Voici comme promis le chapitre 15 de cette fiction qui renaît de ses cendres. Je suis tellement excitée à l'idée de la reprendre et relancer l'aventure d'Isaya !
Encore merci aux nombreux lecteurs/trices qui la suivaient activement. N'hésitez pas à m'envoyer un MP ou à me laisser une review, je vous lirez avec grand plaisir.
Bonne lecture !
Chapitre 15
Un flash lumineux éclata et Isaya retrouva avec soulagement l'oxygène qui manquait à ses poumons. Reprenant son souffle elle ouvrit doucement les yeux, combattant la nausée – maintenant familière – et observa les lieux.
Elle se redressa très vite sur ses coudes quand elle vit qu'elle se trouvait dans le salon dans une charmante petite chaumière face à une grand-mère estomaquée tenant dans les mains un balais pour toute arme. Toutes deux se regardèrent pendant de longues secondes en un moment de flottement avant que le-dit balais s'avance frénétiquement en sa direction et que des coups se mettent à pleuvoir.
Levant les mains au ciel dans un signe de paix, la dragonnière tituba en direction d'une lourde porte, qu'elle espérait être la sortie.
- S'il vous-plaît arrêtez, je ne vous veux aucun mal !
- C'est ça, et moi je suis amirale dans la marine. Dehors mécréante !
Les assauts féroces de l'arme de fortune avaient cessés et sans vraiment savoir comment, la jeune femme se retrouva les fesses sur une rue pavée devant une porte close. Elle se releva donc très rapidement époussetant la saleté sur ses vêtements et jeta un coup d'œil circulaire. Elle se trouvait à la périphérie d'une petite ville assez fleurie sur une île qui semblait être printanière. Elle s'était concentrée de toutes ses forces pour essayer d'apparaître sur une île non loin de sa dernière position et non au milieu de l'océan. Elle avait réussi ! Après un soupir de soulagement elle remarqua, heureuse, que le soleil venait à peine de se lever et aucun habitant de la ville s'éveillant doucement, ne fut témoin de la scène.
Alors se rappelant qu'elle venait tout juste de retrouver un fragment, la jeune femme se hâta de rejoindre un petit bois non loin de là à l'écart des habitations et donc de potentiels êtres humains qu'elle aurait pu mettre en danger.
Tandis qu'elle s'y enfonçait, elle pouvait sentir les prémices de l'absorption de son pouvoir.
Pensant s'être assez éloignée, la dragonnière se plaça frénétiquement en tailleur et tenta de se calmer du mieux qu'elle pouvait. En effet elle ressentait une énergie débordante telle une vague féroce, s'écraser violemment sur les bords de sa conscience ravageant chaque fibre de son être et tentant de percer la barrière mentale qu'elle avait difficilement érigé.
Une goutte de sueur apparut sur son front, puis deux, puis plusieurs dégringolèrent le long de son nez, sa nuque et dans le creux de ses reins. Son corps tendu pulsait de légères ondes de choc et tremblait fortement faisant tressauter ses muscles envahis de spasmes. Les jointures de ses doigts étaient blanches tellement ses mains se crispaient et une grimace de concentration était fichée sur son visage.
Intérieurement Isaya luttait, elle tentait de rester en phase de méditation et diriger cette nouvelle énergie dans chaque cellule de son corps, la répartissant correctement de manière à ce qu'aucune parcelle ne s'échappe en explosant hors d'elle, la diluant petit à petit jusqu'à complètement l'assimiler. Se fut un exercice beaucoup plus dur et laborieux qu'elle n'aurait pensé mais elle devait tenir et sa nouvelle motivation d'acier suite aux paroles de la Sibylle l'aidait sans parler de l'énergie qu'elle avait puisée précédemment dans le vieux saule à son refuge de toujours en Erevan.
La dragonnière ne sut depuis combien de temps elle était là, assise au milieu des arbres dans la rosée du matin. Seul le chant des oiseaux et sa respiration haletante faisait écho à la quiétude ambiante. Et toute à sa concentration elle n'entendit pas les bruits de pas dans l'herbe humide. Sentant la crise passée et refoulée, la jeune femme se détendit immédiatement et son corps bascula sur le côté, perdant conscience avant même de toucher le sol. Elle avait réussi.
{ - }
Au même moment, sur le Moby Dick.
Une ombre aux reflets émeraude traversa les couloirs du navire à une vitesse record, manquant de faire trébucher toutes les personnes ayant le malheur d'être sur son chemin. Arrivé à destination, Ojutaï glissa dans un dernier dérapage, ses griffes agrippant et marquant à jamais le parquet. Puis il mit tout son poids le long de la porte afin d'ouvrir celle-ci, qui vint cogner le long du mur dans un grand bruit.
Un visage mécontent lui fit face.
- Ojutaï, nous sommes dans une infirmerie. Les entrées fracassantes y sont prohibées.
Toute à sa joie, le petit dragon ne releva même pas la remarque.
- « Ça commence, je le sens. Elle a réussi à se contrôler ! »
Le reptile prit donc à nouveau de l'élan et fonça droit vers le médecin de bord, assis dans son fauteuil.
Gil arqua un sourcil en voyant la bête bondir vers sa personne puis ses yeux s'écarquillèrent lorsque Ojutaï prit au moins dix centimètres de diamètre en plein saut.
Il n'eut pas le temps de faire quoi que ce soit et reçu de plein fouet l'animal ainsi que ses cinq nouveaux kilos. Seuls ses poumons émirent un son lorsqu'ils se vidèrent sous la masse du dragon.
Quelque peu sonné, l'homme en blouse blanche, reprit doucement contenance tout en massant son ventre et ses cuisses endolories. Il darda un œil faussement sévère sur la créature.
- Ne refais plus jamais ça. Tu es devenu bien trop lourd pour continuer à te prendre pour un chat.
S'en fichant royalement, le petit dragon sauta de nouveau à terre et se dirigea vers un miroir au fond de la salle. Là, il entama une séance d'escalade avec un peu de difficulté et s'installa sur une table puis s'examina sous toutes les coutures, agitant ses ailes, sa queue, observant ses crocs et ses griffes.
Lorsqu'il se retourna ce fut avec un air satisfait.
Le médecin soupira avant de se lever puis attrapa une balance sur une étagère. Il la déposa à terre près d'un Ojutaï plus qu'impatient. Celui-ci monta donc sur le pèse-personne et s'immobilisa, attendant le verdict. Seul le bout de sa queue frétillait d'excitation, ce qui fit sourire tendrement Gil.
- 9,7 kilos. On peut dire que tu as bien grossi. Maintenant tu passes de la taille d'un chat obèse à celle d'un chien. Félicitations !
Un glapissement de joie s'échappa de la gueule du reptile qui reparti telle une flèche annoncer la nouvelle à qui voudrait bien l'entendre, plantant ainsi un Gil intrigué se demandant ce qu'il avait voulu dire par « elle a réussi à se contrôler ». Haussant les épaules, le médecin laissa ce mystère de côté et alla noter les nouvelles données qu'il venait de récolter auprès d'Ojutaï dans son carnet destiné à Isaya et sa monture ainsi qu'à leur monde.
Satisfait il retourna auprès de son patient principal qui semblait avoir un rythme cardiaque légèrement différent de d'habitude, indiquant ainsi un potentiel réveil de son long coma.
Afin de l'aider le brun lui injecta un tonifiant qui boosterai son corps et l'aiderai à mieux récupérer l'usage de ses muscles, trop longtemps restés inactifs. Il se plaça ensuite confortablement près du lit, se préparant à attendre de longues heures avant que son camarade ouvre les yeux pour de bon.
