Bonjour, bonjour !
Voici le chapitre 8. En vous souhaitant une très bonne lecture !
Chapitre 8 - Odeurs de terre, de sang, de mort
Madeleine s'accommoda rapidement de la présence d'Edward et ils se tutoyèrent très vite. Ce n'était pas une personne compliquée et il l'aidait toujours dès qu'elle rentrait du travail, que ce soit pour jardiner, cuisiner ou faire le ménage. Le soir, ils discutaient pendant le dîner et ç'eut pour mérite d'adoucir la jeune femme qui n'avait pas l'habitude de recevoir des visiteurs et s'était pour le moins enfermée dans sa solitude.
Elle partait tôt le matin et revenait tard le soir ce qui laissait à Edward beaucoup de temps pour se plonger dans ses recherches. Il s'installa dans l'ancien cabinet médical d'Allan Green, une pièce assez spacieuse et lumineuse dotée d'un bureau, située dans la grange. Cette dernière avait été laissée à l'abandon depuis la mort du couple Green, ce qui sembla normal à Edward étant données les atrocités que Madeleine y avait vues.
- C'était plus rentable de m'installer en ville, de toute façon, avait expliqué Madeleine. Les gens font le déplacement pour aller voir un médecin dont les traitements relèvent presque du miracle, mais ils ne vont pas si loin pour s'acheter des meubles.
Prudent, Edward montait les documents de dizaine en dizaine et, lorsqu'il finissait de les consulter, il les ramenait dans leur cachette. Ils étaient nombreux et tous étaient codés. Il comprit vite que la plupart des documents étaient alchimiques et qu'ils traitaient de différents sujets dont la transmutation humaine. Heureusement pour Edward, l'écriture d'Allan et de Bian étaient bien différentes et il n'eut dont aucun mal à différencier leurs travaux. S'il avait commencé par ceux d'Allan, il les avait ensuite laissé tomber pour se concentrer sur ceux de Bian qui se focalisaient sur les concepts temporels qu'il recherchait. Ils étaient bien plus difficiles à déchiffrer car, en plus d'être codés dans un langage tourné autour du jardinage, ils étaient écrits en xinois. Par chance, le jeune homme connaissait cette langue et se débrouillait désormais plutôt bien puisqu'il avait passé plus de deux ans à Xing pour effectuer des recherches en elixirologie.
Lorsqu'il en avait plein la tête, il sortait à l'extérieur pour faire des exercices de musculation et d'endurance. Depuis presque deux mois, il s'était focalisé sur le mental et avait négligé son physique. Avoir vu Lust dessinée par Madeleine lui avait fait l'effet d'une douche glacée et il voulait se préparer à l'éventualité de devoir se battre. Une angoisse s'était installée dans le creux de son ventre, de celles qu'il n'avait plus connu depuis longtemps. Depuis la mort des homonculii, en fait. Les savoir encore présents et sentir leur menace planer sur le pays avait soudainement éveillé ses peurs. Il savait ce qu'ils mijotaient. Il savait les guerres qui arrivaient. Il savait quelles personnes chères allaient mourir. Mais il ne pouvait rien faire : il était désormais privé de son alchimie, et le moindre changement dans l'Histoire pouvait de toute manière changer le futur qu'il connaissait. Or, ce futur, même s'il avait eu son lot d'horreurs et de morts, avait finalement prit un chemin plutôt positif autant pour lui et son frère que pour Amestris tout entier.
- Tu arrives à quelque chose ? lui demanda Mustang qui l'avait appelé au bout d'une semaine.
- Je vous manque, Mustang ? le taquina Edward.
- J'espère simplement que tu resteras un peu plus longtemps là-bas : j'ai retrouvé le calme de mon appartement, je peux organiser des soirées et me prélasser sur mon canapé !
- Ah, ah. Comme si vous organisiez la moindre soirée chez vous. Vous êtes un acharné du travail, et vu le manque de personnalité de votre appartement, je doute que vous invitiez vos amis souvent. Sérieusement, il y a encore des cartons dans votre chambre !
