Yay ! J'ai retrouvé mes 3 reviewers ! Pour fêter ça, chapitre!

Journal des reviewers :

Seulie : Je suis super contente que Silesta te plaise ! J'espère que le développement de son caractère et de son personnage continueront dans ce sens :) Ha ha ! Cool aussi si mon Astarion est convaincant. Des fois, je l'entends prononcer ses phrases mais en gardant l'intonation de sa voix anglaise, c'est très bizarre mais ça rend super mdr

Jennalocked : Ravie d'apprendre que ma prise de risque ait payée ! Pour le plus si affinité, je commence maintenant. Le « gros » avancement, ça sera pour encore assez loin. Mais d'ici là, je ne vous laisserai pas sans rien, t'inquiète !

RingoLemonadeCandy : Je pensais t'avoir perdu(e) en cours de route, ça fait plaisir de te revoir :) En effet, tu avais très bien deviné, bravo ! Reste à voir si tu arriveras à mener l'enquête plus loin sur ce que je réserve à Silesta. Mdr, j'adore le « Un parfait petit enfoiré comme on l'aime », so Astarion, ça ! J'espère aussi avoir saisi les autres persos. Pour l'instant, ils sont assez « secondaires » mais je leur ai donné un peu plus de consistance par la suite.

Première « grosse » cut-scene ! Il faut commencer à marquer son territoire, lol


CHAPITRE VI – BÊTE(S) INTERIÉURE(S)

La fin de soirée précédant le coucher fut pour le moins étrange à bien des égards. Bien qu'elle eût récupéré un fragment de son passé et qu'elle en fût sincèrement très heureuse, Silesta demeurait perplexe et frustrée de n'avoir pas retrouvé pour autant ne serait-ce qu'un souvenir associé. D'accord, elle savait jongler, danser et sans doute exécuter quelques pirouettes – elle se promit de vérifier ce point ultérieurement – mais comment avait-elle appris tout cela ? Comment faisait-elle profiter les foules de ses talents ? Elle fit part de son questionnement à Gayle et Ombrecoeur mais aucun ne sut lui expliquer pourquoi son corps se souvenait mais pas son esprit. Une fois encore, la faute fut rejetée sur l'invité indésirable qui creusait ses tunnels dans son cerveau. Possible, très possible. Cela voulait-il donc hélas dire que tant qu'elle ne serait pas guérie, elle resterait en grande partie une coquille vide ? Cette perspective ne l'enchantait pas du tout aussi préféra-t-elle garder son attention sur sa joie présente : elle en savait plus sur elle et avait de quoi réellement se défendre si besoin.

Une fois ses amis couchés, la jeune femme resta encore un peu avec ses bolas et s'entraîna à jongler avec, découvrant avec délice de nouvelles figures et nouveaux pas au fur et à mesure. C'était comme si elle retrouvait un ami cher après des années de séparation. Elle profita de ce sentiment enveloppant jusqu'à ce que la fatigue et l'échauffement de ses poignets eurent raison d'elle et la contraignirent à aller dormir aussi.

Ses rêves furent encore sans image, hormis peut-être un vague sillon du lumière orangée qui dansait dans de gracieuses courbes – sans doute les retrouvailles avec ses bolas. La même lumière bleutée impénétrable brouillait la moindre esquisse qui se dessinait, ne lui laissant qu'un sentiment accru de frustration et d'interrogation. Ce qui changea de la nuit précédente ne lui inspira cependant rien de bon, bien au contraire. Une horrible sensation d'être prisonnière la tenaillait dans ses songes, comme si son corps percevait un pressentiment qu'il ne pouvait communiquer à son esprit embourbé dans la lumière. Il n'en résultait qu'une angoisse étouffée que Silesta subissait dans un frisson continu.

Elle bascula une nouvelle fois la tête de l'autre côté du coussin qui lui servait d'oreiller, à peine consciente de son geste. Qu'est-ce que c'était ? Elle ne sentait rien sur elle mais distinguait très nettement quelque chose qui passait avec lenteur au-dessus d'elle. La pression invisible de quelque chose qui s'approchait de son visage lui hérissa la peau d'une violente chair de poule. Un souffle tiède à peine notable dans son cou.