C'est ainsi qu'il s'endormit sur sa chaise, les bras croisés avant d'être réveillé brutalement par le bruit frénétique des machines annonçant le réveil proche du-dit patient. Pour ne pas le brusquer, il débrancha tout, laissant juste l'oxygène et les tonifiants puis prit la main de son ami et lui parla d'une voix calme.
Au bout de ce qui semblait être cinq minutes, le commandant de la seizième flotte ouvrit péniblement les yeux dans un râle d'inconfort. Il cligna des paupières quelques temps avant de s'habituer à la luminosité ambiante. Semblant comprendre où il se trouvait, son regard trouble se posa sur Gil qui tenait toujours ses doigts, un sourire en coin. Celui-ci lui tapota le dos de la main avant de s'esclaffer :
- Bon retour parmi nous camarade.
[ ... ]
Pour la deuxième fois de la journée, Isaya ouvrit les yeux sur un plafond constitué en bois. À travers le plancher elle pouvait voir un trait de lumière passer par un trou, éclairant ainsi des particules de poussières voletant de manière chaotique. Puis se redressant, elle laissa son regard se balader sur le mobilier composant la chambre dans laquelle elle venait de se réveiller.
Celle-ci semblait somme toute modeste et simple mais très bien entretenue, la propreté des lieux en était un exemple.
Tout en s'étirant la dragonnière se leva délicatement malgré ses nombreuse courbatures afin de récupérer ses affaires sans aucun bruit. D'ailleurs celles-ci étaient proprement pliées sur un tabouret, reposant près de ses armes et de son sac de voyage. Voyant que tout était en place et que même sa bourse était intacte, la jeune femme refit proprement le lit avant de glisser quelques berrys sur l'oreiller afin de remercier les habitants de la maisonnée de leur générosité.
Puis sans un regard en arrière, elle s'extirpa par la fenêtre afin d'attraper la gouttière et de glisser le long de celle-ci. Elle préférait rester discrète et éviter ainsi les questions inévitables que ses sauveurs lui poseraient. S'excusant mentalement auprès d'eux, elle sauta souplement dans le jardin avant de passer un petit muret ceinturant le terrain pour enfin déboucher dans une rue peu fréquentée.
Elle continua ainsi sur quelques mètres avant d'atterrir sur une artère principale qu'elle suivit poussée par la faim. En effet son estomac la rappelait à l'ordre et lui intimait de se sustenter comme tout être humain normalement constitué. Grommelant face au courroux de ses entrailles la dragonnière déboucha sur une vaste place bondée où un marché se tenait. Proches des étals, des artistes en tout genre émerveillaient les badauds en échange de quelques berrys et cela donna à la jeune femme une idée sur le moyen qu'elle devrait mettre en place pour gagner de l'argent sur le long terme afin de couvrir ses futures dépenses.
Après avoir fait le tour des stands et vérifié les prix des denrées alimentaires, Isaya se posa à l'écart sur un banc d'où elle pouvait observer tranquillement les lieux.
En effet la place grouillait de vie et d'animation, des cris fusaient de toute part vantant les mérites de tel ou tel produit, la foule se pressait devant l'étal du poissonnier voulant attester de la fraîcheur de son poisson. Ainsi avec ses artistes et performeurs, un flot ininterrompu d'âmes affairées rendait la scène théâtrale et intéressante pour le plus grand plaisir de la femme aux cheveux blancs. Elle avait beau avoir presque entièrement dévoré la bibliothèque du Moby Dick sur le monde actuel, la dragonnière ne cessait de s'émerveiller devant cet univers si peu familier et atypique de son point de vue. La modernité de ce monde la fascinait en particulier en contraste avec Erevan où la magie remplaçait les machines et autres inventions. Mais son royaume restait tout de même largement à la traîne.
Laissant ses réflexions de côté la jeune femme reporta ses yeux sur les artistes de rues, présentant tours de passe-passe et acrobaties.
Au moins une heure passa et la foule s'était encore densifiée. Isaya avait remarqué le regard méfiant de quelques passants qui lorgnaient sur ses armes qu'à moitié dissimulées sous son manteau. Elle avait vite compris grâce aux leçons de Gil, que les citoyens lambda ne possédaient quasiment pas d'armes, celles-ci étaient plus associées aux forces de l'ordre telle la marine, aux voyageurs et aventuriers ou encore aux pirates. Ayant appris la situation politique générale et la position du gouvernement sur la question de la piraterie -même si cela restait vague dans son esprit - la dragonnière savait que les avis divergeaient grandement selon la population et les îles qui restaient toujours dépendante de l'océan et donc de ceux qui y commerçaient ou régnaient en maîtres.
Consciente de paraître louche la jeune femme se redressa et s'éloigna du banc pour se diriger vers un coin de la place plus discret mais plus proche des stands marchands.
Là à l'abri des étoffes d'un revendeur, Isaya retira son manteau et y enroula ses armes afin qu'elles restent cachées de la vue de tous. Puis d'une démarche décontractée, elle alla à la rencontre d'un performeur non loin de là. S'ensuivit une discussion animée suivie par une poignée de main où quelques pièces changeaient de propriétaire contre quelque mystérieuse marchandise.
Satisfaite la dragonnière reprit place derrière les étoffes où elle dévoila ses mystérieux achats. Dans ses mains reposaient un masque blanc et noir de comédien s'arrêtant au nez ainsi qu'un chapeau noir à larges rebords en feutrine qui lui permettait de dissimuler, en les relevant dessous, ses cheveux quelque peu voyants. Elle qui s'était promis de ne pas utiliser la magie en dehors du navire de ses amis pirates, allait désobéir à l'une de ses propre règles ! Un fin sourire en coin prit place sur son visage à cette pensée.
Fin prête et équipée de son nouvel attirail, Isaya se plaça près des artistes jouant de la musique, de là elle interpella un groupe d'enfants qui observaient les troubadours avec des étoiles dans les yeux.
- Vous là-bas ! Approchez, je ne mord pas.
Les concernés sursautèrent en cœur avant de s'avancer, intrigués.
La jeune femme les fit s'asseoir devant elle, maintenant qu'elle avait toute leur attention elle pouvait commencer.
- Connaissez-vous l'histoire de la sirène la plus aventurière ayant jamais existé ?
Bien sûr les réponses furent négatives puisqu'elle allait inventer une histoire de toute pièce.
La dragonnière commença alors le récit des aventures d'une jeune sirène tout en veillant à ne pas déverser trop de magie pour que ses illusions, qu'elle tenait à garder miniatures, ne débordent pas trop du périmètre qu'elle s'était octroyé. De plus, ne pouvant créer des images de toute pièce elle devait forcément se baser sur des choses qu'elle avait vu de ses propre yeux. Heureusement qu'elle connaissait des sirènes vivants dans son royaume, dans le fameux lac Ouriant. Et pour le reste Isaya puisa directement dans les souvenirs de ses plongées sous-marines lorsqu'elle était encore sur le Moby Dick afin de dévoiler aux yeux de tous la beauté de cet univers fascinant et méconnu.
Car ça oui, elle les avaient bien vu ces fonds marins ! Marco n'avait de cesse de la jeter par dessus bord à chaque entraînements au corps à corps sur le pont n'ayant jamais été battu sauf une fois mais c'était un sale coup et elle ne le comptait pas vraiment comme une victoire. À ce souvenir la jeune femme eut un pincement au cœur mais se concentra de nouveau.
