On passe à la suite ! J'avance plutôt bien de mon côté en parallèle (¾ acte 2 écrit), même si j'ai dû refaire tout un pan de l'acte 2 parce qu'en voulant être trop gentille, j'ai fait Astarion rompre avec moi lol. Ça fait mal de le voir s'énerver contre soi mais c'est bon, j'ai rattrapé le coup, tout est reparti comme avant... et cela m'a donné une idée pour cette partie de l'histoire quand j'y serai. Hé hé hé !

Merci aux personnes qui me laissent un petit mot et aux lurkers arpenteurs des ombres silencieux:) Mon compteur de vues ne marche plus du tout sur mon tableau de bord donc j'ignore complètement le flux généré, mais qu'importe. N'hésitez pas à dire coucou !

Journal des reviewers :

Seulie : Yay ! Ça veut dire que j'embarquerai au moins une personne jusqu'au bout ! Super ! J'espère du fond du cœur que tu ne seras pas déçue du voyage autant que j'ai pris de plaisir à écrire cette aventure.

Daidai : Merci beaucoup et bienvenue à bord ! Ravie de de compter dans l'aventure !

Bon ! Tout le monde il est là, il est temps de semer les graines de mon histoire... et de leur histoire. Là commence mon vrai défi ! Ai-je réussi à transposer correctement nos protagonistes à travers les gestes et les actions là où le jeu le fait par les paroles avant tout ? C'est parti !


CHAPITRE III – ANGOISSANT VIDE

Le jour parut décliner d'un seul coup, emporté par l'ampleur des événements extraordinaires traversés. L'air se chargea de frais tandis que le bleu du ciel se teintait des chaudes couleurs mordorées du soir qui d'ici quelques heures, se mouvraient de parme violacé jusqu'à la nuit.

Une large ouverture naturelle dans la roche calcaire apparut par providence aux rescapés fatigués. L'endroit était assez grand pour y accueillir tout le monde en plus de leur offrir un abri du vent pour la nuit. Seul le bruit de l'eau léchant le rivage de sa langue d'écume les dérangerait.

« Établissons-nous ici pour ce soir, proposa Ombrecoeur en scrutant rapidement l'intérieur de la cavité.

_ Cela me paraît bien, appuya Gayle dans un hochement de tête. Je m'occupe de nous mettre à l'aise. »

Le magicien leva les mains et les remua de gestes lents tout en énonçant quelques formules. De la lumière rosée qui naquit de ses paumes se formèrent des tapis sur le sol, des toiles de tente et autres accessoires bienvenus pour leur confort. Lae'zel, Ombrecoeur et Astarion l'observaient faire, bien plus soulagés en leur for intérieur que leur visage ne l'exprimait.

Silesta, elle, était bien loin de s'émerveiller des talents magiques de Gayle. Depuis de longues heures maintenant, son esprit bourdonnait d'excitation tout comme il était nimbé de brouillard. Ses yeux erraient dans le vague et pourtant, mille images défilaient devant elle. Rien d'étonnant étant donné tout ce qui s'était passé était-il facile de penser, mais ce n'était pas le plus dérangeant en cet instant. Ce qui traversait son esprit encore et encore n'était autre que les affres à bord du vaisseau et tout ce qui s'en était ensuivi. Mais avant tout cela ? Avant de voir cette horreur s'approcher de son œil en se tortillant et l'atroce sensation de la sentir pénétrer sa tête ?

Une profonde inspiration la prit tout à coup alors que son regard venait enfin de se focaliser sur quelque chose. Sans s'en apercevoir tant elle était absorbée par sa réflexion, Silesta s'était approchée du bord du rivage. L'eau fraîche venait agripper ses chevilles et refroidissait le cuir usé de ses bottines. Et juste au-dessus, un reflet. Son propre reflet.

Elle se pencha un peu et détailla ce que la surface miroitante dorée lui renvoyait. Elle découvrit une jeune femme humaine d'une vingtaine d'années, vingt-cinq tout au plus, au visage ovale quoique creusé au niveau des joues. Elle pinçait subrepticement les lèvres dans une expression circonspecte parfaitement harmonieuse avec l'incrédulité qui habitait ses yeux gris. Mais au-delà de ce visage inconnu, ce qui éclatait surtout dans son portrait déformé par l'onde était l'imposante et longue chevelure couleur d'argile qui encadrait ses traits et son corps jusqu'au bas de son dos.

