Je vais entrer dans une grosse parenthèse d'écriture parce que j'ai tout l'acte 3 à jouer avant de l'écrire mais rassurez-vous, vous avez plus de 30 chapitres d'avance déjà tout prêts!

Journal des reviewers :

Seulie : Mdrrrrr l'image du Capri Sun ! XD J'adore, j'adore. Même si Neil n'approuve pas la comparaison, moi je trouve que c'est tout à fait approprié. Quand je dis que Silesta est une vraie bonne pâte, c'est vraiment cela et c'est peut-être la plus grosse peur que j'ai dans cette histoire. J'ai une perso foncièrement bonne âme, gentille et de surcroît complètement envoûtée par Astarion et j'espère ne pas trop l'avoir fait sombrer dans le côté « Mary-Sue » que je déteste. J'espère que les explications que je donnerai pour justifier son état d'esprit suffiront à ne pas la rendre trop guimauve. Sinon, oui, ça y est, Astarion x Silesta est officiellement en marche, reste plus qu'à articuler tout ça correctement.

Jennalocked : C'est bon à entendre si ça se déroule bien, ouf !

RingoLemonadeCandy : Si tu est toujours là, je suis ravie de te garder à bord alors ! Vous n'êtes que trois supporters alors, je compte sur vous. C'est vrai, on ne peut rien refuser à Astarion. En fait, quand je compare la Silesta du début et l'actuelle, je me rends compte qu'elle était plus combative au début XD Elle a essayé de résister mais on sait bien que c'est difficile... pour pas dire impossible.

Je me suis rendue compte un peu tard qu'avec l'amnésie de Silesta, on pouvait se faire la réflexion, aussi je me permets de clarifier quelque chose tout de suite : non, Silesta n'est pas une Dark Urge. Vous pouvez tout de suite oublier. Ça vous fera réfléchir autrement sur elle, niark.

J'ai TELLEMENT hâte que vous lisiez certains chapitres encore lointains. L'évolution de la relation entre mes deux loulous est tellement flagrante ! D'ailleurs, j'ai terminé hier un premier gros chapitre de révélation sur Silesta. Il me tarde de vous le présenter. Et les quelques scènes de très gros rapprochements, aussi. Aaaaah, j'ai trop hâte !

Allez, j'y retourne, j'ai un nœud scénaristique à dénouer sur lequel me prendre la tête * pleure *


CHAPITRE VII - OUVERTURES

« Peut-on vraiment se fier à ce Halsin ?

_ Je ne sais pas, Lae'zel. Il est malheureusement notre seule piste actuelle. »

Tout en rapportant à ses compagnons la teneur de son entretien avec Nettie, Silesta prit le temps de se débarrasser habilement de la fiole de poison en la jetant dans un vase qui passait à sa portée. Hors de question pour elle de mourir après tout ce qu'elle avait déjà traversé. Elle avait une première vie à récupérer d'abord.

« De plus, Halsin pourrait éviter l'expulsion des réfugiés tieffelins. »

La jeune femme passa près de la marque ensanglantée laissée par Arabella suite à son attaque. Elle ne le dit pas aux autres, mais l'envie de voir aussi le véritable maître des lieux reprendre ses droits sur cette horrible Kagha se faisait forte.

Les réactions furent mitigées. Lae'zel n'avait en tête que sa volonté de purification et la perspective de se frotter à des gobelins de basse espèce ne l'inquiétait nullement. Ombrecoeur et Gayle pensaient que les options étaient trop peu nombreuses pour écarter cette solution de rechange bien que la notion de temps encore disponible devant eux avant de se transformer était encore floue. Quant à Astarion, il fut le plus récalcitrant. Ils avaient plus urgent que de s'occuper des tieffelins, aussi triste leur sort était-il. Eux-mêmes courraient un grave danger et il était bien pire que de se faire prendre en embuscade par des brigands.

« Vous êtes dur, lui répondit Gayle avant de soupirer. Dur, mais dans le vrai.

_ Soyons très clairs : si mes défauts vous déplaisent, j'en ai d'autres », surenchérit le vampire avec conviction.

Silesta préféra garder le silence, amère. Il était évident qu'aucun d'entre eux ne savait vraiment ce qu'était de vivre sur les routes à craindre chaque carrefour et les possibles rencontres derrière. Elle, elle en avait une idée, à défaut de souvenir. Elle s'était mise à la place d'une caravane nomade dépourvue de gens capables de réellement se battre et le malaise qui en découlait lui avait confirmé qu'elle avait connu cela.

Le groupe se retrouva une nouvelle fois dehors près du cercle druidique. En arrivant au niveau des marches, les parents d'Arabella les apostrophèrent lorsqu'ils les reconnurent.

