considérant le peu d'argent qu'il avait eu dedans, mais Harry savait que cela avait été un sacré coup à sa fierté. Tristement, le coup avait néanmoins été effacé par le choc de la mort de Narcissa quelques jours plus tard.

Draco avait un accès illimité au coffre d'Andromeda, et ce n'était que pour épargner son orgueil que Harry ne lui avait pas confié une clé lui ouvrant le sien. A la place, il faisait déposer une partie de sa paie du ministère sur les comptes d'Andy et si un jour on lui posait la question, il était prêt à mentir et à dire que c'était exclusivement pour Teddy.

« J'ai préféré Cork. » Déclara soudainement Draco, lui faisant émettre un ricanement involontaire.

« J'y pensais. Pas très romantique comme sortie, désolé. » Admit Harry en s'approchant à son tour du secrétaire.

« C'est moi qui ai proposé, mais si tu veux en prendre la responsabilité, ça me va… » Nota Draco avec une expression amusée en se tournant vers lui.

« Tu voudras qu'on aille quelque part, le prochain jour de repos qu'on aura en commun ? » Demanda Harry en ouvrant le boitier d'une plume à la hampe d'or qui devait valoir une petite fortune.

« Juste nous deux ? » Interrogea Draco. Il hocha la tête. « Ok. Je suppose que tu n'es pas trop de mauvaise compagnie. »

« Merci. » Railla Harry avec un rire. « Et peut-être qu'on pourrait se refaire quelques jours ensemble, aussi ? Après tes examens de mi-année ? »

N'obtenant pas de réponse, il releva la tête pour le voir sourire avec une expression légèrement narquoise.

« Quoi ? » Demanda-t-il, sur la défensive.

« Rien. » Rit Draco, avant de sortir une main de ses poches pour lui attraper l'avant-bras et le tirer doucement à lui pour l'embrasser. « Bonne idée. Je veux aller à la réserve de dragons de Killarney. »

« Encore l'Irlande ? » S'étonna Harry. Draco haussa les épaules.

« C'est la plus grande réserve du coin. »

« Teddy va faire la gueule si on y va sans lui… » Fit-il remarquer. « Mais d'accord. On lui dira qu'on vérifie que ce n'est pas trop dangereux avant de l'emmener. »

Draco ricana et souleva quelques livres empilés sur le secrétaire.

« Harry Potter qui ment aux enfants… »

« C'est peut-être extrêmement dangereux. » Rigola-t-il.

« Certainement. Il faudra au moins quelques jours pour s'assurer que c'est accessible aux petits sorciers. »

« Au moins. » Approuva Harry avec amusement.

« Tiens, je pense que c'est le registre. » Fit alors Draco en lui tendant un livre à la couverture de cuir brun, un élégant P inscrit au milieu de la gravure d'un chaudron aux poignées ailées. Le même blason se trouvait sur la clé du coffre de Fleamont et Euphemia.

Harry l'attrapa délicatement et l'ouvrit pour le feuilleter, découvrant page après page d'inscriptions à la plume sur l'épais papier jauni. Henry, Fleamont, James… Il s'arrêta sur la page où le prénom de son père était calligraphié, et sourit tristement en la lisant.

James Fleamont Potter

Enfant de Fleamont Henry Potter & Euphemia Isha Potter née Sharma

Naissance : Le 27 mars 1960 à Eridge Green, Tunbridge Wells, Angleterre, Royaume-Uni

3,25Kg – 49cm

Thomas Bradford a été désigné comme parrain.

Les mots Un miracle inespéré étaient griffonnés dans une autre écriture juste au-dessus du paragraphe suivant.

Décès : Le 31 octobre 1981 à Godric's Hollow, West Country, Angleterre, Royaume-Uni

Harry déglutit, appuyant inconsciemment son épaule sur le bras de -et-un ans. Si jeune. Plus jeune que lui. C'était difficile à associer avec l'image de père qu'il avait, ressemblant à un croisement entre Arthur et Remus.

« C'est un registre magique. Les inscriptions s'ajoutent d'elles-mêmes, comme sur une tapisserie généalogique. » Lui dit Draco avant de pointer le miracle inespéré du doigt. « Mais ça, ça doit venir d'un de tes grands-parents. »

Harry tourna la page, tombant sur celle le concernant, qu'il lut avec un mélange de crainte et d'avidité.

Harry James Potter

Enfant de James Fleamont Potter & Lily Potter née Evans

Naissance : Le 31 juillet 1980 à Eridge Green, Tunbridge Wells, Angleterre, Royaume-Uni

4,04Kg – 51cm

Sirius Black a été désigné comme parrain.

A été désigné parrain d'Edward Lupin.

« Pouah, gros bébé. » Commenta Draco avec amusement, lui faisant émettre un rire étranglé.

« Je suis né au même endroit que mon père. »

« Oui, c'était probablement la maison de tes grands-parents. » Nota pensivement Draco.

« Je me demande où c'est… »

« Tu veux en faire notre prochaine sortie ? » Proposa Draco, lui faisant lever les yeux vers lui. Il lui sourit, hochant la tête avec hésitation, et Draco passa une main dans son dos avant de la poser à sa taille, souriant à son tour.

Harry baissa alors à nouveau les yeux sur le registre, et passa doucement un pouce sur ce qu'il reconnaissait être l'écriture de sa mère. Un miracle très attendu.

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Très exactement six jours plus tard, Harry quitta des yeux le paysage défilant de l'autre côté de la vitre du train pour regarder les lèvres de Draco s'agiter en silence alors qu'il lisait un épais volume en face de lui. La couverture et la tranche n'affichaient plus rien, mais il avait eu le temps de lire qu'il s'agissait d'un manuel de contre-malédictions communes avant que Draco n'efface magiquement les titres pour ne pas effrayer les moldus.

Il sourit légèrement en voyant son index gauche se décoller de sa prise sur la couverture pour s'agiter, effectuant le mouvement d'une baguette avant de se reposer dessus. Le voisin de siège de Harry poussa un petit soupir et la musique qui s'échappait du casque sur ses oreilles changea, remplacée par le rythme féroce d'une batterie.

« Tu n'étais pas de garde au SUM, aujourd'hui ? » Interrogea-t-il à voix basse sans réussir à masquer son amusement.

Le Service des Urgences Médicoagiques, nouvellement créé à Ste-Mangouste, était rapidement devenu le service préféré de Draco, passant de justesse devant celui des pathologies des sortilèges et malédictions où travaillait Andromeda.

« Hm non, c'est Lazare, pourquoi ? » Répondit Draco sans lever les yeux vers lui avant de tourner une page.