Sans pouvoir détacher son attention de son reflet, Silesta porta sa main droite au niveau de l'épaule et se saisit d'une mèche qu'elle déroula devant elle. L'extension complète de son bras finit par la sortir de sa contemplation et elle longea le ruban cannelle des yeux. Ses cheveux étaient lisses et - détail qui la stupéfia - dans l'ensemble peu emmêlés. Comment pouvait-on avoir une chevelure de près d'un mètre de long en si bonne condition... alors qu'elle n'avait pas souvenir d'y avoir apporté tant de soin et surtout pas de l'avoir vue pousser ?

Elle lâcha brusquement ses cheveux comme si elle eût touché du feu. Qui était cette femme qu'elle découvrait pour la première fois et qui pourtant épousait ses mouvements ?

« C'est moi ? C'est moi... admit-elle dans un souffle incertain. Je ne me souviens de rien...

_ -lesta ? Silesta ? la héla la voix claire d'Ombrecoeur dans son dos. Vous venez? »

La jeune femme sursauta de surprise et pivota sur ses talons. Elle força un sourire qui se voulut détaché et acquiesça.

Le soleil mourrait à l'horizon dans un rai safran étincelant lorsque la compagnie d'infortune se réunit autour d'un feu de camp pour manger. Lae'zel restait en retrait, assise sur un rocher à la bordure de la grotte tandis qu'Ombrecoeur avait préféré le tronc blanc délavé d'un arbre mort échoué sur la plage en prenant soin de garder sa masse à portée de main. Gayle et Astarion, eux, avaient accepté avec bonheur le confort d'un tapis contre le sable froid ainsi que quelques coussins satinés.

Il planait entre le crépitement des flammes une atmosphère indescriptible que Silesta, installée en tailleur à même le sable, se laissa contempler. Le visage lisse verdâtre de Lae'zel était figé dans un renfrognement méfiant, accentué par le feu qui soulignait encore plus les stries noires au-dessus de ses joues. Ses yeux reptiliens perçants scrutaient ici et là, à la fois autour du camp et ceux qui l'occupaient. Silesta fit de son possible pour éviter le contact visuel mais la githyanki était rapide aussi préféra-t-elle tourner ses yeux gris vers l'autre femme du groupe. Ombrecoeur ne remuait pas d'un cil, perdue dans un silence recueilli quelque part dans le brasier. Était-ce une calme résolution ou une prière implorante habilement dissimulée qui se cachait dans ses iris cerclés de noir ?

La jeune humaine porta à sa bouche son morceau de pain avec toute la lenteur possible de crainte de troubler quoi qu'il régnait ici. Elle faisait face directement à Gayle qui lui, était bien plus lisible. L'homme fronçait les sourcils, enlisé dans une intense réflexion contrariée. La jeune femme aplatit son morceau de pain entre sa langue et son palais. Il y avait de quoi l'être.

Elle se surprit à déglutir sous la surveillance d'Astarion qui la guettait du coin de l'œil. La peau éburnéenne de l'elfe irradiait d'un halo d'or qui dansait également dans ses prunelles amarante. De tous, il paraissait être le plus serein, si le mot était possible dans ces circonstances. Un mélange de prudence et de confiance plissait ses paupières et ourlait ses lèvres de façon quasi-imperceptible. Silesta accrocha ses yeux aux siens quelques instants avant qu'Astarion ne poussât un long soupir exagéré.

« Par les dieux, j'ai connu des ruelles désertes en pleine nuit bien plus réconfortantes que cela, lança-t-il vivement pour rompre le silence. De grâce, la journée a déjà été bien assez rude.»

Gayle expira brièvement une intonation mi-amusée mi-coupable et secoua la tête.

« Il est vrai que nous sommes tous chamboulés par ce qui nous a réunis ici, concéda-t-il en considérant les autres un à un. Notre situation est épineuse mais nous sommes tous dans le même bateau. Je sens – et vous la sentez comme moi – une certaine méfiance entre nous. C'est tout à fait compréhensible mais pouvons-nous nous le permettre dans l'urgence qu'est la nôtre ? Le hasard, la chance, la destinée, les dieux ou ce que vous voulez nous a fait nous croiser alors joignons nos forces pour trouver un moyen de nous débarrasser de ces choses dans nos têtes. »

Le silence retomba où le regard de chacun allait de l'un à l'autre, rebondissant avec un plus d'hésitation que de réelle suspicion, sauf peut-être pour Lae'zel qui vous encornait toujours de part en part de ses pupilles fendues. Cette dernière plissa les yeux et lança un mouvement du menton par-delà le feu.

