Bon, c'est officiel, cette fic va vraiment être énorme niveau quantitatif (et j'espère aussi qualitatif, bien sûr). Sans vous dire où j'en suis exactement, j'ai dépassé les quarante chapitres et j'ai encore maaaaaaaaaasse taff devant moi. Si le fandom BG3 avait été aussi énorme que certains fandom manga, j'aurais fait péter mon score de reviews. Dommage :)
Je ne pensais pas qu'il serait si dur de me retenir de coller Astarion et Silesta ensemble tout le temps, maintenant qu'ils sont bien engagés au stade où il en sont de mon côté. C'est horrible. J'essaie de pas trop abuser et privilégier des moments plus rares mais forts mais gods, je les trouve vraiment trop choux tous les deux.
Journal des reviewers :
Seulie : Son jeu est tellement bien caché qu'elle-même ne sait pas qu'il est caché mdr. Ça me fait plaisir de savoir que mon écrit te divertit. J'essaie toujours de distraire autant de susciter des émotions. Toujours un plaisir de guetter mon petit mail pour me prévenir que tu m'as écrit :)
Jennalocked : Oooh she's back ! Je pensais que mes bêtises t'avaient fait fuir, contente de te revoir ! La raison de ton absence est complètement justifiée, il n'y a pas de souci, tant que le rattrapage n'est pas un problème pour toi, lol. Merci pour mon Astarion. C'est peut-être le plus grand jeu d'équilibriste que j'ai fait dans ma « carrière » de fanfictionneuse et cela devient de plus en plus difficile au stade de l'histoire où j'en suis : j'ai envie de leur faire faire des mamours tout le temps ! XD J'espère pouvoir conserver cette bonne balance entre sAsstarion, le Astarion charmeur et (plus tard) le Astarion épris.
Guest : Astarion mérite la meilleure des fins! Et je m'en assurerai :)
Liline37 : La fiesta s'approche... mais pas tout de suite. J'ai encore quelques petites choses à faire avant, mais ça approche, ne t'en fais pas.
J'avais aussi entendu parler d'un remaniement de la fin avec tout qui était prêt, c'est quand même bizarre de ne pas avoir fait ça dès le début. On parle JUSTE de la fin d'un jeu énorme, quoi ! Paye tes enjeux.
Mon bug n'était pas très handicapant mais juste frustrant : je me suis retrouvée avec mes compagnons figés sur une caisse et Astarion parlait de notre suite ensemble... sans même le voir XD C'était tellement bizarre, surtout pour me dire qu'il ne voulait pas me laisser partir. J'ai aussi eu un bug avec la scène de Karlach où je devais faire espace pour forcer la cinématique à avancer.
J'ai hâte de faire un Durge, il paraît que les dialogues ont une autre saveur. Mais là, je ne touche plus à BG3 avant d'avoir fini cette fic, sauf pour besoin pour écrire sinon, je vais jamais m'en sortir lol
Jamais deux sans trois !
CHAPITRE XII – LE BOUT DU TUNNEL
Après le combat contre Dror Ragzlin et ses sbires, nos amis n'eurent d'autre choix que de revenir sur leurs pas. La seule autre salle qui communiquait avec celle du hobgobelin était celle qui se trouvait de l'autre côté du balcon et qui était remplie par...
« Des trésors ! » claironna Silesta avec des étoiles plein les yeux.
Ce devait être la salle du butin si l'on en jugeait la quantité astronomique de coffres débordant de pièces, de pierreries rutilantes et autres babioles clinquantes. Avec la lumière des torches, la pièce entière irradiait d'or. Ce fut peut-être en cet instant précis que Silesta n'eut jamais été aussi certaine d'un trait de caractère : oui, elle aimait l'argent et son métier aux revenus aléatoires n'avait pas dû aider à améliorer cela.
D'abord peu enclins à perdre plus de temps pour s'en mettre plein les poches, ses compagnons finirent par s'incliner lorsque la jeune femme objecta qu'ils trouveraient sans doute des objets utiles, en plus de « se dédommager pour tous leurs efforts ». Chacun fouilla donc de son côté, non sans tout de même vérifier de temps à autre que personne n'arrivait.