Au bout d'un certain temps, une myriade d'enfants pendus à ses lèvres tentaient d'attraper les poissons multicolores et les monstres marins miniatures passant à leur portée. Leurs parents les avaient rejoint et eux aussi étaient ébahis par les illusions qui semblaient presque sortir de la bouche de cette mystérieuse conteuse. Un jeune joueur de guitare la rejoignit même afin d'accompagner son récit rendant le tout plus immersif et vivant.
Tandis que la dragonnière terminait son histoire de façon théâtrale sous les applaudissements, elle claqua des doigts et des volutes de fumée ainsi qu'une illusion d'une nuée de papillons chamarrés se dispersèrent là où elle se trouvait quelques secondes auparavant. Mais le temps que la foule ne se rende compte de sa disparition, elle avait déjà ramassé ses affaires et se dirigeait tranquillement, tout en retirant son masque et son chapeau qu'elle plia délicatement dans son sac, vers une boulangerie qu'elle avait repéré plus tôt.
En effet Ace, connaissant son nouveau penchant pour les viennoiseries de ce monde, lui avait expliqué qu'en général on en trouvait dans ces fameuses boutiques. Malheureusement avant qu'elle ne puisse passer la porte, une main lui agrippa le bras la retenant devant la vitrine. Malgré la surprise la dragonnière resta calme et se retourna vers l'importun qui n'était autre que le musicien l'ayant accompagné quelques minutes plus tôt.
Le jeune homme relâcha instantanément Isaya devant son regard inquisiteur. Il se mit même à rougir violemment se rendant compte qu'elle le détaillait avec circonspection. La jeune femme aux cheveux neige se détendit rapidement car le garçon semblait totalement inoffensif. En effet mince et plus petit qu'elle, il devait avoir entre 15 et 18 ans, ses mèches rousses désordonnées retombaient sur ses yeux noisettes en accord avec les tâches de rousseur parsemant son visage à la peau pâle.
- Que me veux-tu ?
Le concerné sursauta légèrement avant de s'empresser de lui tendre une bourse contenant de l'argent.
- Tenez, pour le spectacle de tout à l'heure. Tout le monde a été très impressionné, moi y compris. Ils vous ont donné quasiment ce que je gagne en une journée. D'ailleurs ils ont tous réclamé une autre histoire, certains pensent même revenir demain pour avoir une chance de vous revoir ! Mais au fait vos yeux étaient verts comment ça se fait qu'ils soient d'une autre couleur maintenant ? Vous portez des lentilles pour vos spectacles ? Sinon vous êtes illusionniste professionnelle ? Comment vous avez créé tout ça sans matériel ? Vous n'êtes pas d'ici c'est certain, alors vous venez de quelle île ?
Devant le flot ininterrompu de paroles et surtout de questions, Isaya plaqua sa main sur la bouche du jeune roux tout en attrapant quelques pièces de monnaie de la bourse qu'il tendait et reposa le reste à nouveau dans les mains de son vis-à-vis pétrifié.
De peur qu'il ne l'ouvre encore elle laissa sa main afin de bloquer tout son avant de lui dire :
- Merci c'est gentil mais la représentation n'était qu'un exercice d'entraînement, tu peux donc garder le reste en remerciement pour l'accompagnement musical. Sinon si j'utilise un déguisement c'est pour ne pas me retrouver dans ce genre de situation, c'est à dire suivie par un inconnu. Donc je te souhaite une très bonne journée et bon vent.
Ne lui laissant pas le temps de réagir la dragonnière passa la porte de la boulangerie, libérant ainsi le pauvre garçon déboussolé.
Persuadée que le roux s'était carapaté, la jeune femme acheta quelques croissants et pains aux chocolat pour son déjeuner ainsi que d'autres délicatesses pour plus tard mais qu'elle fut sa surprise quand elle passa de nouveau la porte et que le jeune homme était toujours planté au même endroit.
Agacée elle fronça les sourcils mais continua sa route guidée par l'odeur des embruns. Elle déboucha rapidement sur un port où elle s'installa à même un quai quelque peu isolé, ses jambes se balançant doucement dans le vide et commença à croquer avec avidité dans son repas.
Seulement voilà, des bruits de pas se firent entendre et une tignasse fauve passa à l'extrémité de son champs de vision avant de s'approcher timidement puis de s'immobiliser à quelques pas.
Isaya poussa un soupir las et comprenant qu'elle ne réussirai pas à se débarrasser de ce « nouveau Ace » - c'est à dire un pot de colle -, elle lui tendit un croissant en l'invitant à s'asseoir à ses côtés. Le jeune musicien ne se fit pas prier et lui retourna un sourire démesuré pour la remercier.
Ils continuèrent donc de manger dans un silence confortable leurs regards se posant sur les différents bateaux amarrés mais le jeune homme n'y tenant plus, brisa le silence le premier.
- Êtes-vous arrivé ce matin ?
La jeune femme à la chevelure neige poussa un soupir.
- Cela se voit tant que ça que je suis une étrangère ?
Le roux s'empourpra pensant l'avoir vexée, il balbutia :
- Non, ce n'est pas cela – enfin vous dénotez tout de même mais – ah non pardon ! Ce n'est pas ce que je voulais dire – je, je...
Il se stoppa sous le regard légèrement moqueur d'Isaya, baissa les yeux puis prenant son courage à deux mains, reprit :
- Vous savez c'est une petite île, tout le monde se connaît et il n'y a pas tant de passage que ça. Les habitants de cette île adorent les arts de rues et spectacles en tout genre mais ce sont toujours les mêmes artistes. Alors lorsqu'une illusionniste de talent se pointe et se sauve aussi rapidement qu'elle est apparue, on ne peut que se poser des questions et ici je peux vous dire que ça jase.
Il termina sa phrase dans une expression blasée qui fit s'étirer un sourire sur les lèvres de la dragonnière.
- Comment t'appelles-tu et quel âge as-tu mon garçon ?
- Je m'appelle Thomas, Thomas Fey et j'ai dix-sept ans !
Il bomba légèrement le torse en se présentant ce qui le rendit quelque peu ridicule mais sympathique aux yeux de la jeune femme.
Il reprit :
- Et vous madame, comment vous nommez-vous ?
- Ellen. Juste Ellen. Et non je ne te donnerai pas mon âge, c'est malpoli de le demander aux dames.
Lui répondit-t-elle malicieusement.
En effet il n'était pas prudent de donner son vrai nom même si personne ne la connaissait dans ce monde à part les pirates de Barbe Blanche. Et puis ce prénom lui avait manqué, c'était celui de sa mère, qu'elle n'avait pas prononcé depuis de trop nombreuses années maintenant. Quant à son âge, c'était surtout pour faire rougir de plus belle son vis-à-vis, ce qui fonctionna parfaitement. Son innocence était au final très appréciable, à cet âge là elle était déjà en train de combattre dans des lieux hostiles, se couvrant de cicatrices et empoissant son âme dans le sang versé. Alors une bouille pareille sans malice cherchant juste à être agréable et surtout assouvir sa curiosité, n'était pas pour lui déplaire après mûre réflexion.
Prenant le temps pour une fois d'apprécier les choses simples comme cette rencontre, elle se laissa porter par le flot ininterrompu de l'adolescent, lui racontant tout ce qu'il savait de l'île, ses habitants ainsi que l'archipel autour et au passage lui offrant nombre d'informations utiles. Tout à leur discussion – ou plutôt monologue – ils ne virent pas le temps passer et le soleil darda ses derniers rayons sur leur visage, embrasant d'autant plus la chevelure du jeune roux. Isaya décida donc de couper court et de renvoyer le garçon auprès de sa famille qui ne tarderait sûrement pas à s'inquiéter.