« Vous dites « joindre nos forces », magicien. Mais je me demande encore quelle force celle-ci va nous prêter », siffla la githyanki entre ses dents.

Silesta sursauta alors que ses compagnons se tournaient vers elle d'un même mouvement. Elle n'eut le temps d'ouvrir la bouche que Lae'zel surenchérit :

« Alors, humaine ? Nous n'avons pas encore vu l'ombre de vos talents. »

_ J'ai un nom. Je m'appelle Silesta, répliqua la jeune femme courroucée. Et je... »

Sa vexation fut balayée avec autant d'aisance qu'un pétale sous un typhon avant de laisser place à une horrible sensation de vide. Son ventre se contracta et le pain lui assécha tout à coup la gorge, ce qui lui rendit la déglutition douloureuse. Tous la dévisageaient avec attention et impatience de savoir en quoi elle pouvait être utile à un magicien expérimenté, deux amazones courageuses et un roublard agile et discret. Sa respiration se fit étriquée.

Astarion l'encouragea d'un geste élégant de la main.

« Ne soyez pas timide, très chère. Au point où nous en sommes, tout peut trouver une utilité. »

Loin d'être apaisée par cette tentative, Silesta ravala une goulée de panique. Son cerveau fonctionnait à plein régime elle percevait les mouvements hiératiques de ses pupilles de droite à gauche alors qu'elle forçait à pénétrer sa propre tête. Et rien. Rien que le vaisseau. Le flagelleur mental. La larve. La fuite. Le crash. Et le reste après. Mais avant ?

Ombrecoeur fronça les sourcils, interpellée par le visible affolement de l'objet de leur attention commune.

« Tout va b...

_ Je n'ai aucun souvenir de quoi que ce soit d'autre avant de m'être réveillée dans le vaisseau. »

Dans sa tête, elle avait parlé à toute vitesse mais il n'était sorti en réalité de ses lèvres qu'un murmure dévoisé par un étranglement. La jeune femme leva les yeux vers les autres et lut leur incrédulité. Ils devaient la prendre pour une folle.

« Rien de rien ? insista Gayle. Votre âge, où vous viviez, ce que vous faisiez... ?

_ J'ai découvert ma propre image il y a trente minutes de cela. »

Nouveaux coups d'œils interrogateurs entre eux accompagnés d'un claquement de langue irrité chez Lae'zel et Ombrecoeur secoua doucement la tête sans comprendre. Astarion se contenta de hausser un sourcil gouailleur.

« Ma foi, bien qu'elle vous soit toute récente, votre image est tout à fait plaisante à contempler, soyez rassurée sur ce point, déclama l'elfe avec déférence.

_ Chk. Elle n'a rien d'une combattante ou d'une mage, pesta la githyanki qui venait de se lever. Nous n'avons pas besoin d'un poids mort. Laissons-la se débrouiller et partons de notre côté.

_ Le procès est donc déjà fait ? s'insurgea Ombrecoeur en se levant aussi. Je reconnais bien là le côté expéditif de votre race. »

Lae'zel foudroya la prêtresse d'une œillade noire et la mâchoire serrée. Silesta était encore plus perdue qu'une minute auparavant. Voilà à présent que les deux guerrières étaient prêtes à en découdre par sa faute. Elle se redressa sur les genoux et leva les mains en signe d'apaisement mais Gayle la devança en allant s'interposer entre les femmes qui se toisaient dangereusement.

« Du calme toutes les deux, assena le magicien d'un ton calme néanmoins péremptoire. Nous ne réagissons pas de la même façon avec notre larve et vous ne me ferez pas croire que vous-mêmes n'avez pas traversé ne serait-ce qu'un bref instant de panique quand vous avez compris ce qui se tramait dans votre tête. »

Le temps se suspendit quelques douloureuses secondes durant lesquelles Ombrecoeur et Lae'zel se jaugeaient sans ciller. Astarion guettait tranquillement le spectacle dans une splendide placidité, à croire qu'une morbide curiosité le laissait espérer un dérapage sanglant. Silesta, elle, n'osait plus bouger de peur de mettre le feu aux poudres.

