Bonjour à toutes et tous ! Je suis ravie de voir que les quelques chapitres qui précèdent celui-ci ont piqué la curiosité de certains d'entre vous. Vos notes et remarques m'ont fait chaud au coeur : merci donc aux rewievers d'avoir laissé leurs commentaires.

Sans plus attendre, voici le chapitre 4. Très bonne lecture !


Chapitre 4 - Doutes


Cette nuit-là, l'esprit d'Edward était bien trop perturbé pour qu'il puisse envisager de se reposer. Allongé sur le canapé de Mustang, dans le salon, l'ancien alchimiste regardait le plafond nimbé de ténèbres, les sourcils froncés. Seul un faisceau lumineux entrait dans la pièce, entre les rideaux mal refermés, et lui permettait de lire sa montre lorsque le tic-tac incessant qu'elle faisait lui en donnait l'envie. Il y avait dans sa situation quelque chose d'inquiètant.

Il était sans doute la personne la mieux placée au monde pour connaître les dangers de l'alchimie. Jouer avec elle n'était pas une très bonne idée, surtout lors d'une situation totalement inconnue. Il n'avait pas eu besoin de beaucoup réfléchir auparavant pour en venir à la conclusion que tout changement dans le passé demanderait un échange équivalent : pour lui, sauver une personne ici, c'était en perdre une autre d'une manière ou d'une autre. Dans sa tête, tout n'était qu'échange équivalent. C'est pourquoi la volonté de Mustang à changer le présent pour modifier son futur était pour lui d'une absurdité sans nom. Jusqu'à ce qu'il comprenne que le temps ne s'arrêtait pas seulement à son lui d'aujourd'hui. Il y avait probablement eu d'autres lui-mêmes qui étaient venus ici pour rencontrer Roy Mustang et lui demander de l'aide. Cela lui avait sauté aux yeux lorsqu'il s'était rendu compte que le Colonel l'avait pratiquement envoyé partout là où il avait trouvé les pistes sur la pierre philosophale : tout avait commencé avec Liore et, finalement, il avait enchainé les découvertes qui avaient à la fois forgé sa personnalité, sa vision du monde, mais aussi sa vie pour qu'enfin il parvienne à son but tout en sauvant les Amestrians d'une mort certaine à cause de la transmutation gigantesque du Père. Et si sa venue dans le passé n'était que la clé de cette finalité ?

Il y avait eu de nombreux morts, des émeutes, des guerres et de la souffrance. Certains avaient sacrifié beaucoup pour parvenir à arrêter le Père, notamment Roy lui-même qui en avait perdu la vue sans savoir s'il allait pouvoir la retrouver ou non.

Edward repassait tous les moments de sa vie influencés par Mustang pour imaginer ce qu'il se serait passé s'il ne l'avait pas fait : il ne serait pas allé à Liore et n'aurait pas arrêté le père Cornello et les violences qui s'étaient faites là-bas auraient probablement été bien plus terribles si tous avaient eu cette foi aveugle en cet escroc. Personne n'aurait pu arrêter Shou Turker, et même s'il avait été incapable de sauver Nina et Alexander, l'alchimiste tisseur de vie avait finalement été mis hors d'état de nuire. Personne n'aurait agi pour sauver Maria Ross de la peine de mort qui lui pendait au nez suite à la mort de Maes Hughes, et personne ne l'aurait envoyé dans les ruines de Xerxès où il avait tout de même trouvé des clés de compréhension à ce qui était arrivé bien des années plus tôt dans cette capitale perdue.

La liste des évènements était longue et Edward se mit à arrêter de penser. Toute cette situation semblait absurde et il se mettait soudain à douter de son propre rôle à jouer ici et maintenant. Et si tout cela était arrivé à cause de lui, parce qu'il avait donné toutes les informations qu'il fallait à Mustang pour parvenir à sauver Amestris ? Et si, depuis le début, il n'avait fait que suivre les traces de son propre futur ? Et s'il avait un autre but que de repartir simplement d'ici et de changer un futur qu'il ne connaissait pas pour faire coller les morceaux de sa propre histoire ?

Edward se retourna sur le canapé. Cela lui semblait être une possibilité complètement folle. Mustang aurait donc été au courant, depuis le début, des homonculii et aurait laissé Nina et Hughes disparaitre en toute connaissance de cause ? Il serait resté et aurait choisi de participer au Jour Promis de son propre grés malgré qu'il sache ce qui l'attendait ? Ou peut-être avait-il tenté de faire quelque chose à tout cela, et que ça en avait été le résultat ? Peut-être que le passé qu'il avait eu n'était pas celui que son lui de cette temporalité aurait plus tard ?

