Chapitre 1 : Valaena Targaryen
En l'année 78 après la conquête d'Aegon le Conquérant.
Valaena Targaryen contemplait son reflet dans le miroir. À 16 ans, on s'attendait à ce qu'elle se marie rapidement. Après tout, à cet âge, ses frères et sœurs ainés avaient tous épousé leurs moitiés, mais qui remarquait Valaena. Elle n'était ni le glorieux Aemon, ni le brave Baelon, ni la courageuse Alyssa, ni la sage Maegelle, ni le savant Vaegon, son frère jumeau, ni la douce Daella, ni la diabolique Saera et certainement pas la magnifique Viserra. Elle n'était que Valaena Targaryen, la troisième fille du roi Jaehaerys le Conciliateur et de la bonne reine Alysanne Targaryen.
— Tu devrais arrêter de fixer ce miroir, ma sœur.
Dans le reflet, la princesse fut surprise de voir son frère jumeau, Vaegon.
— Depuis quand es-tu-là ?
Le prince haussa les épaules en se rapprochant d'elle.
— Je suis arrivé il y a quelques minutes. Le roi et la reine ne savent même pas que je suis ici.
Quand il fut à portée de ses bras, le prince fut tiré contre la poitrine de son aînée. Sa sœur avait grandi, songea le mestre. Elle était passée d'une fille malingre avec de grands yeux violets et des cheveux crépus, à une magnifique jeune femme, mince, avec des hanches larges, une poitrine opulente, un visage ovale avec une bouche en cœur, des longs cheveux blonds platines bouclés et des jambes à ne plus finir. Il n'était pas le plus vénal des hommes, bien au contraire, mais sa sœur pouvait certainement éveiller le désir. Quoi que cette dernière en dise et pense d'elle-même.
Son jumeau tapota maladroitement son dos, mais finit par lui faire un vrai câlin, car elle ne le lâcherait pas avant qu'il ne soit sincère dans son affection.
— C'est si bon de te voir petit frère.
Les deux Targaryen s'assirent sur le lit et commencèrent à parler de la nouvelle vie de Vaegon à la Citadelle, des livres qu'il lisait, des choses qu'il apprenait et des gens qu'il côtoyait. Qu'il était bon de pouvoir à nouveau parler avec lui. Les lettres ne pouvaient pas transmettre l'intégralité des émotions et des ressenti qui habitaient la jeune princesse.
La porte de Valaena s'ouvrit quelque temps plus tard sur les cadettes de ses sœurs, la belle Viserra, âgée de huit ans et sur leur impétueuse sœur de 11 ans, Saera. Les deux se trouvaient dans une dispute acharnée et avaient semble-t-il couru pour venir chercher le conseil de leur aînée. Vaegon qui souriait, il y a encore quelques instants, prit un air grave et entendu, alors que Vaelana se levait pour essayer de comprendre le sujet de la mésentente ambiante.
— Il suffit ! Expliquez-vous !
— Ana ! Tu dois dire à Saera que Baelon m'aime. Elle ne me croit pas ! Dit lui que quand j'aurais fleuri, il m'épousera ! Dis-lui ! Viserra criait, son petit visage contractait par la colère.
Saera ricana méchamment à la demande de leur petite sœur.
— Jamais il ne t'épousera ! Ne sois pas idiote ! Il ne te remarque même pas !
— Saera ! réprimanda Valaena.
Sa sœur n'avait pas complétement tort, Baelon ne remarquait guère Viserra. En fait, Aemon, Baelon et Alyssa suivant l'exemple de leurs parents ne remarquaient rien sinon eux-mêmes.
– Ce n'est pas gentil ! continua Valaena qui s'accroupit et saisit les épaules de Viserra, l'obligeant à maintenir son regard sur elle. Je suis désolée, petite sœur, mais Baelon ne t'épousera pas. Baelon aime Alyssa. Cependant, quand tu fleuriras, tu pourras avoir un homme qui t'aimera pour toi, pour tes qualités et pour tes défauts. Toutefois, cet homme ne sera pas Baelon !
Il fallait absolument que sa cadette abandonne cette idée qui revenait régulièrement sur le tapis, depuis quelques mois. Si elle n'y mettait pas bon ordre, Valaena craignait que cela arrive aux oreilles de leurs parents et surtout de leur mère. Celle-ci dans son infinie bonté, ne verrait pas le béguin d'une enfant, mais une menace pour le trône.