Devant son air contrit elle lui promis de revenir le lendemain à la même heure sur la grande place où elle ferait de nouveau un spectacle et elle invitait le jeune musicien à venir l'accompagner de son instrument. Tout à sa joie il se leva d'un bond et lui serra chaleureusement la main en la remerciant mille fois.
Elle le regarda s'éloigner de sa démarche joyeuse et ne put s'empêcher de sourire, attendrie. Puis son sérieux revint en force et elle se leva promptement allant à la capitainerie du port avant que celle-ci ne ferme pour la nuit. En effet elle l'avait repéré pendant sa discussion avec Thomas et son instinct lui dictait de se rendre plus au nord pour y récupérer un nouveau fragment, c'est donc naturellement que la jeune femme alla s'enquérir des prochains bateaux de passage, leur destination et leur prix.
Après avoir étalé la carte maritime représentant les îles et archipels des environs sur le comptoir du capitaine de la capitainerie, un navire et son trajet en particulier attira son attention. C'était un ferry faisant la navette entre les îles les plus au sud et celles le plus au nord de ce coin de l'océan. Certes un trajet jalonné de fréquents arrêts et d'une vitesse somme toute moyenne mais la menant vers l'objet de sa quête, de plus le prix était largement raisonnable et elle se permit même le luxe de réserver de suite une chambre privative car elle ne se voyait pas partager une couchette dans un dortoir. Une fois la place payée et son ticket d'embarquement en poche, elle alla flâner du côté des auberges d'où les brumes de l'alcool et les chants s'élevaient déjà afin de trouver une chambre abordable. Il ne lui restait plus qu'à s'occuper pendant trois jours jusqu'au départ du ferry.
Ayant trouvé ce qu'il lui fallait, une auberge simple discrète sans grande clientèle, Isaya s'y engouffra et réserva une chambre pour s'y enfermer et se reposer jusqu'au lendemain. Elle ne prit pas la peine de dîner, trop épuisée par le contre-coup du fait fait d'avoir récupéré un nouveau fragment et s'endormit rapidement ayant au préalable jeté un simple sort sur la porte de la pièce afin d'être réveillée si quiconque tentait de la forcer.
Cette nuit là elle dormi profondément et ne se réveilla pas une seule fois jusqu'au lendemain en milieu de matinée.
Largement requinquée par ce sommeil sans rêves, la jeune femme se leva avant d'entamer quelques exercices d'assouplissements et d'échauffements, habitude martiale qu'elle avait gardé d'Erevan et qu'elle perpétuait tous les matins sans fautes depuis sa venue dans ce nouveau monde.
Maintenant bien réveillée elle prit une douche rapide avant de s'habiller et rassembler ses affaires au complet car il était hors de question qu'elle laisse quoique ce soit derrière pendant son absence, sait-on jamais. À la différence de la veille, elle garda tout de même ses lames dans son sac pour ne plus attirer l'attention. Elle se félicita de ne pas avoir emmené son nouveau fusil – bien trop voyant – et n'ayant pas encore toutes les compétences pour l'utiliser proprement. De plus Thomas lui avait déjà confirmé la veille qu'elle se trouvait sur l'île la plus calme et tranquille de l'archipel.
Enfin prête elle verrouilla la porte de sa chambre derrière elle et descendit les escaliers puis passa devant le comptoir en saluant poliment le gérant qui lui retourna son salut, avant de sortir et s'engouffrer dans les rues qui menaient sur la place centrale afin de rejoindre le jeune musicien à qui elle avait donné rendez-vous pour une nouvelle « prestation ».
Après quelques minutes de marche elle le retrouva au même endroit que la veille et s'amusa du sourire resplendissant d'excitation et d'impatience qu'il lui lança en l'apercevant enfin.
Après quelques paroles afin de s'accorder sur la marche à suivre, Isaya se détourna à l'écart afin de s'équiper de son chapeau, masque et donner l'illusion auprès de Thomas qu'elle mettait des lentilles pour expliquer le changement de couleur de ses yeux.
Enfin prête la dragonnière revint auprès du garçon et d'un hochement de tête le laissa jouer au rabatteur afin d'attirer la foule. S'étant mis d'accord Isaya raconta à nouveau la même histoire que la veille mais rajouta des détails de ci de là tout en prêtant attention de n'utiliser qu'un flot de magie basique ainsi que des illusions miniatures ne risquant pas de laisser la moindre rune apparaître sur son corps.
Mais contrairement au jour précédent elle s'arrêta sur un cliffhanger avant de disparaître de la même manière que la veille laissant Thomas inviter les badauds à revenir le lendemain à la même heure afin de connaître la suite.
Arrivée sur le port au même quai, Isaya se dit que le jeune homme était très fin quand il s'agissait de théâtralité et performances artistiques car l'idée venait entièrement de lui et cela ne lui déplaisait pas car il s'occupait de récolter les recettes du spectacle tout en s'assurant que les spectateurs seraient au rendez-vous le lendemain.
Tout en souriant la jeune femme laissa son regard se perdre sur le ressac des vagues et laissa ses pensées vagabonder vers Ojutaï.
Peu de temps après elle sentit une présence s'approcher en trottinant et su qu'il s'agissait du musicien, tournant la tête elle découvrit un Thomas pressé et resplendissant de bonne humeur, serrant dans ses mains une bourse bien plus remplie que la veille.
Sans formalités il s'assit à ses côtés et s'empressa de lui montrer la prise du jour en effet bien plus conséquente. Ils partagèrent la recette même si Isaya dû insister pour que le jeune homme prenne la moitié après tout il jouait de la guitare en plus de gérer l'avant et après spectacle, il méritait donc totalement la somme qu'Isaya lui tendait.
Après quelques rougissements de gêne il accepta mais tint à offrir des sandwichs qu'il avait préparé le matin même pour eux deux.
Ils passèrent ainsi l'après-midi et début de soirée à encore discuter (enfin bien plus Thomas que la jeune femme) et finirent par se séparer pour la soirée en se donnant de nouveau rendez-vous le lendemain.
[...]
Ainsi les trois jours passèrent en un clin d'œil grâce à cette routine fructueuse et bien rodée que les deux mirent en place agrémentée par des escapades dans la petite île printanière très tranquille ainsi que les alentours de l'unique ville.
Malgré ces quelques temps très doux et reposants, Isaya avait hâte de continuer sa route et sa quête et ce moment était arrivé.
Après avoir payé le tenancier de l'auberge où elle résidait, la dragonnière se dirigea à l'aube vers le petit port et le ferry qui venait de s'amarrer au quai.
Sur place la jeune femme chercha du regard la tignasse si caractéristique du jeune Thomas qui avait absolument tenu à venir lui dire au revoir. Elle l'aperçu rapidement près du quai d'embarquement et alla à sa rencontre. Ce dernier lui offrit un de ses fameux sourire en la voyant et s'en l'avertir enlaça la dragonnière dans une accolade chaleureuse qui figea celle-ci à cause du contact soudain.
Toujours peu friande de ce genres de démonstrations physiques, elle le repoussa rapidement mais gentiment afin de ne pas froisser l'adolescent. Les yeux du jeune musicien s'embuèrent légèrement à l'idée de lui dire au revoir. Mais il refoula les quelques larmes qui menaçaient de s'écouler avant de renifler et de s'adresser à la jeune femme aux cheveux blancs :
- Ellen, merci pour tout j'ai vraiment adoré faire ces spectacles avec toi, tu vas me manquer !
Isaya pouffa légèrement :
- Voyons Thomas, on ne se connaît que depuis quelques jours et tu dis que je vais te manquer ?