« Bizarre, j'étais persuadé d'avoir vu ça sur ton planning. » Nota Harry d'un ton faussement songeur, sachant pertinemment que Draco avait échangé son tour de garde pour obtenir le même jour de repos que lui.

« Tu as dû te tromper, alors. » Mentit celui-ci en haussant un sourcil sans pour autant le regarder.

« Possible. Je vérifierai en rentrant. »

Il pinça les lèvres mais ne put pas s'empêcher de rire en voyant Draco lever un regard inquiet dans sa direction.

« Ça pouvait attendre, tu sais. » Reprit-il avec affection. « Mais merci. »

« C'était ça ou dans cinq semaines. » Souffla Draco, semblant s'avouer vaincu et fermant son livre sur son doigt pour ne pas perdre sa page. « Et encore, seulement si tes jours de repos ne sautent pas, comme ils semblent le faire trois fois sur quatre. »

« Merci. » Répéta Harry, bougeant légèrement la jambe pour que son tibia touche celui de Draco sous la table qui les séparait.

Draco haussa les épaules et rouvrit son livre, mais un petit sourire étira ses lèvres alors qu'il reprenait sa lecture.

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Tunbridge Wells se trouvait à une heure de train au sud-est de Londres, dans le parc national de High Weald. De là, ils prirent le bus, une première fois pour Draco, pour rejoindre le centre du village d'Eridge Green à une dizaine de minutes de là.

Le paysage y était assez similaire à celui entourant la maison d'Andromeda. Quelques maisons anciennes bien conservées, des petites routes serpentant entre les champs de blé et les pâtures, des chemins forestiers s'enfonçant dans les bois. Peu de magasins mais beaucoup de voitures garées dans les allées.

Harry sortit sa carte des environs pendant que Draco observait avec scepticisme l'église du village, étonnement sinistre dans cet environnement bucolique et ensoleillé. Harry était retourné seul à Gringotts pendant la semaine pour faire un tour dans le coffre de ses grands-parents. Il n'y avait pas trouvé d'adresse précise de leur résidence, mais il avait déniché quelques anciennes photographies de leur maison et de son père jouant dans leur jardin ou se promenant dans la campagne avec Euphemia. Le nom Warren Farm Lane avait été inscrit derrière plusieurs photos à la plume, et il avait pu retrouver le nom de cette longue route sur sa carte.

« C'est par là je pense. » Dit-il à Draco, qui quitta l'église des yeux pour regarder dans la direction indiquée.

« Tu es déjà allé à l'église ? » Demanda celui-ci en lui emboitant le pas.

« Hm, non. Et toi ? »

« Qu'est-ce que j'irais faire dans une église ? Tu as déjà entendu parler de la combustion spontanée ? »

« Tu as peur de prendre feu si tu rentres dans une église ? » S'amusa Harry alors qu'ils quittaient l'ombre de l'imposant bâtiment.

« J'ai l'impression que l'un d'entre nous n'a pas bien écouté Binns en cours. » Fit Draco en tournant une expression circonspecte vers lui.

« Tu veux dire que j'ai raté quelque chose s'étant passé entre deux révoltes de gobelins ? Possible, oui. » Avoua-t-il avec un petit rire.

« 1677, des moldus du Sussex utilisent des runes pour protéger leurs églises. Sept sorciers meurent piégés dans des cercles de combustion de magie. » Récita Draco alors qu'ils attendaient qu'un groupe d'enfants à vélo finisse de traverser pour s'engager sur un passage piéton.

Harry lui jeta un coup d'œil mêlant surprise et horreur.

« Des moldus ont utilisé la magie pour tuer des sorciers ? »

« 1678, la technique se propage à la région de Surrey, huit sorciers meurent. La famille Bulstrode maudit cinq familles moldues. En réponse, massacre de la famille Lancaster. » Poursuivit Draco en se remettant à marcher. « Au Sussex, des moldus sous Imperium modifient les runes pour qu'elles attaquent les non-sorciers. Quarante-sept moldus meurent de combustion spontanée avant que Garla Prewett ne détruise les cercles runiques. Début des négociations avec le gouvernement moldu pour la protection des sorciers, en vain. 1679, la famille Bulstrode est quasiment décimée. Des runes de combustion de magie commencent à apparaître dans le Hampshire et le Wiltshire. 1681, Ralston Potter propose le statut du secret au Magenmagot. »

« Potter ? » Répéta Harry avec surprise alors qu'ils longeaient ce qui avait dû être une ferme et qui avait été transformé en un imposant Bed & Breakfast.

« Opposé par Brutus Malfoy, évidemment, qui avait trop d'intérêts financiers chez les moldus pour se laisser faire. » Ajouta Draco avec une expression ironique. « Il rallie Adonis Black, Baxter Rosier, Corvus Slughorn, Esper Shaklebolt, Peter MacMillan et Gawain Gaunt pour contrer Potter. »

« Comment tu fais pour te souvenir de tout ça… ? » Souffla Harry avec étonnement.

« Années 1680, la chasse aux sorciers s'intensifie. 1686, Helen Slughorn est assassinée à 8 ans après un épisode de magie accidentelle en présence de moldus. 1688, Armand Malfoy III meurt à l'âge de 6 ans dans des conditions similaires. Brutus Malfoy se rallie à Potter. 1689, la première version du Code International du secret magique est signée. 1690, le sortilège d'Oubliette est inventé. »

Harry prit une grande inspiration, qu'il tint quelques secondes avant d'expirer bruyamment. Il n'était pas surpris par l'histoire sanglante des sorciers, pour avoir vécu au centre d'une de leurs guerres, mais ça n'était pas agréable à entendre pour autant.

« Bref. » Reprit Draco avec un sourire cynique. « Sussex. Eglise. »

« Ta mémoire me scie. Tu penses qu'il reste des runes dans certaines églises ? »

« Je ne vais certainement pas me désigner volontaire pour vérifier. » Fit Draco avec un petit rire.

« Attends. » L'arrêta Harry en lui attrapant le coude, regardant autour d'eux avant de baisser les yeux vers la carte qu'il avait toujours en main. « Je crois que c'est cette route. » Ajouta-t-il en désignant la rue sur leur droite, dont le goudron s'effritait sur les bords mal entretenus foisonnant de mauvaises herbes. Le chemin longeait plusieurs maisons puis le paysage s'ouvrait sur des champs, et, plus loin, sur des bois.

Ils s'y engagèrent, d'abord l'un derrière l'autre sur le bord de la route, puis côte à côte lorsqu'ils n'y virent aucune circulation. La matinée était idéale pour une telle marche. Il semblait y avoir plu au cours de la nuit et malgré le soleil éclatant au milieu du ciel turquoise, l'air était plus frais et la température plus agréable qu'à Londres lorsqu'ils y avaient transplané plus tôt près de King's Cross.