Il râla et se retourna encore, incapable d'arrêter de penser. Il lui fallait absolument trouver des informations sur ces anomalies temporelles pour pouvoir comprendre les enjeux de son arrivée dans une époque qui n'était pas la sienne. Il ferma les yeux et, à défaut de pouvoir s'endormir immédiatement, tenta de penser à autre chose.


Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, il se demanda tout d'abord où il était avant de se rappeler de ce qu'il s'était passé la veille. Il se redressa et constata bien vite que la porte de la chambre de Mustang était entrebâillée et que sa veste sur la patère avait disparue. Edward ne l'avait même pas entendu s'en aller. Il se leva et se rendit dans la cuisine pour se préparer un café. La cafetière était déjà pleine et un post-it y était collé : "Fais comme chez toi. Tu n'as plus qu'à réchauffer le café. Il y a des croissants sur la table du salon ainsi qu'un double des clés de l'appartement. Bonne journée. Roy".

Il y avait effectivement deux croissants sur la table du salon. Le mot, ainsi que l'attention, firent oublier à Edward toutes les pensées qui l'avaient accompagné durant la nuit. Il ne savait pas que Mustang pouvait être un bon hôte, et il se félicita de l'avoir choisi lui plutôt qu'un autre. Avant de venir dans cette temporalité, il était resté plusieurs mois seul, et les seules personnes qu'il voyait de temps en temps était mamie Pinako qui venait lui apporter du ragoût et Winry qui le faisait sortir de sa grotte dès qu'elle revenait de Rush Valley où elle avait fondé son propre business. Alphonse et May venaient le voir de temps en temps, comme ça avait été le cas au moment où il avait fait son expérience qui avait mal tourné, mais c'était à peine s'il les voyait un mois par an. Il n'avait donc que très peu de contact humain et les petites attentions de Mustang lui firent se rendre compte à quel point c'était précieux que d'avoir quelques interactions sociales, d'autant plus dans une situation aussi propice à la solitude qu'était la sienne. Il prit son petit déjeuner, le cœur léger, et décida de sortir dehors pour faire quelques courses et cuisiner le repas du soir. Il n'avait pas encore remercié le jeune Mustang pour ce qu'il avait fait pour lui : pour l'avoir cru et pour l'avoir accueilli. Il pouvait au moins lui préparer un bon repas.

Il retourna à l'appartement, saluant la concierge au passage, et rangea toutes ses courses. Déjà, il se focalisait de nouveau sur ce qu'il avait à faire pour se sortir de cette situation : il s'assit à la table de la salle à manger et retourna à ses notes, ses feuilles volantes et ses crayons. N'ayant guère avancé sur ses recherches sans avoir d'autres sources que lui-même, il décida de sortir l'après-midi et de se rendre à la bibliothèque.

Dans sa tête, le problème restait le même : était-il dans son passé ou dans une version parallèle de son Histoire ? Il fallait qu'il en ait le cœur net, et pour cela, il devait comparer les évènements historiques de son Histoire avec ceux de cette temporalité-ci. Durant plusieurs heures, il se focalisa là-dessus, cherchant les biographies des grands noms, les dates des guerres et leur déroulement, lisant des livres qu'il avait déjà lus pour les comparer avec ce qu'il avait en mémoire. Les noms des hommes politiques, des écrivains, les événements, les dates, les romans et les œuvres : tout était exactement comme il s'en souvenait, absolument rien ne semblait varier de ce qu'il avait connu dans son propre passé.

Il devait se rendre à l'évidence : il ne connaissait pas Mustang aussi bien que ce qu'il pensait et l'image qu'il se faisait de lui ne correspondait pas franchement avec la réalité. Cet homme agaçant, ambitieux, presque mégalomane, ce coureur de jupon, cet homme sûr de lui, fin stratège mais flemmard n'était que l'image qu'il avait voulu laisser voir à Edward. Le Roy Mustang du passé, lui, était plus vrai, plus naïf et idéaliste, attentionné et accueillant quoiqu'il garde tout de même son caractère. Peut-être que cette façade était tombée parce que Roy Mustang, voyant apparaitre une personne qui semblait le connaitre, ne voyait plus l'utilité de se cacher sous un masque. C'était pourtant imprudent. Edward aurait pu être n'importe qui.

Le blond regarda sa montre et constata qu'il était presque 19h. Il avait oublié ses bonnes attentions du matin et, nonchalamment, il redéposa tous les ouvrages qu'il avait éparpillé sur l'une des tables d'étude pour retourner jusqu'à l'appartement de Roy Mustang. Celui-ci était déjà rentré et s'affairait dans la cuisine à préparer le repas du soir. Alors seulement Edward se souvint qu'il avait voulu le faire lui-même, et se retrouva doublement embarrassé en se rendant compte qu'il s'était étalé dans tout l'appartement avec ses feuilles et ses carnets. Il s'empressa donc de tout rassembler avant de se rendre dans la cuisine pour saluer le militaire.