Elle ouvrit les yeux. Au-dessus d'elle, le visage pâle d'Astarion lui apparut en gros plan. Silesta étouffa une exclamation de surprise et bondit hors de sa palliasse tout en attrapant la lanière d'un de ses bolas.

« Par les Neuf Enfers, qu'est-ce que vous faites ? » s'écria-t-elle, le cœur au bord des amygdales.

L'elfe recula prudemment d'un pas, les mains bien visibles en signe d'apaisement. Il semblait aussi désemparé qu'elle.

« Ce n'est pas du tout ce que vous croyez.

_ Oh, vraiment ? Et qu'est-ce que je crois ? Que vous vouliez me tuer dans mon sommeil ?

_ Non ! Je ne veux vous veux aucun mal, je l'assure. Je ne veux qu'un peu... de... votre sang. »

Sa voix avait perdu en intensité au fil des mots à mesure que l'effarement de la jeune femme croissait. Du sang ?

Soudain, un rayon de lune qui apparut entre les nuages éclaira la joue éburnéenne de l'elfe, nimbant ses cheveux neige d'une aura chimérique et révélant un éclat rubis intense encore jamais vu dans ses yeux. Le cœur de l'humaine manqua un battement et elle eut un mouvement de recul. Cette pâleur mortuaire, cette couleur rouge irréelle et ces canines allongées qu'elle devinait à présent alors qu'il grimaçait comme un enfant pris en flagrant délit de bêtise...

« Un vampire... » murmura-t-elle. Son corps se tendit et elle attrapa un pan de chaîne de son bolas. « Je vois. Depuis quand ne vous êtes-vous pas nourri ? »

Astarion soupira. Il ne laissait entrevoir aucune envie d'attaquer mais la jeune femme restait alerte au moindre signe. Elle ancra bien ses pieds dans le sol.

« Depuis la nuit dernière. Mais je ne suis pas un monstre. J'ai essayé de me contenter de sang d'animal mais c'est trop peu. Je n'ai touché aucun bipède intelligent, je vous le jure.

_ Du sang d'animal ? Vous êtes un vampire végétarien ou... »

Une vive douleur lui cisailla tout à coup l'esprit et le décor du feu de camp disparut dans les ténèbres. Silesta n'était plus dans son propre corps. Elle entrevit les ombres peu rassurantes des bas-fonds d'une ville l'entourer alors que dans ses mains serrées se débattait un rat. Elle le regardait, muselée par une oppression impérieuse et invisible. Sa volonté n'était plus sienne. Un reflux de dégoût épouvantable la prit à la gorge quand les couinements affolés de l'animal moururent dans un son de morsure dégoulinant.

Au battement de cils suivant, Silesta était de nouveau au bosquet en face d'Astarion qui se tenait la tempe. Elle respira profondément quelques instants, secouée par une envie de vomir.

« Vous... Vous vous nourrissez de bêtes parce que vous n'avez pas le choix ? »

Le vampire se renfrogna, pris au dépourvu. Un relent d'écœurement lui revint en mémoire à ces mots. Elle avait donc vu?

Il eut un bref ricanement sans joie.

« L'un des nombreux petits plaisirs parmi tant d'autres de mon maître bien aimé.

_ Quand bien même, je ne vous laisserai pas me transformer en vampire.

_ Aucun risque. Je ne suis pas un vrai vampire.»

Silesta fronça les sourcils en signe d'incompréhension.

« Je ne suis qu'une engeance de vampire. Seul un vampire à part entière comme mon maître pourrait le faire. Moi, je ne suis qu'un de ses joujoux.» Sa voix transpirait d'une acrimonie sourde avant de presque se briser. « J'ai tenu bon jusqu'à présent mais mon corps est à bout et je ne serai bon à rien pour la suite de notre périple dans cet état de fébrilité. La coupure à votre main m'a fait comprendre que je dansais sur un fil depuis trop longtemps. Je vous demande d'avoir confiance en moi. Juste quelques gorgées pour reprendre assez de force. »

Silesta le considéra un long moment sans rien dire. Il n'avait pas détaché son regard du sien. L'éclat presque bestial de ses yeux quand elle s'était réveillée n'était plus il ne restait qu'une ombre amère presque implorante. Il était sincère. Jamais elle ne l'avait encore vu ainsi.