- C'est ma manière à moi de décorer. Et je n'ai pas besoin de mon appartement pour organiser des rendez-vous galants.
- Je ne vous empêche pas d'aller coucher avec qui que ce soit quand je suis là, s'énerva Edward.
- Plus sérieusement : tu t'en sors dans tes recherches ?
- Amusez-vous bien, Colonel.
Edward lui raccrocha au nez. Il ne savait pas pourquoi, mais cet homme avait le don de le faire bouillir de rage en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Le téléphone sonna de nouveau, mais Edward ne prit pas la peine de répondre et retourna dans son "laboratoire" de recherche. Le véritable problème, c'était qu'il n'avait pas avancé d'un pouce. Il avait bien compris que les travaux de Bian se focalisaient principalement sur le temps, mais ils étaient si bien codés qu'il n'arrivait pas à percer le secret de leur cryptage. De plus, il avait l'impression de comprendre ce qu'il décryptait et d'arriver au bout de ses recherches, mais il y avait comme une information manquante, une subtilité qu'il n'arrivait pas à saisir.
Parfois, il parlait à voix haute : "J'ai bien compris que le code se basait sur le champ lexical du jardinage, mais les hortensias, Alphonse, tu les interprètes comment ?". N'ayant pas de réponse, il relevait la tête et se rendait compte qu'il était seul et que son frère, qui avait toujours été là pour l'aider à déchiffrer les énigmes, n'était plus à ses côtés.
Alphonse lui manquait plus que jamais. Il ressentait parfois ce manque depuis qu'il s'était installé à Xing, mais il avait toujours la possibilité de lui parler par téléphone, de lui envoyer des lettres ou des cartes postales, ou simplement de lui rendre visite même si le voyage était long. Là, c'était différent. Le seul Alphonse qu'il pouvait aller voir n'avait que dix ans et son âme était coincé par sa faute dans une armure. De plus, il avait déjà un grand frère dont il devait s'occuper : il ne pouvait pas se charger d'un deuxième.
Winry aussi lui manquait. Elle était sa meilleure amie, parfois même sa confidente. Lorsqu'il la voyait, il ressentait un plaisir immense, même si cela pouvait également être douloureux, et pas seulement à cause de la clé à molette qu'il recevait systématiquement sur la tête. Non, c'était douloureux parce qu'elle était souvent accompagnée de son petit copain, Daniel, un mécanicien talentueux qu'elle avait rencontré à Rush Valley. Il n'avait aucune raison de se sentir jaloux : il avait eu sa chance, avec elle, et ils s'étaient aimés longtemps. Mais sa soif de connaissances, ses voyages incessants et la frustration constante de ne pouvoir utiliser l'alchimie l'avaient éloigné d'elle. Finalement, au bout de presque quatre ans de relation, elle avait rompu avec lui et avait quitté Resembool pour s'installer dans son petit paradis. Il avait compris : elle ne pouvait pas passer l'éternité à l'attendre et à grappiller quelques semaines par an où il daignait venir la voir. Elle-même ne pouvait pas l'accompagner, bien qu'elle l'ait parfois rejoint lorsqu'elle n'en pouvait plus. Elle avait ses projets, ses passions bien différents de ceux d'Edward. Il était heureux qu'elle ait trouvé le bonheur, mais lorsqu'il la voyait avec Daniel, il se souvenait de tous les moments qu'ils avaient passé ensemble et de ce qu'il avait perdu.
Edward soupira et se frotta les yeux. Penser à tout ça ne lui faisait aucun bien et il n'arrivait plus à se concentrer sur les documents qu'il avait éparpillé. Il se leva donc et alla faire un tour dans le jardin. Il enleva quelques mauvaises herbes, comme le lui avait appris Madeleine, sillonnant parmi les courges et citrouilles qui commençaient à prendre du volume, puis parmi les fleurs qui persistaient encore malgré l'automne qui s'annonçait. Les hortensias roses s'étaient flétris et il n'en restait que très peu encore en fleur. Il continua son petit tour et finit par sortir de la propriété pour faire de la course à pied.