« S'il vous plaît, voyageurs ! Avez-vous vu ma fille, Arabella, quand vous étiez à l'intérieur ?, implora la mère en arrêtant Silesta par le bras. Nous sommes très inquiets. »

Un éclair de panique la traversa et elle se crispa. Le corps sans vie de l'enfant sur le sol froid s'imprima devant ses yeux.

« Oui, elle y était, intervint Astarion avec la légèreté qui était la sienne. Ils l'interrogent encore, elle ne saurait tarder.

_ Vraiment ? Oh, merci infiniment. »

Silesta se tourna d'un air hébété vers l'elfe qui s'empressa de la faire vite avancer loin des tieffelins.

« Vous...

_ Ne soyez pas triste à cause des gens. Ils finiront tous par mourir un jour. »

Il avait dit cela dans un calme implacable et résolu, la rendant muette sur le coup. L'humaine serra les dents, une boule dans la gorge. La noirceur pragmatique qui hantait Astarion était ténue mais bien ancrée assez pour presque complètement effacer l'homme grandiloquent et séducteur qu'il présentait la plupart du temps. D'où provenaient ces ténèbres ? Le mystère Astarion s'épaississait et Silesta devait reconnaître qu'elle brûlait d'envie d'en apprendre plus à son sujet.

Une autre personne avait aussi le visage fermé. Il s'agissait d'Ombrecoeur dont le calme habituel avait laissé place au trouble. Silesta le remarqua et s'enquit de son état. La prêtresse secoua la tête et assura que tout allait bien mais c'était sans compter sur la fine observation de la guerrière githyanki :

« J'ai cru remarquer une sorte d'appréhension lorsqu'un temple dédié à Séluné a été mentionné. »

La demi-elfe pinça subrepticement les lèvres et ses yeux clairs s'assombrirent. Hélas, la voilà prise en étau maintenant que les autres la dévisageaient avec inquiétude, curiosité ou attente sarcastique. Elle inspira et expira sa frustration. Elle n'avait pas d'autre choix.

« J'aurais préféré garder cela pour moi mais autant être honnête comme Astarion l'a fait avant. Je suis une adepte du culte de Shar. Vous comprendrez donc mon enthousiasme négligeable pour aller chez des sélunites.

_ Shar ? répéta Silesta. Pardonnez-moi, mais même si je sais qu'il s'agit de la sœur sombre de Séluné, je ne suis pas trop au fait du reste.

_ Ce n'est pas étonnant. En tant que saltimbanque, vous n'aviez sans doute pas trop d'intérêt à côtoyer tout ce qui touche à la religion. La Dame de l'Égarement, ma déesse, nous apprend à vivre dans les ténèbres et à tirer profit de sa noirceur car c'est dans la souffrance et le silence de la nuit que nous nous renforçons. L'espoir, les promesses de réussite, tout cela ne fait qu'affaiblir l'esprit contrairement à la nuit qui nous met face à nous-même. Elle est une libération aux tourments de la vie. »

Bien qu'elle n'abondait pas dans le sens de cette doctrine, Silesta pouvait comprendre que certaines personnes ayant subi une terrible déception puissent être attirées par ce culte.

« Et vous comptiez garder cela longtemps pour vous ? lui fit remarquer Astarion. Quoique, non, ne dites rien. Il est vrai que les membres de votre culte ne sont guère en odeur de sainteté avec leur dogme parfois très, disons, déterminé.

_ C'est si grave que cela ? demanda l'humaine rousse, incrédule.

_ Leurs méthodes de mise à l'épreuve de leur foi pourraient me faire passer pour un enfant de chœur.

_ Dame Shar saura récompenser ceux qui se vouent corps et âme à elle et je n'ai pas peur de me soumettre à ses épreuves, affirma Ombrecoeur. C'est elle qui veille sur moi, me protège et m'aime. Quoiqu'il advienne, ma déesse et ma foi m'accompagneront, si vous ne craignez pas de me garder avec vous. »

Elle était déterminée au plus profond de son être, cela s'entendait à sa voix qui n'avait jamais sonné si franche et hardie.

« Absolument pas, affirma Silesta avec confiance. Je n'avais pas grande idée de ce qu'était le culte de Shar il y a deux minutes, ce n'est pas maintenant que je vais changer d'avis. Nous avons besoin de vous, Ombrecoeur. Hélas, il nous faudra sans doute aller à ce temple de Séluné donc si vous, vous vous sentez capable d'endurer cela, qu'attendons-nous ? »

La jeune femme aux longs cheveux ébène ne cacha pas une légère surprise. Les réactions n'étaient d'ordinaire pas aussi clémentes que celles-ci. Un regard aux autres leur demanda également leur avis.

