Quand la petite fille apparut aux côtés de Crowley, il n'eut pas le temps de l'arrêter alors qu'elle se jetait sur sa jambe handicapée pour l'escalader. Il siffla (comme un serpent, dira plus tard quelqu'un) et se recula par pur réflexe, heurtant le mur derrière lui. Le choc lui fit reprendre ses esprits, mais ne changea rien à la douleur que la petite avait réveillée.

Il se pencha et l'arracha de sa jambe. « C'est malpoli de monter sur les gens sans avoir demandé avant », l'informa-t-il à travers ses dents serrées, avant de la soulever pour la poser sur la chaise, à côté de lui. « Alors, d'où tu viens ? »

La petite pointa quelqu'un du doigt. « Baba ! »

Il reconnut l'adulte qui se précipitait vers eux pour prendre la petite dans ses bras. « Dis merci à… » commença-t-iel, attendant qu'il complète avec son nom.

« Crowley », grogna-t-il sans réfléchir.

La petite répéta la phrase, tandis que lui se mordait la joue et s'efforçait de garder un visage neutre jusqu'à ce qu'on le laisse tranquille.

« Ça va aller ? » s'inquiéta Newton quand ils furent seuls.

Crowley tenta de répondre avec humour, mais cela ressembla davantage à un grondement agressif, pas assez fort pour être entendu des tables voisines. « Aller où ? »

Aziraphale se tourna vers les deux autres et déclara, « Donnez-lui une minute. » Sans attendre, il engagea une conversation sur les livres utilisés en tant que sources pour les reconstitutions, laissant à Crowley l'espace dont il avait besoin.

Tenir bon, respirer. La main crispée sur le rebord de la table pour ne pas percer sa propre paume avec ses ongles. Lutter contre l'envie de quitter la pièce, car ses jambes ne le porteraient pas loin et sa fierté ne supporterait pas qu'il s'effondre devant tout le monde. Respirer, se concentrer. L'instant présent, un sens après l'autre. L'ouïe : la voix d'Aziraphale, tantôt forte, tantôt faible. Le toucher : le coin de la table creusant sa main. La vue : il rouvrit les yeux, contempla le visage d'Aziraphale, s'imprégnant de chaque détail. L'odorat, le goût : il attrapa son café de sa main libre, le fit tourner sous son nez puis en prit une gorgée, le gardant un moment sur sa langue avant de déglutir.

La panique s'apaisa, la douleur demeurait. Crowley s'y attendait. Il bougea sa jambe avec précaution, la main agrippant toujours le bord de la table. Une épée de flamme dans le genou, voilà ce que ça faisait. D'accord, il y survivrait, et avec de la veine et beaucoup de précautions, il pourrait peut-être même quitter les lieux sans aide. Il avait de la chance. Cela aurait pu être bien pire.


La moitié des étudiants présents avait eu le cœur au bord des lèvres en voyant la gamine se précipiter sur le Dr Crowley. Pourquoi n'était-elle pas allée vers une personne plus gentille et moins dangereuse, comme le Dr Fell ? Elle avait beaucoup de chance qu'il n'ait fait que la réprimander. Ils étaient persuadés que cela aurait pu être bien pire.

Jo avait le cœur au bord des lèvres en se retournant après avoir commandé pour découvrir que Jess s'était éloignée. Iel ne fut rassuré que lorsque le roux – Crowley, avait-il dit – l'avait portée et qu'elle avait de nouveau été visible. Au moins, elle avait trouvé quelqu'un de gentil et doué avec les enfants. Elle avait de la chance, cela aurait pu être bien pire.

Le cœur de Tom lui était remonté au bord des lèvres quand il avait entendu le choc de la chaise contre le mur, et ses propres réflexes s'étaient soudain réveillés, mais ce n'était qu'une gamine qui avait surpris quelqu'un. Le Dr Crowley, plus précisément, et si les rumeurs étaient vraies, il était le dernier qu'on imaginerait être gentil envers qui que ce soit, même un bambin. Il n'avait jamais eu la chance (ou la malchance) d'interagir avec lui et de vérifier la véracité des on-dit. Quoi qu'il en soit, se dit-il en essayant de se détendre, cela aurait pu être bien pire. La gamine aurait pu venir le voir, lui.