C'était loin d'être la première fois qu'ils marchaient ainsi ensemble dans la nature, pour l'avoir fait à de nombreuses occasions autour de chez Andromeda ces dernières années, parfois seuls mais plus souvent avec Teddy. Compte tenu de l'éloignement de la civilisation, Harry s'autorisa à prendre la main de Draco. S'attendant à une pique moqueuse, il ne récolta néanmoins qu'une légère et brève pression autour de ses doigts et un petit souffle amusé.

Ils longèrent des champs de blé et des pâtures, ralentirent parfois en traversant des petits bois pour profiter de leur fraîcheur. Ils s'arrêtèrent quelques fois pour consulter les photographies que Harry avait ramenées, les comparant au paysage pour se conforter dans le fait qu'ils avaient pris la bonne route. Ils parlèrent en riant de la chanson de Teddy de ce matin-là qui leur trottait dans la tête et qui ventait la supériorité des céréales au chocolat face à l'aspect gluant des œufs brouillés de Harry qu'il préférait à peine cuits.

« Harry. » L'interpella soudainement Draco alors qu'ils émergeaient à nouveau dans la lumière après avoir traversé un nouveau bois. Les pâtures étaient ici bordées de barrières de bois qui semblaient venir d'être peintes en blanc. Des moutons de la même couleur broutaient paisiblement. « J'ai entendu des rumeurs sur la création d'une brigade d'urgence au Département de la Justice Magique. »

« Une brigade… » Répéta Harry en tournant légèrement la tête vers lui. « De Médicomages ? »

« Oui. Tu n'en as pas entendu parler ? »

« Non… » Répondit-il sincèrement. « Enfin… Robards a été pas mal mis sous pression depuis ce qui est arrivé à Terry et encore plus depuis que Marlene… » Il laissa sa phrase en suspens sous le regard inquisiteur de Draco.

Sa collègue, l'une des cinq Aurors étant restée titularisée après la bataille de Poudlard, avait succombé à ses blessures au combat lors d'un raid pendant lequel ils avaient enfin appréhendé Nott un an plus tôt. Malgré l'arrestation de quatre Mangemorts cette nuit-là, il était difficile pour le département de voir l'opération comme une victoire.

Marlene aurait pu être sauvée si l'un d'entre eux avaient pu quitter le front pour l'amener à Ste-Mangouste. Mais c'était à peine s'ils avaient réussi à en réchapper eux-mêmes. Ron était resté en convalescence pendant trois mois en attendant que les muscles de son bras gauche repoussent et avait sérieusement considéré quitter le Département. Pour en avoir discuté avec lui, Harry savait que Neville faisait encore des cauchemars de cette nuit-là, et lui-même avait vu sa vie défiler en se retrouvant piégé, les deux jambes brisées, derrière un mur de flammes.

Draco ne savait pas ce qui s'était passé lors du raid, mais il connaissait assez de monde parmi les protagonistes pour réaliser qu'ils n'étaient pas passés loin du désastre.

Il s'éclaircit la gorge et détourna le regard.

« Non, je n'en ai pas entendu parler… Ça t'intéresserait, de faire ça ? » Demanda-t-il, ses entrailles se tordant en imaginant Draco dans de telles circonstances.

Avoir des Médicomages en combat serait certainement un avantage tactique, mais ça voulait dire des personnes en plus à protéger. Même sans être biaisé par sa volonté de le tenir éloigné de la guerre silencieuse qui faisait rage, il n'était pas certain que ce soit une bonne idée.

« Je ne sais pas… » Répondit pensivement Draco en regardant à nouveau devant lui. « Mais je pense que ça serait une bonne chose, d'en créer une. »

« Ça me paraît très dangereux… » Admit Harry. « Il leur faudrait un entrainement en défense extrêmement poussé. »

« Certainement. » Concéda Draco, le profil songeur.

« Et on peut difficilement se défendre et essayer de soigner quelqu'un en même temps. »

Harry parlait d'expérience. L'urgence première était toujours de se mettre à couvert avec les blessés, mais c'était parfois impossible. Et on ne pouvait pas tenir un Protego puissant en étant concentré sur autre chose. La meilleure solution restait la fuite, et c'était souvent ce qu'il avait dû faire, entrainant leurs blessés avec eux à Ste-Mangouste. Et pour cette tâche, un Auror était plus utile qu'un Médicomage.

« Il faudrait peut-être affecter un Auror à un Guérisseur, dans ce cas. » Réfléchit Draco.

« Nous sommes quinze. » Rappela Harry. « Ce n'est déjà pas assez. »

« Combien d'élèves à l'Académie ? »

« Six en tout… » Soupira Harry.

« Hm… Vois les choses comme ça. Imagine. Il y a un blessé en combat. Un autre Auror s'interpose pour le protéger, ça fait donc deux personnes en moins qui se battent. Si ce deuxième Auror était accompagné d'un Guérisseur, celui-ci pourrait soit remettre le blessé sur pied et le renvoyer au combat, soit l'emmener à Ste-Mangouste et permettre à celui qui le défendait de prendre sa place et de se battre. » Raisonna Draco, tournant les yeux dans sa direction pour guetter sa réaction.

« Certes… » Murmura Harry, admettant la logique de ses propos mais n'étant tout de même pas convaincu.

« Ça fait un combattant en plus que dans la situation sans Médicomage. »

« J'ai compris, Draco. » Souffla Harry avec une once d'amusement. « Mais s'il y a plus d'un blessé ? Si le défenseur lui-même est touché ? »

« Je ne vois pas en quoi la présence d'un Guérisseur aggraverait les choses dans ces circonstances. Au contraire. Surtout s'il est entraîné pour sa propre défense. » Insista Draco. « Arrête d'imaginer que c'est moi. Imagine Lazare, tiens, je sais qu'il t'énerve. »

« Bien sûr qu'il m'énerve, il est beau et il a un accent français… » Maugréa Harry, souriant légèrement en l'entendant rire.

« Tu as de plus belles fesses. » Le taquina Draco en le poussant légèrement d'un coup d'épaule.

« J'espère bien. Mais ça veut dire que tu regardes ses fesses, alors je ne sais pas trop comment le prendre. » Plaisanta-t-il.

