Et voici la suite tant attendue... (?) Je vous laisse à votre lecture ;)


Chapitre 10 - Le Boucher


Il ne sut pas au juste quand il se réveilla réellement. Longtemps, son esprit oscilla dans une somnolence douloureuse, le préservant d'une conscience qui lui serait sans doute trop difficile à supporter. Seulement, voilà, ses membres tremblaient comme l'auraient fait les feuilles d'un arbre en pleine tempête, il avait aussi froid que s'il avait traversé la glace d'un lac gelé, la moindre parcelle de son anatomie semblait se battre contre un malaise généralisé, et laborieusement, son corps parvint à faire passer un message de survie à son cerveau détraqué, activant ainsi les engrenages de sa réflexion. Toujours prisonnier d'un état léthargique, il sembla rêver d'une camionnette réfrigérée, d'un homme qui en sortait, d'un combat qu'il avait perdu. Il se souvenait des coups, de la douleur, de la peur. Et puis soudain, sa volonté le sortit de son état de demi-sommeil, réactivant les fonctions basiques de son corps tandis qu'il prenait plusieurs inspirations profondes, difficiles, accompagnées d'un goût étrangement saumâtre qui ne présageait rien de bon. Ses paupières papillonnèrent quelques instants, incertain de parvenir réellement à les contrôler, jusqu'à ce qu'enfin, la réalité le frappe : il était plongé dans une obscurité totale, privé de sa vue. La position de son corps lui était pénible. Il reposait sur une surface froide qui le faisait grelotter et ces frissonnements n'étaient aidés en rien par l'humidité ambiante. Tout, chez lui, le faisait souffrir. Aussi resta-t-il un long moment ainsi allongé, recroquevillé sur lui-même, trop assommé par la douleur pour ne serait-ce que penser à faire le moindre mouvement. Pourtant, il fallait bien qu'il se sorte de là. Il se concentra alors sur sa respiration irrégulière et bruyante, cherchant à la calmer, à la canaliser pour lui redonner un semblant de normalité. Lorsque ce fut fait, il prit une grande inspiration et se redressa d'un coup, arrachant à sa gorge un grondement rauque. Il avait du mal à bouger sa jambe de chair. Celle de métal, en revanche, semblait toujours fonctionner correctement. Son épaule le lançait au rythme des battements rapides de son cœur. Il était complètement incapable de bouger les bras, et il ne comprit qu'après un long moment de réflexion qu'elles étaient simplement bloquées dans son dos par une corde qui lui lacérait les poignets.

Il souffla longuement, fermant les yeux dans la nuit. Il était dans de sales draps, et le silence environnant ne faisait que l'angoisser. Le silence ? Non. Ce n'était pas vrai. Il était troublé par son souffle. Maintenant qu'il était redevenu plus régulier, il percevait aussi quelque chose d'autre. Il s'agissait d'un halètement discret, d'un sifflement d'agonie qui résonnait à peine. Ses poils se hérissèrent et il tenta de se mouvoir : aussitôt, une douleur sourde l'accabla et il se ratatina de nouveau sur lui-même, rejoignant de nouveau le béton glacé. Une migraine atroce prenait sa tête dans un étau et un haut-le-corps soudain lui fit sentir celle boule de nausée qui lui remontait derrière les amygdales et menaçait de franchir ses lèvres à tout instant. Dans son ultime combat pour comprendre ce qui pouvait bien lui arriver, il s'éclaircit la gorge.

- Il y a quelqu'un ? demanda-t-il d'une voix enrouée.

Le halètement s'arrêta soudain. Edward ne sut dire si la situation était plus ou moins angoissante qu'avant.

- Vous avez mal ? Gabrielle ? appela-t-il.

Le halètement reprit, et il entendit une voix de femme s'élever dans le noir. Une voix tellement remplie de douleur qu'il en frissonna.

- Aidez-moi.

Ces mots étaient si faibles qu'Edward les comprit à peine.