Un profond soupir intérieur la délesta de sa crainte en voyant les duellistes finir par détendre leurs muscles avec une expiration de mauvaise grâce. Gayle avait semble-t-il mis dans le mille. Elles avaient peur au fond d'elles, comme eux tous. Aussi difficile était-ce à reconnaître pour leur fierté.

Lorsqu'elle put reprendre le cheminement de ses pensées, la jeune femme aux cheveux d'argile rencontra le sourire bienveillant du magicien d'Eauprofonde qui lui tendait une main amicale.

« Puis-je ? »

Son interlocutrice cligna des yeux de surprise et posa sa main dans la sienne pour se relever. L'homme ferma les paupières et porta sa main valide à sa tempe.

Une étrange sensation s'insinua dans la tête de Silesta qui eut un faible mouvement de recul en grimaçant. C'était lancinant mais non douloureux, un léger tournis qui disparut aussi vite qu'il était apparu.

« Hmm. Non, rien, dit Gayle doucement. Je pensais que la larve faisait obstacle à votre psyché, mais non. Au-delà des événements du vaisseau, je ne vois rien. C'est comme si vous veniez de naître. »

Ses prunelles grises s'écarquillèrent d'ébahissement à cette conclusion.

« C-Comment est-ce possible ? Vous m'avez vue, je n'ai rien d'un nourrisson qui vient de déployer ses poumons dans son premier cri ! »

Sa voix trahissait plus d'affolement qu'elle ne l'aurait voulu. Elle se sentit stupide de montrer cette faiblesse mais il était impossible d'outrepasser ce sentiment bancal d'avoir son apparence comme seule vérité réelle. Pourquoi elle et pas les autres ?

« Je sais, essaya de tempérer le magicien d'une voix apaisante. Comme je l'ai dit, nous ne réagissons sans doute pas de la même manière avec nos parasites. Peut-être vous faudra-t-il un peu de temps avant que votre mémoire ne vous revienne ? »

Silesta se résolut à hocher lentement la tête, quelque peu tranquillisée. Oui, c'était sûrement cela. Une question de temps. Elle aurait une flopée de souvenirs à recouvrer. Elle les retrouverait. En temps et en heure.

Resté silencieux bien que n'ayant rien perdu de ces quelques échanges fort intéressants, Astarion se lassa de cette lourdeur dans l'atmosphère et se leva à son tour en roulant des yeux.

« Ah, comme vous êtes barbants. Ce joli petit minois est une coquille vide ? » Il se pencha vers Silesta en aparté. « N'en prenez pas ombrage au premier degré, vous avez compris ce que je voulais dire. Je suis sûr que vous avez de l'esprit, au moins un peu. Alors au lieu d'attendre une possible éternité... »

D'un geste précis et élégant, il attrapa la main de sa voisine et la fit tourner sur elle-même comme une ballerine sans qu'elle n'eut le temps de dire « ouf ». Un court frisson la traversa au contact de la main fraîche de l'elfe. La saison était pourtant chaude. Elle eut aussi conscience pour la première fois du poids de ses cheveux qui tournoyaient dans son dos.

« Pourquoi ne pas chercher un peu par nous-même ? Que pouvons-nous déduire de ce que nous renvoie cette demoiselle? »

Il promena une œillade d'une perçante attention sur tout l'être de Silesta au point qu'elle n'osait plus bouger. Elle fit son possible pour rester la plus détachée possible alors que le roublard tournait lentement autour d'elle comme s'il examinait un splendide et précieux costume chez le meilleur tailleur de la ville. Ou comme un loup autour d'un agneau.

« Des cheveux flamboyants comme le cuivre, des yeux couleur pluie... énuméra-t-il.

_ Des traits que l'on peut retrouver dans la région de la Sembie, termina Ombrecoeur. Oui. »

Le sourire de Silesta s'agrandit, le cœur battant. C'était peu, certes, mais elle se sentait déjà un peu plus complète. Lui aussi entraîné par l'élan de positivisme initié par Astarion, Gayle s'essaya à l'exercice. Il se passa la main dans sa barbe d'un air pensif.

« Carnation moyenne de peau...