« Entre êtres de la nuit, il faut se serrer les coudes, s'amusa le vampire. Ce sera très amusant d'aller chez Séluné avec vous, je m'en régale d'avance.

_ Je serai le plus mal avisé d'émettre un avis sur les divinités que vous vénérez, Ombrecoeur, suivit Gayle avec sagesse. Et puis, pouvons-nous nous permettre de nous passer des pouvoirs d'une prêtresse ? »

Restait enfin Lae'zel dont les mots furent grandement attendus quand on savait l'inimité qui régnait entre elle et la demi-elfe. Les deux femmes se jaugèrent un instant dans un suspense palpable.

« L'extrémisme des vôtres frôle le nihilisme, commença-t-elle en étrange préambule avant de marquer une pause. Mais il a le mérite de ne pas trembler et d'aller jusqu'au bout. Je respecte cet engagement.

_ Ah, finalement, vous vous ressemblez quand même bien plus que vous voudriez bien l'admettre », se réjouit Silesta avec un grand sourire de soulagement.

Lourd silence et gros yeux de la part des deux autres femmes.

« Hum, oubliez ce que je viens de dire. »

En dépit de cette comparaison malheureuse, Ombrecoeur était heureuse et soulagée d'avoir été acceptée. Leur groupe étrange avait le mérite de l'être suffisamment pour se permettre une forme de tolérance plus ample, ce n'était pas une mauvaise chose, loin de là.

Suite à cet intermède, le groupe d'aventuriers se mit donc d'accord pour partir sur les traces du druide Halsin. Avant de laisser Silesta partir, Nettie lui avait indiqué sur la carte l'emplacement du campement où les infectés se rassemblaient. Il se trouvait plus loin à l'ouest après avoir traversé un ancien village qui avait été pris d'assaut et abandonné depuis. Après quelques achats de dernière minute dont des provisions pour plusieurs jours – et un onguent pour soulager les courbatures et les muscles - le groupe franchit la porte principale et se mit en route.

Après le brouhaha constant du Bosquet d'Émeraude, le silence de la nature leur parut presque brutal. Ils étaient de nouveau face à eux-mêmes et leurs pensées, bien souvent inquiètes. La seule consolation qu'ils avaient était que leur mésaventure se déroulait pendant la saison chaude errer par les routes en plein hiver n'était pas une sinécure. Silesta se demandait combien de régions différentes elle avait foulées, à supposer qu'elle était en effet une artiste itinérante. La marche pouvait être éprouvante mais sa constitution physique était plutôt bonne même si son corps était un peu rouillé. Elle avait déjà pas mal voyagé, c'était certain.

Un soupir las se fit entendre près d'elle. Elle n'avait même pas remarqué qu'Astarion marchait à ses côtés.

« Parfois je me trouve trop bavard. Puis je regarde Gayle et je me sens mieux. »

La jeune femme tendit l'oreille vers le magicien qui conversait avec Ombrecoeur sur la magie guérisseuse avec la ferveur qui était la sienne. S'il était un sujet sur lequel il ne fallait pas le lancer c'était bien la magie.

Le sourire amusé qui commençait à naître sur son visage se fana en demi-teinte.

« Au moins, il a plein de choses à raconter. Pas comme moi. » Elle se reprit aussitôt et exécuta quelques arabesques de danse. « Mais qu'importe. Une danseuse ne s'exprime pas par les mots, c'est bon pour les bardes, ça. »

L'elfe pâle ne fut pas dupe par la fausse bonne humeur dont elle s'était drapée. Il était lui-même un sujet de représentation, il savait la reconnaître mieux que quiconque.

« La potion de la druidesse n'a pas fait effet, n'est-ce pas ?

_ Non, avoua-t-elle à voix basse. Il faut peut-être attendre encore. »

Elle s'entendait parler mais ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait. Au fond d'elle, quelque chose lui disait qu'elle n'avait rien à attendre du remède de Nettie. Astarion resta dans le vague sans rien dire. Il devinait son trouble. Une amertume monta à sa bouche et ferma ses traits.

« Mieux vaut alors pour vous de vous faire une raison. Moi, par exemple, je ne saurais me rappeler de la couleur de mes yeux avant d'avoir été relevé par mon maître. J'ai fini par m'y faire. Et en dépit des doux avantages que j'ai gagnés depuis que j'ai quitté ce vaisseau illithid, je suis toujours dans l'impossibilité de voir mon propre reflet. »

La jeune femme fut étonnée de cette confession. Après cela, une honteuse culpabilité la saisit. Elle s'en voulut de s'interroger d'abord sur la couleur première des iris de l'elfe. Elle eut beau tenter la plus large des palettes, aucune ne semblait lui aller mieux que ce rouge profond et enivrant. Elle ne s'attarda pas trop sur cette question de peur que sa contemplation ne parût trop poussée.