A son retour, Madeleine était revenue du travail et s'était mise à la cuisine.
- Bonjour, fit-il.
Elle lui sourit.
- Bonjour, Edward. Du nouveau ?
- Malheureusement, non. Comment vas-tu ?
- Ca va bien. J'ai eu une grosse commande pour la fin de la semaine : je ne sais pas si je vais pouvoir rentrer à des heures raisonnables les prochains soirs.
- Tu n'auras plus qu'à mettre les pieds sous la table quand tu rentreras, ne t'en fais pas. Ça t'ennuie si je vais prendre une douche ?
- Non, mais tu pourrais mettre la table avant ?
C'est ce qu'il fit. En revenant, il désigna à Madeleine un point, au fond du jardin.
- Dis-moi, je me baladais tout à l'heure, et j'ai remarqué que les hortensias tout au fond - ou du moins ce qu'il en reste - étaient bleus, alors que tous les autres sont roses. C'est une autre variété ?
- Oh, non. Les hortensias changent de couleur en fonction de la terre sur laquelle ils poussent, expliqua Madeleine. Les hortensias bleus poussent sur une terre de bruyère, plus acide que celle qui est calcaire. Je ne sais pas pourquoi ceux-ci sont bleus, cela dit : la terre est partout la même et je ne leur donne aucun produit qui les différencierait des autres.
Elle gouta la soupe qu'elle avait préparé dans sa marmite et sourit.
- A table !
Ils dinèrent et, Madeleine, fatiguée, partit se coucher de bonne heure. Edward, quant à lui, retourna dans le laboratoire et se mit à relire ses notes. Mais il tournait en rond : les théories sur le temps que Bian avait couché sur papier allaient dans tous les sens. Elle n'avait laissé aucun cercle, qu'il soit alchimique ou elixirologique et ces histoires de fleurs n'avançaient guère Edward. Au bout d'un moment, il rangea tout et pris une feuille vierge pour écrire tout ce qu'il avait appris et ainsi trouver un sens à tout ça.
Il y avait d'abord cette histoire de transmutation humaine qui revenait dans les travaux d'Allan et de Bian Green. Puis de nombreux articles d'élixirologie médicale, qui tendaient souvent vers la chirurgie des organes. Ensuite, Bian avait théorisé des idées sur la manière dont le temps fonctionnait : selon elle, le futur - et donc le présent - ne pouvait être changé, mais il était possible de changer le passé qui permettrait à un autre futur d'exister. Cette action annulant bien entendu le futur que l'on connaissait, ou, du moins, le rendait inaccessible même s'il pouvait exister dans une chronologie parallèle. D'après Madeleine, Bian avait tout de même tenté de changer son passé : son futur ne lui convenait donc pas. Ensuite, il y avait cette histoire d'autopsie qu'Edward avait du mal à comprendre et à lier à tout cela.
- Si Al était là, il saurait quoi faire, soupira-t-il.
En désespoir de cause, il se leva et se dirigea vers sa chambre. Au passage, il vit la lumière pale de la lune éclairer le jardin. Il avait un pressentiment, quelque chose l'intriguait ici. C'était peut-être à cause de ce cryptage qui n'utilisait que des termes botaniques, mais il avait l'impression qu'il fallait aller creuser plus loin. Littéralement. Il retourna dans la grange et dénicha une pelle qu'il emmena avec lui. Oups, le chien de Madeleine, leva la tête vers lui quand il ouvrit la baie vitrée. Encore tout endormi, il le suivit à l'extérieur d'une démarche pataude. Edward l'ignora et se dirigea vers le fond du jardin. Les hortensias. Le cryptage en parlait beaucoup, mais il ne comprenait toujours pas ce qu'ils signifiaient. Il y avait toutes sortes de végétaux cités, et il en avait, pour la plupart, compris la signification, ou au moins entendu le sens. Mais les hortensias demeuraient un mystère. Alors il planta sa pelle sous ce grand buisson de fleurs bleues et se mit à creuser. Il entendit le chien gémir derrière lui.