_ Désolé ma chère, vous ne vous cachez pas assez du soleil, vous n'êtes donc pas de haute naissance. Toutefois... » Astarion se saisit à présent des mains de Silesta et les inspecta brièvement. « Vos mains sont normales, non calleuses, et votre élocution est plutôt bonne. Vous n'êtes donc pas non plus une simple paysanne, mes félicitations. Quant au reste, si nous voulons nous atteler à votre condition physique, il vous faudra vous dévêtir. »

L'allégresse générée par la première moitié de discours d'Astarion s'évanouit subitement en un silence bancal où même l'eau semblait s'être tue. Silesta ouvrit la bouche et expira un effarement non dissimulé en même temps que Gayle et Ombrecoeur haussaient les sourcils si haut à les faire disparaître dans la racine de leurs cheveux sombres. Il n'en fallut guère davantage pour que l'elfe pâle ne se reprît dans un éclat de rire distingué et un geste princier imitant une révérence d'excuse.

« Il va sans dire bien sûr que cela ne serait guère approprié. Nous nous connaissons tous à peine. Je réfléchissais tout haut. »

Avec ce sourire espiègle aussi franc et autant de miel dans le timbre de sa voix, il fut bien difficile à la petite assemblée de croire à la sincérité de ses dires. La jeune femme rousse n'en revenait pas. Cela étant, elle ne s'était pas trompée sur la première impression que le roublard lui avait fait lors de leur rencontre. Astarion paraissait avoir plusieurs visages derrière ce flamboyant panache captivant. Ce qui la troubla le plus fut le fait que cette théâtralité éveillait quelque chose en elle. De la curiosité ?

Suite à cette enquête avortée, Gayle proposa à ses comparses de mettre en suspens leurs tourments pour une bonne nuit de repos bien méritée. La nuit avait chassé l'or du soleil couchant pour peindre dans la toile du ciel son noir le plus profond et cette simple observation suffit à poser une subite chape de fatigue sur les épaules des aventuriers. Ils étaient bien las. Tous approuvèrent et partirent de leur côté pour se rendre à leur paillasse, sauf Silesta qui resta encore un peu près du foyer. Elle ne manqua pas la mine encore pincée de Lae'zel à son encontre avant qu'elle ne lui tournât le dos. La githyanki l'avait à l'œil et ne manquerait pas de lui tomber dessus au moindre faux pas.

Frustrée, la jeune femme gonfla un peu les joues avant de se perdre dans la danse ondulante des flammes. Elle y trouva à son étonnement une forme de paix bienvenue et laissa son esprit se détendre quelque part dans l'inconstance de la lumière primitive.

« La Sembie... murmura-t-elle en se repassant le film de son passage à l'étude. Pas une noble ni une paysanne.. »

Elle ouvrit ses mains qu'elle observa, détaillant ses doigts ni trop longs ni trop courts. Des paumes aux creux et rebonds bien dessinés, définitivement pas ceux de quelqu'un qui maniait le manche d'une faux à longueur de journée. Qu'est-ce qu'une diseuse de bonne aventure aurait à lui conter face à ces lignes gravées aussi nettement ?

Éperdue dans sa contemplation, Silesta ne revint sur terre que lorsqu'une bûche craqua soudainement dans le feu en libérant une faible volée d'étincelles éclatantes. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle. Lae'zel reposait assise, adossée contre la roche de la grotte, Ombrecoeur dormait avec l'immobilisme parfait d'un gisant sur une pierre tombale, Gayle lui tournait le dos avec un bras replié derrière la tête et Astarion... était toujours éveillé ?

Un peu en retrait non loin d'un amas de rochers proches de l'eau, l'elfe à la peau de craie était assis sur un tapis, protégé de la brise par une tenture carmine. Les bras en appui au sol en arrière, son visage guettait un point quelque part dans la voûte nocturne. Le voir ainsi immobile fit une drôle d'impression à la jeune humaine qui n'avait vu jusqu'ici en Astarion que quelqu'un de très versatile dans la parole ou dans le geste.

Sans trop savoir pourquoi, Silesta se leva et s'approcha en prenant soin de ne pas réveiller les autres. Quand elle fut à quelques pas de lui, Astarion baissa le menton et l'accueillit d'un signe de tête.

