Antoine s'était retrouvé chamboulé par sa conversation avec Chloé. Cette dernière avait réellement percé son âme à nu et deviné toute l'étendue de ses sentiments pour Candice. Et tout ça en le connaissant depuis moins de 24h ! Il n'y avait pas à dire, Chloé était sacrément douée ! Toute la journée, les mots de la criminologue n'avaient pas quittés son esprit et tournaient en boucle dans sa tête. Il revenait sur chacune de ses paroles en tentant d'analyser leur sens.

Assis sur la terrasse, songeur, il tournait sa cuillère dans sa tasse de café en réfléchissant à sa venue ici, dans cette maison. Bon ok, il avait sauvé la vie de Candice durant une prise d'otage particulièrement risquée. Mais, même s'il était soulagé d'avoir sauvé la vie de sa commandante, il se serait interposé pour chacun des membres de son équipe. Bon peut être pas Chrystelle… Il rit dans sa barbe en repensant à sa relation avec la jeune lieutenante. Bien sûr, qu'il lui aurait sauvé la vie également ! D'un abord difficile, il avait progressivement, grâce à son charme, gagné son respect et son cœur. Il voyait bien qu'il lui faisait de l'effet mais ne souhaitait pas mettre de mots dessus. Seule Candice avait verbalisé cette situation. Et cela avait eu l'effet d'un électrochoc car Chrystelle s'était mise à le regarder uniquement comme un collègue et à sortir avec des hommes. Et ce n'était pas plus mal !

Revenant à ce fameux jour de la prise d'otage à la mine, Antoine ne regrettait ABSOLUMENT pas son geste. Il avait tenu sa promesse et sauvé la femme qu'il aimait. Mais est-ce que JB ou Chrystelle l'aurait accueilli chez eux ? La réponse était non. Chrystelle, parce que trop sauvage et vivant dans un studio, et JB déjà très occupé par sa vie de famille. Restait Candice. La commandante l'avait accueilli à bras ouverts dans sa vie pour une durée indéterminée. Cela avait dû faire jazzer au commissariat ! Parfois, son lieu de travail n'était pas différent d'une cour de récréation où chacun y allait de son avis sur la vie de ses collègues. Et qu'en avait pensé Attia ? Mon Dieu, elle devait l'avoir eu en travers de la gorge, elle qui ne souhaitait absolument pas mélanger le perso et le pro. Jamais, elle n'était venue à l'une de leurs soirées ou bien prendre un pot après une enquête difficile. Elle gardait une certaine distance avec eux afin de composer au mieux son rôle de commissaire. Antoine avait quand même de la compassion et de l'admiration pour elle. Une femme issue des quartiers pauvres de Sète avait réussi, dans un monde d'hommes, à gravir tous les échelons jusqu'au poste de commissaire. Son ambition était vraiment sans limite !

Et depuis sa venue ici, Candice s'était littéralement pliée en quatre pour l'accueillir. Maintes et maintes fois, elle lui avait répété qu'il était ici chez lui et qu'il pourrait rester autant de temps qu'il le souhaitait. Elle avait également agencé sa maison pour qu'il puisse être tranquille en bas et qu'il n'ait pas à avoir à monter les escaliers. Et elle lui avait aménagé un petit coin pour faire ses exercices de rééducation. Ses parents n'en auraient pas fait autant pour lui ! Antoine avait le sentiment que tant d'attentions n'étaient pas qu'amicales… Ni liée à la culpabilité comme il l'avait longtemps pensé. Il y avait plus, une volonté d'être à ses côtés, de l'avoir près d'elle pour ne plus qu'il lui arrive quoique ce soit. De le protéger. Et de passer du temps avec lui. S'il avait passé sa convalescence en maison de repos ou chez ses parents, ils se seraient peu vus tous les deux.

Elle l'avait littéralement intégré à sa vie de famille. Invité à prendre part à toutes les activités familiales des Renoir, comme un véritable membre de la famille. Et il y avait pris goût. Petit à petit, il passait de plus en plus de temps avec les enfants et devenaient leur confident. Lui qui n'était pas à l'aise avec les enfants, et encore plus quatre ados, prenait plaisir à partager leur quotidien. Candice l'avait même convié au conseil de famille un dimanche matin. Elle avait remis les points sur les i au sujet du ménage à l'étage, insistant bien sur l'état de leurs chambres. Il rigolait sous cape de l'autorité de Candice, beaucoup moins importante qu'au commissariat. Les enfants écoutaient d'une oreille et iraient vaquer à leurs occupations dès la prise de parole de leur mère terminée. Antoine, leur en avait touché un mot discrètement à l'heure du goûter.