Le roux renifla de plus belle et hocha vivement la tête.
La jeune femme reprit donc doucement :
- J'ai également grandement apprécié nos représentations, merci à toi futur grand artiste.
Elle lui ébouriffa les cheveux tendrement en souriant puis reprit :
- Merci également d'avoir pris le temps de me faire découvrir ton île et la vie ici. J'espère de tout cœur que tu auras un beau futur.
Il lui sourit en retour avant de se pencher sur une sacoche et fouiller dedans. Il en retira deux sacs en papier. Il répondit au regard interrogateur de la dragonnière :
- Ma mère t'a préparé des sandwichs pour la traversée afin de te remercier d'avoir passé du temps avec moi et m'avoir permis de ramener autant de berrys à la maison. D'ailleurs au début elle m'a salement grondé en pensant que je les avais volé mais quand elle venu voir la représentation elle a été émerveillée par le spectacle et a rapidement comprit. Donc voilà, ce n'est pas grand chose mais elle tenait à te remercier. Tu veras dans le deuxième sac ce sont des croissants pour ton petit déjeuner et ça ça vient de moi !
Il bomba légèrement le torse content de lui-même pour cette petite attention.
Isaya posa un regard attendri sur lui et ne pu s'empêcher de lui ébouriffer sa tignasse de nouveau.
- Merci beaucoup Thomas, tu remercieras ta mère. C'est vraiment gentil de votre part à tous les deux.
Un petit silence s'installa et la jeune femme reprit calmement :
- Je dois y aller Thomas, le bateau ne va pas tarder à faire monter les passagers.
Il acquiesça de nouveau triste mais tint à l'accompagner jusqu'au ferry pour l'embarquement. Elle le laissa faire après avoir récupéré les deux sacs contenant la nourriture. Et après avoir donné son billet au personnel d'embarquement elle lui jeta un dernier regard chaleureux avant de traverser la passerelle reliant le quai au pont du navire.
Elle longea le bastingage avant de s'y accouder pour regarder une dernière fois le roux qui lui faisait de grands signes quand il s'écria :
- Au revoir Ellen, prends soin de toi !
Elle répondit à son salut quand le ferry démarra doucement.
- Toi aussi Thomas, toi aussi.
Le bateau prit petit à petit de la vitesse et elle resta là accoudée à la rambarde en regardant le quai s'éloigner progressivement. Elle resta ainsi jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de discerner les personnes attroupées sur le port. Elle huma, alors apaisée, les embruns salés et se dirigea vers les escaliers qui menaient aux cabines du ferry afin d'y trouver la sienne.
Décidément cette île tranquille lui avait fait un bien fou.
[...]
Arakum capitale du Royaume d'Erevan. Trois mois après la première disparition de la dragonnière du pays.
- Cessez donc de hurler Lance Aglion, dois-je vous rappeler que vous êtes en présence de membres éminents du Conseil des Sages ? De plus rien ne nous obligeait à vous mettre dans la confidence, donc veuillez modérer votre comportement indigne de votre rang.
La voix forte qui claqua dans l'air avait le ton d'un ordre martial. Aucune plainte ni objection ne s'éleva à la suite. Satisfait le mage-guerrier baissa les yeux sur l'homme prosterné devant lui et demandant son pardon.
- Veuillez m'excuser Maître Gawallel Oak, je ne voulais pas vous manquez de respect à vous ou Dame Cassandre mais comprenez que je ne puisse rester en place à ne rien faire quand l'une de mes pairs se trouve en danger.
Il termina sa tirade en relevant la tête, dévoilant son regard azuréen profond dans ceux du mage. Celui-ci en profita pour le détailler et sonder son âme, en effet Iron Gawallel Oak l'avait connu dès ses six ans, il se souvenait d'un garçon terrorisé au regard timide. Mais à présent il faisait face à un Dragonnier de vingt-sept ans, d'une stature musclée et imporsante (il devait presque avoisiner les deux mètres), à la crinière dorée cascadant sur ses épaules et à la peau tannée par le vent et le soleil striée ci et là de cicatrices dues à ses maints combats.
Oui il avait fière allure dégageant une aura de droiture, son statut le magnifiant. Mais le mage-guerrier connaissait son caractère fougueux, fier et parfois imbu de lui-même, il se devait donc de le modérer.
- Je comprends Lance Aglion et mon cœur s'emplit de fierté de vous voir si investi dans cette affaire mais ne vous laissez pas emporter, le roi ne veut personne d'autre au courant, tout ceci doit rester entre ces murs. À présent allez donc déposez ce message au lieu convenu, nous vous recontacterons pour de prochaines instructions. Que votre vol soit sans encombres.
- Merci Maître, Dame Cassandre.
Le dragonnier s'exécuta d'un salut militaire avant de sortir du bureau à grande enjambées.
Une fois que les lourdes portes en bois face à lui furent définitivement closes, le mage se laissa tomber dans un soupir las sur son siège en cuir trônant devant son bureau. Il passa sa main droite sur ses yeux marrons foncés presque noirs avant de la descendre sur sa barbe déjà grisonnante jusqu'au haut de son torse où elle s'arrêtait. Déjà un mois qu'il avait reçu une lettre apportée par un représentant du clan nomade de Miri Levan de la part de sa disciple.
Blasé, Iron laissa ses yeux balayer la pièce en s'attardant sur la bibliothèque murale, regorgeant de livres anciens, parcourant la quasi totalité du lieu à l'exception d'une imposante cheminée trônant sur sa gauche. Face à celle-ci, à l'opposé, une grande fenêtre était malmenée par la pluie dense et discontinue, rendant son humeur plus maussade encore.
Un rire doux et posé s'éleva, le coupant dans ses pensées, il reporta donc ses yeux sur la personne assise dans l'un de ses fauteuils de réception, une tasse fumante posée sur la table en marbre devant elle. Dame Cassandre, mage émérite de l'académie, membre du Conseil des Sages et conseillère de la famille royale se tenait droite, ses ascendances nobles lui conférant un air digne et élégant.
La conseillère darda ses yeux verts sombres dans les siens et une longue mèche de cheveux argentée s'échappa de derrière son oreille, tout en replaçant celle-ci gracieusement elle se leva, sa robe longue lavande glissant à sa suite sur les lourds tapis en direction de la cheminée où elle réchauffa ses mains légèrement ridées par le fil des années.
- Allons Iron, ne soit pas si dur envers Lance et ses bonnes intentions, il ne veut que le bien de ce royaume et de ses compagnons.
Sa voix était telle l'onde d'un ruisseau, lisse, sans faille.
Un nouveau soupir sorti de sa gorge.
- Cassandre, je cesserai de m'inquiéter quand il arrêtera de se laisser guider par sa fierté, il a les qualités pour devenir un grand général mais sa fougue l'empêche parfois de réfléchir pleinement.
La grande dame plissa ses yeux et un fin sourire étira ses lèvres. Alors en laissant sa longue silhouette mince glisser aux côtés du mage-guerrier elle reprit malicieusement :
- Cela me rappelle une certaine personne à son âge...
- Je n'étais pas aussi buté !
- Non en effet, tu étais pire.
N'ayant rien à répondre Iron Gawellel Oak se contenta d'un sourire grimaçant sachant au fond de lui qu'elle avait raison.
