Le décompte
Base: Saint Seiya (les personnages appartiennent à Kurumada Masami)
Genre: Perte de sens
Notes: Suite à un défi de moi à moi, j'ai voulu écrire sur Shura après le combat qu'il a mené face à Shaka, en compagnie de Saga et Camus. Je vous souhaite une bonne lecture.
Vivant ! Il était encore vivant ! Son corps arrivait encore à bouger, malgré ces douleurs de plus en plus lancinantes. Cette fois c'était dur de les ignorer. Le temps était compté. Il ne lui restait que quelques heures avant de repartir en Enfer. Mais il ne voyait plus rien. Le noir complet. Autour de lui, aucun son. Pourtant il s'agrippait aux ruines du temple pour s'en sortir. Shura, ancien chevalier du Capricorne était encore vivant. Il avait cru disparaître dans un combat face à cet homme que l'on prétend être le plus proche des dieux, Shaka, chevalier de la Vierge. À plusieurs reprises, il avait subi son attaque qui privait des sens, les uns après les autres. L'issue fut terrible, mais Shura avait survécu. Avec difficulté, il arrivait à articuler des mots. Sans pouvoir entendre sa propre voix. Cependant, cette gêne dans la gorge lui indiquait qu'elle était devenue plus rauque, enrouée. À moins que ce ne fut des regrets, des doutes qui envahissaient son corps, à chaque seconde.
Il se releva maladroitement, désorienté. Il se sentait lourd. Son armure pesait sur les épaules. Enfin, ce n'était pas vraiment son armure dorée du Capricorne. Juste une sombre imitation, aux nuances violettes et noires pour montrer qu'il appartenait à l'armée d'Hadès, à présent. Pour un temps limité. L'armure n'avait pas de couleurs véritables. Terne, loin de cet or éblouissant qu'arboraient les douze chevaliers les plus puissants d'Athéna, et pas assez noire pour faire partie intégrante des Spectres. Il n'était que de passage. Ce serait bientôt la fin. Mais hors de question d'abandonner. Pas avant d'avoir été jusqu'au bout de tout. Même seul, même en rampant.
Non, il n'était pas seul. Une brise glacée effleurait sa joue droite. Camus du Verseau, le maitre des glaces. Sur sa gauche, une aura écrasante. Saga des Gémeaux. Tous deux avaient survécu à la déflagration. L'impact de l'attaque entre leurs anciens camarades dorés et eux, les renégats, avait dû causer des dégâts terribles. Mais cet affrontement était inévitable. Ils devaient remplir leur mission : ramener la tête d'Athéna aux Enfers.
Avant cela, il fallait vite sortir des ruines du temple de la Vierge. Shura se concentra pour mieux s'orienter. Guidé par ses alliés, il pourrait avancer. Par la pensée, unis par le même objectif.
Il retomba d'un coup. Ses jambes ne le soutenaient plus. Et trois présences familières les encerclaient, Saga, Camus et lui. Ils avaient survécu, eux aussi. Incroyable ! Il se dégageait d'eux une énergie palpable dévorante de rancœur, de rage et d'incompréhension. Un râle sourd s'échappa de la gorge du Capricorne. Sa jambe droite brulait. Une piqûre violente, ardente, le traversait. Il se remémorait le regard fou de celui qui lui avait infligé cela : Milo du Scorpion et son Aiguille Écarlate. Son cœur battait à tout rompre, autant que sa blessure à la cuisse. Ce n'était que le début. Il s'attendait à recevoir les quatorze autres piqûres, et les attaques des deux autres chevaliers d'Or présents.
La voix d'une jeune femme pénétra son esprit et ceux des autres hommes.
Athéna.
Leur déesse.
Elle ordonnait à Milo et aux deux autres d'accompagner Saga, Camus et lui même, Shura jusqu'à elle, tout en haut des escaliers du zodiaque. Elle les attendait devant la grande statue de pierre.
Le chevalier du Capricorne peinait à se remettre debout. Il fut aidé par Aiolia, le Lion, qui le souleva comme un mannequin lourd, inerte. Pas comme un être humain. Il posa les pieds au sol et laissa son bras gauche se poser mollement autour de l'homme qui l'aidait et le guidait.
Un pas après l'autre, incertain. Il ne voyait plus rien autour de lui, mais il connaissait le chemin. Ses jambes lourdes tombaient sur les marches et se soulevaient avec difficulté.