L'humaine se mordit la langue, prise de tout côté. Bien sûr une partie d'elle était effrayée de tout cela, qui ne le serait pas ? D'un autre côté cependant, la vision des pensées d'Astarion lui retournait encore l'estomac. Que ressentait-on si l'on était condamné à ne se nourrir que de feuilles par exemple alors que l'on avait envie de viande dans une sauce épaisse ? Quelle horreur.

Elle se détendit quelque peu et s'arma de courage. Elle était complètement inconsciente.

« Très bien. Mais pas plus que nécessaire, sinon... » Elle pointa son bolas vers lui.

Astarion cligna des yeux de surprise. Elle acceptait ? Presque aussi facilement ? Lui qui s'attendait au mieux à se faire agonir de mille noms de monstres ou au pire à devoir la tuer pour sa défense, il ne pouvait être plus soulagé. Il avait bien fait de miser sur elle.

De nouveau paré du masque de sa flamboyante splendeur, l'elfe la remercia de son sourire bien à lui.

« Vous avez ma parole. Si vous voulez bien... »

Sur son invitation, Silesta retourna s'allonger sur sa paillasse, non sans une certaine appréhension. Sa main serrait si fort la dragonne de son bolas qu'elle en avait mal. Le disque d'argent de la lune disparut alors qu'Astarion se penchait lentement sur elle, prenant appui de part et d'autre de sa tête. Elle ferma fort les paupières et un frisson fourmilla dans le creux de son cou lorsqu'elle sentit son haleine sur sa peau.

Une douleur incisive et froide la transperça. Silesta étouffa une exclamation et sa main se resserra encore. Son cœur cognait si fort contre sa poitrine qu'elle était convaincue que le vampire devait le sentir contre la sienne. Son sang était un ruisseau qui s'écoulait d'elle à lui.

Très vite, tout devint confus autour d'elle. La lueur du feu plus loin, le léger chatouillis des boucles blanches d'Astarion contre sa joue, son parfum de romarin qui lui emplissait les sens et cette félicité anesthésiante qui l'apaisait de plus en plus. Le temps s'égrenait au ralentit.

Le cliquetis de chaînette de son bolas qui roula lui fit l'effet du chant du coq au matin.

« Assez, c'est bon ! » l'arrêta-t-elle en le repoussant.

Dans son esprit, elle avait crié et poussé de toutes ses forces le poitrail sur elle mais à ses oreilles, il n'en était resté qu'un geste sans énergie sous une molle injonction. Une chance que cela suffît pour Astarion qui se releva promptement en prenant soin d'essuyer le reste de sang de ses lèvres.

« Je vous prie de m'excuser. » Sa voix résonnait plus vive et claire qu'auparavant. « Je me suis laissé emporter par l'instant. »

Silesta se redressa sur son séant comme elle put. Un fin filet tiède coula de sa clavicule vers sa poitrine mais elle préféra ne pas regarder. Astarion quant à lui avait la fraîcheur et l'énergie d'un jeune homme prêt à partir pour sa première aventure.

« Ça a marché. Je me sens bien mieux. Plus fort. Heureux, même. »

La jeune femme face à lui reprenait elle aussi son souffle et remarqua qu'une étincelle nouvelle brûlait dans les prunelles grenat de l'elfe. Il semblait être en effet un nouvel homme. Elle se refusa à se montrer trop faible, représentation oblige.

« Eh bien, au plaisir de voir votre enthousiasme à l'œuvre sur nos prochains ennemis, lui répondit-elle avec le plus d'aplomb possible.