« Cela vous manque ?

_ Me gargariser devant un miroir ? La vanité par excellence ? ironisa-t-il avec une pointe de suffisance qui mourut vite. Bien sûr. Mon visage n'est plus qu'une ombre de mon passé. Une autre chose que j'ai perdue. »

Sa voix trahissait son regret teinté de colère froide et son visage était dur. Astarion était le même que la veille au soir lorsqu'il s'était mis à nu pour demander du sang et la même impression de désarmement s'empara de Silesta.

D'un pas leste, l'humaine se retrouva face au vampire et planta ses yeux de pluie droit dans les siens. L'elfe pila pour éviter de lui rentrer dedans et recula un peu la tête.

« Quoi ? »

Elle lui sourit avec fierté.

« Moi, je vous vois.

_ Et que voyez-vous, exactement ? »

Difficile maintenant de garder la tête haute alors que mille choses lui parvenaient à la fois pour répondre à sa question : son visage lisse à la perfection insolente, son sourire espiègle indéchiffrable... ou peut-être ce qui la subjuguait encore plus que le reste.

« Des yeux plein d'assurance qui vous transpercent.

_ Continuez. »

Elle avait capté son attention. Allait-elle lui faire ce plaisir ? Ses yeux gris le dévisagèrent plus loin encore et elle grimaça un peu.

« Je vois aussi ces petites rides au coin de votre bouche quand vous souriez.

_ Je vous demande pardon ? s'offusqua-t-il, indigné. Je suis un vampire éternellement jeune, pas une grand-mère flétrie. Dites-moi simplement que je suis beau et n'en parlons plus. »

Silesta se faisait violence pour ne pas rire face à cette bouderie gamine des plus amusantes. Elle avait deviné qu'Astarion était un esthète et surtout envers sa propre personne mais le faire marcher ainsi était délicieux. Elle ne pensait pas qu'il se ferait avoir aussi facilement.

Elle se contenta de hausser les épaules avec désinvolture.

« Vous êtes bien. Gayle a un vrai quelque chose, lui.

_ Comment osez-vous ? Moi qui pensais qu'il y avait quelque chose de spécial entre nous, se désola-t-il faussement avant de retrouver son sourire en coin. Ceci étant, vous n'êtes pas mal non plus. »

Telle fut prise qui croyait prendre. Il mit droit dans le mille. Si elle voulait se frotter à la compétition avec Astarion, Silesta devrait apprendre à ne pas se laisser toucher aussi facilement. Et pourtant, cet étrange exercice d'équilibriste lui apparaissait agréable à son grand étonnement. C'était comme jongler avec ses bolas enflammés : un faux geste pouvait tout ruiner mais exécutée avec finesse et patience, la danse était magnifique. Astarion l'avait-il entraînée dans un pas de deux au rythme irrégulier mais pourtant si attrayant ? Quelle qu'était la réponse, au moins Silesta avait retrouvé sa bonne humeur en dépit de l'inefficacité de son traitement contre son amnésie. Elle s'en remettrait donc une nouvelle fois au temps elle n'avait hélas pas d'autre choix.

La journée suivit son cours sans grande encombre jusqu'au soir tombant. Le bleu du ciel avait perdu son éclat et l'air se fit plus frais. D'ici quelques heures, il ferait nuit. Nos aventuriers avaient atteint une zone un peu plus rocheuse et moins couverte de végétation donc plus exposée, les forçant à garder leur vigilance en cas de danger. Tandis qu'ils remontaient le cours d'eau d'une rivière dans l'attente de trouver un bon endroit où s'établir pour la nuit, les fourrés à quelques pas se mirent à bruisser autour d'eux. Ils se turent et se préparèrent. Les points d'eau étaient un carrefour pour tout et n'importe quoi, du simple cerf à un prédateur plus redoutable.

Les secondes s'égrenèrent puis un cri féroce déchira le silence. De grandes silhouettes arquées et poilues aux membres allongés bondirent des fourrés à une telle vitesse qu'ils se retrouvèrent vite encerclés. Grandes comme des humanoïdes, les bêtes avaient le pelage roux et la figure d'une hyène hideuse aux crocs acérés.

« Des gnolls ! s'écria Ombrecoeur en se parant de son bouclier devant elle alors que l'un deux lui fonçait dessus. On doit être sur leur territoire de chasse ! »

Les bêtes se ruèrent sur Lae'zel et Ombrecoeur qui constituaient une forme d'avant garde alors que Gayle se protégeait d'un bouclier éthéré pour mieux leur asséner ses sortilèges.