« Allez, on y va maintenant ! » ordonna Lae'zel.
L'humaine se hâta de fourrer dans son sac ce qu'elle avait en main sans même regarder ce dont il s'agissait et rejoignit les autres pour repartir. Au moins, elle s'était trouvé une nouvelle paire de bottes qu'elle avait hâte d'enfiler.
Les aventuriers quittèrent donc la salle de Dror Ragzlin, cette fois sans prendre le temps de se débarrasser des corps. Même s'ils les avaient donnés en pâture aux araignées, l'absence de tous ces gobelins serait vite remarquée.
Les corridors étaient étrangement silencieux, cela en était angoissant. À croire que le temple entier se mettait en condition pour exposer le moindre bruit qu'ils feraient pour permettre à ses occupants de les trouver plus facilement ; à moins qu'au contraire, tous les gobelins se rassemblaient en silence pour mieux les prendre par surprise. Dans cette partie que les aventuriers exploraient, le temple n'avait plus rien d'un édifice. Les murs avaient laissé place à des parois de roche pure directement taillées dans la montagne.
Leur route les mena dans ce qui devait être une ancienne bibliothèque. Des armoires closes par des portes-fenêtres tressées de fer laissaient entrevoir de nombreux ouvrages tandis que de longues tables et bancs sans doute anciennement utilisés pour l'étude avaient été jetés dans un coin sans le moindre ménagement. Gayle regretta de ne pas pouvoir prendre le temps de les consulter, qui sait ce qui pouvait être découvert au détour d'une page jaunie par le temps ? Ombrecoeur, elle, n'était guère intéressée par les lectures des sélunites. Hormis des verbiages insipides et mensongers sur la bienveillance et la bonté de la déesse lunaire, il ne risquait pas d'y avoir grand chose. Silesta n'osa pas froisser sa camarade mais en son for intérieur, elle aurait aimé parcourir ces « verbiages insipides » car il lui semblait qu'il existait des rituels de guérison complexes accomplis par certaines prêtresses de Séluné. Certains tiendraient même du miracle.
« Si cela pouvait m'aider pour mon amn... Ha! »
Le fil de ses pensées se rompit lorsque la jeune femme pila face à l'apparition soudaine d'un globe flottant devant elle. C'était un gros œil sombre fendu d'une fine pupille semblable à celles des reptiles. Loin de s'alarmer de la présence de ces intrus, l'œil les doubla et continua sa ronde en ondulant tranquillement.
« Un œil scrutateur, présenta Gayle. Méfions-nous de ce que nous offrons à sa vue. Nous devons approcher de quelque chose d'important.
_ Ou de quelqu'un, acheva Astarion, le regard porté plus loin devant eux.
En effet, la salle de la bibliothèque s'achevait par une nouvelle large fissure dans le sol traversée par un pont suspendu fait de cordages et de planches branlantes et de l'autre côté se trouvait dans un recoin de la grotte une table éclairée à la bougie ainsi que deux silhouettes. La première était petite comme un enfant tandis que l'autre arborait la taille élancée d'une femme adulte. Toutes deux conversaient avec ferveur, une voix masculine trahissait une certaine nervosité et celle de la femme était rêche et impérieuse.
Les aventuriers avancèrent en tendant l'oreille.
« … éclaireurs ne sont toujours pas revenus et la moitié des intrus s'est échappée, morigénait la femme.
_ Désolé, dame Minthara. Mes gars vont faire parler ce prisonnier, et fissa ! promit le gobelin qui lui faisait face.
_ Silence, vermine. Ou je te fais taire à jamais. »
En traversant le pont et approchant des flammes, Silesta découvrit que cette voix impérieuse était celle d'une drow armurée aux traits fins mais durs. Ses cheveux avaient la couleur du beurre frais et faisaient ressortir son teint lilas froid. Ses yeux cuivrés, eux, étincelaient d'une flamme vivace. Voici donc la fameuse leader drow dont ils avaient entendu parler.
Lorsqu'elle les vit arriver sur le pont, la dénommée Minthara eut un faible mouvement de surprise avant de vite s'arrêter sur la jeune femme rousse. De ces cinq individus, celle-ci semblait la moins assurée.