- Maintenant un mois qu'Isaya a de nouveau mystérieusement disparu de chez le clan des Levan et je n'ai trouvé aucune piste pour l'instant afin de l'aider à briser le sort pour qu'elle nous revienne. Nous avons si peu d'information à part à une simple lettre. Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter, tu imagines, un monde parallèle ! Jace, mon ancien disciple nous a trahit ! Tout cela est trop surtout après cette guerre sanglante, le royaume peine encore à se remettre debout, certaines villes et villages croulent encore sous la famine et des hordes de hors-la-loi et bandits en profitent pour écumer ces terres et tout piller sur leur passage. Alors rajouter une dragonnière perdue je ne sais où exactement rend le roi extrêmement mécontent. Te rends-tu compte du temps qu'il nous a fallut pour discuter et négocier avec la famille royale afin de les apaiser et d'inventer une raison valable à l'absence de l'une de nos trop rares dragonniers ? Quel perte de temps...
Faisant fi de son mécontentement envers ceux qui gouvernaient le royaume, la main douce de la grande dame se posa sur son épaule, calmant de suite ses inquiétudes.
- Iron, ne te remets pas la faute de la trahison de Jace Loksann sur le dos, tu n'y pouvais rien, son âme était rongée de trop d'ambition et de mépris. Quant à la Dragonnière Bengali, elle a agit en faisant son devoir quitte à se mettre en danger pour sa patrie, soyons plutôt reconnaissant qu'elle soit encore parmi les vivants et cherchons un moyen de la faire rentrer saine et sauve. Et puis un nouveau monde, n'es-tu pas excité à cette idée ?
Le mage se calma à ses propos, c'est fou à quel point elle pouvait apaiser son âme.
- Tu as raison, ces dernières années m'ont rendu plus pessimiste, je te remercie de ton soutien inébranlable. À présent prions pour qu'Isaya soit en mesure de trouver notre lettre même si cette tentative désespérée s'apparente plus à un coup d'épée dans l'eau qu'une réelle manière d'entrer en communication. En attendant je vais continuer de chercher des informations sur le sort qu'elle et Ojutaï ont jeté.
Sur ce il pesta contre le dragon vert et son idée de sort ancien inconnu des mages de l'académie. Après s'être relevé, il présenta le creux de son bras à la conseillère et tout deux se dirigèrent vers la grande tour réservée aux mages de leur rang afin de s'y enfermer de nouveau et rechercher des solutions, le tout dans la plus grande discrétion car nul ne devait savoir à ce jour la capitale pensait Isaya en mission secrète.
{-}
Le bruit de ses bottes claquant sur le sol dallé raisonnait dans le couloir éclairé d'orbes lumineux, sa cape malmenée par sa cadence flottait derrière lui et tous ceux qui croisaient son chemin s'écartaient pour le laisser passer, admiratifs. Il savait quelle image il renvoyait et s'en délectait, celle d'un héro de guerre et le meilleur épéiste du royaume. Certes il n'était pas au sommet quand il s'agissait de magie, loin de là même, mais il méritait tout de même sa place de futur général au sein de l'armée alors il se devait de tout mettre en œuvre pour réussir à bien la mission qui lui avait été confiée : entrer en contact avec la Dragonnière Bengali Isaya. Il serra alors plus fermement la capsule contenant le message du Maître de la jeune femme.
Tandis qu'il se dirigeait vers la zone réservée à l'armée et plus particulièrement celle destinée aux dragonniers et leurs redoutables montures, il repensa à cette brune bien particulière. Elle était la meilleure des mages parmi leur caste et plus jeune il lui en avait tenu rigueur la malmenant et la poussant constamment à bout, bien plus tard il avait regretté son comportement d'enfant jaloux. Leur relation aurait pu être tellement différente s'il ne l'avait pas harcelée.
Ce petit bout de femme froid, distant au regard assassin mais lui seul savait quel brasier pouvait illuminer ses prunelles ambres lorsqu'elle s'abandonnait dans ses bras car oui, elle avait été son amante pendant un temps. Lorsque l'horreur de la guerre approcha et que tous prirent réellement conscience de ce qui les attendaient, là elle s'était laissé aimer, tout deux ne sachant s'ils reverraient la lumière du jour. Alors ils avaient jouit du moment présent se soutenant mutuellement à travers une relation charnelle sans avoir besoin de dire quoi que ce soit, de toute façon si des mots avaient eut le malheur d'être proférés, il se seraient entre-déchiré. Car telle était leur relation, orageuse, l'un et l'autre cherchant toujours à prendre le dessus sur l'autre, une quête de domination, d'ascendance sur l'autre et Lance savait très bien que rien ne changerait entre eux, jamais. Même si au fond de lui une petite voix lui disait qu'il la voulait pour lui seul mais jamais le blond ne se l'avouerait car elle traçait son chemin, sa voie et lui la sienne. Les dragonniers ne pouvaient aimer ou être aimé en retour, trop de tragédies en avaient découlé par le passé.
Tout à ses pensées il descendit des marches et traversa une cour pavée immense, cernée de remparts, noyée sous les averses torrentielles où au moins trois dragons adultes pouvaient se tenir côte à côte. Au bout de celle-ci : une tour large et vertigineusement haute. Mais pas n'importe laquelle, c'était ce que les dragonniers appelaient communément le nid. Là où les dragons séjournaient lorsqu'ils n'étaient pas en guerre ou partis pour une quelconque mission. Sa particularité reposait en son centre, en effet la tour était creuse et d'immenses cavités donnant à la fois sur l'intérieur et l'extérieur la trouait de la base jusqu'au sommet permettant aux puissantes créatures d'aller et venir à leur guise.
Il ouvrit donc la porte massive et se retrouva devant un escalier en colimaçon longeant chaque niches dont beaucoup trop étaient vides, l'ascension était longue et fastidieuse mais le dragonnier y était habitué. Arrivé au deux tiers de l'édifice colossal il s'arrêta devant une niche en particulier, elle était plongée dans l'obscurité la plus totale alors il leva légèrement la main et prononça :
- ljós !
Là un orbe flottant éclaira faiblement la pénombre et refléta l'éclat d'un œil mordoré, celui-ci se referma puis le son d'une masse énorme glissant sur le sol se fit entendre. Alors que l'éclat de l'orbe prenait de l'ampleur, révélant de plus en plus le dragon, Lance s'avança vers celui-ci et posa sa main sur un pan d'écailles claires, strié de cicatrices. Alors il murmura son nom :
- Roeg.
Un souffle chaud lui répondit et la magie termina de complètement illuminer le lieu, devant le dragonnier se tenait une créature faite d'argent, plus resplendissant que la lame d'une épée d'où parfois quelques éclats plus clairs tels des cristaux parcouraient ses écailles lisses. Ses yeux d'hommes accrochèrent celles de la bête et une joie simple s'empara de lui.
- Pardonnes moi de te déranger Roeg mais nous partons en mission. Maintenant.
La voix profonde et encore quelque peu endormie du dragon lui répondit :
- «Dis moi où et je t'y porterai.»
- À deux heures d'ici, au repère d'Isaya et d'Ojutaï. Mais nous devrons braver la pluie et les vents violents.
La gueule du dragon sembla s'étirer dans un sourire moqueur.
- «Lance, je suis plus puissant que les éléments, que la tempête se déchaîne, je ne la craint pas.»
Le dragonnier éclata de rire.
- Je le sais Roeg, nul n'est plus fort et grand que toi mais c'était juste pour souligner que ce vol ne sera pas de tout repos et encore moins agréable.
- «Parle pour toi, je ne crains pas le froid ni la pluie, couvres toi correctement, je ne souhaite pas voler avec un cadavre sur le dos.»
Alors que la bête se tassait le plus possible sur le sol pour faciliter la tâche ardue à son cavalier afin de l'harnacher, celui-ci se dirigea vers un chevalet dans un coin de l'alcôve où un harnais, des sangles et une selle imposante trônaient.