L'un des gnolls était plus discret mais aussi le plus proche d'Astarion d'un bond souple il lui sauta dans le dos en lui assénant un grand coup de griffe en travers de la poitrine. L'elfe étouffa un cri de douleur et plia sous le poids de son adversaire qui s'agrippait à lui, la gueule grande ouverte et écumante de bave affamée. Dans un réflexe agile, Silesta fit tournoyer son bolas et le balança dans un magistral mouvement latéral. La pression et le son de la balle de fer contre le crâne du gnoll furent atroces à ses oreilles. Un glapissement après, la créature se désarticula.

« Ignis ! »

Les boulets à présent enflammés, la jeune femme se chargea en priorité de créer un faux bouclier de feu pour retenir ses assaillants. Cela sembla marcher parce que les plus proches d'elles reculaient avec des grognements hésitants. Elle se déplaça prudemment vers le vampire qui se dégageait du corps du monstre lui écrasant le dos.

« Pas de mal ?

_ Une égratignure. Une chance que vous visez bien, ma tête à moi était juste en-dessous.

_ C'était parfaitement calculé. »

Astarion se releva en ignorant le sang qui rougissait son pourpoint lacéré et attrapa l'arc de son adversaire tombé. L'arme était rustique au possible mais solide. Profitant de la protection de feu de fortune, il plaça une flèche et banda l'arc. Quand elle le sentit prêt, Silesta étendit les bras sur le côté afin de créer une ouverture. L'elfe tira et atteignit le gnoll le plus proche en plein cœur. Son voisin prit peur et voulut fuir mais se heurta malheureusement à l'épée affûtée de Lae'zel placée juste derrière. La guerrière rejeta le corps empalé sur le côté et éjecta le sang de sa lame d'un geste sec en constatant que l'embuscade était terminée.

« Nous n'aurons pas volé notre repos de ce soir. »

Les aventuriers s'affairèrent d'abord à fouiller les corps de leurs attaquants dans l'espoir de trouver quelque chose d'utile. Ils repartirent avec un peu d'or et quelques babioles en plus de viande séchée. Les gnolls étaient brutaux et sanguinaires mais excellents en pillage et visiblement, ils avaient déjà eu de quoi faire avant de tomber sur eux.

Ce fut au coucher du soleil que nos amis installèrent leur bivouac dans un espace dégagé, caché par un flanc rocheux et la végétation au bord de l'eau. Ombrecoeur avait même trouvé un peu plus bas une espèce de baignoire un peu plus profonde dans la rivière qui leur permettrait de se laver. La nouvelle les enchanta tous et Gayle fut le premier à s'y rendre pendant qu'Astarion partait pour sa chasse personnelle. Pendant ce temps, les femmes se mirent à leur aise et débouchèrent une bouteille de vin à savourer tranquillement devant le feu.

« Alors, Lae'zel, ai-je un peu plus grâce à vos yeux ? demanda Silesta à la githyanki qui se délestait de son armure. J'ai su tenir tête à des gnolls.

_ La méthode n'est pas orthodoxe mais elle fonctionne, c'est le principal.

_ Prenez cela comme un gros compliment, lui glissa Ombrecoeur avec malice en lui tendant la bouteille d'alcool qu'elle tenait. Ça se fête. »

La jongleuse huma le goulot et papillonna des yeux. Par les dieux, si elle s'approchait trop du feu, elle s'embraserait à coup sûr. Quelle odeur épaisse et liquoreuse. Elle se risqua à une gorgée et grimaça bruyamment en passant la bouteille à Lae'zel.

« Quelle horreur ! Pas besoin de ma mémoire pour savoir tout de suite que je déteste l'alcool. En plus, c'est mauvais pour mon art. Beuh... »

Ses compagnes s'amusèrent de sa réaction puis elles mangèrent ensemble dans la naissance de la nuit. Ce fut vers la fin de leur repas que Gayle les rejoignit près du feu.

« Ah, que ça fait du bien, se réjouit le magicien en s'étirant avec délice. Pendant que je monte la garde, je laisse la place à ces dames. Profitez-en bien.»

Il n'en fallut pas plus pour que les trois jeunes femmes descendent le long des feuillages, guidées par les rayons de la lune. Peu après, elle trouvèrent l'étendue d'eau brillante comme un miroir qui les attendait dans son gargouillis discret. Silesta fut la dernière à se dévêtir car elle avait sous-estimé la contrainte de délasser un corset. Pratique pour le maintien, mais pour le reste, c'était autre chose. Lorsqu'elle entra dans l'eau fraîche, elle remarqua qu'Ombrecoeur l'observait d'un air étrange. L'humaine se souvint des paroles d'Astarion au premier matin.

« Oui, je ne suis pas épaisse, je sais. J'y travaille », bougonna-t-elle en s'asseyant dans l'eau.