Aussitôt que leurs iris se rencontrèrent, la saltimbanque vit la pénombre se dissoudre autour d'elle dans un vide sourd. Puis, la drow lui apparut, captivée par les paroles muettes dictées par une femme à la peau de craie et aux yeux perle. La troisième Élue de l'Absolue. Quand la vision s'évanouit, Minthara ne cacha pas un certain dédain.
« Une âme éveillée ? Le cœur de l'Absolue est infini pour accepter des êtres comme vous », lâcha-t-elle d'une voix traînante. Elle releva le menton, galvanisée d'autorité. « Joignez-vous à ma traque. »
Silesta prit le temps de respirer. C'était bien sa veine. Pourquoi avait-il fallu que la chef suprême du camp traite avec elle ? Sans doute pour la tester. Elle devait gagner du temps pour pouvoir réfléchir.
« Qui traquez-vous exactement ? »
La drow expliqua qu'elle chassait les adorateurs d'une fausse divinité dont la simple existence était une insulte à la toute puissance de l'Absolue sur cette région. L'Absolue recherchait une arme. Cette même arme était sûrement entre les mains de ces hérétiques que l'humain dans leur geôle avait tenté de rejoindre en s'enfuyant. Ce misérable finirait bien par parler et leur révéler où se trouvait le sanctuaire où les autres se cachaient.
Silesta déglutit. Elle parlait du pauvre Liam et du Bosquet d'Émeraude. Elle cherchait à retrouver le groupe d'humains qu'ils avaient aidés en arrivant chez les druides et surtout l'artefact d'Ombrecoeur.
« Quand il se sera montré plus coopératif, nous irons tous les détruire jusqu'au dernier et récupérerons l'arme sur leurs cadavres encore fumants, présenta Minthara dans un rictus cruel. Alors, êtes-vous avec nous ? Parlez vite. »
Son interlocutrice cherchait surtout à réfléchir vite et sentir la tension de ses compagnons dans son dos lui électrifiait la colonne vertébrale, d'autant plus que Minthara faisait aussi pression contre son esprit pour le sonder. Qu'il était difficile de faire le vide en cet instant.
Elle retint son souffle. Ce qui venait de naître dans son esprit était complètement insensé. Chaotique, même.
« Laissez le prisonnier. Je connais l'endroit que vous recherchez. »
Elle sentit que Gayle et Astarion s'étaient tournés vers elle et devinait que ce n'était pas pour les mêmes raisons.
« Tiens donc. Et comment l'avez-vous découvert ? interrogea Minthara après un silence étonné.
_ L'Absolue est mon guide », répondit nûment Silesta.
La drow lâcha un ricanement satisfait puis s'attela à plonger dans l'esprit de son « indic ». Elle était telle une lame de glace qui perçait ses souvenirs. Une porte de pierre se matérialisa, se refermant derrière un groupuscule d'humains qui se mettaient à l'abri d'un raid gobelin. Des tieffelins de tous âges apparurent entre les murs de pierre et enfin, le sang et les ténèbres les engloutirent tous en effaçant toute trace de vie.
« Ils sont donc auprès des réfugiés, murmura Minthara en relâchant enfin son étreinte psychique. Et puisque vous les connaissez, cela sera à notre avantage. Retournez là-bas et montrez patte blanche pour qu'ils vous laissent entrer. Je posterai mes troupes à l'extérieur et nous attendrons votre signal pour frapper. »
Silesta sentit son estomac se retourner à l'annonce de ce plan. Il était aussi ignoble que déshonorant. Ce fut à peine si elle entendit son interlocutrice lui promettre une future place privilégiée au sein du cercle de l'Absolue après le massacre de tous ces infidèles. Les mots fuirent à mesure que son pouls s'emballait de plus en plus :
« Il en sera fait selon votre volonté.
_ Excellent. » Minthara baissa les yeux vers le gobelin. « Rassemblez les troupes, je les veux prêtes à l'aube. »
Tous deux contournèrent la table et s'en allèrent tout en échangeant sur la logistique que leurs préparatifs sous-entendaient. Silesta se fit statue sans même oser remuer ne serait-ce qu'un cil, de peur que le moindre geste ne les retînt.