_ Cela ne saurait tarder. Beaucoup trop de gens sont en vie simplement parce qu'il est répréhensible de les tuer. À présent, si vous voulez bien m'excuser, votre sang m'a certes requinqué mais j'ai besoin de quelque chose de plus consistant. »

Sur ces mots plein d'assurance carnassière, Astarion lui tourna le dos avant de s'arrêter après quelques pas. Sa voix se fit profonde.

« Vous m'avez fait un cadeau, Silesta. Je ne l'oublierai pas. »

Les joues tièdes, l'humaine le regarda s'enfoncer dans la nuit, la posture fière et puissante, prêt à partir en chasse. Qu'avait-elle donc et qu'avait-elle donc fait ?

Silesta ne sut comment elle finit par s'endormir après cela. Tout tourbillonnait dans sa tête. Astarion, un vampire. Cela semblait tellement évident maintenant qu'elle avait eu la vérité. La lueur bleutée de ses songes aveugles avait laissé place à un galimatias d'émotions confuses à lui en donner une tachycardie semi-consciente.

Ce fut la chaleur d'un rayon de soleil sur son visage qui finit par l'extirper de la mélasse psychique dans laquelle elle était engluée. Elle eut un faible gémissement en se redressant sur son séant. En plus de la douleur lancinante qui pulsait dans le creux de son cou, un tiraillement fourbe écartelait ses bras et surtout ses poignets. De toute évidence, il semblerait qu'elle n'avait pas pratiqué son art de la jonglerie depuis un bon moment et son corps lui criait qu'il ne s'était pas réhabitué aussi bien que prévu.

« Bonjour. Comment vous sentez-vous ? »

La voix polie d'Astarion la ramena à elle. Celui-ci la couvait d'un air tranquille et confiant. Silesta l'observa comme s'il était un rêve, à croire qu'elle s'attendait presque à découvrir un nouvel aspect de lui maintenant qu'elle connaissait sa vérité cachée. Mais non, c'était le même visage parfait, les mêmes yeux rieurs discrets et le même sourire en coin.

« J'ai mal au cou, dit-elle nûment bien que son cerveau lui envoyait mille autres messages.

_ Cela passera, rassurez-vous. »

Lui semblait en pleine forme. Était-ce son esprit qui lui jouait des tours ou le teint de porcelaine de son pâle compagnon avait-il pris un peu de couleur ? À cette pensée, Silesta eu un bref regard vers le soleil avant de pencher la tête de côté.

« Je viens de réaliser : comment se fait-il que vous puissiez vous tenir en pleine lumière ? C'est parce que vous n'êtes pas un vampire complet ?

_ Oh non. En temps normal, vous seriez en train de converser avec un tas de cendres par cette lumière, répondit-il avant que ses traits ne s'illuminent. Mais pour une raison que j'ignore, je suis encore vivant. Me voilà à présent capable d'aller à ma guise, traverser un cour d'eau ou encore fouler le seuil des maisons sans invitation sans la moindre entrave. Quant à mes autres particularités, nous aurons bien assez de temps pour les découvrir ensemble. »

Il vit que son interlocutrice était prête à répliquer, aussi préféra-t-il ajouter une dernière chose avant de lui laisser une chance :

« Je dois bien admettre que je suis aussi très curieux de vous. »

Son petit effet ne se fit pas attendre. Silesta fut mise à quia, piquée au vif.

« Vous avez pris la chose de bien meilleure façon que le commun des mortels. Je craignais devoir faire face à des pieux et des fourches. Votre confiance m'honore. »

La jeune femme rousse ne répondit pas tout de suite. Elle commençait à un peu mieux cerner les différents timbres de voix d'Astarion et bien qu'elle pensait qu'il disait vrai, elle reconnaissait au loin la pointe de miel enrobé de son visage théâtral. Elle leva un sourcil gentiment moqueur.

« Je vous trouve bien loquace avec moi, ce matin. Est-ce parce que votre humeur s'est ragaillardie ? »

Le vampire lui rendit la pareille. Elle ne croyait pas si bien dire.