_ Je ne pensais pas à cela. C'est étrange à dire mais votre corps ne présente aucune imperfection nulle part. Pas de grain de beauté, pas de cicatrice à part celle du duel avec Astarion sur votre main, rien. Je ne croyais pas cela possible. »

Très étonnée par ses propos, Silesta regarda ses bras et le haut de son sternum visible hors de l'eau. C'était vrai, du moins de ce qu'elle pouvait voir d'elle-même. Contrairement à elle, ses camarades elles, n'étaient pas exemptes de marques, loin de là. Elle avait vu de nombreuses cicatrices partout sur elles dans le dos, sur les bras, les flancs. Les stigmates de vies riches en combats. L'humaine ne sut trop quoi penser de cette différence pas plus qu'elle ne sut jauger à quel point elle était bizarre. Aussi décida-t-elle d'en rire :

« Cela veut juste dire que je suis une jongleuse si habile et parfaite que je ne me blesse jamais, c'est tout. »

Sur ces mots, chacune profita de son bain pour se laver et détendre ses muscles endoloris. La douceur du soir, le bruissement des feuillages dans le silence et le frais de l'eau étaient autant de sources d'apaisement enveloppantes. Silesta avait même eu le luxe d'avoir un rocher derrière elle pour lui permettre d'y appuyer la tête, décuplant ses possibilités de détente. Elle ferma les paupières, bercée par un grillon qui chantait quelque part et la notion de temps s'effaça de son esprit.

Ce fut le froid de rester trop longtemps dans l'eau qui l'extirpa de sa semi-conscience. Elle se frotta les épaules et rouvrit les yeux. Elle tressaillit.

« Astarion ?! »

Lae'zel et Ombrecoeur n'étaient plus là, pas plus que leurs vêtements sur la rive. Tranquillement installé en face d'elle, l'elfe s'occupait de passer de l'eau sur la griffure laissée par le gnoll tout à l'heure.

« Vous ne sembliez pas encline à me laisser la place, expliqua-t-il avec nonchalance. Je me suis donc permis.

_ Depuis combien de temps ?

_ Une vingtaine de minutes. »

La jeune femme s'enfonça un peu plus dans l'eau en dépit du froid qui pulsait sous sa peau, les bras autour d'elle. Elle n'avait rien à dire car elle était en tort en premier, mais tout de même. Elle ravala sa gêne et se contenta de contempler son compagnon de bain du coin de l'œil. La pâleur lunaire lui seyait comme un gant, révélant les lignes pure et précises de son buste à demi émergé et ses épaules larges. Il fallait se l'avouer, Astarion avait un corps de toutes les tentations, même avec cette blessure qui galvaudait tout. Silesta détourna la tête à cette pensée ; ce n'était pas poli de fixer les gens.

« La chasse a été bonne ?

_ Oui. Mais après vous avoir goûtée hier, cela revient à boire de l'eau après avoir goûté de l'hydromel. »

Elle garda le silence en essayant de réprimer les images du soir précédent aussi fortement que le sentiment étrange qui l'animait. Le vampire sembla sentir son trouble et étira un sourire satisfait.

« Détendez-vous, très chère. La simple pulsation de votre sang dans votre corps suffit à froisser l'onde de l'eau.

_ Un sang est un sang, non ? Je ne peux pas être la seule créature humanoïde que vous ayez mordu, si ? contre-attaqua-t-elle pour ne pas lui laisser le dernier mot.

_ Pour tout vous dire, vous étiez ma première », répondit-il avec un grand sérieux. Il se passa la main dans les cheveux en soupirant. « Depuis tout ce temps, je ne me suis nourri que de bêtes plus ou moins ragoutantes. Je ne m'y connais pas en sang de créatures intelligentes mais le vôtre était... Je ne sais pas. Je m'attendais à quelque chose de plus fin et délectable certes, mais rien d'aussi inhabituel. D'aussi intense. Vous étiez délicieuse au possible. »

Silesta ne voulut pas accorder trop d'importance à ces mots et préféra les mettre sur le compte de la personnalité charmeuse de l'elfe et pourtant, il semblait sincère. Un nouveau frisson glacé la parcourut ; elle devait vraiment sortir de l'eau avant de prendre froid d'autant plus qu'elle ne jugeait pas sage du tout de rester avec Astarion dans ces conditions.

« Je vais vous laisser. Vous permettez ? »

Le vampire acquiesça et lui fit un geste de la main pour l'inviter à s'exécuter... sans pour autant se retourner. Et à en juger son air narquois, il comptait profiter pleinement du spectacle, n'en déplaise à ces yeux gris qui l'assassinaient. Par les dieux, comme il adorait ce regard furibond. Il enfonça le clou :

« À quoi donc sert la pudeur ? Si ce n'est paraître plus belle quand on est belle et paraître moins laide quand on l'est. »

Cette furieuse envie de l'étrangler était difficile à réprimer. Fort bien, s'il voulait jouer au plus fin, autant lui en donner pour son argent ; ce ne serait que partie remise. Silesta accorda à son acolyte son sourire le plus sardonique et se leva.