Le faible grincement d'une planche qui ployait sous un poids. Elle fit volte-face.
« Maintenant ! »
Elle crut voir la scène se dérouler au ralenti : Lae'zel qui brandit son épée pour l'abattre de toute sa force sur le cordage sec. La fibre qui se déchira aussi nettement que le verre se brisait. Le frêle chemin de bois qui s'effondra dans le néant de la crevasse, emportant avec lui le gobelin et Minthara. Leurs cris furent happés dans les profondeurs et le silence retomba.
Silesta se laissa tomber à genoux sur le sol froid tant ses jambes flageolaient, la respiration saccadée. Elle n'en revenait pas que son idée folle eût marché. Si elle avait échoué, elle aurait condamné à mort tous les habitants du bosquet.
Quand elle entendit Astarion faire un pas vers elle, elle empêcha toute interaction en levant une main en signe d'arrêt.
« Je sais. Laissez-moi casser des choses tant que ça peut nous aider. »
Le vampire garda le silence et se contenta de hausser les épaules, non sans esquisser une légère envie de rire. Bien qu'une part de lui n'aurait pas été contre une petite échappée sauvage avec les gobelins, il devait reconnaître que sa « protégée » avait du cran autant qu'elle avait un certain sens de la tromperie. Tout ce qu'il aimait.
« Vous avez failli m'avoir aussi, admit Gayle en aidant Silesta à se relever. Votre audace a payé. Risqué, mais brillant.
_ Une chance que Lae'zel ait été vive d'esprit aussi.
_ J'avoue préférer les combats francs et sans détour mais vous avez bien fait, concéda cette dernière. Cette drow avait l'air puissante.
_ La triade est tombée, il faut maintenant trouver Halsin. »
Une fois ses esprits retrouvés, Silesta fouilla rapidement les affaires laissées par Minthara puis le groupe se hâta de vite rebrousser chemin. En recroisant l'œil scrutateur qui poursuivait sa ronde silencieuse, Gayle prit la liberté de l'anéantir d'une décharge de tonnerre bien sentie. Si cela pouvait retarder davantage l'alerte au restant du camp, il fallait saisir l'opportunité. La bibliothèque fut traversée en quelques enjambées et de nouveaux couloirs sombres se dessinèrent devant eux. Après concertation, ils décidèrent d'aller vers l'aile est du bâtiment qu'ils n'avaient pas encore vraiment explorée.
Ils étaient enfermés dans ce temple depuis un si long moment qu'ils en avaient perdu la notion du temps. Ce devait être le soir à l'extérieur, pour peu qu'ils en auraient l'occasion de le vérifier. L'anxiété ne faisait qu'accroître leur fatigue hélas ils étaient déjà pris dans l'engrenage. Ils iraient jusqu'au bout ou ne sortiraient jamais.
Les dieux semblèrent entendre leurs prières car au détour d'une intersection, un étrange bruit les fit s'arrêter pour tendre l'oreille. Cela venait d'un couloir très peu éclairé, sans doute peu emprunté. Au début, ce n'était que des lointaines voix de gobelins sans aucune importance au premier abord puis le son sourd du métal qui tremblait ainsi qu'un profond grognement guttural ne leur permit plus d'hésiter. Ombrecoeur attrapa une torche toute proche et tous s'enfoncèrent dans la pénombre.
Plus ils progressaient, plus les grognements s'intensifiaient en rage et en volume ainsi que les aboiements colériques des gobelins. Un escalier à demi détruit s'enfonça dans les profondeurs du temple avant de s'arrêter devant une nouvelle porte qui grinça faiblement dans ses gonds.
Deux nouvelles volées de marches de part et d'autre de la salle descendaient vers des cachots scellés de lourds barreaux. La torche tenue par l'un des gobelins postés devant l'une des cellules découpait dans l'obscurité de la prison les contours massifs d'un énorme ours brun qui grondait avec rage à l'attention de ses geôliers. Dans la cellule voisine, deux worgs tout aussi volumineux et monstrueux tournaient comme des lions en cage, visiblement excités par l'agitation de leur voisin poilu.