Viserra bouda quelques instants, alors que Saera continuait à lui sourire moqueusement, même si ce dernier disparut quand Valaena lui fit les gros yeux.
— Alors… Je veux un dragon !
Valaena compta jusqu'à dix dans sa tête pour se calmer. Aucune d'elles ne pouvait avoir des dragons. Alyssa avait pu prendre un dragon parce qu'elle avait épousé Baelon, leur frère qui ne quitterait jamais leur famille. Aucune d'elles n'aurait cette joie. Viserra le savait, mais répétait régulièrement son souhait. Mais Valaena n'eut pas le temps de réprimander une seconde fois sa sœur, car un coup résonna à sa porte. Un garde entra et annonça que le roi et la reine voulait voir leur fils. Ils attendaient Vaegon dans les appartements de la reine.
L'aînée se tourna vers son jumeau.
— Veux-tu que je vienne ?
— Non. Le jeune homme serra sa main au passage. Je reviens dans peu de temps. Mes sœurs, salua t'il avant de suivre le garde.
Il ne fallut qu'un instant à Saera pour relancer une dispute avec Viserra qui dura quelques minutes de plus. Valaena qui en avait assez de ce jeu, décida d'aller se promener. Ses deux sœurs sautèrent sur l'occasion pour la suivre. Par acquit de conscience, Valaena passa dans les appartements de Daella, sa cadette d'un an, mais elle prétexta sa peur des abeilles et resta avec ses compagnes et sa septa.
Les trois princesses se rendirent donc dans les jardins. Viserra et Saera la suivirent quelque temps, avant de commencer à chasser un papillon, puis elles se dirigèrent vers les bassins et enlevèrent leurs chaussures et commencèrent une bataille d'eau qui les laissa tremper de la tête aux pieds. Valaena s'assit sur un banc et les observa être des enfants. Les septa, leurs compagnes, leurs parents, et même la cour désapprouveraient, mais les princesses aussi avaient besoin de liberté. Quand le soleil commença à taper sur son visage, la jeune femme se dirigea sous l'arbre cœur et s'allongea. Lentement, bercée par le rire de ses sœurs et par la douce brise, elle s'endormit. Quelques heures plus tard, ce fut ser Ryam Redwyne qui la réveilla, ainsi que ses deux sœurs qui s'étaient blotties contre elle.
— Princesses, le roi et la reine veulent que vous veniez au banquet de ce soir.
— Nous y serons ser, répondit l'aînée en se relevant et en aidant ses deux cadettes qui se frottaient les yeux.
Valaena accompagna d'abord Viserra dans sa chambre et l'aida à choisir sa robe et ses bijoux, puis fit de même avec Saera. Quand elle fut certaine que tout était sous contrôle, la princesse se dirigea vers les appartements de Daella. Dans le couloir, des cris pouvaient se faire entendre et Valaena ne tarda pas à entrer pour la voir rouler en boule sur son lit, en train de pleurer et ses dames impuissantes à la calmer.
— Ma douce, demanda avec gentillesse Valaena en lui frottant le dos, ta gentille dame tient une merveilleuse étoffe rouge. Elle ne pique pas et elle est même incroyablement duveteuse. Ne veux-tu pas l'essayer ?
— Non ! Elle est trop rouge ! C'est la couleur du sang ! Je ne veux pas mourir ! Ses cris hystériques se perdirent dans l'oreiller.
— Oh ma douce, Valaena fit signe à la servante de cacher la robe. Prenez celle vert d'eau. Elle hocha la tête vers la dame. Ella, caressant ses cheveux, je t'ai choisi une robe bleue, c'est ma préférée. Elle est de la couleur du ciel et des ruisseaux calmes. La mettrais-tu pour moi ?
Sa sœur se tourna, observa la robe et hocha la tête. Valaena sécha ses larmes et laissa ses dames s'occuper de sa cadette. Elle pressa un baiser sur sa tête et commença à sortir. Cependant, au dernier moment, elle saisit le bras de lady Ymelda Estremont et lui rappela d'emmener Daella à l'heure chez leurs parents. Quand, enfin, elle arriva dans ses appartements, il restait dix minutes pour sa coiffure et son habillage. Heureusement, Alya, sa servante, la connaissait bien. Sa robe de velours rouge fut donc sur elle en une minute, ses longs cheveux platine bouclés furent négligemment attachés avec deux pinces en forme de dragons. Comme seuls bijoux, elle se para des boucles d'oreilles en obsidienne et rubis, cadeau de son frère Vaegon.
