Voici le chapitre 2 ! Bonne lecture
Chapitre 2 - Un Obstacle inattendu
Edward faisait les cent pas dans la salle de restauration, allant et venant parmi les clients tout en jetant des regards inquiets tantôt vers la porte d'entrée qui restait désespérément close, tantôt aux aiguilles de sa montre à gousset. C'était presque la fin du service, et il n'y avait aucune trace de Mustang et de sa collègue. Pourtant, leurs chambres avaient bien été réservées. Il n'avait pas envisagé une seule seconde que son affaire mystérieuse n'intéresse pas Mustang. Il avait misé tous ses espoirs sur lui. Et pourtant, déjà, les derniers clients réglaient leur addition et s'en allaient. Il se retrouva tout seul, assis sur une chaise, le menton posé sur une table et le regard fixé sur la porte d'entrée.
- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda Marc, le cuisinier, quand il sortit de la cuisine.
- Rien, répondit Edward.
- Tu devrais aller te reposer, nous avons une grosse journée demain.
- Mm...
Marc le laissa là et s'en alla. Au moment où il ouvrit la porte, il sourit et s'écarta pour laisser entrer deux autres personnes : Mustang et Hawkeye. Edward se leva d'un bond, soulagé d'un poids immense, mais il se ressaisit ensuite en allant derrière le comptoir pour faire mine de nettoyer des verres tout en cachant son visage aux deux visiteurs.
- Bonsoir, fit-il avec une voix beaucoup trop enjouée à son goût.
Riza lui rendit son salut tandis que Mustang gardait le silence. Edward leva les yeux vers lui, étonné par son impolitesse. Il se heurta alors à des yeux noirs de colère : un regard qu'il ne lui avait que rarement vu.
- Vous venez, lieutenant-colonel ? demanda Hawkeye tandis qu'elle se dirigeait vers les escaliers sans que Mustang ne la suive.
- Non, allez-y lieutenant. Je vais me prendre un café.
- Vous devriez vous reposer...
- Je vais bien, allez-y.
La jeune femme hésita un instant, mais elle finit par laisser son supérieur derrière elle. Les deux hommes restèrent immobiles jusqu'à ce que les pas de la jeune femme ne soient plus perceptibles. Alors, Mustang avança à grands pas jusqu'à Edward, passa le bras par-dessus le comptoir et le saisit par le col pour le ramener vers lui. Le blond se heurta au bar et, surpris, laissa tomber un verre qui se brisa sur le sol.
- Qui êtes-vous ? s'énerva Mustang, son nez touchant presque celui d'Edward.
Edward déglutit. Il fallait qu'il soit stratégique et se contienne pour ne pas énerver encore plus le jeune homme peu tempéré qu'il avait en face de lui.
- Colonel, calmez-vous...
- JE NE SUIS PAS COLONEL !
- Je suis désolé, calmez-vous, Mustang. S'il vous plait, je vais vous expliquer. Tout vous expliquer. Dans la mesure du possible.
Mustang le relâcha légèrement de telle sorte qu'Edward put se reculer un peu.
- On va boire quelque chose... Un whisky, ça vous va ?
Sur ce, il se dégagea doucement de l'emprise du brun et sortit deux verres qu'il remplit d'une bonne dose de whisky avant même que l'autre ne réponde. Il contourna ensuite le comptoir et vint poser les verres sur une table.
- Venez vous asseoir, proposa-t-il gentiment.
Le brun continuait de le regarder de ses yeux enflammés et ne bougea pas d'un pouce. Edward soupira.
- Je m'appelle Edward Elric : je n'ai pas menti.
- C'est impossible.
- Si, c'est possible. Apparemment. Maintenant que vous m'avez rencontré, je vais pouvoir vous expliquer.
- Votre bras...
- Nous avons récupéré nos corps, Alphonse et moi. J'ai vingt-quatre ans maintenant. C'est bizarre d'être aussi vieux que vous...
Aussi étrange que cela puisse paraître, prononcer cette phrase soulagea Edward et calma la colère de Mustang. Le brun s'approcha prudemment.
- Le gamin que j'ai rencontré aujourd'hui...
- C'était moi. C'est moi. Nous sommes la même personne mais à des âges différents.
- Ce n'est pas possible.
- Je sais. Je... Ecoutez, Colonel. Lieutenant-Colonel. Je ne sais même plus comment vous appeler... Je sais que c'est étrange. Je... Hawkeye, c'est la fille de votre maître décédé. Ses travaux sont tatoués sur son dos, mais vous les avez brûlé pour empêcher quiconque d'accéder à ce savoir dangereux. Elle est là pour tenir une promesse : vous aider dans votre quête de devenir l'homme le plus puissant de ce pays. Personne ne le sait, ça, pas vrai ? Il n'y a que moi, elle, et M. Hughes : parce que j'ai vécu dans votre futur.
