Chapitre 1 : La nouvelle Reine

Citadelle sacrée de Dol Khamuur, rivage Est de la mer de Rhûn, Mars de l'année 3020 du troisième âge. (NDA : pour vous illustrer la ville et son architecture, j'ai imaginé un visuel assez ressemblant à la ville de Pingyao en Chine).

Reine Ludmilla de la Maison Vizlah

Sur la colline qui surplombait la scène, la Reine Orientale Ludmilla de la Maison Vizlah regardait avec délectation ses troupes terminer d'enfoncer les grandes portes de Dol Khamuur. Cité fortifiée de forme rectangulaire, elle possédait une ouverture sur un petit port placé sur la rive Est de la mer intérieure de Rhûn. Sa fondation datait d'une époque lointaine, de celle où les premiers Seigneurs de Guerre Orientaux avaient commencé à s'établir dans cette région. Ses murs en pierre mesuraient pas moins de neuf mètres de haut sur quatre de large et couraient sur une longueur totale de presque cinq kilomètres afin d'assurer la sécurité de la ville qui avait connu son apogée lors du règne du roi Khamûl avant son basculement dans les ténèbres. Pour accéder à la ville il existait également deux grandes portes gardées par des tours : une située au sud et l'autre au nord donnant sur la forêt. Au fil des âges ce village devenu Cité, avait très peu changé de dirigeant jusqu'à l'arrivée au pouvoir de l'Ombre de l'Orient puis de sa garde par la Maison Ulfang et des forces de Sauron. Constituée de maisons traditionnelles, de temples et de commerces, cette ville avait longtemps rayonné par la force de son économie et de sa culture. Sous l'égide du Seigneur Noir elle avait été cependant délaissée au profit d'autres forteresses situées plus proche des frontières du Gondor afin d'y faciliter les incursions militaires. Ainsi la guerre n'avait que peu impacté sa vie quotidienne si on omettait les hommes partis et morts au combat.

Au-delà de l'aspect stratégique de cette ville, cette prise serait un coup d'éclat pour la jeune Reine qui escomptait bien lui rendre ses lettres de noblesse. Entourée de ses généraux, Ludmilla était penchée sur une carte qui représentait Rhûn et ses alentours. Lorsqu'un cavalier porteur des nouvelles du front arriva, elle s'en désintéressera pour venir à sa rencontre. Celui-ci s'arrêta à quelques mètres et passa devant sa garde d'élite rattachée à sa protection avant de s'incliner en signe de respect.

- Ma Reine, les portes vont bientôt céder. Que fait-on ? lui demanda-t-il en relevant le regard vers elle.

Sourire aux lèvres, Ludmilla fit un signe de la main à l'homme à ses côtés en charge des drapeaux de communication avec le reste de l'armée.

- Que les navires cessent leur attaque, intima la guerrière.

Ce dernier hocha la tête avant de transmettre les instructions à son homologue situé en contre-bas qui les relaya à son tour. Grâce à ce procédé une poignée de secondes suffisaient pour que les bateaux reçoivent les ordres et fassent taire les catapultes fixées à leurs ponts. Ainsi ses soldats ne seraient pas pris entre deux feux. Satisfaite de l'efficacité de ses hommes, elle refocalisa son attention sur le champ de bataille. La victoire ne faisait aucun doute désormais. Quelques fanatiques des Maisons rivales allaient certainement vouloir se battre jusqu'au bout, mais elle constatait déjà quelques fuyards au loin qui abandonnaient leurs postes. En digne guerrière Orientale elle méprisait ces lâches qui préféraient sauver leurs vies plutôt que de se battre auprès de leurs frères et sœurs d'armes. La bataille avait été sanglante et le siège durait maintenant depuis presque 1 mois mais son dénouement arrivait enfin. Ludmilla enfila son casque de guerre Oriental pour ensuite se diriger vers son destrier et l'enfourcher. Il était temps d'en finir.

- Je conduirai moi-même la dernière offensive. Transmettez l'ordre que les lanciers suivent la charge de la cavalerie.