« Halsin... »
Silesta se tourna vers Gayle, dans l'attente de ses instructions. Les geôliers étaient si affairés à tourmenter le pauvre animal qu'ils n'avaient même pas remarqué leur entrée. Astarion, lui, tenait déjà en joue de sa flèche la tête d'un des gardiens. L'heure n'était plus à la discrétion maintenant.
« Allons-y ! »
Ils s'élancèrent alors que la flèche siffla dans l'air. Le premier gobelin tomba raide sous les exclamations de ces comparses.
« On nous attaque ! Ils viennent pour lui ! Lâchez les worgs ! » beugla une gobeline en attrapant son arbalète.
Silesta ne prit même pas la peine de s'attarder sur la créature verte qui lui fonçait dessus et se contenta de sauter par-dessus son attaquant d'une habile pirouette. Un son mat accompagné d'un râle de douleur dans son dos lui permit de constater avec bonheur qu'un certain elfe s'assurait bien de veiller sur ses arrières. En quelques bonds souples, la jeune femme se retrouva face à la cage de l'ours qui avait reculé de méfiance. Elle tira de toutes ses forces sans plus attendre le loquet rouillé qui se débloqua d'un seul coup. Elle vacilla, emportée par son élan, et tomba par terre tandis que la grille s'ouvrait devant l'ours. L'animal sortit prudemment le museau, reniflant l'inconnue rousse puis il se dressa de toute sa hauteur dans un grognement menaçant. Silesta recula comme elle put, les yeux écarquillés.
« Euh... »
Elle se recroquevilla de peur quand la bête abattit ses pattes avant, craignant la fin. Au lieu de sentir des griffes longues comme ses doigts la lacérer, la jeune femme entendit un glapissement douloureux et enragé retentir près d'elle. L'ours venait au contraire de la protéger d'une attaque d'un worg relâché à l'instant de sa cellule. Le loup hideux riposta d'un coup de dents droit dans l'épaule de son opposant mais ce dernier avait l'avantage de sa carrure imposante. Il repoussa le worg de tout son poids avant de se jeter à nouveau sur lui. Captivée par le combat des bêtes, Silesta manqua de ne pas remarquer le gobelin qui arrivait droit sur elle. Un arabesque acrobatique doublé d'une petite balayette basse de bolas dans les chevilles permit à la jongleuse de se remettre debout sans risque avant d'achever son adversaire à terre. Plus loin, Ombrecoeur était au sol et peinait à retenir la violence du deuxième worg grâce à son bouclier qui faisait barrage entre elle et la bête.
« Ombrecoeur !
_ Repulso ! »
C'était la voix de Gayle. Un éclair rouge zébra le doré projeté par les flammes des torches et frappa la bête de plein fouet, l'éjectant avec violence contre les barreaux de la cellule. En plus de la gêne que représentait sa lourde armure en plaques peu pratique, la prêtresse n'avait plus assez de force pour se dégager. Elle laissa sa tête retomber au sol, à bout de souffle. Silesta serra ses bolas, prête à y aller mais Lae'zel la prit de court en se chargeant d'immobiliser définitivement le worg d'un mouvement d'estoc d'épée dans le cou. La githyanki gratifia la demi-elfe d'un lourd jansénisme et se détourna sans plus de cérémonie. Ombrecoeur la suivit des yeux avec autant de froideur.
« Rien de cassé ? s'inquiéta Silesta en aidant la cléresse à se relever.
_ Ça ira, merci. »
Quand elle se retournèrent, les deux jeunes femmes découvrirent que l'ours n'était plus. Il avait laissé la place à un elfe imposant dont la musculature puissante inspirait la force brute de sa forme animale. D'âge mûr, ce colosse aux cheveux mi-longs châtains portait des griffures au-dessus de son œil gauche là où de délicats tatouages entrelaçaient la moitié droite de son visage. Sa tenue de cuir faite de feuillages sur les épaules était la même que celles des druides du Bosquet d'Émeraude, frappée du même blason sur la poitrine.
« Seigneur Archidruide Halsin ? l'apostropha l'humaine dans un mouvement respectueux de la tête.