Il n'estimait pas être quelqu'un de jaloux, mais s'il y avait bien une personne dans le faible entourage de Draco qui l'irritait, c'était bien Lazare. Parfait jeune Sang-pur Lazare des Courrières, beau, riche, étranger et futur Médicomage. Il paraissait détendu en toutes circonstances, et Harry n'aimait pas l'admettre, mais son absence de déférence à son égard n'était pas aussi agréable qu'il l'aurait pensé. Lazare se fichait complètement qu'il soit Harry Potter lors des quelques fois où ils avaient eu l'occasion de se parler au fil des années, et donnait l'impression de ne pas comprendre d'où venait toute cette adulation.

Et pour lui qui souhaitait parfois plus que tout qu'on oublie son nom et sa cicatrice, c'était un peu difficile d'avouer que sa nonchalance à son égard lui était désagréable.

« Je le prendrais très bien à ta place. Il a vraiment un très beau fessier. » Déclara tranquillement Draco avant de pouffer de son expression outrée. « Merlin, dis-moi que tu ne me prends pas au sérieux. »

« Je ne sais pas toujours quand tu blagues. Tu mens trop bien. » Tenta de se défendre Harry avec un mélange d'embarras et d'irritation.

« Ohhh… » Se moqua Draco en enroulant son bras autour de sa taille pour le rapprocher de lui sans cesser de marcher. Harry l'imita, tentant de calquer son rythme de marche au sien malgré ses jambes un peu plus courtes. « Ne t'en fais pas pour cette histoire de fesses. Tu es beaucoup plus riche que lui, c'est tout ce qui compte. »

« Enfoiré. » Grogna Harry avec amusement.

/

Harry baissa la photographie de la maison, sur laquelle ses grands-parents et son père, qui ne devait pas avoir plus de huit ans, agitaient joyeusement la main en direction du photographe, et riva son regard sur la toiture du bâtiment qu'il voyait au loin. Emergeant à moitié derrière un gros bosquet d'arbres, la maison semblait énorme et en excellent état, entourée de pâtures boisées et semblant être la seule structure à des kilomètres à la ronde.

« Le toit est le même. » Acquiesça Draco à côté de lui.

« Oui. »

Ils se remirent en route en silence, l'œil rivé sur ce qui avait tout l'air d'être l'endroit où son père et lui étaient nés. Il devait leur rester encore une dizaine de minutes de marche à ce rythme, et Harry était partagé entre hâte et crainte. Il n'avait aucune idée de ce qu'il était venu chercher ici, sinon une faible connexion avec une famille qu'il n'avait pas connue et qu'il ne connaitrait jamais. Il fut soudain mal à l'aise d'avoir trainé Draco jusque-là, honteux de chasser des chimères malgré sa chance de l'avoir, d'avoir Teddy, Andromeda, Hermione et les Weasley auprès de lui.

« Je m'attendais à ce que ça soit à l'abandon… » Dit-il pour briser le silence.

« Oui… Ça serait étrange que tes parents l'aient vendue. Ce n'est pas comme s'ils manquaient d'argent… » Murmura Draco à ses côtés. « Je n'y avais pas pensé avant, mais la maison ne faisait pas partie de ton héritage ? »

« Heu, pas que je sache… » Hésita Harry.

« Tu pourrais demander à Maxwell de faire des recherches, il- »

Draco s'interrompit soudainement, et Harry fit encore quelques pas avant de se tourner vers lui avec surprise pour voir qu'il s'était arrêté au milieu du chemin, tête baissée et les mains sur les genoux.

« Ça va ? » Demanda-t-il avec inquiétude en faisant un pas dans sa direction.

Au lieu de répondre, Draco plia les genoux et en posa lourdement un par terre, une de ses mains se posant sur la route. Harry se précipita en avant, la baguette immédiatement à la main et un Protego Duo s'élevant autour d'eux alors qu'il se jetait presque par terre devant lui pour lui attraper les épaules.

« Draco ? » Appela-t-il avec panique, cherchant un indice quant à la cause de son soudain changement d'attitude. Ses yeux étaient ouverts et regardaient fixement le sol. Malgré la chaleur, son teint était soudainement livide, et il semblait trembler légèrement sous ses doigts. Sa respiration s'être arrêtée et il ressemblait à quelqu'un ayant reçu un sortilège foudroyant.

Il eut une inspiration étranglée, ses yeux se fermant et son visage se tordant de douleur.

« Qu'est-ce qui se passe ?! » Interpella Harry avec panique, son regard alternant entre lui et leur environnement, où rien d'autre que des moutons ne semblait bouger.

« Sainte- » S'étrangla Draco, les épaules tremblantes et les muscles crispés sous ses mains, comme en proie à une douleur insoutenable.

Ste-Mangouste.

Etendant immédiatement sa magie autour de lui pour l'envelopper, il focalisa son esprit sur la salle des admissions de l'hôpital et les fit transplaner.

/

Harry s'appuya au mur pour cesser de faire des allers et venues devant la porte d'examen n°6 du SUM. Il n'avait techniquement pas le droit d'être là, mais personne n'avait osé le diriger vers la salle d'attente, les Médicomages et infirmiers se contentant de traverser le couloir en le dévisageant avant de poursuivre leur route.

Il avait chaud et froid en même temps, le cœur tambourinant et le corps anticipant un combat qui n'arrivait pas. L'esprit enlisé dans un mélange de confusion et d'adrénaline, il cherchait en vain ce qui avait pu arriver. Draco n'était jamais malade. Il avait semblé aller parfaitement bien jusqu'à ce que ça ne soit plus le cas, de façon inexplicable. Avait-il reçu un sortilège ? Quelqu'un les avait-il suivis ?

Harry reprit ses cent pas, incapable de rester immobile, jusqu'à ce que la porte s'ouvre sur le Chef du SUM et Lazare, qui lui jetèrent un regard indéchiffrable avant que McLaggan ne s'éloigne en direction des admissions. Plutôt que de céder à la tentation de l'agripper pour exiger des réponses, Harry tourna son corps vers Lazare, qui regarda autour d'eux avant de poser des yeux soucieux sur lui.

« Draco a fait une fausse-couche. »

Un froid glacial tomba sur Harry qui eut la sensation de s'être pris un coup de poing. Il dévisagea Lazare sans réellement le voir, le monde s'éteignant autour de lui avant de ressurgir avec violence, les détails trop nets, les couleurs trop fortes, les sons trop agressifs. Son corps chercha un appui sans en trouver un, et lorsqu'il vit la main de Lazare se tendre vers lui comme pour le stabiliser, il s'écrasa contre le mur derrière lui pour qu'il ne puisse pas le toucher, persuadé que le moindre contact le ferait exploser.