Malgré sa rapidité, la princesse était en retard et dut courir dans les couloirs. Deux gardes se tenaient devant la porte et lui ouvrirent en lui jetant un regard presque désolé. Elle comprit pourquoi, quand toute sa famille, au grand complet, semblait l'attendre pour commencer.
— Je m'excuse de mon retard, dit-elle en s'inclinant et en allant s'asseoir entre Vaegon et Daella.
Tout en ne montrant rien sur son visage, son frère serra brièvement sa main.
— Comme il est bon de voir tous nos enfants et nos petits-enfants réunis, dit Alysanne.
Le côté mesquin de Valaena remarquait que les plus vieux enfants se trouvaient de part et d'autre de leurs parents, puis suivaient leurs conjoints et leurs enfants. Quant aux autres, ils étaient au bout de la table. Le discours de sa mère et de ses frères et sœurs ne présentant aucun intérêt, son esprit vagabonda sur différents sujets. Il partit si loin que Vaegon dut la sortir de sa rêverie en serrant sa cuisse. Maegelle parlait de sa journée.
— Un souvenir de sa journée par personne, la renseigna en murmurant son jumeau.
— Ça avait l'air fantastique ma chère. Valaena, qu'as-tu fait de ta journée ? Demanda la reine.
Elle pourrait dire qu'elle avait lu un livre et ce serait la fin de l'interrogatoire parental. Alysanne ne cherchait pas vraiment à savoir, elle cherchait simplement à s'assurer que ses enfants ne désobéissaient pas aux lois de Jaehaerys et aux siennes. Dire que ce matin elle s'était rendue en ville, par les passages secrets de Maegor, pour superviser la construction de deux nouveaux orphelinats et visiter les femmes et les enfants qui allaient un jour prochain y habiter ne serait pas convenable en cette compagnie. Valaena voulait être certaine qu'ils avaient tout ce qu'elle pouvait leur offrir, sans éveiller la fureur royale. Toutefois, ce n'était pas ce qu'Alysanne voulait entendre. Elle ne voulait pas davantage entendre que sa fille connaissait des dorniens, des prostituées, des assassins et des meurtriers de tout poil.
Alors elle mentait.
— J'ai lu un livre.
Alysanne hocha la tête et se détourna immédiatement d'elle.
— Et toi Vaegon ?
Si son frère se mordit la langue pour éviter de faire un commentaire désobligeant à leur mère, Valaena fut la seule à le remarquer. Chaque enfant passa, même Daella qui raconta avec difficulté son jeu avec sa servante.
Le repas dura deux heures. Quand, enfin, ils purent partir, Valaena fut l'une des premières debout. Sa fuite fut cependant interrompue par sa mère, la reine Alysanne, qui se racla la gorge faisant se retourner toutes les personnes de la pièce vers elle.
— Valaena. Un instant. Demain, nous devrons parler toutes les deux. Nous t'avons trouvé un époux.
Pour le coup, Valaena aurait pu pleurer, à la place, elle hocha simplement la tête, s'inclina et suivit le reste de sa famille.
— Ne t'inquiète pas petite sœur, mère t'as trouvé un gentil seigneur gras et laid qui te donnera des petits porcelets. Au moins, à lui, tu pourras lui raconter tes histoires, ricana Alyssa en passant à côté d'elle.
Baelon rigola comme Aemon à la réplique d'Alyssa, alors que Maegelle grondait doucement leur aînée sur son manque de délicatesse, mais Valaena ne releva pas l'insulte. Habituellement, elle serait rentrée dans la bataille et aurait laissé Alyssa sur la touche, car son vocabulaire et son verbe surpassait celui de son aînée. Cependant, Valaena était dans son propre petit monde, ou régnait en maître l'angoisse et l'incertitude. Elle ne remarqua donc pas la mine déçue et un peu inquiète de ses ainés, pas davantage que la préoccupation de ses cadets.
