Ça y est ! C'est officiel ! DSeDP sera ma plus grosse fanfiction en terme de mots et de chapitres. J'ai dépassé les 65 chapitres. Bon, on s'en fout complet mais je voulais juste admirer ma « performance » quantitative.
D'ailleurs, pour marquer le coup, je me tâte à me faire imprimer DSeDP officiellement sous forme de livre pour me rappeler que je peux être une vraie acharnée qui peut se donner à fond. De ce que j'ai pu voir sur les sites d'auto-édition/publication, ça coûte une vingtaine d'euros pour 500 pages et ça fait un joli souvenir. Il me faudra juste trouver une image de couverture.
À voir. Ça fait peut-être un peu mégalo, non ?
Journal des reviewers
Seulie : Contente de savoir que mes bêtises t'apportent un peu de réconfort :) J'espère que ça va un peu mieux.
Liline37 : Ne t'inquiète pas, l'IRL prévaut toujours sur le reste :) Je reconnais avoir eu peur de t'avoir fait fuir avec le chapitre 25 lol.
C'est vrai que j'ai fait une prise de risque à enchaîner confession et galipettes mais je pense avoir fait passer le message que malgré tout, Astarion restait dans un entre-deux. Il réalise qu'il éprouve un début d'affection sincère pour Silesta qui lui plaît bien mais il reste encore « alerte ». On pourrait voir ça comme une sorte de test qu'il se donne pour se jauger. Rassure-toi, il n'est pas croque-love pour autant. Il sait que Silesta veut son bien et qu'il se sent bien avec elle, mais on n'est pas dans la passion et Astarion ne va pas sombrer dans l'amoureux romantique. J'ai sans doute frappé un gros coup là, mais je reprends mon petit tricotage tranquille maintenant. Comme je l'ai dit en commentaire, je tiens à garder une cohésion.
On continue la visite du Temple de Shar!
CHAPITRE XXVII – AU COEUR DES TÉNÈBRES
« C-C'était la voix de Shar ? souffla Astarion, ébahi. C'est impossible.
_ Ma déesse... »
D'abord encore tourneboulée par son vol plané, Ombrecoeur se redressa pour mettre aussitôt un genou à terre, ses yeux vert d'eau farouchement vissés dans ceux doucement moqueurs de la statue.
« Je vous prouverai que je suis digne. »
Loin de partager la béatitude de sa camarade, Silesta était plus sur le qui-vive qu'autre chose. Shar n'était pas réputée pour sa bienveillance et la perspective de se soumettre à des tests n'avait rien de rassurant. Et surtout, comment allaient-ils pouvoir supprimer un bouclier invisible ? Les lieux étaient plongés dans l'obscurité presque totale ; seule la vive lueur des runes autour de la statue et celle de lanternes suspendues dans les hauteurs leur épargnaient les ténèbres absolues.
« Fouillons aux alentours, décida la cléresse. Et prenez garde, il y a sans doute d'autres pièges. »
Elle ne croyait pas si bien dire. Sa crainte fut confirmée quelques secondes plus tard lorsque Gayle eut le malheur de passer trop près du champ de force invisible. Comme son alliée avant lui, le magicien fut repoussé violemment et atterrit à quelques centimètres à peine d'une étrange plaque circulaire.
« Pas un geste », l'arrêta aussitôt Astarion d'une voix tendue. Il s'agenouilla pour scruter de plus près le disque et fronça les sourcils. « Un piège. »
Gayle n'osa plus remuer le moindre muscle. Il se raidit et manqua de s'étrangler en voyant son comparse... s'éloigner comme si de rien n'était.
« Vous pourriez au moins désamorcer le piège ! s'insurgea le mage avec effarement et colère.
_ Oui, mais non. Au moins, je ne vous aurai pas dans les pattes pendant un moment. Évitez d'éternuer, on ne sait jamais. »
Silesta roula des yeux. Ces deux-là étaient parfois pires que Lae'zel et Ombrecoeur.
Elle prit Gayle en pitié et vint analyser son épineuse position. Si le piège n'avait pas été déclenché dès sa chute, cela voulait dire que le risque était minime. La jeune femme aida l'homme à se relever et tous deux repartirent fureter, non sans raser les murs de peur de se heurter de nouveau au bouclier.
Même si son insolence avait de quoi faire bondir, il fallait reconnaître qu'Astarion avait du flair et que sa longue vie à fréquenter des gens peu recommandables avait eu le bénéfice de lui conférer un sens de l'observation et de la prudence redoutable. L'arpenteur des ombres pointa nombreux pièges, notamment aux entrées de quatre salles qui entouraient la scène principale. Ces quatre alcôves n'avaient rien de particulier hormis la présence d'un tombeau et d'un levier dans chacune d'elles. Pour Ombrecoeur, ce n'était pas une coïncidence.