La guerrière se dirigea au trot au-devant de la 1ère Légion de Cavalerie qui patientait en retrait pour se tenir face à elle. Son regard en amande encerclé de Khôl balaya ses soldats, fière du chemin parcouru à leurs côtés. La 1ère Légion avait une place toute particulière dans son cœur car elle constituait la première armée qu'elle avait assemblée durant son ascension au trône de sa Cité. Les hommes et les femmes qui la composaient lui vouaient une dévotion sans failles et leurs courages n'étaient plus à démontrer. Jamais ils n'avaient failli et jamais ils ne failliraient. Prenant une grande inspiration, elle s'adressa à ses fidèles d'une voix forte :

- Mes frères et sœurs, il est temps de terminer ce que nous avons commencé lors de la Grande Révolte ! Je sais que je peux compter sur chacun et chacune d'entre vous pour respecter son serment envers moi mais aussi envers notre terre ! Cet instant sera celui où nos enfants pourront raconter avec fierté la bravoure de leurs ancêtres qui auront contribué au début du nouvel âge d'or de notre civilisation !

Plusieurs cris retentirent en échos à ses paroles, aussitôt suivis par le bruit d'un millier de poings frappant le plastron de leurs armures Orientales. Ils étaient prêts et ce spectacle remplissait d'allégresse la Reine. Enhardie, Ludmilla tira son cimeterre du fourreau pour pointer le bout de sa lame vers la Citadelle.

- Pour Rhûn ! Scanda-t-elle tout en lançant sa monture en tête.

Les mille cavaliers galopèrent alors derrière leur Reine, hurlant à la guerre et promettant le trépas à leurs ennemis. Chaque destrier portait une armure faite d'écailles couleur or, si similaire à celles de leurs cavaliers. Les quelques lieux à parcourir furent vite engloutis sous le rythme imposé par Ludmilla et son porte-étendard. A peine arrivèrent-ils aux grandes portes de la Citadelle qu'enfin elles cédèrent dans un craquement sinistre : affaiblies par les projectiles venant des navires et vaincues par l'énorme bélier des belligérants qui se protégeaient des flèches ennemies. Le reste de l'armée avait laissé un grand corridor aux cavaliers qui avaient pour rôle de forcer les rangs de leurs ennemis qui les attendaient très certainement derrière.

En effet, leurs lanciers et archers se tenaient déjà prêts à tenter de repousser les assaillants mais d'un rapide coup d'œil il était évident qu'ils ne seraient pas assez nombreux. Comme au ralenti, les chevaux lancés au galop fendirent le mur de lances et d'épées au prix de la vie de plusieurs soldats et braves chevaux empalés par leurs pointes. Ludmilla était toujours en tête avec à ses côtés le reste de la légion et passa sans souffrir de la moindre blessure. Sa lame dansa, tranchant et mutilant sur son passage les pauvres soldats Ulfang sur sa trajectoire et rien ne semblait arrêter son avancée. Après avoir forcé la première ligne, la cavalerie atteignit les archers pour les tailler en pièce. Plusieurs reculaient déjà ou tentaient de s'enfuir devant cette charge impressionnante et implacable. Après quelques minutes d'intense combat, Ludmilla prit un instant pour regarder la scène dans son ensemble pour constater que la percée avait été un franc succès. Son infanterie était aussitôt arrivée en renfort, prenant en tenaille leurs ennemis entre eux et les cavaliers qui les avaient contournés. Afin d'éviter de confondre ses soldats tous portaient à leurs tenues une marque ou un foulard rouge pour les identifier durant la bataille. Une tactique qu'elle avait mise au point dès les premières heures de ce qu'on appelait désormais la Guerre des Cités. A l'occasion d'une passe d'arme avec un ennemi, elle constata avec dégoût la présence d'Orques dans les rangs adverses. La souillure se devait d'être nettoyée. Comme prévu la Reine ne s'attarda pas et continua sa route, accompagnée de sa garde royale, délaissant ses autres troupes qui avaient pour tâche de se débarrasser des derniers défenseurs. Inutile de rester, ses soldats savaient quoi faire et désormais son objectif était tout autre. Elle galopa avec ses fidèles à travers les rues et fût satisfaite, bien qu'un peu déçue, de l'absence de résistance, ce qui leur permit d'accélérer et d'atteindre leur destination située au centre de la ville: le Grand Palais. Comme le reste de la Cité, celui-ci était fait de charpentes en bois supportées par des fondations faites de pierres. De grandes statues étaient érigées de part et d'autres de son entrée, glorifiant pour l'éternité les plus grands guerriers Orientaux des époques passées. Elle monta les marches qui menaient à son entrée et mit pied à terre une fois arrivée au sommet. Une dizaine de gardes leur barra la route comme un ultime baroud d'honneur. Concentrée, Ludmilla esquiva la première attaque d'un soldat qui tenta de la transpercer à l'aide de sa lance en effectuant une rotation sur l'arme avant de prendre un poignard et l'enfoncer dans le cou du malheureux. Un deuxième se jeta sur elle. La guerrière croisa le fer, lame contre lame, avant de balayer les pieds de son agresseur et de l'achever à terre. Les autres guerriers eurent tôt fait d'en finir également, perdant au passage deux camarades. Ainsi était la guerre et le temps n'était pas au deuil. Ludmilla pénétra à l'intérieur du palais, ne prenant pas le temps d'admirer les colonnades pour se rendre directement dans la salle du trône: magnifique et également pourvue de statues en hommage des anciens, plusieurs bannières étaient disposées ; Toutes aux couleurs de la Maison Ulfang. Cependant pas un soldat ennemi en vue : seul quelques prêtres se trouvaient encore là, pour certains occupés à prier. En apercevant les envahisseurs, l'un deux se dirigea vers elle en vociférant :