« Comment ? » Réussit-il à émettre, sans vraiment savoir ce qu'il demandait réellement. « Pourquoi ? » Ajouta-t-il, sa propre voix quasiment inaudible à ses oreilles.

Lazare baissa la main en même temps qu'il secouait très légèrement la tête, le visage fermé.

« Difficile de savoir. » Dit-il doucement, détournant le regard un instant avant de visiblement se forcer à le regarder dans les yeux à nouveau. « Il n'était pas à plus d'un mois de grossesse. Ça arrive beaucoup plus souvent qu'on ne le pense. »

Un mois. Avaient-ils oublié le sort de contraception ? L'avaient-ils mal lancé ? Était-ce de sa faute ? Avait-il blessé Draco sans le vouloir ? Un goût de bile envahit sa bouche et il déglutit frénétiquement, ses sens se concentrant sur le contact du mur rugueux sous ses doigts écartés de part et d'autre de lui pour ne pas vomir.

Une Médicomage passa entre Lazare et lui d'un pas pressé.

« Je vais faire descendre un Psychomage, mais tu peux entrer en attendant, il est réveillé. » Déclara ensuite Lazare, sa voix assourdie par le sang qui rugissait dans ses tempes. Harry prit une inspiration fébrile et hocha la tête. Il se décolla du mur avec les mains tremblantes, et l'apprenti guérisseur s'effaça pour le laisser entrer dans la salle.

Tout y était d'un blanc éclatant. Les murs, le sol, la lumière, les draps sous lesquels Draco était assis. Ses cheveux, sa chemise, son visage aussi. Seuls ses yeux écarquillés renvoyaient une once de couleur en se levant vers lui. La porte se referma dans le dos de Harry et il se précipita en avant malgré ses membres raides, enlaçant son corps tremblant sans réfléchir, sentant ses mains s'accrocher à l'avant de son T-shirt.

« Je ne savais pas. » L'entendit-il murmurer d'une voix paniquée contre sa gorge. « Je suis désolé. Je ne savais pas. »

Incapable de formuler une pensée cohérente et encore moins de l'énoncer, Harry se contenta de le serrer plus fort.

/

Harry eut toutes les peines du monde à expliquer la situation à Andromeda sans alerter Teddy. Il se sentait vidé physiquement et psychologiquement. Son corps était lourd et son cœur saignait, et il osait à peine imaginer comment devait se sentir Draco. Ils n'avaient jamais discuté d'une telle possibilité, l'esprit fixé sur le présent et sur l'objectif de récupérer Scorpius. Harry voulait finir son ménage de Mangemorts et arrêter définitivement Lucius, Draco voulait terminer ses études, et au-delà, ils ne s'étaient pas permis de penser à grand-chose. Le présent était trop pressant et intense pour qu'ils se le permettent.

« Reste avec lui. » Lui intima Andy, et son regard ne souffrait aucune discussion. Harry serra les dents, hocha la tête et gravit les escaliers.

Cela faisait presque une heure que Draco était monté, mais il était toujours assis au bord du lit, la tête dans les mains. Il n'avait pas prononcé un mot depuis qu'ils avaient quitté Ste-Mangouste, et Harry n'arrivait pas à comprendre pourquoi ils l'avaient laissé sortir si vite. Sûrement un tel événement nécessitait plus que quelques heures en observation et le passage express d'un Psychomage ?

Harry referma la porte derrière lui et s'appuya dessus un instant, peinant à comprendre ce qu'il ressentait lui-même et n'ayant aucune idée de la façon dont il pouvait soutenir Draco, si une telle chose était possible. Il était hébété.

Comme si son entrée avait été le signal lui permettant de quitter son immobilité, Draco se débarrassa de ses chaussures, puis de ses chaussettes et de son pantalon pour se glisser sous la couverture sans un regard dans sa direction. Harry s'arracha difficilement à son immobilité et se déshabilla lui-aussi pour ne garder que ses sous-vêtements et le rejoindre.

Malgré les rideaux tirés, la lumière du soleil déclinant était suffisante pour percevoir son regard hagard et ses traits figés, comme si lui non plus n'avait aucune idée de ce qu'il ressentait. Avec hésitation, Harry lui attrapa la main sous le drap, et Draco serra presque douloureusement ses doigts dans les siens. Une unique larme quitta son regard statique, roulant du coin de son œil gauche pour escalader le haut de son nez puis s'écraser dans son oreiller.

Le soleil se coucha sans qu'ils ne bougent ni ne réussissent à prononcer un seul mot. Mais avant que l'obscurité ne devienne difficilement supportable pour Harry, Draco lâcha sa main et se tourna sur le dos pour allumer sa lampe de chevet avant de reprendre position face à lui, la soudaine lumière dorant ses cheveux. Harry ne lui avait jamais dit clairement craindre d'être dans le noir total, et il n'avait jamais eu besoin de le faire. Leurs regards fatigués se croisèrent et il leva la main pour caresser son visage, le regrettant quand il le vit fermer les yeux en déglutissant.

Peut-être valait-il mieux crever l'abcès avant qu'il ne s'envenime.

« Est-ce que tu voudrais des enfants ? » Demanda-t-il alors. Ils n'avaient que vingt-trois ans et un quotidien déjà tellement rempli. Ils avaient Teddy. Harry ne s'était pas permis de repenser au fait d'avoir la famille dont il rêvait depuis qu'il avait dû en faire un deuil express en apprenant qu'il devait mourir pour éliminer Voldemort.

Draco rouvrit les yeux, cherchant quelque chose sur son visage. Il déglutit à nouveau et détourna le regard.

« Pas tant que Scorpius ne sera pas avec nous. » Répondit-il d'une voix basse et rauque, avant de le regarder à nouveau comme pour guetter sa réaction.

« D'accord. » Dit Harry, n'ayant pas la force d'y mettre un sourire mais espérant que ses yeux exprimaient son approbation.

Draco leva la main et attrapa celle qui se trouvait toujours sur sa mâchoire pour la poser devant sa bouche, son souffle caressant ses phalanges.

« Je t'aime. » Lui dit doucement Harry. Il voulait lui dire qu'il était désolé, mais il y avait tant d'interprétations possibles à des excuses, et il ne voulait pas l'entendre lui demander son pardon en retour à nouveau.

« Je t'aime aussi. » Murmura Draco contre sa main.

