« Daphné c'est l'intelligence et Astoria la beauté. » Cordelia Greengrass avait le don pour les compliments empoisonnés. Astoria était toujours gênée de l'entendre dire cette phrase, qu'elle répétait souvent. Elle ne trouvait pas sa sœur particulièrement laide et elle ne pensait pas être particulièrement bête. Mais toute leur enfance, leur mère leur avait seriné cela. Astoria avait toujours eu conscience d'être plus belle que sa sœur. Elle avait des yeux bleu clair, tandis que ceux de Daphné était d'un marron commun, et une chevelure ondulée, quand ceux de sa sœur étaient désespérément raides et ternes. De toute évidence, elle correspondait plus aux canons de beauté.
Malgré cela, elle ne s'était jamais sentie spécialement désirée de la gente masculine de Poudlard. Bien sûr, elle avait régulièrement des compliments mais aucun de ses congénères masculins ne semblait voir en elle plus qu'une amie.
- C'est normal, tu ne leur accordes pas un regard, avait expliqué doctement Danaë. Si tu étais moins obsédée par Malefoy tu verrais qu'il y en a plusieurs intéressés.
- Plusieurs qui ? avait répondu Astoria avec étonnement.
Mais quand Danaë lui donnait des noms son enthousiasme retombait. Aucun garçon n'arrivait à la cheville de Drago. Aucun n'avait son charme, ses yeux bleus perçants, cette ligne un peu dure de la bouche qu'elle trouvait tellement sexy, ce port de tête altier. Aucun n'avait son intelligence et son don pour la magie. Son air indéchiffrable qu'elle trouvait si mystérieux. Astoria aurait pu continuer longtemps cette liste.
« Vraiment jolie. »
Qui aurait cru que ces deux petits mots la mettraient dans un état pareil ? Après quelques jours de félicité, Astoria réalisa rapidement que rien n'avait vraiment changé. Cela ne l'avançait pas à grand-chose que Drago la trouve jolie, peut-être qu'il trouvait beaucoup de filles de Poudlard jolie. Mais en son for intérieur, elle était persuadée que c'était faux. Après tout, Drago n'avait jamais eu une réputation de séducteur. À part Pansy Parkinson, sa grande rivale, elle n'avait jamais vu aucune fille flirter avec lui ou être tactile. Son regard froid et son attitude suffisaient à faire fuir même la demoiselle la plus motivée. Y compris Astoria.
Elle eut l'impression pendant les quelques jours qui suivirent que Drago l'observait du coin de l'œil mais cela aurait pu tout aussi bien être un effet de son imagination. Elle fut soudain assez lasse de la situation. Elle avait l'impression d'avoir passé les six dernières années de sa vie à penser à lui. Danaë et Alphard lui répétaient pourtant souvent que son obsession pour Drago lui gâchait la vie mais elle ne l'avait jamais réalisé avec autant d'acuité. Pourquoi s'infligeait-elle cela ? Pourquoi se torturait-elle de la sorte ? Mais malheureusement à chaque fois qu'elle le croisait, c'était la même chose : son pouls s'accélérait, son cœur s'emballait, une chaleur étrange l'irradiait. Elle ne contrôlait rien, pas même son regard qui s'obstinait à le chercher à chaque fois qu'elle savait pouvoir le trouver.
Deux semaines après le match, alors que Poudlard s'enfonçait dans la monotonie habituelle du début d'automne, Astoria prit une décision radicale : elle allait parler à Drago. Entamer une conversation, n'importe quoi, mais faire quelque chose. Et elle allait faire ce samedi. La date du samedi n'était pas choisie au hasard, elle avait appris qu'Alan Rosewood, le frère de Danaë, qui était en septième année, allait faire une petite fête, bien entendu non autorisée, dans la salle commune pour son anniversaire. C'était un privilège assez peu répandu : il fallait avoir suffisamment de pouvoir pour que les préfets de la maison tolèrent cette incartade au règlement. Chez les serpentards, tout était question de popularité et d'influence.
Astoria espérait que Drago serait là, elle l'avait déjà vu parler plusieurs fois à Alan lorsqu'ils se rendaient d'un cours à l'autre ou dans la salle commune le soir. Les Rosewood étaient une famille respectable, Drago avait tout à gagner à se rapprocher d'eux. Le plus difficile fut de convaincre Danaë de les faire inviter. Danaë et Alan étaient très proche, elle savait qu'il ne dirait jamais non à sa sœur. Mais Danaë se faisait un point d'honneur à ne pas mélanger leurs cercles d'amis.