- Profanatrice, infidèle, vous n'avez aucun droit d'entrer en ce lieu ! Cette Cité est sacrée, seul...

Il arrêta son flot d'invectives lorsque la guerrière le fit taire en lui plongeant sa lame dans le ventre. L'homme s'effondra sur elle, dont la Reine se dégagea en l'envoyant à terre d'un geste sec du pied. Un autre voulu intervenir et connu le même destin funeste. Les autres quant à eux gardèrent le silence, peu désireux de rejoindre leurs compagnons dans la mort. Souillée par le sang de ses ennemis Ludmilla se dirigea vers le trône, sourire aux lèvres. Elle frôla des doigts le siège finement ouvragé fait d'or avant de se retourner vers les religieux.

- Moi Ludmilla de la Maison Vizlah, me proclame héritière de Khâmul l'ancien, roi des terres de Rhûn. A compter de ce jour et à jamais je deviens la nouvelle Ombre de l'Orient et vous sommes de vous prosterner et me servir... Ou périr.

Les prêtres se regardèrent brièvement avant de ployer le genou et baisser la tête en signe de soumission. Satisfaite, Ludmilla ordonna à ses guerriers :

- Faites sonner les cloches de la ville pour annoncer notre victoire. Que nos ennemis se rendent ou meurent. Quant aux orques, tuez-les tous. Aucun survivant, ordonna-t-elle.

- Et pour les prêtres ?

- Enfermez-les jusqu'à ce que je décide de leurs sorts.

- Oui ma Reine, lui répondit l'Orientale en s'exécutant.

Lentement, Ludmilla prit place sur le trône tout en défiant du regard les religieux qui étaient emmenés. Le commandant de sa garde vint se placer à ses côtés en bon protecteur qu'il était pour celle qu'il avait autrefois entraîné. C'est à cet instant que des Sœurs de l'Ordre des Sayyad'nuur, aussi appelée en langue commune Sœurs de l'Ombre. Vêtues de cape rouge écarlate, cette confrérie composée uniquement de femmes était devenue au fil de la guerre un allié de choix dans sa quête du pouvoir. Mêlant anciennes croyances et rites obscurs, la création de cet Ordre remontait à des millénaires et avait quasiment disparu lors du début du Troisième Age... Du moins le pensait-on. Si des rumeurs couraient sur les Sœurs, allant d'un groupe d'adeptes de Morgoth à une simple secte de fanatiques, il était difficile de démêler le vrai du faux.

Lorsque l'une d'entre elles l'avait rencontré pour la première fois pour proposer leur aide, Ludmilla était restée septique quant à une telle alliance... Qui s'était, à son grand étonnement, montrée très rapidement bénéfique. Bien qu'elle ignore comment, ces mystiques disposaient de ressources qui s'étaient avérées cruciales à de nombreuses reprises. Informations, sabotages, assassinats... Leurs services étaient aussi variés que précieux pour un dirigeant.

La sœur qui se prénommait Daï de la Maison Huan vint à sa rencontre pour venir s'incliner face à la Reine.

- Une grande victoire Ory'Shaya, Reine de l'Est. Ce jour restera gravé dans les mémoires.

- Une victoire coûteuse, précisa Ludmilla en ne faisant plus attention au nom qui la désignait dans l'ancienne langue.

