Depuis de longs mois, Harry ressentait de plus en plus intensément dans sa tête, une manifestation de lui-même très inquiétante et dysfonctionnelle qui ne le laissait jamais en paix. Au début, incapable de comprendre ce qui lui arrivait, il avait fini par supposer que tout avait commencé à l'aube de la mort de Cedric Diggory. Cet événement tragique avait entaillé l'esprit et les émotions du sorcier, ouvrant la porte à une connexion inquiétante entre lui et sa version qu'il pensait défaillante.

Des soirées comme il venait de la passer restait très rare, habituellement cette sensation d'intrusion forcée dans son esprit se produisait seulement quand il était seul. La solitude lui donnait un besoin d'inventer quelque chose, ou plus tôt d'inventer quelqu'un pour lui tenir compagnie. Tout s'amplifiait, ses pensées, son second alter-ego et ses visions de destruction. Il se dévisageait,lui-même, prêt à perdre la raison et s'enliser plus profondément encore dans un chaos total.

Cela faisait longtemps, très longtemps qu'il n'avait pas réellement apprécié un peu de cohérence dans ses réflexions. L'envie et le dégoût que lui insufflait en permanence son alter, s'était calmé le temps d'un instant. Au profit d'un calme temporaire, emprunt de de neutralité et non d'inquiétude. Il ne se sentait plus surveiller et manipuler, inciter.

Il entra farouchement dans son dortoir et eut la surprise de constater que ses camarades étaient réellement endormis. Habituellement, il en aurait rigolé à tomber par terre, voir sa propre silhouette surplombant ses camarades, se délectant, dans une pleine exaltation a l'odeur ferreuse du sang. Forçant au fond de lui un besoin de violence qu'il n'aimait pas ressentir.

Heureusement pour lui, ce soir, il aperçut Ron endormi et le doux bruit de son ronflement calma la palpitation en euphorie de son cœur. Il prit sa baguette qu'il préférait laisser sur sa table de nuit et eut le soulagement de ne pas entendre une supplication ordonnant dans un murmure les proies qu'elle désirait achever.

Il ouvrit sa mallette et il y glissa quelques habits. Conscient qu'il ne reviendrait pas durant deux mois. Sa male en main, il Libera Edwige, et s'apprêta a partir en direction du dortoir des Serpentards.

Pris soudainement d'un étrange sentiment, Harry leva les yeux, perdu. Comme un crime parfait, tout paraissait trop normal , trop logique. Les ombres dans la pièce semblaient étrangement immobiles, et le silence pesant amplifia son malaise. Ses yeux parcoururent la salle, s'attardant encore sur ses camarades endormis. Dormaient-ils vraiment, ou était-ce une illusion rassurante dans laquelle il voulait se croire ? Chaque respiration lui paraissait trop régulière, chaque mouvement trop normal.

Un grand sourire mauvais commença à tirer ses lèvres, ses yeux devinrent acides et son estomac se noua. Il ferma les yeux, tentant de calmer les battements frénétiques de son cœur. Il prit une profonde inspiration, puis une autre, cherchant à maîtriser son fou rire. Après quelques secondes qui lui parurent une éternité, il rouvrit les yeux et fixa son regard sur Ron, dont la rousse chevelure était à peine visible dans la pénombre.

Avançant lentement, presque à contrecœur, il traversa la pièce. Lorsqu'il atteignit enfin le lit de Ron, il hésita un instant, sa main suspendue dans l'air. La peur était toujours là, tapie dans un coin de son esprit, mais il savait qu'il devait vérifier. Doucement, il toucha l'épaule de Ron et murmura son nom, espérant plus que tout que son toucher ne soit pas glacé.

Ron bougea et se tourna vers Harry, visiblement habitué à ses inquiétudes nocturnes.

" Harry ?"

Il se redressa lentement, les yeux à moitié fermés, et prit Harry dans ses bras. La chaleur de cette étreinte dissipa une partie des angoisses de son ami. Encore à demi endormi, il caressa doucement ses cheveux, ses doigts glissant lentement comme pour apaiser un enfant effrayé.

Murmurant des paroles douces et rassurantes, il calma les frissons de panique qui parcouraient Harry. Après un moment, Ron relâcha lentement son étreinte machinalement, il se rallongea. De ses mouvements déjà ralentis par le sommeil, il retrouva le rythme régulier de sa respiration, plongeant à nouveau dans ses rêves.

Loin de lui paraître étrange, la situation éteignit l'alarme dans la tête de Harry. Rassuré, il agrippa de nouveau sa malette et parti avec une bonne fois pour toute.

En partant, il nota une odeur de biscuits de Noël flatter ses narines, Harry se surprit à sourire, se rappelant les innombrables fois où Ron avait cédé à sa gourmandise avant de dormir. Ce parfum réconfortant de cannelle et de sucre évoquait des souvenirs d'enfance, des moments de partage et de complicité.

Encore une fois et maladivement, il s'assura que sa malette était bien fermée, et se dirigea vers la porte. Avec précaution, il l'ouvrit et sortit discrètement. Une fois à l'extérieur, il ferma doucement la porte derrière lui et marcha dans la nuit, prêt à affronter un tout autre personnage qui n'était autre que son professeur de potions.