Il y avait quelque chose d'irréel dans le fait de creuser la terre en plein milieu de la nuit, sous la lumière pâle de la Lune. Il faisait froid et de la vapeur sortait de la bouche d'Edward à mesure qu'il respirait. Son cœur se mit à battre fort et son corps se tendit. Son esprit imaginait ce qu'il pourrait trouver là : un document caché, la clé des énigmes du cryptage ? C'était dans le meilleur des cas. Mais il savait qu'il trouverait autre chose. Que ce ne serait pas aussi facile. Sa pelle butta sur quelque chose de dur. Oups se mit à grogner, puis à aboyer.
- Tais-toi, lui ordonna Edward.
Mais le chien ne s'arrêtait pas et il courut jusqu'à la maison en fanfare. Edward le suivit avec sa pelle, craignant qu'il ne réveille sa logeuse.
- Oups, viens ici. Tais-toi donc !
Le chien ne se taisait toujours pas, tant et si bien qu'Edward l'emmena de force dans le jardin et ferma la porte fenêtre. Mais il continuait d'aboyer, et le mal était déjà fait : Madeleine s'était réveillée, et elle descendait les escaliers. Apercevant Edward et Oups dehors, elle sortit, de mauvais poil.
- Qu'est-ce que vous fabriquez ?
- Excuse-moi, Oups s'est mis à aboyer, je n'arrive pas à le calmer.
- Eh bien, mon Oups, qu'est-ce que tu as ?
Elle s'accroupit près du chien et le caressa, apaisante. Dès son arrivée, il avait arrêté de faire son boucan et semblait tout penaud.
- Il ne fait jamais ça, d'habitude... Qu'est-ce que tu fais avec cette pelle ?
- Je... Je n'arrive pas à élucider mon cryptage, expliqua Edward. Ça parle de botanique tout le temps, et les hortensias reviennent de temps en temps sans que je comprenne ce que ça veuille dire. Je suis allé dans le jardin pour creuser. Il y a quelque chose d'enterré sous les hortensias bleus.
Madelaine se figea et une lueur d'angoisse passa dans ses yeux.
- J'aurais peut-être dû t'en parler avant... s'excusa Edward. Ça m'a pris, comme ça.
- Tu as déterré quelque chose ? interrogea Madeleine d'une voie blanche.
- Non, pas encore. Oups m'en a empêché. Mais il y a quelque chose, j'ai butté dessus avec la pelle.
Madeleine resta silencieuse. Sa peur était palpable. Le cœur d'Edward se serra, l'angoisse dans son ventre s'alourdit.
- Tu sais ce qu'il y a, là-dessous... ?
Ce n'était pas véritablement une question.
- Non, je ne sais pas. Mais je crois que j'en avais conscience.
Madeleine prit une grande inspiration.
- Je peux continuer ?
Madeleine hocha la tête.
- Ca ne peut pas rester ici éternellement.
- Tu n'es pas obligée de rester. J'étais parti pour le faire tout seul, alors...
- Tu sais, je crois que j'en ai marre de me voiler la face.
Edward hocha la tête, compréhensif. Il y avait un trop grand mystère là-dessous. L'esprit humain ne pouvait pas rester dans le déni face à sa curiosité grandissante. Edward et Madeleine se dirigèrent au fond du jardin. Oups se mit à gémir de nouveau. La lumière de la lune, plus tôt mystique, avait pris une allure macabre. Edward planta la pelle, dégagea la terre au maximum avant de sortir, avec l'aide de Madeleine, deux boites en bois. L'une était relativement petite, l'autre, plus longue, devait mesurer au moins un mètre et cinquante de long. Elle était, en prime, marquée d'une inscription en xinois.