Une fois le dragon équipé, Lance Aglion récupéra une sorte de cape sur-pluie refermable qu'il enfila avant de lui-même s'équiper. Après avoir vérifié que son épée longue ne bougerai pas de son fourreau, il escalada l'épaule puissante de Roeg et une fois en place se sécurisa à la selle.
- Je suis prêt, allons-y.
Le dragon d'argent se contenta de hocher légèrement sa lourde tête avant de se traîner jusqu'à l'ouverture de l'alcôve, se rapprochant inéluctablement du vide et des éléments déchaînés. Les nuages bas et noirs de pluie plongeaient le paysage dans la pénombre et masquaient leur départ, en effet de par sa couleur, Roeg était facilement repérable mais par ce temps il se fondait parfaitement dans les nuages orageux.
Alors dans un silence seul coupé par le vent sifflant, la créature magique se laissa tomber dans le vide coupant la respiration de son cavalier quelques instants avant de remonter à grands coups d'ailes puissantes au dessus des nuages où ils seraient plus à l'abri de la météo ainsi que des regards afin de mener à bien leur mission.
[...]
Cela faisait maintenant presque une semaine qu'Isaya voyageait sur ce ferry, celui-ci faisait escale sur les nombreuses îles de l'archipel printanier quelques heures avant de continuer sa route toujours plus au nord. La dragonnière elle, descendrait au terminus sur l'île de Jarka la plus importante et où plus d'opportunités de traversées l'amèneraient vers la suite de sa mission ainsi qu' un prochain fragment qu'elle sentait de plus en plus puissamment. C'était sûr maintenant qu'il s'y trouvait au bout de ce voyage en ferry.
Pendant la traversée la jeune femme en profita pour se renseigner le plus possible sur l'île finale, elle récupéra beaucoup d'informations à son propos auprès des mâtelots et différents passagers et ce qu'ils lui dirent tous ne l'enchantait guère. En effet Jarka étant l'île la plus importante et maritime de l'archipel, elle était densément peuplée et attirait de nombreux pirates, chasseurs de primes et voyous en tout genre qui rechargeaient leurs cales avant de se lancer pour un long voyage afin d'atteindre la suivante bien plus éloignée. Elle apprit également qu'une base de la marine s'y trouvait mais malgré cela le chaos y régnait régulièrement et de nombreux combats y éclataient souvent. Elle se devait donc d'être extrêmement prudente et se la jouer discrète afin de ne s'attirer aucun problème une fois sur place.
Sur ces pensées elle décida de retourner dans sa cabine afin de se reposer pour la nuit. Ce soir encore elle avait gagné quelques berrys en contant des histoires grâce au capitaine avec lequel elle avait passé un accord. Celui-ci avait accepté avec grâce qu'elle divertisse les passagers et l'équipage pendant les différentes traversées en échange d'une petite commission.
Cela l'arrangeait grandement car si elle devait faire profil bas arrivée à destination, il était hors de question qu'elle utilise ses talents de conteuse et prenne le moindre risque en utilisant de la magie et se fasse remarquer d'une quelconque manière. De plus il était plus prudent qu'elle possède une coquette somme d'avance afin d'éviter de rester bloquée sur l'île et de se retrouver dans l'incapacité de la quitter par manque d'argent.
Elle arriva rapidement devant la porte de sa chambre et après avoir fermé l'avoir fermée à clé, se déshabilla avant de se glisser dans les draps du lit simple. Elle s'endormit difficilement ruminant toutes ces dernières informations peu réjouissantes.
Son sommeil fut agité et elle se réveilla sur son séant couverte de sueurs et de frissons quelques heures plus tard à cause d'un rêve glaçant. Se redressant dans son lit elle alluma la petite lampe de chevet tout en essayant de calmer les tremblements de ses membres. Laissant son corps tenter de s'apaiser tranquillement malgré son cœur serré elle essaya de remettre ses pensées dans l'ordre mais des flashs de son rêve lui revenait maintenant qu'elle était amplement réveillée. Un seul mot ou plutôt nom passa la barrière de ses lèvres pincées et blêmes :
- Jace...
Elle avait rêvé de lui, enchaîné sur le sol, son corps amaigri et sale, autour de lui de nombreux cadavres, hommes, femmes, enfants et même quelques animaux. Tous dans des positions démontrant une certaine souffrance avant leur trépas. Mais cette vision d'horreur ne s'arrêtait pas là. Alors que la scène semblait figée dans le temps Jace avait relevé brusquement la tête et malgré ses yeux creusés, sous sa capuche elle aperçut clairement son regard acier la fixer avec un rictus sardonique et malsain avant qu'il ne chuchote son prénom d'une voix éraillée et sifflante de haine :
- Isaya...
Puis ses chaînes avaient brusquement explosées dans un éclat de maillons métalliques. C'est là qu'elle s'était réveillée soudainement le souffle court, le sang battant ses tempes furieusement.
La panique l'étreignant de nouveau elle eut une pensée pour Ojutaï. Était-ce une vision du futur ou passé, un simple cauchemar ou autre chose ? Serrant ses poings contre son cœur battant de nouveau la chamade elle fut incapable de chasser cette impression de malaise et ce sentiment sinueux de mauvais pressentiment. Elle fut dans l'incapacité de se rendormir cette nuit là.
{-}
Au même moment sur le navire du pirate le plus fort du monde, Ojutaï se réveilla brusquement dans un glapissement faisant sursauter l'homme près duquel il s'était assoupi. Il s'ébroua pour chasser le frisson qui le secouait devant le regard interrogateur d'Izou qui ne dormait pas et lisait un livre.
En effet depuis que le commandant s'était réveillé de son long coma le dragon passait le plus clair de son temps avec lui, lui tenant compagnie, jouant aux échecs et faisait la conversation avec le blessé. Une fois le pirate assez en forme ils avaient également longuement discuté de ce qu'il s'était passé ce jour là, celui où il avait faillit mourir. Izou l'avait rapidement rassuré sur le fait qu'il n'en tenait pas rigueur à la dragonnière car il avait choisit de la suivre malgré le danger, ce que cela impliquait et qu'il l'aurait fait pour n'importe quel nakama. Elle aurait quand même droit à une belle remontrance en rentrant pour l'inquiétude qu'elle lui avait causé mais il n'en gardait aucune rancœur il était même soulagé qu'elle s'en soit sorti indemne.
Actuellement le commandant de la seizième le fixait toujours circonspect.
- Qu'est-ce qu'il se passe Ojutaï ? Cauchemar ?
Le petit dragon le regarda quelques secondes encore embrumé dans les affres de son rêve.
- « Isaya. Elle vient de faire un terrible rêve à moins que ce soit une vision, je ne suis pas sûr mais ce n'est pas réjouissant. »
Le pirate médita quelques secondes sur ses paroles avant que le dragon ne lui explique plus en détails la raison de son inquiétude.
Izou lui demanda donc :
- Vous partagez vos rêves ?
- « Pas à cette distance normalement, ce qui est justement inquiétant. Je n'aurais pas dû voir ce qu'elle a entraperçu. J'ai un très mauvais pressentiment actuellement. »
Tous deux retombèrent dans le silence avant que le commandant ne le brise :
- Devrait-on en parler au capitaine ou qui que ce soit ? Doit-on craindre une menace, est-ce un danger ?
Ojutaï réfléchit quelques secondes.
- « J'en parlerait à Ed au matin sait-on jamais. »
Sur cette conclusion il se rallongea de tout son long près de la jambe de l'homme dans son lit d'infirmerie essayant de chasser le nouveau frisson d'inquiétude qui le parcourait tout en pensant à sa maîtresse si loin de lui en ce moment.