- S'il te plait ! S'il te plait ! S'il te plaît !
- Tu n'as qu'à y aller seule, pesta son amie.
- Tu sais bien que ça ferait bizarre… Allez soit sympa.
Les deux jeunes femmes étaient à la serre en train de rempoter des Voltiflor en prévision du prochain cours de botanique. Danaë appuya violemment sur la sienne.
- Je ne te demande pas pourquoi tu souhaites tout à coup aller à l'anniversaire de mon frère, cela pourrait briser ta promesse de ne plus nous casser les oreilles avec Malefoy. Promesse que tu as étrangement tenue jusque-là.
Astoria fit alors un regard si désespéré que Danaë eu un râle d'énervement, avant de tourner les talons :
- Ok ! Mais je ne veux plus en entendre parler jusqu'à samedi !
- Merci ! cria Astoria en direction de son amie qui était déjà loin.
Le samedi arriva à une vitesse surprenante. Plus la date fatidique approchait, plus l'angoisse de la jeune femme montait. Mais elle était trop déterminée pour revenir sur sa résolution : il fallait qu'il se passe quelque chose. N'importe quoi plutôt que de passer 90% de son temps à penser à Drago dans son coin. Elle accorda un soin particulier à sa tenue et passa assez de temps dans la salle de bain pour que Danaë lui soupire :
- Astoria… Tu n'as pas besoin d'artifice je t'assure, tu es magnifique naturellement.
Alan avait toujours été très sympathique. Il accueilli Astoria, Danaë et Alphard avec enthousiasme. Enfin, son enthousiasme fut un peu moins fort pour Alphard, au regard de la relation qu'il entretenait désormais avec sa sœur. Sous son regard, le blond lâcha rapidement la main de sa petite-amie et entreprit une manœuvre de fuite sous le prétexte d'aller chercher une bouteille de bièraubeurre.
Astoria passa une soirée très décevante. Non seulement Drago ne se montra pas mais elle eut assez vite mal à la tête en raison d'une bièraubeurre bue trop rapidement et à jeun. Au milieu de la soirée, avachie dans un canapé, elle entendit Alan dire à un autre serpentard :
- Hey ! Tu peux allez chercher d'autres bouteilles ? Elles sont planquées dans la chambre de Malefoy, le mot de passe c'est « Botruc ».
Astoria eut deux pensées conjointes. D'une part, la chambre de Malefoy semblait finalement assez peu sécurisée si la moitié des septièmes années connaissaient le mot de passe, d'autre part elle trouva logique qu'ils aient choisi ladite chambre comme planque. Elle se demanda si Drago y était en ce moment et l'idée fut si obsédante qu'alors que la soirée touchait à sa fin elle décida d'aller vérifier cette hypothèse par elle-même.
Par chance, l'entrée était particulièrement cachée au détour d'un des couloirs sinueux qui caractérisaient le lieu de vie des serpentards. Des lampes verdâtres éclairaient faiblement le tableau qui en gardait l'entrée. Un jeune homme s'entrainant au tir à l'arc lui jeta un regard mauvais quand elle lui dit le mot de passe.
- Vous m'avez fait rater mon tir ! C'est un vrai moulin cette chambre ce soir !
Astoria pénétra dans la pièce avec un rythme cardiaque qu'elle avait rarement atteint. Est-ce qu'elle était complètement folle ? La chambre était assez mal rangée. Des vêtements avaient été jetés sur un fauteuil recouvert de velours et le bureau était encombré de piles de parchemin. Le lit était fait de bois sombre et de lourds rideaux verts achevaient de rendre la pièce d'apparence petite, comme écrasée par les tentures et les meubles. Il faisait sombre.
Drago n'était pas là.
Astoria arpenta nerveusement la pièce en proie à une grande agitation puis se décida à s'assoir sur le lit. Le fauteuil était bien trop encombré et elle n'osait pas toucher les affaires qui s'empilaient dessus. Elle avait l'impression d'avoir pénétré un sanctuaire interdit. Sur la table de chevet, il y avait une vieille montre à gousset orné d'un serpent : il était presque minuit. Son mal de tête commençait à s'intensifier. Elle s'allongea sur le lit. L'édredon en soie était extrêmement doux et il flottait une odeur surprenante de bois et d'agrume. Astoria décida tout à coup qu'elle serait beaucoup mieux dans son propre lit. Visiblement Drago n'avait pas prévu de dormir dans sa chambre, ce qui provoquait suffisamment de questions dans son esprit pour lui donner envie d'éteindre son cerveau dans un sommeil réparateur.