- Où sommes-nous ? Vous avez la moindre information ? Tenez le coup, on va s'en sortir.

Il n'eut aucune réponse, si ce n'est la lumière soudaine qui l'aveugla et lui perça les tempes. L'éclairage était si vif qu'il vrilla son esprit d'un nouveau calvaire tandis que la pression qu'exerçait sa céphalée sur sa boîte crânienne menaçait de la lui pulvériser. Malgré tout, en entendant des bruits de pas, Edward se força à relever le menton pour entrouvrir les yeux et voir dans une danse incertaine la silhouette d'un homme descendre des escaliers vacillants. Lui-même gisait pitoyablement au bas des marches et il ne tarda pas à voir apparaitre sous son nez une paire de pieds enveloppés dans des chaussons aux motifs écossais. Edward cligna plusieurs fois des yeux, tentant de maintenir la focale, et étonné par sa propre faculté à s'arrêter sur un détail aussi futile que l'était ce tartan.

- Tu es réveillé, constata le boucher.

- Bravo, répondit Edward d'une voix qu'il aurait voulu moins rauque.

Péniblement, il se redressa pour réussir à se mettre en position assise. Il dû faire preuve d'un indéfectible self-control pour parvenir à cette position sans se mettre à gémir ou à grogner tant la douleur lui perforait le corps mais, finalement, il y parvint, levant finalement les yeux vers le haut pour défier Barry du regard. Pourtant, son assurance n'était pas indéfectible : le temps de se redresser, il avait pu constater qu'il avait entièrement été déshabillé et le cliquetis d'une chaine l'avait informé qu'en plus d'avoir les mains liées dans le dos, sa cheville de chair était enserrée d'un anneau métallique lié au mur par une attache dont l'allonge ne devait pas mesurer plus d'un mètre. En plus de ses entraves, son état physique ne présageait rien de bon : sa vision peinait à faire la mise au point, ses membres étaient secoués de frissons de froid, sa tête entravée par une migraine l'affligeait d'une pensée épouvantablement lente et son corps entier l'irradiait d'une douleur lancinante. La situation lui parut soudain presque désespérée et un éclair d'épouvante passa dans ses yeux. Barry ne manqua pas de l'apercevoir.

- Enfin, une expression raisonnable.

Il s'éloigna alors de lui et Edward balaya la salle du regard, tachant de faire preuve de ses plus grandes facultés de concentration. Il se trouvait dans une espèce de sous-sol sans fenêtres, équipé d'une cave à vin plutôt bien fournie, d'étagères remplies de bocaux et de plusieurs congélateurs. Il y avait également une table de bois solide plaquée contre le seul mur nu, juste à côté d'Edward. Il ne pouvait pas voir ce qu'il y avait dessus, mais au-delà, il aperçut la personne qui haletait depuis son réveil. C'était une femme au crâne rasé et à la peau d'un blanc presque bleu qui contrastait avec le rouge d'un sang sombre qui tachait presque partout son corps dénudé. Il lui manquait un bras et son épaule était bandée : le tissu était tellement imbibé de sang qu'il avait fini par couler sur le sol. Edward n'eut pas le temps de la détailler plus que Barry se retrouvait en face d'elle, un sourire affreusement malsain dessiné sur ses lèvres. La jeune femme se mit alors à s'agiter, quoique faiblement.

- Non... non... non... gémit-elle.

- Je comptais la garder encore en vie quelques temps, expliqua Barry à Edward comme s'il lui parlait de la météo. D'habitude, je les renouvelle toutes les deux semaines environ. Mais maintenant que je t'ai sous le coude, on va pouvoir en finir plus vite.

Il saisit le corps de la jeune femme et le souleva avec une facilité déconcertante avant de la plaquer violemment sur la table juste au-dessus d'Edward. Elle émit un faible cri, mais ne protesta pas plus. Contrairement à lui, Barry n'avait même pas pris la peine de l'attacher tant elle était faible.

- Non ! fit soudainement Edward. Arrêtez !