« Très chère, vous vous êtes donnée à moi corps contre corps pour me permettre de boire votre propre vie, ça rapproche vous ne trouvez pas ? Nous sommes en quelque sorte liés à présent. »

Silence rose en face. Astarion s'en félicita intérieurement. Cette demoiselle, en plus d'être une source de surprises, avait l'avantage de ne pas être une écervelée. Voici là une alliée de choix qu'il lui fallait surveiller comme le lait sur le feu.

« Ainsi donc, nous avons dans nos rangs un vampire ? s'éleva la voix d'Ombrecoeur derrière eux. Cela explique la pâleur. »

Gayle et Lae'zel lui emboîtaient le pas et s'étaient accrochés à la conversation au passage. La githyanki darda sa méfiance sur Astarion, une main à la ceinture, près de son épée.

« Ne vous avisez pas de vous nourrir de moi ou je vous ferai goûter à votre propre sang. »

Silesta déchiffra qu'au regard de l'elfe, la perspective de goûter le sang de la guerrière lui apparaissait comme une expérience fort attrayante. Une chance qu'il se garda de le faire savoir.

« Je me tiens ici devant vous dans un souci de transparence et d'honnêteté, préféra-t-il dire d'un ton affable. Ne sommes-nous pas une équipe après tout ? »

Contrairement à sa collègue au teint vert, Gayle, lui, était plus dans la mesure et eut un regard terne vers la jeune femme rousse et la marque de sang coagulé qu'elle avait encore dans le cou.

« Mon hypothèse s'est donc confirmée mais j'attendais de voir si vous alliez avoir l'honnêteté de nous l'avouer. Mais vous, Silesta, êtes-vous bien consciente de ce que vous faites ? »

Sa voix reflétait plus d'inquiétude que de reproche et Silesta en fut touchée quelque part. Elle porta la main à sa morsure pour la couvrir et opina du chef avec détermination.

« J'ai... confiance en lui. Comme vous l'avez déjà dit, nous sommes tous dans la même situation et je n'abandonne pas les miens. »

Le concerné cligna des yeux de surprise.

« Une noble attitude, reconnut Lae'zel dont les valeurs martiales approuvaient cette façon de penser. Espérons que nous n'ayons pas de mauvaises surprises à l'avenir, vampire.

_ Nous pouvons toujours lui mettre une clochette autour du cou pendant la nuit, minauda Ombrecoeur. Et puis, sa force sera toujours un atout à prendre.

_ Nous voici de nouveau tous amis alors, se réjouit le vampire avec exagération. Maintenant, n'avions-nous pas rendez-vous avec une druidesse ?

_ Oui, elle devrait être disposée à nous recevoir, répondit le magicien. Avant cela, Silesta, j'ai quelque chose qui pourrait vous intéresser. »

Celle-ci laissa les autres rassembler leurs affaires et s'approcha du mage qui lui demanda de lui prêter un instant ses bolas. Silesta s'exécuta et déposa les deux poids dans sa paume, curieuse. Gayle posa sa main valide par-dessus les boules et ferma les yeux, une lueur éclairant ses doigts.

« Potatiem commutatio. » La magie s'imprégna dans les bolas qui rayonnèrent doucement. « À présent, répétez après moi : ignis. »

Silesta répéta d'une voix claire et la lumière disparut peu après. L'homme lui rendit ses bolas et recula d'un pas en l'invitant d'un signe de tête à ré-essayer. Elle enfila ses dragonnes aux poignets et recula aussi.

« Ignis. »

La gerbe de flammes qui apparut au bout des poids la fit sursauter. Elle eut un rire ravi.

« Ce sera bien plus pratique en cas d'urgence, se félicita Gayle, satisfait de sa surprise.

_ Mille mercis, Gayle ! s'émerveilla la jongleuse en s'essayant à quelques mouvements en dépit des tiraillements. C'est absolument parfait !