À l'instant précis, où elle se releva en position assise, la porte de la chambre pivota laissant apparaître la silhouette de Drago, les bras chargés de livres. Il y eut une seconde suspendue où ils se dévisagèrent puis les livres tombèrent avec fracas.
- Stupéfix !
Astoria se sentit se raidir et tomber dans un bruit mat sur le sol, la baguette de Drago pointée sur elle. Si elle avait imaginé à de nombreuses reprises Drago et elle dans une chambre, aucun de ses rêves n'impliquait de tomber sur le sol stupéfixée dans un mouvement peu flatteur.
- Qu'est-ce que tu fais là ? glapit Drago.
Elle ne put évidemment lui répondre étant donné son état. Le jeune homme bondit à ses côtés et lui arracha sa baguette de la poche avant de la libérer par un sortilège informulé.
- Répond !
Astoria se releva en grimaçant, elle avait terriblement mal à l'épaule.
- Mais ça ne va pas la tête !
- Tu voulais me tuer ?
La jeune femme le dévisagea avec stupéfaction. Drago semblait dans un état de tension maximale. Elle leva les mains dans un signe d'apaisement.
- Calme toi, je ne te veux aucun mal, il n'y a pas besoin de me menacer avec ta baguette.
Drago souffla et abaissa sa baguette, toujours nerveux. Il plissa les yeux et inspecta sa visiteuse.
- Tu es la sœur de Daphné Greengrass ?
- Oui. Je suis… Astoria.
- Et qu'est-ce que tu fais dans ma chambre si ce n'est pas un guet-apens ?
Astoria ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Elle essaya péniblement de se rappeler quel était le plan initial. Elle avait du mal à réfléchir.
- Et bien euh… Je t'attendais…
Le sourcil de Drago se leva.
- Tu m'attendais ? Mais pourquoi ?
Sa voix était beaucoup plus calme à présent. Il devait avoir décidé qu'elle n'était pas un si grand danger. Astoria, jouant le tout pour le tout, décida de reprendre contenance. Au point où elle en était, elle n'avait plus rien à perdre. Elle croisa les bras avec un air faussement assuré.
- Enfin Malefoy, je ne vais pas te faire un dessin, il n'y a pas milles raisons pour lesquelles une fille t'attendrait dans ta chambre.
Drago resta si longtemps immobile, qu'Astoria crut un instant que c'est lui qui avait été stupefixé. Puis il lâcha un simple :
- Oh. Je vois.
Drago la regardait maintenant avec insistance de haut en bas et elle fut soudain gênée d'avoir choisi une jupe aussi courte et un haut aussi décolleté. Après un instant, il ajouta :
- Et tu fais ça souvent ? Je veux dire… attendre quelqu'un dans sa chambre.
Astoria rougit de colère. Le sous-entendu était quand même assez insultant.
- Non ! Tu… Tu…
Drago semblait désormais amusé par la situation. C'était pire que tout. Il la prenait pour une idiote, ou pire… Elle décida que le moment était bien choisi pour tenter une retraite. Elle recula de quelques pas calculés vers la porte, tandis que Drago, plus détendu, balançait son sac sur le fauteuil déjà encombré et s'asseyait sur son lit avec nonchalance. Il remarqua le petit manège d'Astoria.
- Tu vas où ?
- Et bien euh… Je retourne dans ma chambre.
- Ah, tu te dégonfles, constata le blond en retirant sa cravate.
Astoria se figea. Elle détestait le ton arrogant qu'il avait pris mais ne pouvait s'empêcher d'apprécier la vue de Drago assis sur son lit, la cravate désormais défaite.
- Pas du tout ! Mais tu n'as pas l'air intéressé donc je te laisse tranquille et, vu l'heure tardive, je pense qu'on a tous les deux besoins d'une bonne nuit de sommeil.
- Qui a dit que je n'étais pas intéressé ? intervint la voix trainante de Drago.
à suivre...