- Bonjour.

- Oh, tu es là.

Edward s'approcha des placards et récupéra la vaisselle dont il avait besoin pour mettre la table.

- J'étais à la bibliothèque, expliqua-t-il. Je n'ai pas vu le temps passer.

Un sourire narquois passa furtivement sur les lèvres de Roy, mais quoi qu'il pensât en cet instant, il ne le fit pas savoir. Edward fronça les sourcils.

- Je m'assurais juste que j'étais bien au bon endroit, se sentit-il obligé d'expliquer.

- Au bon endroit ?

- Dans le bon passé.

- Et alors ? demanda Mustang qui ne semblait pas saisir l'enjeu de cette recherche.

- Alors rien ne semble différer de ce que je connais. Je pense que je suis bien dans mon passé. Et que je suis bien de ton futur.

- Je t'ai apporté quelques livres qui pourraient être utiles. J'ai terminé tard, je n'ai pas vraiment eu le temps d'effectuer des recherches approfondies.

- Oh. Merci.

Edward s'éloigna avec ses assiettes pour mettre la table dans l'autre pièce. Il trouva facilement les livres sur la table du salon et s'assit pour les consulter rapidement. Il s'agissait de livres théoriques sur l'alchimie temporelle, davantage d'écrits philosophiques qui traitaient de la possibilité ou non d'user d'une telle alchimie plutôt que de vraies théories qu'on aurait pu essayer de mettre en pratique. Edward se perdit dans sa lecture et, déjà, Mustang apportait le repas à table. Sans se faire prier, Edward vint s'asseoir en face de lui et le remercia pour le repas. Ils se mirent à manger silencieusement. Mustang semblait fatigué, perdu dans ses pensées. Il ne semblait pas non plus vouloir discuter, et simplement rester dans sa bulle. Il avait sur son visage cette façade qu'Edward lui connaissait, un air neutre qui ne laissait rien deviner de ce qu'il pensait.

- Je vais vous aider, indiqua-t-il soudain, attirant l'attention du brun. Pour le futur. Il y a des choses que je n'aime pas. Qu'il serait bon de changer. Vous avez raison, c'est peut-être pour cette raison que je suis là. Peut-être que c'est à cause de cela que je suis venu : peut-être que c'est simplement ce qu'il devait se passer. Mais j'aimerais procéder intelligemment. Je... Il va falloir un peu de temps pour que nous mettions les choses en place de la manière la plus sûre possible. J'aimerais vraiment que nous ne nous précipitions pas, que nous étudions la question en profondeur avant d'agir.

Mustang hocha la tête sans ajouter aucun commentaire.

- Vous allez bien ? demanda soudainement Edward.

- Moi aussi, je cogite. Tu as raison, il faut être prudent, avec tout ça.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- J'ai fait mon rapport, sur toi. Hawkeye n'est pas dupe, elle a compris qu'il y avait quelque chose de plus dans cette histoire.

- Et alors ?

- Et alors ? Quoi que je fasse, et si tout ce que tu as dit est vrai, les homunculii le sauront. Si j'agis, si je change les choses, ils trouveront un moyen de m'éliminer et de faire fonctionner leur cercle de transmutation sans moi.

Edward hocha la tête, conscient de ce qu'il allait dire car enfin il raisonnait comme lui.

- Ils finiront par savoir que tu es ici, et s'ils finissent par apprendre que leur plan est voué à l'échec ils t'élimineront toi, ainsi que toutes les autres personnes qui pourraient faire capoter leurs plans. Il faut que tu retournes dans ton monde le plus vite possible.

- Je sais. Mais je n'ai aucun moyen de le faire.

- Tu pourrais au moins te montrer un peu plus discret.

- Un peu plus discret ?

- Tu as un physique particulier, tout de même. Est-ce que tu ressembles à ton père ?

Il n'y avait jamais réellement pensé. C'est vrai que lui et Al avaient les yeux dorés, comme le peuple dont était issu leur père. Comme l'homonculus originel. Comme Père. Et, oui, s'il ne se l'était jamais avoué, il ressemblait drôlement à son père : la même couleur de cheveux et d'yeux, une grande ressemblance du visage mais sans la barbe. Dans un an, son lui du passé viendrait passer son diplôme d'alchimiste d'Etat et Bradley finirait par faire le lien. S'il était aussi visible dans cette ville et qu'il continuait à se faire appeler Edward, ça pourrait apporter des ennuis à beaucoup de personnes et le futur serait alors imprévisible. Il finit par hocher la tête.