_ Il ne pouvait en être autrement. »

Sur ces entre-faits, Silesta se dépêcha ensuite de vite se changer en ayant pris soin auparavant de nettoyer le sang séché de son cou, non sans avoir quelques réminiscences de ce qui en était la cause. Elle avait beaucoup à digérer entre une part de son passé qui lui était revenu, apprendre que l'un de ses compagnons de voyage cachait sous ses traits lisses et joviaux un prédateur de la nuit et le fait d'avoir accepté de lui servir de calice. Elle s'interrogeait sur ce que la suite lui réservait mais elle avait plus urgent pour l'instant : rencontrer la druidesse Nettie.

Le groupe quitta le bivouac peu de temps après et quitta les hauteurs du Bosquet d'Émeraude pour retrouver le fourmillement de la population tieffeline. Très vite, le brouhaha confus des réfugiés fut couvert au profit d'incantations lentes mais fiévreuses. À mesure qu'ils descendaient un escalier de pierre à moitié englouti par l'herbe, les aventuriers virent un petit attroupement de tieffelins qui s'agitait devant une garde druidique. Derrière eux se tenait le fameux rituel dont avait parlé Zevlor pour sceller les lieux. Une cour ronde où se mêlaient des colonnades de marbre blanc et la végétation était encerclée d'un groupe de druides qui scandaient encore et encore leurs formules magiques. Cette vision avait quelque chose de beau et de grave à la fois.

Arrivés en bas des marches, les injonctions des tieffelins leur parvinrent avec clarté.

« Rendez-moi ma fille, ce n'est qu'une enfant ! implorait une femme avec véhémence. Où est Arabella ?

_ Cette voleuse doit se remettre au jugement de Kagha, reculez ! rugit la druidesse qui lui faisait barrage avant de voir nos héros approcher à leur tour. Vous, halte ! Vous n'avez rien à faire ici !

_ Nous sommes ici pour Nettie sous les recommandations de Zevlor, énonça Gayle.

_ Vous savez, le Zevlor que l'on a aidé à la porte, hier », appuya Astarion avec suffisance.

D'abord incrédule, la druidesse ne réagit pas tout de suite car l'un de ses homologues nain lui glissait quelques mots à l'oreille. Elle opina du chef et s'effaça pour leur laisser le champ libre. Silesta suivit ses compagnons alors qu'ils dépassaient les tieffelins refoulés en jetant un coup d'œil à la femme qui réclamait sa fille, épaulée par un autre tieffelin qui devait être son époux. Que se passait-il donc ?

Quelques enjambées plus tard en contournant le cercle, ils passèrent une porte en pierre et s'engouffrèrent dans une large galerie creusée dans la roche avant d'arriver dans ce qui leur sembla être une salle du conseil. Ou une salle d'interrogatoire. Au centre des lieux se tenait une enfant tieffeline d'une dizaine d'années, tremblante comme une feuille alors qu'une elfe rousse à la prestance imposante tournait autour d'elle comme un vautour. Un peu en retrait d'elle, un humain à la peau brune et à la coiffe ornée de bois de cervidé essayait d'apaiser les choses.

« Kagha, ça suffit. C'est une enfant, voyons !

_ Je ne vois qu'un parasite doublée d'une voleuse, Rath, cracha la druidesse à la chevelure cuivre. Elle demande le droit d'asile dans notre domaine et ose essayer de prendre notre idole la plus sacrée ? Qu'en penses-tu, Teela ?»

La gamine réprima un sanglot quand une forme sinueuse ondula près d'elle. Silesta écarquilla les yeux d'horreur. Un énorme serpent tenait en joue la malheureuse de son sifflement menaçant. Comment une druidesse pouvait-elle faire une chose pareille ?

Au-delà du caractère peu druidique de cette méthode, ce qui s'imprimait partout devant les yeux de la saltimbanque était l'effroi paniqué qui secouait de spasmes la petite Arabella. Le son environnant se coupa pour ne garder que cette respiration saccadée et ces intonations implorantes. Un cliquetis de chaînette.

Une main se referma autour de son bras et la réalité réapparut aussitôt.

« Silesta, qu'y a-t-il ? » lui chuchota Gayle.

Elle réalisa qu'elle avait déplié un bolas et que son corps s'était durci comme la pierre.

Kagha remarqua la présence des visiteurs et les héla sur le motif de leur venue.