Il s'était exclamé avec instinct et s'était subitement relevé, laissant échapper un halètement de douleur aiguë qu'il avait été incapable de contrôler. Il vit alors toute l'horreur de la situation : ce n'était plus vraiment une femme qui se trouvait sur la table du boucher, mais un cadavre vivant dont la chair avait été lacérée à plusieurs endroits. Edward imagina sans mal Barry couper de fines lamelles de viande de ce corps, comme s'il s'était agi d'un jambon entier dont il fallait découper des tranches. La femme était tellement diminuée qu'elle ne protestait même pas.

Edward avait beau s'être redressé, Barry continua ce qu'il était en train de faire sans lui jeter le moindre coup d'œil et prit un hachoir dont il inspecta la propreté. Edward s'avança, mais il était trop loin pour atteindre la table. Il plaqua ses deux mains ensemble, en désespoir de cause : mais il était toujours incapable de faire de l'alchimie. Alors il se mit à tirer sur les liens. C'était inutile et il le savait, mais il avait autre chose en tête que de se libérer. Il vit Barry prendre délicatement la jambe de la jeune femme qui gisait sur sa table de travail et passer le hachoir sur sa peau. Elle remua et jeta un regard tellement rempli de désespoir qu'Edward ferma les yeux et se rassit dans une lenteur stupéfiée. Il n'avait ni l'envie, ni la force de voir une chose pareille. Mais qu'importe s'il ne voyait pas, il s'imaginait très bien ce que Barry faisait, et les gémissements, de faibles sanglots, qui s'échappaient au-dessus de lui ne trompaient personne. Barry se mit à siffloter. Edward tira plus fort sur ses liens et il sentit un liquide chaud se répandre sur ses mains. Il ne perdit pas de temps et, de ses doigts humides de son propre sang, il se mit à dessiner sur le sol. Il n'était pas sûr de ce qu'il faisait, et il n'était pas certain que ce soit lisible, mais il lui fallait essayer.

Les yeux toujours clos, il posa les mains sur ce qu'il pensait être un cercle elixirologique et, malgré les plaintes de la jeune femme et les sifflotements joyeux de Barry, il chercha à se concentrer. Il entendait les leçons de May dans sa tête, les conseils d'Alphonse. Il se souvenait de ce qu'il avait ressenti la dernière fois, ce lien avec la terre qui l'avait emporté jusqu'ici. Il devait ressentir ce poult du dragon, il devait absolument y arriver car, sinon, s'en serait finit de lui et de la jeune femme que Barry semblait torturer avec un malin plaisir.

Il ne sut pendant combien de temps cette scène atroce s'étira tandis que son esprit se balançait entre une rationalité qui lui permettrait de ne pas sombrer dans la folie et un affolement incontrôlé qui lui faisait parfois oublier le poult du dragon pour se mettre à tirer sur ses liens dans une tentative désespérément vaine de s'en aller.

Au bout de ce moment interminable, Barry finit pourtant par mettre les voiles, laissant tout en plan, et éteignit la lumière derrière lui. Edward en profita pour souffler un moment, réprimant son envie irrépressible de s'abandonner à des larmes affolées. Après s'être concentré sur plusieurs longues inspirations, il repartit à la charge dans l'espoir de parvenir à faire quelque chose avec une élixirologie qui lui échappait pourtant. Il y passa peut-être des heures. Il n'avait aucune notion du temps. Il savait seulement que les halètements de la jeune femme au-dessus de lui se faisaient de plus en plus difficiles. Il se sentait lui-même éreinté et, ainsi plongé dans le noir, il finit par plonger dans un nouveau sommeil.


Il fut réveillé par la lumière artificielle et par les pas de Barry dans les escaliers. Il ne s'était pas senti s'endormir et il fut pris de surprise lorsque l'homme le saisit par les cheveux et le força à se redresser. Il fut brutalement jeté sur une chaise dont il n'avait même pas vu la présence.

- Ne bouge pas, susurra Barry. Ou tu pourrais le regretter.