Ce n'était pas des mots qu'ils prononçaient souvent l'un envers l'autre. Harry ne pouvait pas en être certain, mais il supposait que, comme lui, Draco ne les avait pas beaucoup entendus dans sa vie. C'était une émotion que Harry avait plus de facilité à démontrer qu'à énoncer, même s'il apprenait à le faire avec Teddy, réalisant en le regardant grandir à quel point ces mots lui avaient manqué dans son enfance sans qu'il le réalise. Dire je t'aime à son filleul était facile, une vérité aussi simple que de décrire la couleur du ciel. Dire je t'aime à Draco était plus dur, même si c'était tout aussi vrai. Comme si lancer ces mots les rendaient fragiles, faux, les réduisait à une forme verbale plutôt que de laisser leur chaleur en eux. Ils attendaient une réponse, suspendus entre eux, là où un regard ou une caresse aurait suffit sans les mettre dans une position de faiblesse.

Ni l'un ni l'autre n'aimait se rendre vulnérable. Mais ils l'étaient déjà aujourd'hui.

/

Septembre 2003

Reprendre le cours habituel, sinon normal, de sa vie, fut insupportable. Peut-être était-ce le poids de ses autres fantômes qui le faisait ployer, mais faire le deuil d'un enfant qu'il ne connaissait pas, mais qui était le sien, sans en parler à personne tout en devant plonger dans la noirceur quotidienne de son travail, fut insoutenable.

Alors Harry fit ce qu'il faisait toujours quand son cerveau ou son cœur débordait. Il en parla à Hermione.

« Oh Harry… » Emit sa meilleure amie, la main sur les lèvres et les yeux débordant immédiatement de larmes. Il détourna le regard, la mâchoire se serrant pour contrer les siennes, mais elle lui attrapa la main pour le forcer à la regarder à nouveau, implacable. « Je… Je ne sais pas quoi dire … C'est affreux. » Poursuivit-elle, le menton tremblant.

Harry resta silencieux, sa propre respiration lui paraissant désagréablement bruyante alors que Hermione lâchait sa main pour s'essuyer les yeux.

« Je ne savais pas que vous vouliez… » Commença-t-elle, avant de chercher ses mots.

« Non. » Murmura Harry en fixant la tasse de thé de Hermione. Il avait refusé son invitation à en prendre une, il avait du mal à avaler quoique ce soit. « C'était … » Un accident ? Quel mot horrible.

Hermione hocha la tête sans que son air triste ne s'efface. Son absence de jugement et son émotion précipitèrent son chagrin, et il sentit le barrage se craqueler. Il cacha sa tête sur ses bras croisés sur la table de la cuisine, luttant inutilement contre les vagues. Il se laissa submerger lorsque la main de Hermione réussit à attraper à nouveau l'une des siennes, comme pour l'empêcher de se noyer.

Elle resta silencieuse, et il aurait de toute façon été incapable de lui répondre si elle avait pris la parole. Un long moment de sanglots incontrôlables laissa la place à des larmes muettes, son corps décidant sans son accord qu'il était trop fatigué pour continuer à pleurer. Lorsqu'il releva son visage brûlant, Hermione tenait toujours sa main et une boîte de mouchoirs était apparue sur la table. Il eut un rire étranglé et s'essuya maladroitement le visage, répugnant à relâcher la bouée que représentait le contact de sa meilleure amie. Il se moucha difficilement d'une main, puis croisa son regard soucieux. Ses yeux étaient rouges et elle aussi tenait un mouchoir dans son autre main. Il serra ses doigts dans les siens dans un remerciement silencieux.

« Comment va Draco ? » Demanda-t-elle doucement. Harry plissa le front, son cœur se serrant encore plus.

« Il est plutôt… stoïque. » Chercha-t-il. « Affecté, probablement, mais… »

Draco gérait ses émotions dans le travail, ne les laissant déborder qu'au point de rupture, lorsqu'il était trop tard pour faire quoique ce soit d'autre qu'exploser. Harry ne savait pas dire si c'était une force ou une faiblesse.

« Probablement ? » S'étrangla Hermione. « Harry, vous n'en parlez pas ensemble ? »

Il lui paraissait impensable de tenter de gérer les émotions de Draco en plus de ses siennes. Rien ne les avait affectés en même temps jusqu'ici, l'un ayant toujours eu la tête froide lorsque l'autre en avait besoin. Il n'avait aucune idée de la façon de procéder dans une telle configuration. Comment pouvait-il aider Draco alors qu'il ne savait pas digérer sa propre tristesse ?

« Voulu ou pas, vous avez perdu un bébé, c'est grave ! Vous ne pouvez pas mettre ça sous le tapis en espérant que ça disparaisse ! » S'emporta-t-elle, néanmoins plus dévastée qu'en colère.

Il ravala son réflexe de lui dire rageusement qu'il était au courant de la gravité de la situation et déglutit à la place. Il la lâcha pour passer ses deux mains sur son visage exténué.

« Je ne sais pas… » Hésita-t-il. « C'est dur de le faire parler. »

C'était un doux euphémisme. Hermione pinça les lèvres et baissa les yeux vers ses mains.

/

Le silence, qui était resté confortable pendant des années, tordait à présent quelque chose dans ses entrailles. La distance entre eux, physique et psychique, lui paraissait être un fossé s'élargissant avec les jours. Harry fronça les sourcils au-dessus de ses yeux clos, le poing se crispant dans son propre T-shirt. Draco donnait le change, s'occupait de Teddy, travaillait, révisait, mais il lui faisait penser à une coquille vide, incapable de lui parler autrement que par sarcasme ou monosyllabe. Eux qui avaient du mal à ne pas avoir les mains l'un sur l'autre d'habitude s'étaient à peine touchés en une semaine. Quelque chose ou quelqu'un devait céder avant que l'autre ne craque.

A côté de lui, Draco bougea les jambes sous la couverture. Déjà tourné dans sa direction, Harry ouvrit les yeux pour voir qu'il était toujours étendu sur le dos comme lorsqu'il était enfin venu se coucher après des heures de révision à son bureau plutôt que d'être étalé sur le ventre ou tourné sur le côté comme il le faisait d'habitude. Malgré ses yeux fermés, Harry était persuadé qu'il était réveillé.

Il se redressa pour se rapprocher et posa sa tête sur son épaule puis son bras en travers de son torse, la main sur ses côtes. Après quelques secondes inconfortables, Draco agrippa finalement son coude, le cœur tambourinant sous son avant-bras. La fierté devait emprisonner ses mots dans sa cage thoracique, l'empoisonnant de l'intérieur.

« Je suis triste. » Lui dit-il alors, se sentant ridicule d'énoncer une vérité aussi banale et évidente. Mais si Draco avait beaucoup ri de lui au cours de sa vie, il ne se moquait pas de ses émotions. Il sentit ses doigts s'enfoncer légèrement au-dessus de son coude.

« Moi aussi. » Murmura-t-il. Harry resserra son bras un peu plus fort autour de son buste.