« Re-bonsoir. Désirez-vous quelque chose? »

La visiteuse se mordit un coin de langue. Excellente question. Elle se sentit idiote lorsqu'elle comprit que c'était une étrange curiosité qui avait entraîné ses pas vers lui. Ses yeux de pluie s'égarèrent sur son hôte. Astarion s'était défait de sa riche veste de brocard brodée pour ne garder qu'une simple chemise blanche à jabot qui s'ouvrait sur la naissance de son poitrail. Sous les cordons qui s'entrecroisaient se devinaient les lignes d'un buste aussi sculpté que ses bras dénudés. Ils étaient tout aussi pâles que le reste de sa peau ivoirine et aux muscles discrets et pourtant bien dessinés. Nul ne pouvait douter de l'ascendance elfique pure d'Astarion. Il était digne de figurer comme modèle d'une statue de marbre taillée dans le soin le plus extrême.

Silesta mit fin à ses pensées d'un furtif mouvement de tête.

« Vous ne dormez pas ?

_ Non. Je dois reconnaître que tout ceci est assez perturbant. J'ai besoin d'un moment pour digérer les informations. Me vider l'esprit. Oh, il est certain que je suis sans doute moins à plaindre que vous, ajouta-t-il derechef avec une pointe de contrition dans la voix. En plus d'avoir une bestiole qui vous grignote le cerveau, découvrir que son esprit n'est que limbe...»

Dit comme cela, c'était effectivement très déprimant. Elle préféra en sourire.

« Je suppose que je ne peux laisser que du temps au temps, reconnut-elle. À ce propos, je tenais à vous remercier. »

L'elfe courba un sourcil sous une surprise intéressée. Pourquoi donc ?

« Cette amnésie m'effraie encore mais vous avez disons... essayé de me remonter le moral. Grâce à vous, j'en sais un peu plus sur moi hormis le fait que je suis une humaine. Avec un kilo de masse capillaire rousse. » Elle eut un faible rire gêné à cette plaisanterie avant de reprendre d'une voix plus basse. « Même si ces suppositions pouvaient s'avérer fausses plus tard, je suis un peu plus que « Silesta » ce soir et cela rassérène mon cœur. Alors merci. »

La tête quelque peu penchée de côté, Astarion considérait sa visiteuse dans un dense silence renforcé par l'intensité grenat de ses iris vissés dans ceux de la jeune femme. L'instant fut cependant bref car l'elfe se para à nouveau de son air malicieux.

« Je vous en prie. Je me languis de découvrir ce que vous nous dissimulez. Êtes-vous la plus commune des mortelles à l'ancienne vie insipide ou au contraire une redoutable mercenaire qui ira nous trancher la gorge dans notre sommeil ? J'ai hâte !» s'exclama-t-il avec l'entrain d'un enfant face à un nouveau jouet.

_ Ahem... Oui, lâcha Silesta qui préférait ignorer la possibilité d'être une assassin. Au fait, si vous n'arrivez pas à dormir, voudriez-vous un thé aux herbes relaxantes ? Si cela peut vous aider... »

L'elfe cligna des yeux de surprise. Quelle charmante créature était-elle. Il gloussa et secoua la tête, faisant danser ses délicates boucles de neige sur son front.

« Vous êtes aimable, mais non merci. Le thé ne fait pas partie de mes habitudes alimentaires. Vous pouvez aller vous coucher sans crainte, je m'occupe de monter la garde.

_ Oh. C'est vraiment gentil, s'étonna agréablement la jeune femme. Merci Astarion et bonne nuit. »

Elle le salua d'une inclinaison de tête et tourna les talons pour retrouver sa paillasse, loin de sentir des yeux rubis l'envelopper toute entière.

« Dormez bien », murmura-t-il, sourire en coin.

Il laissa la silhouette de sa visiteuse s'enfoncer dans l'ombre avec pour seul repère le reflet cuivré de ses cheveux qui se balançaient dans son dos. Intéressante...


Cible verrouillée ! Gniark ! Ah, et ne soyez pas pressés de découvrir le mystère entier Silesta. Chez moi, je distille très lentement mes indices. Mais rassurez-vous, il y aura quand même assez rapidement de quoi lui donner un peu de consistance pour lui faire prendre un peu confiance en elle.

Ça me fait tout drôle le relire la « rencontre » réelle Astarion x Silesta alors que là où j'en suis au niveau de l'écriture, ils ont franchi un sacré cap lol