- "C'est parfois la peur de la mort qui pousse les hommes à la mort", lut Edward. Il y a une date aussi. "8 mai 1909". Je n'arrive pas à lire le premier mot... C'est un caractère spécial, de celui qu'on utilise à Xing pour les noms, les prénoms, ou les concepts spécifiques.
Il se tourna vers Madeleine dont l'expression était figée d'horreur.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- C'est écrit : "Bian".
Le sang se figea dans les veines d'Edward. Ce n'était pas une simple boite en bois. C'était un cercueil. Aussi lugubre que fut la situation, Edward ne fut horrifié que parce qu'il perdit son seul espoir. La sépulture qui se trouvait entre ses mains ne signifiait qu'une unique chose : la seule personne qui aurait pu l'aider était morte. Il avait espéré pouvoir la retrouver, et, si ce n'était pas le cas, retrouver ses travaux qui lui aurait permis de retourner dans sa temporalité. Mais là, non seulement cette personne était morte, mais en plus, elle n'avait pas réussi à retourner chez elle. Le jeune homme, déprimé, se laissa tomber sur le sol. Après quelques minutes à souffler, il prit l'autre boite, la plus petite, et entreprit de l'ouvrir.
Ce qu'il trouva à l'intérieur fit trembler son corps. Il y avait des petits os et un crâne informes, monstrueux et sombres. La boite retomba sur le sol. Edward haletait. Madeleine se laissa tomber au sol à son tour et cacha sa tête dans ses mains. Edward, comme elle, savait ce que c'était : un très jeune enfant, ou du moins, ce qui aurait pu le devenir, fruit d'une transmutation humaine.
De ses mains dont les tremblements étaient devenus incontrôlables, Edward referma la petite boite, elle aussi une sorte de tombeau.
- Ce n'est pas humain, expliqua-t-il à Madeleine d'une voix frêle. Ca n'a rien d'humain. Ce n'est pas leur fils. Comme ce n'était pas ma mère. Veux-tu que j'aille l'enterrer ailleurs ?
Madeleine hocha la tête, d'accord avec cette idée.
- Viens.
Il lui tendit la main. Elle la prit et ils se dirigèrent au salon. Edward la fit s'assoir sur le canapé et s'en alla avec la boite qu'il mit dans l'ancien cabinet médical des Green. Puis, il retourna au salon duquel Madeleine n'avait pas bougé. Il vint s'assoir à côté d'elle et, de là, elle finit par se retrouver dans ses bras. Il était hors de question qu'il la laisse seule cette nuit-là et, si elle finit par s'endormir contre lui au bout d'un long moment, lui n'y parvint pas. Dans sa tête, tous les scénarios tournaient en boucle. Les engrenages de son cerveau ne le laissèrent pas lâcher prise.
Le lendemain matin, il suggéra à Madeleine de rester et de se reposer mais elle refusa.
- Je serai mieux au travail, ça m'occupera l'esprit.
Edward l'accompagna jusqu'au village avant de prendre le chemin de la maison. Il était encore tôt et il tenta d'appeler au téléphone. Par chance, Mustang répondit avec une voie pressée.
- Allô ?
- C'est Edward.
- Tu as fini de bouder ? Je dois aller au travail.
- J'ai trouvé deux cadavres dans le jardin.
Il y eut un court silence.
- Pardon ?
- Le fruit de la transmutation humaine, et le corps de Bian. Celle du futur, vraisemblablement. Vous n'auriez pas un médecin légiste sûr qui pourrait venir me le confirmer ?
- Tu es sérieux ?
- Je demande, au cas où...
- Non, je n'ai pas ça sous le coude. Il est comment, le corps ?
- Je n'ai pas ouvert le cercueil.
- Commence déjà par faire ça, bon sang. Je vais être en retard. Je te rappelle pour ma pause midi.
- Ne pren-
- Bien sûr que je ne vais pas prendre une ligne de l'armée ! Tu m'as déjà dégagé pour éviter leurs soupçons, je ne vais pas te parler d'un truc pareil depuis leurs lignes. Tu me prends pour un imbécile ?
- Vous êtes de sacrée mauvaise humeur.