Edward ne répondit pas et se fit docile, se concentrant plutôt sur sa respiration laborieuse et sa vision qui ne lui renvoyait pour l'instant qu'une réalité nébuleuse. D'ici, il avait un autre point de vue sur la pièce. Par terre, le cercle elixirologique qu'il avait tenté d'activer n'était autre qu'une tache de sang vaguement arrondie. Derrière lui, il entendit soudain un son électrique, un bourdonnement qu'il connaissait assez depuis que son âge lui avait apporté une certaine pilosité. Il frissonna et se souvint du crâne rasé de la jeune femme.

- Vous n'êtes pas obligé de faire ça, prévint Edward d'une voix tremblante.

- L'hygiène, c'est important.

Edward avait envie de se révolter. Mais que pouvait-il faire ? Absolument rien. Fébrile, il tira de nouveau sur ses liens : il lui fallait un autre cercle, un qui pourrait marcher, cette fois. Sa plaie se rouvrit facilement et le liquide chaud de ses veines coula en un mince filet le long de ses doigts.

Il sentit alors la tondeuse lui passer sur le crâne et il se mit à s'agiter.

- DEGAGE DE LA, CONNARD ! s'insurgea-t'il, pris de panique.

Barry lui assena un violent coup à la tête et l'esprit d'Edward s'embruma un instant. Lorsque ses idées furent plus claires, il sentait déjà les lames de la tondeuse lui caresser lentement la peau.

- Non, murmura-t-il faiblement tandis que Barry plaquait sa main sur sa tête, l'empêchant de remuer.

- Tiens-toi tranquille.

Edward ferma les yeux, dépité : il avait mis quinze ans à faire pousser ses cheveux aussi longs. C'était horriblement frustrant et dégradant qu'on puisse lui faire ça et il se doutait bien que cet acte n'avait rien à voir avec l'hygiène : c'était de l'humiliation pure et simple menée par un sadisme qui n'avait pour but que de l'affaiblir un peu plus psychologiquement. Des frissons d'horreur parcouraient l'ensemble de sa colonne vertébrale et ses yeux s'embuèrent soudain, échos du profond sentiment d'injustice qui rugissait au fond de lui.

Pourtant, il souffla pour retrouver son calme et la sérénité la plus grande possible. Il ferma les yeux, empêchant un possible flot de se déverser. Il n'était pas temps de se formaliser pour quelques cheveux et un peu de dignité. Il fallait qu'il se sorte de là. Le poult du dragon. Le poult du dragon. Il fallait absolument qu'il y arrive. Qu'il transforme cette chaise en lame. Il pourrait tuer Barry. Il pourrait sortir de là.

C'est peut-être l'énergie du désespoir qui lui permit de le sentir, où peut-être le fait qu'il l'avait vaguement perçu auparavant. En tout cas, il le sentit et des éclairs bleus envahirent soudain la pièce. La chaise sur laquelle était assis Edward se transforma et, dans ses mains, il serra un couteau primitif avec lequel il brisa ses liens. Aussitôt, il bondit et s'en prit à un Barry totalement prit au dépourvu. La lame lui passa sous l'œil et sa joue se mit à saigner. Edward manqua de tomber car la chaine à son pied le stoppa en vol.

Barry paraissait si surpris qu'il n'avait pas réagi, tenant toujours sa tondeuse dans les mains. Les longs cheveux d'Edward gisaient tristement à ses pieds, et le jeune homme s'énerva de plus belle.

- Je vais te faire la peau ! hurla-t-il, soudainement conscient des moindres détails des choses qui se déroulaient dans la pièce.

- Je t'attends, sourit Barry.

Il était totalement hors de portée, et Edward le savait. Il bouillonnait d'une rage telle qu'il était indifférent à la douleur de l'ensemble de son anatomie blessée.

- Tu fais de l'alchimie, remarqua Barry. Pourquoi ne l'as-tu pas utilisée plus tôt ?