Le sourire d'Astarion s'étira d'un cran. Pour une personne en quête d'elle-même, cette femme avait bien trouvé son petit caractère, c'était savoureux. L'elfe s'accouda contre un rocher et accota sa joue contre son poing pour ne pas perdre une miette de la vision qui s'offrait à lui. En dépit de sa grande minceur, il reconnaissait que la naïade qui s'affairait à récupérer ses affaires avait un corps fort agréable à contempler. De toutes les conquêtes alignées à son tableau de chasse, Astarion n'avait pas eu l'occasion de côtoyer d'artistes, du moins pas de ceux qui utilisaient leurs atouts physiques. La surprise était des plus douces. La silhouette longiligne et athlétique de Silesta dégageait quelque chose de gracieux et d'agile à la fois, cela lui correspondait en tout point. Après avoir enfilé son pantalon, cette dernière mit rapidement sa chemise et se contenta de prendre son corset pour gagner du temps. Elle salua Astarion d'une révérence moqueuse et s'en retourna vers le campement.

Silesta dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à fermer son corset alors qu'elle marchait. L'obscurité et les idées embrouillées ne l'aidaient d'aucune façon. Elle était encore pantoise du culot auquel elle venait de se frotter et le pire dans tout cela, c'était qu'elle ne devrait même pas en être surprise. Astarion n'avait aucun filtre ni aucune retenue envers les autres et encore moins quand cela pouvait l'amuser. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ? Accepter de se montrer ainsi nue devant un homme par simple orgueil. Était-ce dans la personnalité des saltimbanques de toujours chercher à se parer de leur meilleur sens du spectacle ou était-ce autre chose ?

« La peste soit-il, marmonna-t-elle. J'ai déjà assez à penser avec ma tête vide, je n'ai nul besoin qu'il m'embrouille davantage. »

Quelques pas plus tard, la jeune femme vit les lueurs du feu de camp danser entre les feuillages. Elle écarta la dernière branche et découvrit Ombrecoeur et Lae'zel qui dormaient à poings fermés. Gayle était assis près du feu en montant la garde et son attitude interpella Silesta. Il grimaçait de douleur, serrant sa tunique au niveau du cœur.

« Gayle, ça ne va pas ? l'appela-t-elle en le rejoignant. Vous semblez mal en point. » Elle se figea. « C'est la larve ? Vous sentez que vous vous transformez ? »

L'homme secoua la tête avec un sourire crispé qu'il voulut rassurant.

« Non, pas du tout. Le vin ne devait pas être à mon goût.

_ Un aliment de mauvaise qualité vous retourne l'estomac et non le cœur. Regardez-vous, vous peinez à respirer. Dites-moi. »

Le magicien prit le temps de respirer plus profondément et lentement avant de se détendre quelque peu. Malgré ce qu'il avait dit, Silesta ne pouvait s'empêcher de fixer les abords de sa bouche au cas où celle-ci commençerait à se fendre d'ignobles tentacules visqueux. Gayle le remarqua et en pouffa de rire.

« De grâce, ne me fixez pas ainsi. J'ai plus l'habitude des regards admiratifs ou attentifs. »

Il se heurta à un sourcil haussé qui lui rétorquait « N'essayez pas de m'entourlouper » et préféra abandonner. Il soupira.

« Après Astarion et Ombrecoeur, il faut croire que c'est à mon tour. »

Silesta diminua sa respiration sans s'en rendre compte, le cœur battant. Fallait-il donc que tout le monde eût des secrets à confesser alors qu'elle-même avait tous les siens à découvrir ? Quelle triste ironie.

Le visage d'ordinaire si enjoué et assuré du magicien se ternit de gravité.

« Il se trouve que j'ai actuellement une... condition physique », avoua-t-il en pesant ses mots.

Silence de flottement en face. Une condition ?

« Pour l'instant, je ne peux entrer dans plus de détails mais sachez qu'il s'agit d'un mal avec lequel j'ai dû apprendre à vivre, non sans difficulté cependant. Toujours est-il que j'ai besoin de me fournir régulièrement en objets magiques pour consommer la Trame qu'ils contiennent.

_ De la Trame ? Rien que ça ? »

Gayle regretta de ne pas pouvoir lui donner plus d'explications pour l'instant mais insista sur le caractère vital de la chose. Son interlocutrice crut voir une copie d'Astarion qui lui quémandait du sang. La seule différence était que Gayle semblait bien plus en souffrance que le vampire qui lui se sentait juste plus faible.