Severus venait de quitter une entrevue particulièrement déplaisante. Dumbledore lui avait imposé diverses tâches et contrôles concernant le survivant, qu'il n'avait aucune envie ni intention d'exécuter.

En voyant le jeune homme arriver, son expression s'assombrit davantage.

"Êtes-vous prêt, Monsieur Potter ?"

Sans attendre de réponse, Severus tendit la main pour prendre la valise d'Harry. Ce dernier, ne comprenant pas immédiatement le geste, mit sa main sur celle de Severus, croyant que le professeur allait transplaner.

Les yeux plissés, Severus se crispa à ce contact. Le geste d'Harry l'avait pris par surprise et il se demanda, irrité, si le jeune homme n'essayait pas de faire une nouvelle blague de mauvais goût à ses dépens.

Il resta silencieux et transplana avec lui jusqu'à sa modeste demeure.

À peine entré, Harry fut surpris par la petite taille des lieux. Compte tenu des exigences du professeur, un simple quatre-pièces paraissait insuffisant. La maison avait un air vieilli et une forte odeur de vieux livres y régnait. Ils avaient transplané directement dans le salon, la seule pièce de vie de la maison. Bien que petit, cet espace était assez grand pour être confortable sans donner une impression de confinement ou de désordre.

Les lieux semblaient figés dans le temps, chaque détail rappelant une époque révolue. Les meubles anciens, les rideaux usés, et l'odeur de vieux livres créaient une impression d'arrêt. Severus, immobile et le regard rivé sur Harry, paraissait lui aussi figé, comme s'il attendait de l'étudiant une réaction.

"Je souhaite d'abord vous faire savoir que je ne suis pas particulièrement ravi de vous recevoir ici. Cependant, j'espère que vous trouverez un certain réconfort dans la simplicité de mon logement et que vous parviendrez à y profiter d'un peu de repos," dit-il, utilisant un langage soutenu tout en laissant transparaître une contradiction entre ses paroles et son ton.

"Concernant votre… état d'esprit," entama Severus en choisissant soigneusement ses mots, "Vous êtes toujours sous l'emprise de mon patronus, vous pouvez donc dormir tranquille ce soir, je vous donnerai une potion. Si une crise devait se manifester, gardez votre calme : prenez simplement le temps de regarder autour de vous et de respirer jusqu'à ce que cela passe. Je serai à proximité si vous avez besoin de moi."

Alors qu'il expliquait les instructions avec soin, le professeur guida son élève jusqu'à sa chambre.

"Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez clarifier ou des questions auxquelles je peux répondre ?" demanda-t-il.

À cette question, Harry réalisa soudain qu'il n'avait pas prononcé un seul mot depuis qu'il avait fait irruption dans la tour d'astronomie. Il ouvrit la bouche pour répondre, mais s'arrêta en voyant le professeur le regarder fixement. Severus concentré, observait ses lèvres avec intensité, comme s'il déchiffrait chaque mot avant même qu'ils ne soient articulés.

"Je pense que tout est clair," murmura Harry intimidé.

L'élève remarqua que, malgré l'air dédaigneux du professeur, celui-ci lui prêtait une attention plus soutenue qu'il ne l'aurait imaginé. Étrangement, l'homme semblait connaître chaque réponse avant même qu'il ne la formule.

Finalement satisfait, le professeur se détourna et marcha rapidement vers la chambre au bout du couloir. Alors qu'il s'apprêtait à fermer la porte, il se retourna une dernière fois vers Harry.

"Bonne nuit, Potter," murmura-t-il fi sa voix portant sa fatigue du moment.

La porte se referma avec un grincement sourd, résonnant dans le silence de la maison. En un instant, Harry se retrouva de nouveau seul mais dans un tout autre univers. Sa main relâcha sa pression sur la poignée de sa mallette, regardant autour de lui, les lieux étaient sobres, reposant, loin de cette impression d'écrasement qu'il ressentait à Poudlard.

Il s'installa sur le lit et commença à défaire ses affaires, ressentant une étrange familiarité, comme s'il se trouvait dans une maison imprégnée de souvenirs. La chambre, bien que petite, était aménagée avec soin : la tapisserie ancienne se mêlait aux touches de décoration moderne. Le lit d'une personne se trouvait dans un coin, couvert d'un voilage délicat. Harry avait l'impression qu'un enfant avait jadis joué dans cet espace. En observant les livres soigneusement rangés, il eut l'impression de se trouver dans la chambre d'enfant de Severus.

Il s'assit sur le bord du lit et remarqua avec surprise que plusieurs potions étaient déjà posées sur la table de nuit, chacune avec une étiquette claire : une potion de sommeil sans rêve, une anti-stress et une potion contre l'anxiété. Ces préparations soigneusement organisées semblaient témoigner de l'attention méticuleuse portée à son accueil.

Après avoir examiné les potions, il se détendit et s'installa confortablement dans le lit, qui avait été manifestement préparé avec soin pour lui. Le lit était fait avec une propreté impeccable, les draps soigneusement tirés, et un léger parfum de propre flottait dans l'air, renforçant la sensation de confort et d'accueil.