_ En effet, confirma celui-ci avec étonnement avant de rire doucement. Vous n'avez donc pas foncé tête baissée pour libérer un ours sans certitude de sa réaction. Je vous remercie pour votre intervention. Appelez-moi simplement Halsin, je vous en prie. À qui ai-je l'honneur ?
_ Nous venons du Bosquet d'Émeraude, il est en danger. »
Son entretien avec Minthara doublé du fait de se trouver face à un druide lui avait remis en mémoire la sombre destinée du peuple tieffelin là-bas. Seul Halsin pouvait empêcher le rituel d'être mené à bien. Le druide confirma par un visage sombre. Dans son imprudence, il avait rendu le bosquet vulnérable.
L'elfe plissa le front quand il s'attarda plus attentivement sur ses sauveurs.
« Hum... J'ai déjà vu cette lueur auparavant. Vous allez bien ? »
Avant d'obtenir la moindre réponse, il joignit le geste à la parole et porta la paume face à eux. Une douce chaleur les scanna de part en part puis Halsin les observa d'un air chagriné.
« Puisse le Père des Chênes vous préserver. Vous êtes infectés par une larve de flagelleur mental, n'est-ce pas ? Voici donc la raison de votre présence ici, vous cherchez un remède.
_ Pouvez-vous faire quelque chose ? » implora presque Lae'zel.
Le druide expliqua qu'il étudiait ces choses depuis quelques temps déjà, plus exactement depuis qu'il avait découvert que ces prétendues âmes éveillées en avaient toutes un dans la tête. Quelqu'un usait d'une magie très puissante pour modifier la larve de manière à exercer un contrôle absolu sur les infectés.
« Malheureusement, je suis impuissant face à cette magie. Je suis désolé. Je ne peux vous soigner, certes, mais je peux toutefois vous aider d'une certaine façon. »
La vague de déception qui venait de s'abattre sur les cinq têtes face à lui s'allégea à peine lorsque Halsin proposa son concours : bien qu'il ne fût pas en mesure d'extraire les parasites, il avait découvert d'où ils provenaient. Il était quasi certain que c'était à ce même endroit que leur magie spéciale leur était appliquée et qu'un possible remède pouvait s'y trouver par la même occasion.
« Je vous donnerai tous les détails, promit Halsin. Mais il faut d'abord rejoindre le bosquet. Les trois chefs...
_ Morts, coupa aussitôt Astarion avec impatience. Avez-vous un moyen de nous faire quitter cet endroit sans risquer de tomber sur le reste du camp ?
_ À moins que vous ne puissiez vous transformer en souris... »
Silesta se tourna vers Gayle pour lui demander si sa magie pouvait faire quelque chose. Hélas, le magicien n'était pas en mesure de maintenir un sortilège pour autant de personnes aussi longtemps. Il encouragea le druide à partir seul devant s'il en avait la possibilité. L'important était sa sécurité et celle du bosquet ; eux trouveraient le moyen de sortir. Halsin acquiesça.
« Soyez prudents et que Silvanus veille sur vous. »
Après une brève incantation, l'imposant elfe rapetissa en une minuscule souris grise qui fila à toute allure vers la porte de sortie. Le soulagement de savoir Halsin en vie fut vite remplacé par une nouvelle bouffée d'anxiété. Comment sortir d'ici ?
Silesta se sentait impuissante. Elle avait beau réfléchir, ses pensées restaient dans une impasse ; d'autant plus que ses cheveux venaient chatouiller son nez en ondulant ici et là pour la gêner. Elle remonta une mèche de cheveux sur le sommet de son crâne avant de s'immobiliser. Comment ses cheveux pouvaient-ils bouger sachant qu'elle était dans une pièce fermée ? La jeune femme rassembla sa concentration sur le très léger courant d'air qui effleurait son visage. Cela provenait d'une autre cellule toute proche. Un premier coup d'œil ne laissait rien paraître : ce n'était qu'une geôle vide avec un tas de paille dans un coin, une vieille écuelle ébréchée en terre cuite et de très très vieux ossements tout au fond. Une analyse plus poussée lui permit de remarquer ce petit détail insolite : des brins de paille qui remuaient à peine.