Il savait qu'il n'obtiendrait rien de plus sans l'y forcer, mais il peinait à trouver les mots pour décrire ce qu'il ressentait lui-même, et il rechignait à mettre les doigts dans ses propres blessures pour les étaler à sa vue.

« Pourquoi est-ce que tu t'es excusé ? » Demanda-t-il doucement.

« Excusé ? »

« A Ste-Mangouste, quand je suis entré dans la salle. » Explicita Harry. Draco prit une lente et longue inspiration mais ne répondit pas. « Ce n'est pas de ta faute. » Poursuivit-il alors.

« Non. »

Soulagé de l'entendre l'admettre aussi fermement, Harry se détendit légèrement malgré la boule qu'il avait dans la gorge. Il longea une de ses côtes du pouce et Draco lui répondit en caressant doucement son avant-bras.

« Je me suis dit … » Commença-t-il à voix basse, avant de soupirer. « Même si je sais intellectuellement que je n'y suis pour rien, je me suis dit que c'était de ma faute. »

Harry pouvait comprendre ce réflexe de culpabilité immédiate. Ce sentiment lui était très familier.

« Je le sais mais en même temps, je ne sais pas. » Poursuivit Draco d'une voix serrée. « Je ne sais rien. Je ne sais pas pourquoi, comment, quand. Est-ce que j'aurais pu le réaliser ? Est-ce que ça aurait changé quelque chose ? Le Médicomage en moi a toutes les réponses, il me dit que les sortilèges ne fonctionnent pas toujours, même si on a l'habitude de les lancer. Que les fausses-couches arrivent souvent, et qu'il y a rarement d'explication ou de responsable. Mais malgré ça… »

Sa voix s'éteignit, semblant se coincer dans sa gorge, et Harry l'entendit déglutir frénétiquement puis sentit son corps se tendre en-dessous de lui. Et il comprit que même s'il savait n'être coupable de rien, il se sentait responsable. Et que quand bien même il savait ce sentiment irrationnel, il n'arrivait pas à s'en débarrasser.

Il tourna la tête pour lui embrasser la gorge, la mâchoire, puis se redressa légèrement pour effacer la trace humide d'une larme sur sa tempe. Il craignait qu'il n'y ait rien qu'il puisse dire qui l'aiderait, mais le silence n'avait fait que les éloigner jusqu'ici.

« Qu'est-ce que tu dirais à un patient à ta place ? » Demanda-t-il doucement, sa main quittant son visage pour revenir se poser sur son cœur.

Draco eut un rire ironique et douloureux, ses yeux fermés laissant déborder de nouvelles larmes.

« Exactement ça. » Répondit-il. « Qu'il n'y est pour rien et que s'il n'arrive pas à s'en convaincre, d'aller voir un Psychomage. »

Doutant que Draco s'autorise à aller décharger sa conscience auprès d'un spécialiste, et encore moins de laisser quelqu'un entrer dans son esprit pour l'aider à y défaire les nœuds de souffrance qui s'y trouvaient, Harry ne tenta même pas d'essayer de le convaincre de suivre son propre conseil.

« Et que lui dirait le Psychomage ? »

Draco inspira profondément et rouvrit les yeux, son regard clair et brillant d'humidité se fixant sur le plafond. Il serra les dents puis expira lentement.

« De se laisser le temps de faire son deuil. » Répondit-il finalement à voix basse.

Harry sourit tristement puis reposa sa tête sur son épaule, ses lèvres effleurant la peau chaude de sa clavicule. Il sentait le savon et la lessive, les mêmes que ceux qu'il utilisait lui-même, et l'odeur était familière et réconfortante. Il y avait aussi la faible senteur électrique de sortilèges de désinfection sur sa peau, ceux qu'il utilisait en rentrant de Ste-Mangouste pour ne pas leur amener les microbes de ses patients.

« Comment est-ce qu'on fait ça ? »

« Aucune idée. » Répondit Draco, ses doigts se serrant à nouveau autour de son coude.

Admettre qu'on était triste, s'autoriser à l'être, était sans doute un bon début. En parler ne pouvait certainement pas faire de mal. Deux choses, il le savait, pénibles à exécuter pour Draco. Deux choses pour lesquelles il ne se sentait pas armé pour l'aider. Mais son premier pas vers lui n'avait pas rencontré le mur de fierté qu'il avait craint. Alors il s'accrocha, se força à poursuivre, à ne pas lâcher le mince lien que Draco avait accepté d'attraper.

« Je voudrais le mettre dans le registre Potter. » Avoua-t-il doucement.

Draco ne réagit pas immédiatement, mais lorsqu'il le fit, ce ne fut pas avec le rire moqueur qu'il avait imaginé.

« C'était un amas de cellules, Harry. » Fut sa réponse expirée avec fatigue.

« Et alors ? »

Draco eut une respiration tremblante, ses doigts se serrant et se desserrant légèrement sur son bras. Il déglutit à nouveau.

« C'était notre bébé. Et on a le droit de l'aimer même si ce n'était que quelques cellules. » Réussit à poursuivre Harry malgré sa gorge nouée.

Ce fut vraisemblablement la clé du barrage. Un brutal sanglot secoua Draco, le premier d'une longue série qu'il passa avec le front contre la clavicule de Harry, son corps tremblant contre le sien, leurs bras fermement serrés autour de l'autre.

Harry pensait avoir épuisé son quota de larmes avec Hermione, mais elles débordèrent à nouveau, coulant silencieusement sur les cheveux de Draco. Il faisait trop chaud pour être ainsi serrés l'un contre l'autre, mais ils restèrent accrochés, partageant larmes, chaleur, transpiration et magie pendant ce qui ressemblait à la fois à quelques secondes et une éternité.

/

La main de Draco tremblait légèrement lorsqu'il trempait sa plume dans son encrier, mais son écriture était incroyablement soignée.

Ses yeux rouges étaient légèrement gonflés et humides, et la peau fine et sensible de son visage semblait avoir été irritée par le passage de ses larmes, mais son expression était stoïque. Il renifla discrètement en appliquant un point final, puis tourna légèrement le registre dans sa direction.

Assis contre les oreillers à côté de lui, Harry relut les mots qu'il avait inscrit sur la page suivant la sienne.

Edward Lupin

Enfant de Remus John Lupin et Nymphadora Tonks

Naissance : Le 16 avril 1998 à Feltwell, Thetford, Norfolk, Angleterre, Royaume-Uni

3,98Kg – 51cm

Harry James Potter a été désigné comme parrain.

Aimé et élevé par sa grand-mère, Andromeda Elladora Tonks née Black.