« Que fait-on ? On les active ?
_ Essayons en même temps. »
Silesta, Lae'zel, Gayle et Astarion, postés chacun devant un levier, attendirent le décompte d'Ombrecoeur restée à l'entrée de la première salle. Quand celui-ci prit fin, tous serrèrent les dents et tirèrent leur levier en priant les dieux. Le roulement d'un mécanisme vibra autour d'eux.
« Ça a marché ? appela Silesta depuis son alcôve.
_ Je ne suis pas sûre, répondit Ombrecoeur. Venez voir. »
Les quatre aventuriers rejoignirent la prêtresse en restant sur leurs gardes. Suite à l'activation de leur mécanisme, des lanternes de fer éclairées d'une lueur rosée et suspendues par de longues chaînes étaient descendues du plafond. À part leur présence, rien d'autre n'avait changé. La même question partagea les esprits mais personne n'osa la formuler.
« Je vais essayer », décida Silesta en s'armant de courage.
Elle inspira profondément et s'avança, la main tendue. Très vite, un électrochoc traversa tout son corps et le décor valsa autour d'elle.
« Non fit injura ! »
Le réflexe agile de Gayle qui lui lança à temps un sort de feuille morte la préserva d'une chute aussi brutale que les deux autres fois, même s'il n'avait pas complètement annulé le choc.
« Qu'est-ce qui manque ? » se désola Ombrecoeur face à cet échec.
Encore étalée contre la pierre froide, Silesta leva le nez du disque de bronze qui brillait sous elle et tordit sa nuque pour lire ce qui y était gravé.
« La réponse se trouve dans les ténèbres, articula-t-elle tout en s'aidant de la main de Gayle pour se relever.
_ Mais bien sûr ! »
Sans perdre une seconde, Ombrecoeur alla éteindre une à une toute source de lumière qui allait parasiter l'obscurité autour de la statue. Se faisant, tous s'accordèrent à penser que cela était logique : Shar n'était-elle par la maîtresse de l'Ombre parmi tant d'autres attributs ?
Les lueurs parme moururent les unes après les autres et lorsque la dernière lanterne fut éteinte, un nouveau demi-cercle de runes magiques se traça autour de la statue de Shar, à peu près au même endroit qui leur avait valu de jolis vols planés. Le champ de force venait-il de se révéler ?
La prêtresse fut celle qui se risqua à le vérifier. Sous les regards tendus de ses amis, elle approcha de l'espace central et se faufila prudemment entre les chemins de runes jusqu'à atteindre le plateau qui se dressait devant Shar. Une étrange sphère lisse à la même couleur parme reposait. La demi-elfe la prit délicatement tout en murmurant une brève prière pour sa déité et un soupir de soulagement traversa les rangs arrières en constatant que rien de fâcheux ne se produisait.
Le petit groupe traversa la salle et se rendit à la nouvelle porte dont les runes qui l'ornaient brillaient avec plus de vivacité. À l'approche d'Ombrecoeur, la porte gronda et s'ouvrit lentement sur la pénombre d'un nouvel espace bien plus vaste encore qui indiquait très clairement qu'ils venaient de pénétrer dans le véritable temple de Shar.
Quand ils montèrent les quelques marches, nos amis découvrirent un immense espace ouvert à la hauteur sous plafond vertigineuse et aux nouveaux couloirs à visiter... ainsi que trois silhouettes rachitiques aux mouvements erratiques.
Ils se tendirent, aux aguets. À quelques mètres d'eux se tenaient trois squelettes armurés aux orbites vides allumées d'une étrange lueur verte. Paradoxalement, même s'ils n'étaient plus pourvus d'oreilles, les morts-vivants remarquèrent aussitôt l'arrivée de ces visiteurs impromptus et se tournèrent vers eux.
Chacun porta lentement une main à son arme pour se préparer à toute éventualité.
« Vous n'avez rien à faire ici », prévint l'un des squelettes de sa voix éraillée.
Silesta s'immobilisa, saisie d'horreur. Elle sentait au loin la présence d'une larve de flagelleur dans la soupe putréfiée qui servait de cerveau à cette chose... et autre chose. Quelque chose agissait dans l'obscurité au-dessus de ce cadavre pour le manipuler. Ou quelqu'un. Quelqu'un comme un nécromancien qu'on leur avait demandé de retrouver ?
« Non, c'est vous qui n'avez rien à faire ici, se défendit Ombrecoeur, révulsée. Vous êtes dans le domaine de la Dame Sombre et elle n'a que faire d'un ramassis d'os impies. »
Les trois squelettes remuèrent bizarrement lorsqu'ils s'exprimèrent tour à tour, comme des poupées qui prenaient vie quand leur marionnettiste se saisissait de leurs fils :
« Vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas.