Roy Mustang était devenu tout blanc, et il finit par se laisser tomber sur la chaise en face d'Edward. Ce dernier prit un verre de whisky et le posa juste en face de Mustang avant de tremper ses lèvres dans son propre verre, fixant toujours le jeune militaire. Il lui laissa le temps de digérer - à la fois les informations, mais également son verre de whisky qu'il venait de s'enfiler d'une traite - et de répondre.
- Qui êtes-vous ? répéta bêtement le brun.
- Vous êtes un disque rayé, Colonel, s'amusa Edward.
L'autre fit une espèce de moue bizarre et se leva pour aller chercher la bouteille de whisky.
- Vous avez raison, commenta Edward. Va falloir vous accrocher si vous voulez entendre toute l'histoire.
Il attendit que Mustang revienne à sa place. Il allait commencer son récit quand Mustang prit la parole.
- Le gamin. Vous... Vous avez les mêmes yeux singuliers.
Edward baissa aussitôt les yeux, gêné. Il bafouilla quelque chose qui ne voulait rien dire tandis que Mustang continuait, sans se rendre compte de la gêne occasionnée.
- C'est la même lumière. Je l'ai reconnu tout de suite. Je ne connais personne avec les yeux de cette couleur, encore moins avec cette... sorte de... d'énergie. Je me suis dit : "Ce n'est pas possible. Ils doivent être parent, ou quelque chose". Mais non, je savais, au fond, que vous étiez la même personne. Vous avez cette flamme... C'est...
Edward hocha doucement la tête, heureux de voir que le Flame Alchimist le croyait - et plutôt facilement, apparemment -, mais atrocement embarassé.
- Colonel, vous voulez que je vous raconte ?
- Je ne suis pas colonel...
- Vous l'étiez, quand je suis rentré dans l'armée.
- Vous êtes donc devenu alchimiste d'état ?
- Oui, un an après notre rencontre.
- Un an ? s'étonna Mustang.
- Eh oui, ricana Edward. Le titre du plus jeune et plus talentueux alchimiste d'état va bientôt vous être volé. Profitez, tant que vous le pouvez.
Roy Mustang le regarda d'un air incrédule.
- Eh oui, fit Edward. Vous avez devant vous un génie de l'alchimie.
Roy Mustang plissa les yeux.
- Pas prétentieux pour un sou.
- J'essaie de montrer un peu d'égo devant le mégalomane que vous êtes.
De nouveau, Roy Mustang parut surpris. Doucement, il se mit à rire, et Edward lui répondit d'un sourire. Ça lui faisait du bien de retrouver une complicité avec quelqu'un et de discuter de la vie sans avoir à cacher que, depuis presque un mois, il errait comme une âme en peine dans un monde où il n'avait plus le droit de voir ses proches de peur de leur causer une crise cardiaque.
- Bon, alors, se ressaisit Mustang. Il va falloir me raconter toute l'histoire.
Edward sourit et se mit à lui raconter. A partir du jour où ils étaient, jusqu'au jour où il était devenu alchimiste d'état, sa quête pour la pierre philosophale, Liore, les chimères et Nina, la mort de Maes Hugues, les homonculii, Lin et May, Bradley, le Nord, sa cavale, le Jour Promis, ce qu'il avait gagné et ce qu'il avait perdu. Bien entendu, il éluda certains passages, ne faisant de tout cela qu'un résumé afin de ne pas perdre le jeune militaire dont le visage se décomposait à mesure qu'il avançait dans son récit.
- Depuis, je suis incapable d'user d'alchimie. J'ai quitté l'armée. Depuis ce jour, on s'est revu quelquefois lorsque j'étais de passage à Central, histoire de partager une bière avec tout le monde dans un bon bar. Mais ça fait plus d'un an que je ne vous ai pas vu. C'est étrange de se dire que nos retrouvailles, après tout ce temps, se font des années plus tôt.
Roy Mustang resta silencieux, assommé par toutes ces informations. Après quelques minutes et un nouveau verre de whisky, il finit par le relancer.
- Et ici ? Comment es-tu arrivé ici ?
Le tutoiement surprit Edward autant qu'il lui fit plaisir. Sans doute l'alcool y était-il pour quelque chose mais, pour lui, ce changement d'attitude lui semblait être un juste retour à la normale.