« Et vous n'avez rien absorbé depuis un moment, j'imagine.

_ Disons que je commence à être rappelé à l'ordre. Pour ne pas dire que cela en devient urgent. »

Elle se mordit la joue. Cela aurait été tellement plus simple s'il avait eu besoin de quelque chose de moins rare. Chaque artefact magique trouvé pouvait grandement les aider dans leur quête. Rien ne serait donc simple dans cette expédition ?

Elle soupira, frustrée, puis se défit des brassards de cuir qu'elle avait récupérés sur l'un des gnolls et les tendit à Gayle.

« Je suis sûre qu'ils sont magiques. Quand je les ai enfilés, la fatigue et la douleur dans mes poignets n'étaient plus. Mon corps récupérera, vous en avez de toute évidence plus besoin que moi.

_ Silesta... murmura Gayle, visiblement touché mais empreint de culpabilité. Je réalise que je vous demande un gros sacrifice et pour cela, je m'en veux. Mais je vous jure sur mon honneur que je vous expliquerai tout en temps voulu.

_ Je ne veux perdre personne. Ni Astarion, ni Ombrecoeur, ni Lae'zel, ni vous. Personne. »

Pendant qu'il parlait, Silesta avait imaginé ce qu'il adviendrait s'il arrivait malheur à l'un de ses compagnons. Cela pouvait paraître stupide puisqu'elle les connaissait depuis très peu de temps et pourtant, leur épreuve commune était tout ce dont elle était parfaitement sûre. Sa seule base de souvenirs réels et concrets qu'elle se refuserait à perdre pour rien au monde. Ces personnes, aussi hétéroclites et mystérieuses étaient-elles représentaient la seule vie qu'elle aurait peut-être jamais. Avait-elle déjà ressenti une telle envie de protéger quelqu'un en espérant en retour être aussi protégée ? Oui, elle en était sûre. Mais pour qui ?

Elle baissa la tête et plaqua les brassards contre le poitrail de Gayle en signe d'insistance.

« Allez, maître magicien. Avant que je ne vous presse de plus de questions, persista-t-elle, la gorge nouée par une émotion douce-amère. Les artistes adorent les histoires. »

L'homme n'insista pas. Il la remercia pour son abnégation et porta les brassards à son cœur. Il inspira profondément et une lumière magenta se diffusa dans tout son corps.

« Ah... Oui, ça fera l'affaire, se délecta le mage avec soulagement. Le feu qui brûlait en moi est maîtrisé, au moins pour un moment, avant que les braises ne se ravivent. Merci encore, je vous suis redevable. Plus que mon aide, vous avez gagné ma loyauté. » Il se tut un instant avant de hausser un sourcil mi-taquin, mi curieux. « Nonobstant votre noblesse de cœur à tous nous accepter avec nos secrets, je n'ai pu m'empêcher de remarquer que vous aviez mis Astarion en tête de liste. »

Silesta ne sut où se mettre, complètement prise au dépourvu par la soudaineté de sa remarque. Elle répondit qu'Astarion avait été le premier à se révéler et qu'elle l'avait donc nommé en premier, voilà tout. L'argument avait beau être vrai et logique, Gayle ne fut pas contenté de cette réponse. Il savait reconnaître les langueurs des regards tout aussi bien que les jeux de la séduction lorsque deux êtres se cherchaient. Hélas, Astarion était du genre si volubile que cela poussait à la méfiance quand Silesta, même si elle savait parfois hausser le ton, avait la fragilité de son amnésie et l'envie de se tester qui en découlait.

Le magicien ne voulut pas accentuer l'embarras de son interlocutrice ; cependant cette dernière avait été piquée au vif.

« Vous pensez qu'il me ferait du mal ? »

L'hésitation dans sa voix confirma ce qu'il pensait. Gayle ne sut quoi lui répondre. Parlait-elle d'être blessée dans sa chair ou là où elle ne semblait pas encore avoir conscience d'avoir été touchée ?

« Je dirais juste qu'il n'est rien de plus aimable qu'un homme séduisant, mais rien de plus odieux qu'un séducteur. »


Voilà, tout le monde a lâché son secret, ça s'est fait. J'imagine tellement bien Astarion dans son bain dans toute sa superbe "Oh mais faites, je vous en prie, ne vous en faites pas pour moi." Mdr.

J'adore Gayle. Ce sera lui ma prochaine cible pour ma prochaine run (si j'arrive à ne pas trop regarder Astarion en coin). Il est raffiné, drôle et terriblement touchant à sa manière. Après Silesta et Astarion, c'est lui sur lequel j'ai le plus travaillé et ai donné d'épaisseur, j'espère lui avoir rendu la forme hommage qu'il méritait, on verra en allant. Il va encore se passer bien des choses.