« Silesta, vous voulez faciliter la vie des gobelins en choisissant déjà votre prison ? S'ils ne vous tuent pas avant », tança Ombrecoeur qui ne comprenait pas ce qu'elle faisait.
La saltimbanque ne l'écouta pas et brassa la paille sur le côté pour finir par dévoiler un trou laissé par quelques briques arrachées. Elle appela ses camarades qui approchèrent.
« Il y a de l'air qui passe, ça veut donc dire que ça mène quelque part dehors.
_ Ai-je l'air d'un halfelin ? objecta Astarion comme si on lui demandait si un plus un faisaient bien deux. Aucune chance que l'un de nous passe là-dedans.
_ Écartez-vous », ordonna Lae'zel en passant devant eux.
La githyanki attrapa sans rien dire la masse que tenait Ombrecoeur et s'attela à frapper à grands coups les briques érodées. La pierre s'effrita vite et l'ouverture s'agrandit assez pour découvrir un passage assez grand pour laisser passer un adulte accroupi. Les aventuriers mirent un genou à terre et se postèrent face à l'ouverture. Le courant d'air était un peu plus marqué à présent, quoi-qu'encore discret. En revanche, le tunnel était encore plus sombre qu'une nuit sans lune.
« Quand il faut y aller », murmura la cléresse en s'engageant la première, aidée de sa faculté à voir dans le noir.
Lae'zel lui emboîta le pas peu de temps après, suivie par Astarion qui râlait sur la poussière qui lui tombait dessus. Restée avec Gayle, Silesta ne savait comment interpréter le fait de voir disparaître si vite les bruits de ses camarades dans le noir venteux du tunnel. Il aurait été tentant de les appeler mais ils ne devaient pas courir le risque de se faire prendre dans une telle situation.
« Allez-y, Gayle. »
Le magicien s'occupa en premier lieu de laisser une source de lumière pour la jeune femme. Un petit sortilège tout simple lui permit d'enrober les bolas de la danseuse d'une faible lueur puis il s'engagea à son tour dans le passage.
La progression n'était pas des plus aisées. Marcher à quatre pattes dans une galerie qui était à peine assez large pour ses épaules et qui était couverte de petits cailloux plus ou moins tranchants était un supplice pour les mains et les genoux. Silesta eut à s'arrêter et à adapter sa position de nombreuses fois car le plafond perdait parfois en hauteur pour la forcer à ramper, d'autant plus que la position de ses bolas accrochés à sa taille n'était pas des plus pratiques pour voir devant elle. Ce couloir n'avait de providentiel que la fonction, tout le reste n'était qu'oppression.
Le front en sueur par l'effort, la jeune femme se redressa sur les coudes, saisie subitement par le silence étouffant autour d'elle. Elle avait perdu la trace auditive de Gayle.
« Gayle ? Gayle ! »
Sa voix se perdit brièvement dans un faible écho. Un petit éboulis de gravillons et de poussière lui tomba sur la tête et la fit tousser. Sa circulation sanguine et son cerveau tournaient plus vite. L'angoisse commençait à la gagner. Elle ne craignait pas le noir mais cette impression d'être dans un cercueil crispait ses muscles petit à petit. Elle secoua la tête. Elle devait avancer.
Les écorchures à ses bras pulsaient de douleur à chaque mouvement. Depuis combien de temps était-elle là-dedans ? Cinq minutes ? Plus ? Le temps s'égrenait aussi lentement que sa progression. Soudain, un grondement sourd de roulis rocailleux résonna à ce qu'elle estima être une dizaine de mètres plus loin. Son cœur manqua un battement.
« Non ! Non non non ! »
Elle poussa sur ses jambes qui frottèrent encore plus durement contre la rocaille. Elle sentait la poussière se coller à ses plaies dans ses paumes. Une odeur minérale humide et sablonneuse lui emplit les narines au même instant où elle découvrit le cul-de-sac qui achevait sa pénible route. La panique l'étreignit.