Aimé et élevé comme un fils par Harry James Potter et Draco Tonks

Il sourit légèrement et hocha la tête, l'émotion atteignant ses yeux. Il tourna la tête pour lui embrasser la mâchoire. Une fois devant le registre, il leur avait semblé impensable de ne pas y inscrire Teddy d'abord. Quoiqu'il arrive, il était et serait toujours leur premier bébé, celui qui avait cristallisé leur hétéroclite famille, rassemblant autour de lui trois êtres qui auraient dérivés loin les uns des autres sans son existence.

Draco s'éclaircit la gorge, la plume crispée entre ses longs doigts.

« Je ne sais pas si le registre me laissera écrire quoi que ce soit pour Scorpius. » Dit-il à voix basse.

« Essaye quand même. »

Draco tourna l'épaisse page de Teddy et fixa un instant la suivante avant de poser sa plume dessus avec hésitation.

Scorpius

Toutes ses tentatives d'écrire la suite furent un échec. Un L tracé d'une main tremblante s'effaça aussitôt. Un M subit le même sort, comme si le registre savait exactement ce qu'ils cherchaient à faire et ne voulait ou ne pouvait pas les laisser l'accomplir.

« Je ne vais pas y arriver. » Fit Draco, posant maladroitement sa plume sur le support de son encrier pour se masser les doigts de la main gauche, comme si l'exercice l'avait fait souffrir.

« Essaye le reste ? »

« Essaye, toi. » Proposa-t-il, lui tendant le registre.

« Em… » Hésita Harry avant de le prendre sur ses genoux. Il avait persuadé Draco d'être celui qui écrivait, trouvant que l'acte équilibrait un peu le fait que le registre soit exclusivement celui des Potter. Il aurait préféré que cela soit Draco qui inscrive son propre frère dedans, mais il ne voulait pas sembler insultant en refusant d'essayer lui-aussi.

Il prit la plume et la trempa à nouveau dans l'encre avant d'essayer d'écrire Malfoy, sans succès. La magie du registre lui léchait les doigts, pas exactement de façon désagréable mais c'était assez perturbant pour que Harry comprenne que les mains sensibles à la magie de Draco en soient gênées.

Enfant de Lucius Abraxas Malfoy et Narcissa Cassiopeia Malfoy née Black.

Naissance : Le 2 Juin 2000 au Manoir Malfoy, Trowbridge, Whiltshire, Angleterre, Royaume-Uni,

Il ne savait pas comment le registre fonctionnait, mais son inscription resta en place, l'encre perdant rapidement de son éclat en séchant sur la page. Il échangea un regard avec Draco avant de poursuivre sur sa lancée.

Aimé et désespérément attendu par Draco Tonks, Andromeda Elladora Tonks née Black, Edward Lupin et Harry James Potter.

Harry inspira profondément et laissa Draco reprendre le registre, puis regarda son pouce passer sous ses mots alors qu'un sourire triste effleurait ses lèvres. L'acte était peut-être dérisoire, mais il dénoua quelque chose en lui. Une preuve supplémentaire, ne serait-ce que pour leurs yeux, que Scorpius avait déjà une place auprès d'eux. Une promesse qu'ils se faisaient à eux-mêmes de réussir à un jour réellement l'intégrer à leur famille.

« Parfait. » Murmura Draco.

Les mots n'avaient probablement aucune valeur magique, et encore moins juridique sans le nom complet de Scorpius sur la page, mais l'acte symbolique sembla le satisfaire lui-aussi.

Le plus dur était maintenant à venir.

Harry rendit la plume à Draco dont le visage se figea en l'acceptant. Il sembla peiner à tourner la page, et il passa son index sur la rainure entre les deux épaisses feuilles vierges, faisant légèrement craquer le papier.

Harry posa la main sur sa nuque chaude puis la laissa glisser dans son dos jusqu'à sa taille pour l'enlacer. Il lui embrassa l'épaule avant d'y poser sa joue et patienta.

Ils devaient choisir un prénom mixte, ne connaissant pas le sexe du bébé. Harry en avait difficilement proposé quelques-uns, n'ayant jamais réfléchi à la façon dont il souhaiterait appeler ses futurs enfants. Bien que sachant qu'elle existait, il n'avait jamais pris le temps de penser à cette possibilité, trop concentré sur le présent pour penser à un futur au-delà de l'arrestation de Malfoy. Et il ne pouvait pas en être certain, mais il doutait que Draco y ait réfléchi lui non plus.

Après une profonde inspiration, il le vit enfin tremper sa plume dans l'encrier puis la laisser effleurer le papier.

« Rowan. » Prononça alors Draco d'un ton incertain.

« Rowan. » Approuva Harry, le serrant un peu plus fort. « Vas-y. » L'encouragea-t-il.

Draco avala sa salive puis traça délicatement le nom anglais du Sorbier des oiseaux, un arbre aux propriétés magiques protectrices, utilisé pour la fabrication de puissantes baguettes réputées être inutilisables pour la magie noire et portées par des sorciers au cœur pur. Ses cendres étaient un ingrédient capital dans la confection de la potion nécessaire à l'apposition d'un Fidelius sur une maison. Un nom magique et pur qui lui sembla parfaitement approprié.

Rowan Potter était maintenant inscrit en haut de page, et Harry patienta quelques secondes avant de légèrement se décoller de Draco pour pouvoir le regarder.

« Tu… Tu n'écris pas Tonks ? »

« Non. » Répondit-il gravement, et il lui un bref coup d'œil avant de fixer à nouveau le registre. « Je suis content de pouvoir le porter, mais ce n'est pas le nom que je voulais transmettre. »

« Mais… »

« Et Potter est un nom important pour les sorciers, je préfère qu'il reste comme ça. » Il inspira fébrilement, semblant se forcer à poursuivre. « Et si jamais… Si jamais on a d'autres enfants, je préfère qu'ils aient le même nom. »

Harry resserra involontairement la poigne qu'il avait sur sa taille, les battements de son propre cœur l'assourdissant. Il déglutit, un mélange d'émotions difficilement descriptibles le traversant et lui piquant les yeux.

« D'accord. » Prononça-t-il faiblement.

Sur la page, des mots s'inscrivirent alors magiquement, se déroulant sur le papier comme tracés par une plume invisible.

Enfant de Harry James Potter et Draco Tonks

31 août 2003

Harry resta un instant interdit avant de lever sa main libre vers son visage pour la poser sur ses yeux, le torse soulevé par un sanglot. Dans un froissement de tissu, il laissa Draco l'envelopper et pleura comme un enfant jusqu'à ce que le sommeil l'emporte.

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