Edward se calma. Son adversaire réfléchissait. Ils se trouvaient tous les deux dans une impasse. Edward ne pouvait pas l'atteindre, et ne pouvait pas non plus baisser sa garde pour tenter de dessiner un nouveau cercle et se libérer de la chaine. Barry, lui, savait que, s'il le laissait là, il aurait le temps de dessiner un cercle et de se libérer totalement. Alors il deviendrait un adversaire beaucoup plus redoutable. Mais pourquoi n'avait-il pas réussi plus tôt ? Son regard tomba sur la tache de sang qu'avait laissée Edward derrière lui. Peut-être n'avait-il tout simplement pas réussi à faire son cercle dans le noir, d'autant que ses mains étaient liées.

- Bravo, le félicita Barry. Je suis vraiment impressionné. C'est bien la première fois que quelqu'un réussi à me tenir tête.

- Cette fois, tu n'es pas tombé sur la bonne personne. Tu aurais dû me laisser partir.

- Pour que tu ailles prévenir les flics ?

Subitement, Edward perçut dans son esprit la miraculeuse vision de Mustang. Il l'avait prévenu. Il ne savait pas quel jour il était, ni quelle heure, mais il savait que le militaire n'aurait jamais de rappel de sa part. Il réagirait alors, prenant toute son équipe avec lui pour venir le délivrer de cet enfer morbide. Ils finiraient par le retrouver, par arrêter Barry. Il lui suffisait de gagner du temps et les choses s'arrangerait d'elles-mêmes.

- Prévenir les flics ? De quoi ? Je n'ai aucune preuve contre vous. Mais maintenant, oui, vous m'en avez fournies : mon état physique le prouve, cette pièce le prouve, Gabrielle le prouve. Sans doute que les frigos, derrière vous, le prouvent aussi. Que faites-vous de vos victimes une fois qu'elles meurent ? Il faut les préparer pour garder la viande. Vous les mangez, n'est-ce pas ?

Edward eut un déclic.

- Oh, je vois. La preuve. Elle peut être simplement dans votre boucherie. Sur vos étalages.

Barry ne répondait rien et gardait sur son visage ce sourire insupportable. Les deux hommes se jaugèrent un long moment, chacun attendait une ouverture. La douleur qu'Edward ressentait était devenue superficielle : son cerveau ne faisait qu'imaginer tous les stratagèmes possibles qui pourraient lui permettre de se libérer et d'arrêter Barry. Mais dans tous ses plans, il lui fallait lui tourner le dos.

Une respiration bruyante, une suffocation, juste derrière lui, parvint soudain à ses oreilles. Il sursauta et détourna le regard vers Gabrielle, visiblement en train de rendre l'âme. Il n'en fallait pas plus à Barry : il bondit sur Edward et le plaqua sur le sol. Edward serra le poing et garda son couteau en main. Il allait lui assener un coup, mais le boucher lui bloqua sa main par terre et écrasa son épaule meurtrie à l'aide de son genou. Edward laissa échapper un grondement. Il sentait tout le poids de l'autre homme sur son épaule blessée et la douleur le tétanisait.

- Et maintenant ? souffla-t-il, respirant à peine.

Ils étaient de nouveau dans une impasse. Barry abaissa alors sa tête avec force et son front heurta le nez d'Edward qui se retrouva à moitié sonné. Il ne lâcha pourtant pas le couteau. Barry se redressa et entama le même mouvement mais le jeune homme ne se laissa pas prendre une seconde fois et profita de la force de l'autre pour l'envoyer valdinguer contre le mur d'un coup de bassin. Il fut ainsi libéré et il se retourna pour sauter sur le boucher dans lequel il planta son arme sans réfléchir. Barry poussa un cri, et Edward le poignarda une seconde fois. Le boucher porta ses mains à son abdomen et Edward en profita pour l'assommer à l'aide du manche de son couteau.