- J'en ai marre que tu me prennes pour ton larbin.
Roy raccrocha au nez d'Edward. Ses sentiments à son sujet étaient mitigés. Parfois, tout se passait bien entre eux et ils passaient de bons moments, à rire et à s'embêter. D'autres fois, Edward se montrait irascible, l'insultait sans qu'il n'ait rien demandé et ne lui parlait que lorsqu'il pouvait lui être utile. Roy était, la plupart du temps, indulgent avec lui : le jeune homme le prenait pour son ainé et avait déjà un vécu avec lui, même si lui-même ne savait pas encore quelles relations exactes ils avaient bâties. Au début, il avait sérieusement cru qu'ils partageaient une amitié étrange, peut-être même plus que ça. Après tout, Edward était plutôt séduisant. Mais il s'était vite rendu compte qu'Edward l'appréciait autant qu'il le détestait pour le supérieur qu'il était : en fait, il n'arrivait pas à se détacher de son passé. Il l'appelait Colonel lorsqu'il avait besoin de se défouler sur lui ou lorsqu'ils parlaient sérieusement ; et Mustang lorsque ça allait et qu'ils parlaient de choses sans importances. En y réfléchissant bien, Edward le voyait peut-être comme deux personnes différentes en fonction de la manière dont il agissait.
Mustang soupira et sortit de chez lui pour se rendre au bureau. Il n'avait aucune envie de travailler et Riza le sentit tant et si bien qu'elle arrêta même de le menacer avec son arme.
- Lieutenant-colonel, soupira-t-elle. Que vous arrive-t-il, ces derniers temps ?
Il n'avait pas conscience que ça pouvait se voir.
- Ces derniers temps ?
- Depuis notre dernière mission, avec les frères Elric.
Mustang soupira.
- Ca n'a rien à voir avec eux. C'est quelque chose de personnel et...
- Oh, oh !
Hugues avait débarqué sans prévenir.
- Quelque chose de personnel ?
- Hugues, ne va rien t'imaginer.
- Vous n'êtes pas censé travailler ? fit remarquer Riza sur un ton sévère.
- J'ai flairé les histoires personnelles. Alors, Roy, qui est l'heureuse élue ?
- Il n'y a pas d'heureuse élue. Seulement mon cousin qui me squate depuis presque un mois et qui a des sautes d'humeurs insupportables.
- Tu as un cousin ?
- Oui. Je ne l'avais pas vu depuis longtemps mais il avait besoin d'un logement à East City alors je lui ai proposé de venir. Mais je crois que je vais finir par le virer.
- Tu veux que je te remonte le moral ?
- Non, Maes, je sais que ta copine est formidable, mais...
- Gracia est enceiiiinte !
Hughes entama une petite danse de la victoire sous les yeux surpris de Mustang. Riza soupira.
- Félicitation. Maintenant, il faut que le lieutenant-colonel retourne travailler.
- Tu vas être père ? s'étonna Mustang en ignorant Riza.
- Oui ! Du coup, je vais demander Gracia en mariage. Je voulais déjà le faire, mais je ne voulais pas être trop rapide et la faire fuir ! Maintenant, je pense qu'on est passé à l'étape supérieure.
Hughes était fou de joie.
- Roy, je voulais que tu sois mon témoin.
Roy sourit. Bien sûr qu'il était content pour lui. Même s'il allait en entendre parler pendant cinquante ans.
- Bien sûr, Maes. Je serais fier d'être ton témoin.
Hughes finit par s'en aller et Riza fut ravie de les avoir laissé discuter puisque Mustang retrouva un peu de son énergie et se mit à travailler plus sérieusement sur ses dossiers. Le midi, plutôt que d'appeler Edward, il décida de passer un peu de temps avec son meilleur ami et, pour une fois, il prit même plaisir à l'entendre parler de sa future femme et de sa future famille. Ce ne fut qu'en rentrant le soir qu'il rappela Edward.
- Oui ? demanda la voix de Madeleine.