Les chevaliers dorés et les autres déchus gravissaient ensemble le grand escalier qui menait vers leur déesse. En silence. Enfin, Shura s'en doutait. Il n'entendait plus rien, pas même les battements de son cœur, ni une réponse à ses questions. Personne ne parlait, ne transmettait de pensées aux autres. Il n'y avait plus rien à dire.
Il ne maitrisait plus rien de son corps, mais gardait un peu de force, de conscience et de souvenirs. Il se rappelait du nombre de marches qui séparaient les maisons de la Vierge et de la Balance. Sa gorge raclait, comptait ses pas. Aiolia le faisait pivoter. Ils avaient atteint un demi palier et ensuite seraient enfin dans le septième temple. Ils le traversèrent sans perdre de temps. Cela faisait des siècles qu'il était vide.
À nouveau, il comptait les marches, jusqu'à la Maison du Scorpion, celle de Milo. Ce dernier escortait un autre chevalier renégat, Saga ou Camus.
Et puis, la Maison du Sagittaire, celle d'Aiolos disparu depuis plus de treize ans.
Shura avait arrêté de compter. Les souvenirs se précipitaient dans son esprit et les mots se coinçaient dans sa gorge.
En un souffle saccadé :
'' Pardon, Aiolia. Pour ton frère... ''
Il n'entendait pas ses propres paroles. Ni la réponse du Lion, s'il lui en avait au moins donné une. Tous deux savaient. Il n'y avait plus de place pour les regrets. Pourtant, le Capricorne sentit comme un poids sur son bras gauche, Aiolia lui serrait le poignet pour qu'il comprenne le message : ça ne servait plus à rien de s'excuser. Oui, Shura avait ôté la vie d'Aiolos et puis... Que dire de plus ?
Plus aucun des six chevaliers n'avait la force de s'affronter. Ils n'étaient que des hommes vidés de leur énergie, de s'être battus les uns contre les autres. Ils avaient tout exprimé avec leurs poings, dans cette explosion.
Ils étaient en vie. Shaka, lui, avait accepté de mourir. Et après ?
Ils avaient dépassé les temples des Poissons, du Verseau et le sien, celui du Capricorne. Il ne restait que deux escaliers avant de rejoindre Athéna. Shura essayait de percevoir des signaux de la part de Saga et Camus. Rien n'indiquait qu'ils en profiteraient pour assassiner leur déesse. Rien ne passait dans les esprits. Le chevalier sentait juste le poids de son corps avancer. Il avait repris le décompte des marches. Peu à peu, il oublier ces sons qu'il connaissait depuis toujours, comme celui que faisait son armure quand il était libre de ses mouvements. Ce tintement pur et doré dont il était fier. Lui, le chevalier du Capricorne, qui s'affirmait comme le plus loyal et le plus fidèle des protecteurs d'Athéna, de son vivant. Lui qui n'avait jamais hésité à abattre son bras tel l'épée sacrée et noble d'Excalibur sur les ennemis du Sanctuaire.
Cette main droite pendait mollement dans le vide. Peu à peu, elle aussi devenait un fantôme, un vieux souvenir. Son temps sur Terre était révolu.
Un goût subtil et salé traversa ses lèvres. Il pleurait en silence. Il avait arrêté de compter les marches. Ils étaient arrivés devant Athéna. Il s'était tu.
Sans la voir, le Capricorne leva la tête face à la jeune femme. Elle interpelait chaque chevalier, sans les juger de leurs actes. Il n'entendait plus rien, mais une chaleur apaisante l'enveloppait petit à petit. Un regain de force, de confiance. Et d'espoir. L'aura divine et puissante d'Athéna. Elle leur accordait son pardon. À tous.
Shura comprit alors que la guerre se poursuivrait dans les Enfers. Que ce combat n'était pas encore fini. Même meurtri, privé de trois ou quatre de ses sens, il était encore en vie. Le peu de force en lui, il l'offrirait à sa déesse. Car tout ce qu'il avait fait jusqu'ici, c'était pour elle.
Il réveillerait Excalibur. Pour elle. Pour Athéna.
notes de fin: Merci d'avoir lu ce court texte. Je n'ai vraiment pas l'habitude d'écrire sur Shura, mais j'ai tenté. Et dans ce contexte terrible de l'histoire de Saint Seiya.
Je vous fais des bisous et à la prochaine.