[...]
Quelques heures plus tard Marco se dirigeait de bon matin vers l'infirmerie, deux tasses de café en main. Il était allé les chercher pour lui et Izou comme il le faisait depuis le réveil de son ami.
Arrivé devant la porte il la poussa de son pied et y pénétra doucement au cas où son camarade dormait encore mais fut surpris de le voir éveillé et discutant avec Gil. Les deux hommes étaient tellement pris par la discussion qu'il ne le remarquèrent pas tout de suite, c'est en s'approchant du lit d'Izou que le médecin de bord releva la tête en coupant sa phrase dans son élan mais le commandant de la première division l'entendit clairement s'arrêter sur le prénom d'Isaya.
Marco salua les deux hommes de la tête avant de s'installer sur une chaise près du lit du patient, posa les cafés sur un guéridon et demanda :
- Déjà réveillé ? Mauvaise nuit ?
- Je dors déjà la majeure partie de la journée donc difficile de me reposer encore plus. Et puis Ojutaï n'a pas arrêté de bouger dans son sommeil tellement il était inquiet pour Isaya donc impossible de fermer les yeux avant que le soleil ne se lève. Je me rattraperai plus tard.
Le phénix tiqua à la mention de la dragonnière mais ne pipa mot.
À ce moment Gil qui était resté silencieux les laissa et se dirigea vers la sortie. Il leur lança avant de quitter la pièce :
- Je vais prendre un petit-déjeuner avant d'attaquer ma journée qui sera chargée, j'ai des rappels de vaccins à faire et je sens que je risque de courir après certains membres d'équipage donc autant prendre des forces.
Izou lui lança un bon courage auquel le médecin de bord lui répondit d'un geste de la main avant de sortir définitivement.
Marco reporta son regard sur l'homme alité, une question lui brûlait les lèvres mais il la chassa avant de demander prudemment :
- Un souci avec le dragon ? Où est-il ?
Le patient souffla :
- Apparemment. Ojutaï a fait un terrible rêve, enfin d'après lui ce serait plus une vision car il n'est pas sensé ressentir Isaya à cette distance. Il est terriblement inquiet et est parti en parler au paternel aux premières lueurs de l'aube.
Le phénix fronça les sourcils à ses paroles avant de demander :
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- D'après Ojutaï Jace, leur ancien ami devenu ennemi qui est la cause pour laquelle ils ont débarqué dans notre monde, serait potentiellement ici et bien en vie.
- Et si cela s'avère être vrai, Isaya est en danger ?
- Oui, d'après Ojutaï il est assez fou et dangereux pour la traquer et tout faire pour la tuer.
Un lourd silence s'abattit sur les deux hommes. Izou voyant son ami se mordre la lèvre en pleine réflexion lui demanda doucement :
- Marco, tu lui en veux encore pour ce qui est arrivé ?
Après presque une minute le phénix souffla :
- Non. Pour être honnête je lui en ai voulu d'avoir foncé tête baissée et t'avoir mis en danger, elle qui est normalement si posée et intelligente mais j'ai mûrement réfléchi depuis. Tu es en vie, sur la voie de la guérison et j'ai essayé de penser comme elle l'avait fait ce jour là. C'est Ojutaï qui m'a le plus aidé et étonnamment Watson et Gabriel de la quatrième.
Izou tiqua :
- Les jumeaux ?
- Oui, quand Isaya a retrouvé le premier fragment. L'un des jumeaux s'est retrouvé totalement hypnotisé et n'a pas pu s'empêcher de vouloir le toucher. Ils ont parlé de murmures qui t'appellent et de la sensation qui te pousse à t'en emparer, occultant tout ce qui t'entoure.
Marco soupira avant de reprendre le regard baissé sur ses mains jointes.
- Et puis Isaya semblait assez désespérée de rentrer chez elle pour en oublier qu'elle se dirigeait tout droit vers un navire de la marine. Sans oublier qu'en réalité elle ne connaît que peu de choses de ce monde, pirates – marines, je ne suis même pas sûr qu'elle ait complètement compris les enjeux et politique d'ici. On en a rarement parlé, ce qu'elle sait c'est surtout à travers les livres de la bibliothèque.
Le commandant de la seizième acquiesça :
- C'est vrai qu'on ne l'a sûrement pas assez préparé à affronter ce monde, on aurait peut-être dû insister un peu plus sur ce côté-là. Mais elle paraissait tellement forte et déterminée. Tu nous imagines nous à sa place si c'était l'inverse, dans un monde totalement étranger, où les gens ont des pouvoirs et se baladent à dos de dragon qui plus est, monde dépourvu d'océans à perte de vue ?
La dernière phrase d'Izou fit rire Marco et celui-ci reprit :
- Quel enfer ! À ce propos Watson m'a raconté en détail son court séjour là-bas. Il m'a avoué que la peur et l'inquiétude d'être coincé de l'autre côté l'avait presque terrassé. Tu imagines, à peine arrivé un groupe armés de lances te menace puis tu te retrouves sur le dos d'un cheval à devoir suivre le mouvement sans savoir ce qu'il va se passer, reposant toute ta confiance sur une seule et unique personne. Isaya l'a fait seule et je trouve de plus en plus étonnant sa réaction presque détachée et à quel point elle est restée maître d'elle-même.
Le commandant de la seizième le laissa continuer de peur qu'il ne cesse de crever l'abcès que le sujet d'Isaya était devenu.
- Watson m'a également expliqué à quel point elle semblait être respectée là-bas. Tous observait ses moindre faits et gestes, scrutant sa moindre réaction, ses paroles et l'analysant. Elle est importante dans son monde ça ne fait pas de doute mais qu'est-elle ici ? Rien qu'une fille paumée qui à la base pensait se sacrifier pour sa patrie après la trahison de son meilleur ami ! Mais qui a survécu et est heureusement tombée sur nous. Sans oublier qu'elle chevauche une sacrée bestiole !
Il leva les bras au ciel montrant à quel point c'était ahurissant quand on y repensait.
- N'oublions pas aussi que le peu du passé qu'elle nous a confié ne semblait pas des plus réjouissant. Elle est vraiment forte bien plus forte que certains ici même. Je commence doucement à me rendre compte maintenant qu'elle doit sacrément en baver même si elle ne le montre pas. Donc comment veux-tu que je lui en veuille encore ? C'est impossible en y repensant sincèrement et je m'en veux de l'avoir ignorée et écartée comme un gamin boudeur.
Il rebaissa la tête honteux et gêné. Izou posa une main sur son avant-bras.
- J'avoue que je ne pensais pas que tu y avais aussi fortement réfléchit de ton côté. Personnellement je n'y avais pas autant pensé même si Ojutaï m'a beaucoup parlé de leur royaume et expliqué beaucoup de choses relatives à celui-ci.
Le silence retomba et le phénix soupira une dernière fois.
- Va vraiment falloir que je m'excuse quand elle reviendra. J'espère sincèrement qu'elle va bien.
Izou coupa l'ambiance morose :
- Bon maintenant que tu t'es épanché, on se le boit ce café ?
Il tira un rire à son ami et la conversation devint plus légère même s'ils se demandaient tous deux quand la jeune femme reviendrait leur rendre visite et si tout se passait bien pour elle malgré les inquiétudes naissantes de son dragon.
Et voici la fin de ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous aura plu. Je suis déjà actuellement en train de rédiger le prochain. Mais comme expliqué dans l'annonce je ne me prononce pas sur la date exacte de publication.
En attendant vos retours sincères, je vous dit à bientôt !
AprilAwake