- Bonsoir, c'est Roy Mustang à l'appareil.
- Oh, bonsoir. Comment allez-vous ?
- Très bien, merci. Et vous ?
- Ca va.
- Vous pourriez me passer Edward ?
- Oh. Il n'est pas là.
- Comment ça ?
Elle ne répondit pas tout de suite.
- Il a trouvé quelque chose... Je lui dirai de vous rappeler lorsqu'il sera revenu, si vous voulez.
- D'accord. Merci, Madeleine.
- Bonne soirée, monsieur Mustang.
- Appelez-moi Roy, je vous en prie.
- Bonne soirée, Roy.
Il lui fallut attendre presque minuit avant que le téléphone ne sonne. Il ne dormait pas, soudain inquiet par la situation dans laquelle se trouvait le blond. Il avait tout de même trouvé deux cadavres. Il lui avait fallu d'être au calme chez lui pour se rendre pleinement compte du problème.
- Edward ? demanda-t-il en décrochant.
- Bonsoir, Mustang.
Il avait une voix fatiguée.
- Tu appelles tard.
- J'étais occupé.
- Que s'est-il passé ?
- Je vous raconterai. Je prends un train pour Central demain. Il n'y avait pas de correspondance alors je n'arriverais que mercredi.
- Tu as trouvé comment rentrer chez toi ?
- Non. Bian n'est jamais rentrée chez elle. Elle est morte avant. Vous aviez raison de me dire d'ouvrir le cercueil.
Mustang imagina soudainement le jeune homme, seul, en train d'ouvrir un cercueil dans lequel se trouvait d'immondes restes humains. Que lui avait-il dit plus tôt ? De regarder par lui-même, puisqu'il n'avait pas de médecin légiste "sous le coude".
- Bonne nuit, Mustang.
- Edward.
- Oui ?
- Je suis désolé. Je n'aurais pas dû te dire de faire ça.
- Si. Je n'avais besoin de personne pour comprendre que le corps était le sien. Il manquait des os. Et il y avait également quelques bijoux. Madeleine les avait à l'identique, hérités de Bian. Je suis sûr que c'est elle.
- Que vas-tu faire de tout ça ?
- Ce que je vais en faire ? Tout a cramé. Il a fallu que je remonte tout et que j'emmène ça un peu plus loin. Je ne voulais pas que Madeleine voie tout ça. Et personne ne doit savoir.
- Savoir quoi ?
- Écoutez, Mustang. Je n'ai pas dormi depuis presque 48h, j'aimerais bien aller me coucher. Je vous dirais tout en rentrant.
Mustang allait protester, inquiet pour l'homme qui était devenu son colocataire.
- Ok, se résigna-t-il pourtant. Bonne nuit.
- Bonne nuit. A dans deux jours.
Edward raccrocha et soupira. Il était complètement lessivé, éprouvé tant physiquement que psychologiquement. Il sentait le feu de bois et était recouvert de cendres et de terre. Madeleine le regardait d'un air inquiet.
- Ca va aller ?
- Oui, je suis juste fatigué. Mais maintenant, personne n'aura plus rien à trouver chez toi. S'ils veulent quelque chose, il faudra qu'ils me trouvent.
Elle hocha la tête.
- Tu vas pouvoir rentrer chez toi ?
- J'ai trouvé pas mal d'informations. Je ne sais pas comment faire pour rentrer, mais je sais que c'est possible. Et ça, c'est grâce à toi. Je te serai éternellement reconnaissant.
Elle sourit.
- Merci à toi d'avoir trouvé la vérité sur mon oncle et ma tante. Ça m'aurait hanté toute ma vie, je pense.
Edward lui sourit doucement avant d'aller sous la douche, se lavant de toutes les impuretés qui s'étaient incrustés sur sa peau et des odeurs de terre, de feu et de mort.
Si vous avez aimé, ou si vous n'avez pas aimé, vous pouvez laisser une petite review que je serais toujours heureuse de lire ! A lundi prochain pour la suite ^^