« Nous venons voir Nettie la soigneuse, répondit Ombrecoeur. Est-elle... »

La prêtresse n'eut le temps de terminer. Croyant entrevoir dans cette interruption une porte de sortie, Arabella s'élança à corps perdu pour tenter de fuir son bourreau. Hélas, le serpent près d'elle fut plus rapide et se jeta sur elle pour lui planter les crocs dans la cheville. Brisée dans son élan désespéré, l'enfant cria et s'effondra sur le sol froid comme une poupée désarticulée. Silesta tressaillit si violemment que Gayle sursauta à son tour.

« Kagha ! s'exclama Rath d'une voix blanche. Que...!

_ Un accident. Elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même. » Elle adressa un signe du menton au groupe sans plus d'attention. « Circulez. Nettie est dans la salle d'à côté. »

L'atmosphère était plus lourde que le plomb. Le groupe avança sans un mot alors que les autres druides présents dans la salle s'affairaient autour du corps de la petite fille. Silesta avançait malgré elle, guidée par le bras de Gayle qui la tenait toujours. Ses yeux gris rencontrèrent ceux figés de vide de l'enfant avant de se poser sur la druidesse. Cette femme n'éprouvait pas la moindre once de remords. Depuis quand les druides avaient-ils délaissé à ce point la valeur d'une vie ?

Ils traversèrent la salle du conseil et entrèrent dans une nouvelle salle bien plus chargée que la précédente. Un autel trônait au centre, occupé par une imposante statue d'un cerf longiligne et le pourtour de la salle alignait tables de pierre, amphores et vases, paniers, caisses et autres récipients remplis de tout et n'importe quoi. Penchée sur une table en pierre, la silhouette d'une naine s'affairait sans prêter attention aux visiteurs, trop absorbée par l'auscultation qu'elle pratiquait d'un oiseau.

« Vous êtes la soigneuse Nettie ? » l'interpella Lae'zel.

Cette dernière se retourna après quelques instants. C'était une jeune femme aux cheveux courts corbeau et à la peau caramel ornée de peintures au niveau du visage qui les accueillit. Elle opina du chef.

« Elle-même. On m'a dit que les étrangers qui ont mis les gobelins en déroute avaient besoin d'un guérisseur. » Alors qu'elle parlait en les regardant un par un, ses yeux avaient fini par s'arrêter sur Silesta. « C'est pour vous ? »

Encore sonnée par la scène précédente, Silesta secoua la tête en réalisant qu'elle s'adressait à elle.

« Non. Non, pas que pour moi. Qu'est-ce qui vous fait dire cela?

_ Vous semblez mal en point, un peu blanche. Pas autant que votre compagnon elfe mais lui semble très bien portant contrairement à vous.

_ Je... Ça va aller. Le problème est le même pour nous tous. » Elle hésita puis tenta sa chance. « Après, si vos dons vous permettent aussi de guérir une amnésie, je suis preneuse. »

Nettie l'observa quelques instants puis les autres avant de s'effacer pour laisser Silesta passer dans une pièce voisine. Elle les examinerait un par un si elle pouvait faire quelque chose. L'humaine fit un signe de tête à ses comparses et suivit la druidesse à côté.

L'autre pièce était plus petite que la précédente mais bien plus chargée, notamment par la présence de plusieurs bibliothèques débordant de parchemins et de livres. Nettie fila directement vers un cabinet rempli de fioles de toutes tailles et couleurs. Elle prenait et reposait les flacons après inspection de leur étiquette.

« L'amnésie fait suite à un choc de quelle nature ?

_ Eh bien, elle est certainement liée à l'autre problème pour lequel nous sommes ici. Moi et mes amis avons été enlevés à bord d'un vaisseau illithid qui a fini par se crasher et nous avons chacun reçu une larve qui s'est logée dans notre tête. Vous vous y connaissez ?»

La musique cristalline du verre qui s'entrechoquait s'arrêta un instant avant de reprendre. La druidesse revint peu après vers sa patiente et posa sur une table proche un flacon au liquide opaque comme s'il eut filtré des rayons de lune. Dans l'autre main, elle tenait une curieuse branche couverte d'épines longues comme un doigt.