Chloé avait été droit au but mais avait également fait quelques sous-entendus qui l'intriguaient. Bien sûr, Antoine savait que Candice avait du mal à faire face à ses émotions. Il l'avait vu plusieurs fois. Tout d'abord, en réponse à ses perches. Elle semblait tout d'abord y répondre favorablement puis soudainement, reprendre contenance et botter en touche. Comme si la raison était plus forte que les sentiments. Il savait que Laurent, en la trompant, avait piétiné son amour-propre, sa foi en elle et en l'amour. Et ce salaud avait eu le toupet de venir la confronter chez elle au sujet d'Antoine ! Rien qu'en y repensant, il avait envie de cogner sur cet homme insensible. Mais Chloé avait sous-entendu que Laurent n'était que la partie immergée de l'iceberg des sentiments de Candice, un caillou dans sa chaussure. Que pouvait être la face cachée de sa souffrance ? Antoine avait imaginé maintes et maintes scenarii et à chaque fois ces derniers le ramenait à l'enfance de Candice. Comme lui, elle en parlait peu. Il était bien placé pour savoir que ceux qui se taisaient, étaient ceux qui avaient le plus soufferts. Il mourrait d'envie de connaître les tourments de Candice et de la rassurer, de lui dire que l'avenir serait plus beau. Qu'il serait là pour elle, jour après jour, que plus que plus rien ne lui arriverait. Mais, il attendrait. Il attendrait que Candice soit prête pour lui raconter. Il ne voulait pas la brusquer et souhaitait respecter les sentiments de sa commandante.

Sentant que les perches qu'il lui tendait régulièrement ne suffiraient pas à faire évoluer la situation, Antoine se rappela de la pseudo jalousie de Candice face à son infermière. L'évocation de cette pensée le fit sourire. Il était vrai qu'Émilie avait tout pour lui plaire : jolie, sympathique, intelligente et drôle. Mais elle n'était pas Candice. Rien que pour cette raison, il ne se passerait rien avec elle. Mais, comme sa relation avec Emilie avait l'air d'agacer prodigieusement Candice, il était décidé à l'utiliser à son avantage. Il allait utiliser une tactique vieille comme le monde : rendre jalouse Candice pour la pousser dans ses retranchements et débloquer chez elle ses sentiments. La partie ne faisait que commencer !


Il était 9h le samedi matin et Antoine prenait tranquillement son café sur la terrasse en attendant son infirmière. Toute la maison dormait encore. Candice était de repos aujourd'hui et ils avaient prévu un barbecue tous ensembles.

Il entendit son portable vibrer dans sa poche. Il avait demandé à Emilie de ne pas sonner afin de ne pas réveiller les Renoir. Il se leva et se dirigea vers la porte pour ouvrir à la jeune rousse. Cette dernière l'accueilli avec un sourire franc.

« Salut Emilie, entre ! dit Antoine en la faisant entrer.

- Merci ! Comment vas-tu aujourd'hui ? Des douleurs ?

- Ca va mieux. Encore des difficultés à prendre ma douche et à faire quelques mouvements. Mais je dors nettement mieux.

- C'est une bonne chose ! sourit Emilie. En même temps, tu as le meilleur des cadres pour bien te remettre. Cette maison est tellement agréable.

- Oui, c'est certain. Mais, c'est surtout, la présence rassurante des Renoir et de mes amis qui me fait du bien.

- Oui le moral c'est aussi important que les exercices dans le cadre d'une rééducation. Donc je vois que de ce côté tout va bien, alors attelons-nous à la partie physique.

- Je te suis ! On fait les exercices avec les petites altères ?

- Oui mon capitaine ! sourit Emilie »

Antoine avait tout donné durant sa séance de rééducation avec Emilie. Il en avait assez d'être diminué et voulait retrouvé sa forme physique habituelle. Mais, en soulevant les haltères tout en grimaçant, il se rendait compte que la partie était loin d'être gagnée… Il faudra être patient mon gars…

« On arrête là pour aujourd'hui, le stoppa Emilie. Tu t'es bien débrouillé mais ne force pas trop. Tout vient à point, tu retrouveras ta forme physique mais il te faudra du temps. Ta blessure était grave, ce n'était pas un bras cassé !

- Oui, oui je sais, répondit piteusement Antoine.

Il entendit soudain du bruit dans les escaliers et reconnu le pas de Candice. Et une idée lui vint à l'esprit. Attendant que cette dernière soit arrivée en bas de l'escalier…

- Emilie, ça te dis de rester manger avec nous ce midi ? C'est barbecue. Tu feras connaissance de toute la tribu. Oh salut Candice, je ne t'ai pas entendu arriver ! Je proposais à Emilie de rester manger avec nous, ça ne te dérange pas ? sourit Antoine, fier comme Artaban.

- Bonjour… Non, non pas de soucis, maugréa Candice.

- Vous êtes certains que je ne dérangerais pas ? demanda Emilie, gênée.

- Non non, pas de soucis, répéta mollement Candice.

- Alors avec plaisir ! Je pourrai mettre un nom sur certains visages, Antoine me parle tellement de vous tous !

- Allez je vais prendre ma douche ! Je vous laisse faire connaissance tranquillement. A plus ! termina Antoine »