- Après que j'aie troqué ma Porte contre le corps de mon frère, je me suis mis à voyager en quête d'un substitut à l'alchimie que je pourrais éventuellement utiliser. Pour cela, je me suis rendu à Xing, à Drachma, à Creta, à Aerugo - autant que les tensions frontalières me l'ont permis, en tout cas - pour apprendre un maximum de choses possibles sur les autres formes d'alchimies. Au final, il me semblait que l'elixirologie antique pouvait être une bonne porte d'entrée à l'invention de quelque chose qui serait de l'alchimie sans en être. J'ai élaboré pas mal de théories, j'ai transformé ma maison en laboratoire de recherche et ensuite... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé exactement. Ça a eu l'air de marcher comme il faut. J'ai cru avoir réussi. J'ai utilisé l'elixirologie, c'est sûr : ce n'était pas du tout la même énergie que celle que j'utilisais avec l'alchimie. Mais à un moment donné, ça a dérapé. Peut-être parce que j'avais écrit des formules alchimiques dans mon cercle d'élixirologie. Toujours est-il que je me suis retrouvé dans le cercle de transmutation que j'avais fait des années auparavant, à côté de... de la chose que j'avais créée ; avec, en face de moi, mon moi de onze ans qui subissait ce que je me suis fait subir seul. Je ne crois pas que je me suis vu. D'ailleurs, j'en aurais probablement le souvenir si je m'étais vu, puisque nous sommes la même personne - même si c'était à des temporalités différentes. Enfin bref : c'est comme ça que je suis arrivé ici. Une fois qu'Alphonse m'eut embarqué - je parle de mon moi, jeune - pour m'emmener chez mamie Pinako – la vieille femme rikiki que vous avez rencontré aujourd'hui -, je suis rentré dans la maison pour me laver et trouver des vêtements – les miens étaient complètement foutus, je vous jure, je ne sais pas ce qu'il s'est passé pendant la transmutation mais le tissu a fusionné avec ma peau. J'ai aussi pris un peu d'argent que je savais là. J'ai ensuite quitté la maison et Resembool sans interagir avec les personnes qui me connaissent et j'ai essayé de trouver du travail - parce que je n'avais évidemment pas beaucoup d'argent. Quand ce fut fait, la première chose que j'ai faite a été de vous écrire. J'avais peur que vous ne veniez pas si je ne signais pas, mais je ne voulais pas que les hauts dirigeants se mettent à faire des recherches spécifiques sur moi : ils auraient découvert un enfant de onze ans mutilé et hors-la-loi pour avoir enfreint une règle fondamentale de l'alchimie. Vous, je savais que vous ne me condamneriez pas, et il fallait que je vous rencontre pour retrouver un but et devenir alchimiste d'État.
Ça faisait beaucoup d'informations à digérer pour Roy Mustang qui délaissa le whisky pour poser les coudes sur la table et enfouir sa tête dans ses mains. Tout le récit du jeune homme tournait en boucle dans sa tête et Edward le laissa ainsi réfléchir à sa guise. Au bout d'une bonne dizaine de minutes, Mustang finit par relever la tête vers Edward :
- On va changer le futur.
Edward, interloqué, le regarda avec des yeux ronds. Il n'avait absolument pas pensé à cette alternative. Le futur ne pouvait être changé et, même s'il avait d'énormes regrets et qu'il avait perdu des êtres très chers, il ne voulait plus, désormais, jouer avec le feu. Le Flame Alchimist, lui, était visiblement prêt à le faire. Pour la première fois, Edward se dit que ça avait probablement été une très mauvaise idée que de raconter l'entièreté de son futur à cet homme jeune et plein d'espoirs.
- Colonel, on ne peut pas changer le futur, commença-t-il doucement.
- On connait le futur, coupa Roy Mustang. Si ce que tu dis est vrai, il est possible que nous sauvions des vies. Si Maes doit mourir, je l'en empêcherai. Tu es venu pour m'aider : voilà la réelle raison de ta venue dans le passé.
Edward se sentit avoir des vertiges, choqué par les paroles du jeune homme en face de lui. Ce n'était plus le Colonel Roy Mustang, devenu par la suite Général, qu'il avait en face de lui, mais un jeune homme idéaliste, inconscient des risques qui lui faisaient dire de telles paroles.
- Mustang. Je ne vous ai pas contacté pour que nous changions le futur. Je vous ai contacté pour plusieurs choses : d'abord, je suis incapable d'utiliser l'alchimie alors que vous, oui. Ensuite, en tant que militaire, vous avez accès à des archives alchimiques qui me sont fermées puisque je ne suis personne, ici. Je n'existe théoriquement pas. Je vous ai contacté pour que vous m'aidiez à retourner chez moi.
Le regard noir que lui lança Mustang lui donna une réponse sans appel : il ne venait pas de trouver un allié, un adjuvant pour sa quête de retour ; il venait de se heurter à un obstacle qui allait probablement lui faire perdre un temps précieux.
Si vous avez aimé, où si vous n'avez pas aimé, n'hésitez pas à me laisser vos commentaires. Je les lirais toujours avec plaisir.