« Peut-être. Le spécialiste en ce domaine demeure mon maître, Halsin. Il s'est joint à une expédition pour ses études sur le sujet mais depuis... » Elle soupira puis dévisagea l'humaine avec intensité. « À présent, dites-moi vos symptômes ou tout ce qui vous paraît étrange depuis que vous avez eu cette larve hormis l'amnésie. »

Silesta ne sut quoi dire en premier. Elle avait survécu à un crash sans explication logique et elle pouvait entrecroiser son esprit avec les autres porteurs de larve. Ou peut-être devait-elle mentir ? Non, ce n'était pas dans son intérêt. Elle opta pour la liaison psychique.

« Les infectés peuvent se reconnaître entre eux ? s'étonna la naine. Je vois. » Elle marqua une pause, le front plissé par le malaise. « Écoutez, vous avez été franche avec moi, je le serai avec vous. Même si vous êtes encore maîtresse de vos actes, votre état représente un grand danger pour tous. Néanmoins, vous me semblez être une bonne personne qui mérite une chance de s'en sortir. »

Sur ces mots, elle lui tendit une fiole pleine d'un liquide vert vif et la lui présenta comme du poison de vouivre. Si les symptômes devaient empirer, elle devrait l'avaler sans hésitation.

Silesta eut un mouvement de recul. Était-ce donc là le remède qu'elle lui proposait ? Un suicide pur et simple ?

« Je suis désolée, je n'ai pas de solution à vous offrir, juste une porte de sortie, se désola Nettie avec résignation. Seul maître Halsin serait plus à même de vous aider vraiment. »

L'humaine se perdit dans le vert luisant du poison. Alors, elle et ses amis se retrouvaient dans une impasse ? Une part d'elle comprenait la peur de Nettie car l'ombre de la cérémorphose planait sur eux et s'ils succombaient, ils seraient perdus. La mort était-elle donc la seule issue ? Tués par un flagelleur mental ou par une intoxication mortelle ?

« Bien, murmura-t-elle en prenant la fiole. Je préfère encore cela à tuer des innocents. Et ce flacon à l'eau blanche ?

_ Pour votre amnésie. Si c'est bien le choc physique du crash qui l'a causée, vous récupérerez très vite vos souvenirs. Quant au flagelleur mental, sachez que vous êtes loin d'être un cas isolé. Nous avons appris avec mon maître que de nombreux infectés comme vous se rendaient vers un ancien temple dédié à Séluné. Quand il a appris qu'une escouade comptait s'y rendre, il est parti avec pour en apprendre plus mais il n'est jamais revenu. Sans doute s'est-il fait prendre par la horde de gobelins qui sévit dans ce secteur. »

L'humaine se souvint que Zevlor avait déjà mentionné la disparition de ce Halsin. L'archidruide Halsin. Spécialiste des larves de flagelleurs mentaux et leader du Bosquet d'Émeraude, celui que cette Kagha supplantait à l'heure actuelle. Tout était très clair.

« Alors il nous faut retrouver Halsin chez ces gobelins pour avoir une chance de ne pas avoir à reprendre un deuxième verre », en conclut l'humaine en avalant d'une traite le flacon blanc.

Elle eut un frisson en contractant la gorge. On aurait dit du citron trempé dans du poivre. Beurk.

Lorsqu'elle quitta l'antichambre, Silesta fut accueillie par des visages plein d'espoir qui se ternirent vite en comprenant à sa propre figure que les choses ne s'étaient pas passées comme prévu.

« Alors ?

_ Alors le plan a changé. »


On pourrait penser que la scène de la morsure était un tantinet trop tôt mais vu le rythme que j'ai pris, il faut bien avancer ! Le principal pour moi, c'est que les interactions aient une bonne continuité avec du sens et de la logique. Et puis, il faut avouer que Silesta est une bonne cible : elle est amnésique, très bonne pâte et elle essaie de lui tenir tête, ça aide beaucoup XD