« Au secours ! appela-t-elle en grattant l'amas de pierres effondrées. Je suis coincée ! S'il vous plaît ! »
Elle constata avec horreur que l'étroitesse de la galerie ne lui permettrait pas de déplacer les gravas. Silesta cria de plus belle, oubliant qu'elle était peut-être à deux pas du camp gobelin. Elle ne voulait pas mourir ici !
De douloureuses minutes s'écoulèrent et l'air qu'elle respirait devint de plus en plus saturé. Allait-elle s'éteindre dans ce terrier funéraire ? Les autres allaient-ils bien ? Comment les guerrières s'en étaient-elles sorties avec leur armure ? Gayle avait aussi une certaine carrure, son élégante robe prune devait être bien amochée. Quant à Astarion...
Joue contre terre, Silesta se redressa faiblement au son d'un grattement au-dessus de sa tête. Ce fut ensuite un roulement de cailloux et des voix étouffées qui lui parvinrent. Une lueur d'espoir embrasa ses yeux de pluie.
« Ici ! Je suis ici ! »
Après quelques minutes, une part de gravas s'ouvrit en un petit trou duquel en sortit une main aux longs doigts égratignés. Silesta l'empoigna sans réfléchir et se jeta à corps perdu vers l'ouverture de fortune. Le mur ne résista pas sous le poids et l'élan de la jeune femme et s'effondra sous son corps. Une atmosphère tiède embauma ses poumons et lui arracha une inspiration venant de ses entrailles.
« Respirez, tout va bien. Ça va aller. »
Elle ouvrit les yeux sur la main qu'elle tenait aussi fermement qu'elle aurait tenu le dernier fil la reliant à la vie. Qui de Gayle ou d'elle était le plus soulagé, nul n'aurait pu le dire. Derrière lui, presque cachés par la nuit qui les entourait, Ombrecoeur, Lae'zel et Astarion étaient tout aussi abîmés et pantelants. Ils étaient tous vivants. Elle apaisa sa respiration encore haletante comme elle put.
« J'ai... comme une impression de déjà-vu, maître magicien. »
Gayle essuya un rire, imité discrètement par Ombrecoeur. Maintenant, elle connaissait aussi les affres des tunnels aux sorties incertaines. Silesta sourit à son tour, trop heureuse d'être revenue de son tombeau de terre.
La vision d'une gourde qui pendait devant son nez lui fit lever les yeux ; elle croisa deux rubis assombris par l'obscurité de la nuit.
« Vous faites peur à voir », se moqua Astarion.
Elle le dévisagea un moment et l'engourdissement de son bon sens ne se fit pas attendre : revoir son visage lui procurait un soulagement au-delà du raisonnable. Elle accepta l'eau qu'il lui tendait en lui accordant une fausse grimace rebutée.
« Vos cheveux sont d'un négligé... »
Pendant qu'elle se désaltérait et se lavait rapidement le visage et les mains, Silesta laissa ses compagnons expliquer que le tunnel les avait menés à une centaine de mètres du camp gobelin. Même s'ils étaient épuisés, il leur faudrait donc avancer un peu avant de pouvoir s'arrêter pour la nuit afin de ne pas attirer l'attention. La saltimbanque fut prise d'inquiétude. N'y avait-il pas un risque que les gobelins aillent s'en prendre au bosquet en titre de représailles ? Ils étaient encore nombreux là-bas.
« J'en doute, répliqua Ombrecoeur. Sans chef pour les coordonner, ils peineront à organiser une attaque de grande ampleur.
_ Et si Halsin parvient à rejoindre le bosquet, il pensera à anticiper une potentielle riposte, acheva Gayle avec confiance. Si tout le monde a repris son souffle, dépêchons-nous d'avancer avant que la fatigue ne nous ôte toute motivation. »
J'aime casser les éléments du décor (surtout les ponts au-dessus du vide même si fuck les loots) et j'aime les raccourcis scénaristiques T.T (sans rire, d'où CINQ personnes tombent vraiment un camp gobelin entier ? D'un point de vue purement logique, non, c'était au-dessus de mes forces avant même la répulsion de faire encore une scène de combat)
Je vois déjà les coquinettes rêvasser d'une petite fiesta. Naon. Pas encore. Tenez bon.