- Une victoire nécessaire, souligna avec un sourire la Sayyad'nuur. Après votre couronnement, les autres Maisons auront tôt fait de reconnaitre votre légitimité.

- Je veux que ça soit fait au plus tôt. Il faut étouffer toute forme de contestation.

- ça sera fait ma Reine, lui assura Daï.

Soudain, un bruit de bâton tapant le sol attira leurs regards. Un homme habillé d'une cape bleue et d'un chapeau pointu assorti venait de pénétrer dans la grande salle. Les deux femmes dévisagèrent le nouvel arrivant avant que ce dernier ne s'arrête à quelques mètres du trône et incline la tête en signe de respect.

- Des félicitations s'imposent, lui dit-il.

- En effet Mage Pallando.

Comme tous les Istari, le magicien avait l'apparence d'un vieil homme. Bien entendu Ludmilla ne s'y fiait pas, bien consciente des pouvoirs de celui qui se trouvait en face d'elle, tout comme sa compagne Sayyad'nuur qui restait toujours sur la réserve en sa présence.

- J'ose espérer que le sang va finir par arrêter de couler désormais. Qu'allez-vous faire des prisonniers ? La questionna-t-il en redoutant la réponse.

L'Orientale fit mine de réfléchir avant de lui répondre :

- Ceux et celles qui voudraient me rejoindre sont les bienvenus. Les autres seront enfermés pour le moment.

- Un signe de générosité, félicita son interlocuteur qui connaissait la tendance de ce peuple à régler dans le sang les problèmes qui se posaient.

- Je ne suis pas généreuse, juste pratique. Si nos ennemis savent que nous ne massacrons pas nos prisonniers, ils seront moins enclins à se battre jusqu'au dernier.

- Je vous...

- Cependant, coupa la dirigeante, la peur est également utile. La moitié des soldats qui ne voudront pas nous rejoindre sera exécutée.

- Mais...

- Je n'aime pas combattre deux fois mes ennemis, déclara-t-elle d'un ton tranchant pour mettre fin au débat.

- Une sage décision, approuva la Sœur de l'Ombre.

L'Istari dévisagea du regard cette dernière avant de plonger son regard dans celui de la Reine. Bien qu'habitué à la culture Orientale, le Mage Bleu redoutait une telle décision. Ludmilla était devenue avec le temps une véritable cheffe de guerre et il espérait que leurs enseignements à lui et à Alatar ne serviraient pas un jour créer un nouvel agent du mal, d'autant avec la présence constante de ces Sœurs qu'il désapprouvait. Seul l'avenir le dirait.

- Bien que je n'approuve pas cette décision, celle-ci vous revient.

- Exactement.

- Maintenant que la plupart de nos ennemis sont défaits à Rhûn, il nous faut avancer dans nos projets concernant l'Ouest. Le regard de Minas Thirit se posera sur nous promptement, déclara Daï. Nos sources confirment que votre montée en puissance inquiète le Roi Elessar.

- A raison, argua Pallando. Il ne vous connaît pas et risque de voir dans votre ascension une menace à son règne. Avez-vous décidé de ce que vous vouliez faire ?

- La Vision des Sayyad'nuur sera suivie.

- Merci ma Reine, dit en réponse la Sœur.

- Je sens votre réserve Pallando. Le mage Alatar semblait en accord avec nos plans ?

- J'en comprends son but mais le moyen reste à mes yeux extrêmes.

- C'est pourtant ce qui se pratique sur mes terres. Trouvez-vous cela trop pour l'Ouest ? Sommes-nous si cruels à vos yeux ?

- En aucune façon.

- Dans ce cas nous nous verrons au prochain Conseil. Vous pouvez disposer, j'ai à faire.

Après une dernière révérence l'Istari s'exécuta, un peu vexé de se voir ainsi congédier, sous le regard satisfait de la Sœur de l'Ombre.

- Ce mage reste un aruetii, étranger. Il ne peut comprendre nos us, déclara Daï qui ne manquait jamais une occasion de dénigrer le Mage Bleu.

- Il a son utilité, contra Ludmilla.

- Je vous le concède. Qu'en sera-t-il lorsque ça ne sera plus le cas ?

- Nous aviserons en temps voulu.

- Votre parole fait loi.

- Mes troupes vont sécuriser le Palais puis nous nous retrouverons où vous savez. Vous pouvez disposer.

- Je vous y attends Ory'Shaya.

La Sœur s'inclina avant de disparaître