Le souffle court, il relâcha son arme et se redressa à la force de ses bras. Il se tint contre la table où Gabrielle continuait de suffoquer. Son corps n'avait même plus forme humaine, elle avait perdu tellement de sang qu'il s'étonnait qu'elle puisse encore vivre. Il regarda ses mains, rouges et poisseuses, et se mit à dessiner sur la table du boucher, à tracer des cercles elixirologiques qu'il tenta ensuite d'activer. Il lui fallut un bon quart d'heure pour sentir de nouveau le poult du dragon. Les plaies de la jeune femme se refermèrent alors, avec lenteur. Tout en fixant les chairs se refermer, Edward su qu'il s'agissait d'un acte de désespoir. Il n'était pas suffisamment expérimenté, et la femme était trop faible. Elle gémit, agonisante. L'effet du cercle disparut et Edward ne laissa qu'une œuvre inachevée. Il se tourna alors vers ses chaînes et refit un cercle pour s'en libérer. Là encore, il lui fallut du temps, mais il y parvint. Dès que ce fut fait, il se releva et se tourna vers Gabrielle qu'il voulut soulever, mais dans son état, il ne pouvait pas supporter son poids.

Il n'eut pas à réfléchir longtemps avant de se diriger vers les escaliers : il pourrait toujours prévenir du monde, revenir avec des personnes qui pourraient vraiment la secourir plutôt que de s'attarder une minute de plus dans cet endroit de malheur, de toute manière incapable de l'aider d'une quelconque manière. L'adrénaline était redescendue, la douleur lancinante recommençait à l'embrouiller et, arrivé en bas de l'escalier, il lui sembla que l'épreuve lui était impossible. Tout son corps était trop lourd pour qu'il puisse monter toutes ces marches. Au bout d'un moment qu'il passa à regarder vaguement cet escalier infranchissable, il entendit soudain un bruit à l'étage supérieur. Il se répéta plusieurs fois, puis, il y eut un grand fracas qui le fit s'activer. Avec toute la volonté dont il était encore capable, il s'agrippa à la rambarde et posa son pied de métal sur le premier échelon. Au même moment, une douleur brutale lui traversa le mollet et le fit tomber à la renverse, laissant échapper un cri affranchi.

De nouveau à terre, tordu dans les escaliers, il vit Barry, sanglant, se relever en laissant le couteau qu'il avait lui-même transmuté planté dans son mollet de chair. Le boucher était mal en point, mais ses yeux meurtriers laissèrent amplement comprendre à Edward ses intentions. Dans une scène qui se déroula au ralenti dans l'esprit du jeune homme, il vit le boucher se saisir d'un hachoir, lumineux sous l'éclairage blanc de la cave isolée, et se jeter sur lui. Il vit la trajectoire de l'ustensile fendre l'air en une courbe parfaite, atteindre le zénith en frôlant presque le plafond et s'abattre sur lui dans une lenteur insupportable contre laquelle il ne pouvait strictement rien. Aucun son ne parvenait jusqu'à ses oreilles, aucun mouvement ne traversa ses membres tétanisés, et seuls ses yeux dorés percevaient parfaitement le danger de la situation sans pour autant qu'il ne puisse agir.

Si la lame s'arrêta subitement en chemin et ne l'atteignit jamais, le sang gicla malgré tout, s'épanouissant en gouttelettes sur le sol et les murs blancs dans un contraste saisissant. Avec un temps de retard, l'ouïe d'Edward lui envoya pourtant une information capitale : un coup de feu avait été tiré. Et Barry, déjà, glissait vers le sol dans une chute étonnée.

Edward releva la tête dans ces secondes enrayées. Au-dessus de l'escalier, plusieurs individus troubles s'agitaient et descendaient vers eux. Il cligna plusieurs fois les yeux, mais il fut incapable de retrouver une vision correcte. Au contraire, plus il se concentrait, plus son esprit basculait dans la noirceur d'une inconscience souveraine.


Prochain chapitre lundi prochain, comme d'habitude ! N'hésitez pas à laisser des commentaires, ça fait toujours plaisir d'avoir vos impressions !