- Je crois que je vois ou vous voulez en venir... Je devrais sans doute quitter cette ville et me rendre dans un patelin un peu plus perdu.

Roy hocha la tête.

- Laissez-moi une semaine, demanda Edward. Il faut que je finisse certaines recherches avant. Et que je lise ce que vous m'avez apporté.

- Ou tu pourrais te déguiser, suggéra Mustang.

L'idée était déjà passée dans l'esprit d'Edward, mais il n'avait aucune envie de changer son apparence.

- Te couper les cheveux, suggéra le brun. Te les teindre. Mettre des lunettes.

- Je n'ai aucune envie de faire ça, cassa aussitôt Edward.

Mais s'il devait partir, ç'aurait été pour aller où ? Edward s'était déjà montré imprudent en l'invitant depuis le centre militaire au village de Kaumafy. Des gens pourraient l'avoir vu, n'importe qui pourrait le voir encore. Cet Envy avait l'air de beaucoup se déplacer et s'il rencontrait Edward, il verrait sans doute la ressemblance avec son Père.

- Je crois que tu n'as pas le choix.

Edward ne protesta pas plus parce qu'il savait pourquoi il lui disait ça. Il ne répondit rien et ils finirent de diner en silence. Mustang le quitta vite pour aller se coucher, visiblement fatigué. Edward, lui, retourna à ses papiers.


Lorsque Mustang se réveilla le lendemain matin, il trouva Edward éveillé, lisant et notant les livres qu'il lui avait apporté la veille.

- Tu es bien matinal.

Edward sursauta et se tourna vers lui, visiblement surpris. Il posa alors les yeux sur sa montre à gousset.

- Je n'ai pas vu l'heure passer.

- Tu n'as pas dormi ?

- Non, je me suis lancé dans la lecture, et...

Edward se leva sans terminer sa phrase et se rendit dans la cuisine. Roy le suivit et se retrouva bien vite avec une tasse de café dans les mains. Edward semblait en avoir bu toute la nuit.

- Merci.

- Je vous en prie.

Mustang avait l'air fatigué.

- Vous avez bien dormi ?

- Autant que possible.

- Mm.

Il y eut un silence et Edward soupira :

- Pour le déguisement, je m'en charge aujourd'hui. Je suis du même avis que vous.

- Je vais faire en sorte de te trouver une fausse carte d'identité. Il me faudrait juste une photo, si tu peux la faire faire aujourd'hui.

- Ok.

- Tu pourrais être mon cousin.

- Duke Mustang.

- Oui et... Sérieusement ?

Edward lui offrit un sourire narquois et lui fit une révérence. Mustang le regarda avec un tel air blasé qu'il finit par en rire.

- Disons plutôt "Ford".

- Ford Mustang ?

- Quoi, ça ne sonne pas bien ?

- On dirait un nom de marque de voiture, rit Edward.

Les deux se mirent alors à rire.

- Kevin.

- Vous rêvez ! Disons plutôt Jack.

- C'est tellement bateau. Autant prendre William, ou John.

- Ok, que pensez-vous de Edmund.

- Edmund ?

- Vous pourriez m'appeler Ed. Ça ne me changerait pas trop.

Mustang hocha la tête.

- Edmund Mustang. Mon cousin de South City.

- Vous avez de la famille à South City ?

- Non.

- Il faudrait quelque chose de plausible, alors.

- De Central, alors. Ta mère est Chris Mustang.

- C'est de votre famille ?

- Oui.

- Il faudrait que...

- Je lui dirais. Elle pourra te couvrir, Edmund.

- Je déteste déjà ce prénom...

Il fut ainsi décidé qu'Edward se teindrait les cheveux en noir, mais il refusait de se les couper. Des lunettes suffiraient à changer la forme de son visage, des lentilles pourraient cacher la couleur de ses yeux. Mustang dû ensuite s'en aller et Edward lui donna une liste d'ouvrages à récupérer en fonction de ce qu'il avait trouvé dans les livres qu'il avait à disposition. Lorsque Mustang fut parti, Edward se coucha sur le canapé et s'endormit aussi sec.

A son réveil, il fit ce qu'il avait dit : lunettes, lentilles et teinture. En rentrant des magasins, il devint brun et ses yeux prirent une teinte d'argent. Les lunettes arrondirent son visage à leur image et Edmund fut ainsi créé.


Si vous avez aimé, ou si vous n'avez pas aimé, n'hésitez pas à laisser vos commentaires. Ce sera toujours avec plaisir que je les lirai. Prochain chapitre le 1er Novembre !