_ Vous perturbez mes plans. Allez-vous-en. »
Le doute n'était plus permis : c'était ce Balthazar qui se servait de ces cadavres.
La tension exercée par ses camarades près de Silesta lui laissait comprendre qu'ils n'avaient pas du tout envie de se laisser conter fleurette très longtemps.
« Nous sommes ici sur ordre de Z'rell, intervint aussitôt la jeune femme pour empêcher ses compagnons d'attaquer. Nous venons apporter notre aide à un dénommé Balthazar. »
Les morts-vivants demeurèrent figés un instant.
« Z'rell manque vraiment d'imagination, finit par dire l'un.
_ Elle a des lacunes, mais ce n'est pas mon cas, surenchérit un autre. Partez maintenant, avant que... »
Une étrange pression chargea tout à coup l'atmosphère et fit lever le nez des vivants pendant que les morts s'agitaient.
« Imbéciles ! glapit le duelliste le plus proche. Vous avez réveillé les ombres !
_ Ralliez-vous à moi ! Vite ! » ordonna l'archer avant de décamper.
Des cliquetis d'armure les firent se retourner. Deux silhouettes voûtées de guerriers arborant l'armure et le casque des Tribuns de la Nuit venaient de sortir de nulle part. Ou peut-être avaient-elles émergé de cette étrange sphère ombreuse d'énergie violacée qui tournoyait juste derrière eux ? Deux autres fantômes caparaçonnés venus du côté opposé commencèrent à s'avancer vers les aventuriers et les squelettes, épées en main.
« Gayle, c'est quoi, ces vortex d'énergie ? s'inquiéta Silesta en attrapant ses bolas.
_ Vous savez, ce n'est pas parce que je me suis retrouvé coincé dans un vortex que je suis un expert. Dans tous les cas, cela ne m'inspire rien de bon. Detono ! »
Le fracas assourdissant du tonnerre s'abattit avec violence sur les Tribuns et la sphère qui grésilla avant de se dissiper. Cela en ferait toujours une en moins.
Les trois squelettes firent face à leurs homologues ombreux mais ne tinrent guère longtemps face à la hargne et à la force de ceux qui constituaient l'élite de Shar de leur vivant. Très vite, nos amis se retrouvèrent seuls face à leurs assaillants d'outre-tombe. Ombrecoeur et Lae'zel se précipitèrent sur les arbalétriers restés en retrait pendant que Gayle et Astarion en décousaient avec les bretteurs qui les avaient pris pour cible.
Silesta ne savait vers qui aller quand son regard fut attiré dans un recoin de la salle : une troisième sphère cachée derrière une large colonne vrombissait de sa noire énergie. La jeune femme y accourut aussitôt et observa le phénomène de plus près. Est-ce que cette chose était au moins concrète ou...
Une froideur perça tout à coup sa clavicule. Une douleur sourde. Un flot chaud. Elle étouffa un gémissement.
Une main gantée de fer venait de sortir de la sphère, vite suivie du reste d'une armure argentée. Silesta vacilla contre la colonne, épinglée par le Tribun de la Nuit nouvellement apparu. Tout son corps se raidit, traversé de fourmillements atroces et son esprit se couvrit. Elle voulut crier à ses amis de prendre garde mais elle n'avait plus la main sur ses actions. Une cacophonie de fer crachouilla à ses oreilles occultées par le stress et le mal et une nouvelle douleur cisailla sa blessure en lui arrachant un cri de douleur. La seconde suivante, ses jambes se dérobèrent sous son poids mais deux mains la saisirent pour l'empêcher de tomber.
« Je vous tiens. »
La blancheur d'une silhouette s'esquissa dans sa vue brouillée.
« A-Asta...
_ Je sais, je ne suis pas celui que vous attendiez le plus alors que vous venez de vous faire embrocher, dit-il à toute allure tout en fouillant dans son sac. Faites avec, le temps qu'on en finisse avec les non-morts. »
Il tira de sa besace une petite flasque au liquide rouge dont il fit sauter le bouchon de liège d'un coup sec entre ses dents et aida la jeune femme à en boire le contenu. La main fraîche du vampire dans son cou lui parut presque chaude contre sa peau tellement elle était en état de choc. Elle but comme elle put puis se laissa engourdir par le début de chaleur qui se diffusait en elle au point de ne pas remarquer que le vortex venait de disparaître sous une nouvelle incantation de Gayle.
Astarion eut un sourire soulagé. Cela devrait suffire mais il faudrait faire vite pour qu'elle ne perde pas trop de sang. Il se remit debout.
« Gardez-m'en un peu, voulez-vous ? lança-t-il avec placidité. Oh, et je vous déconseille de mourir. Tout le monde ne reste pas aussi beau que moi dans la mort. »
La jeune femme le regarda s'éloigner, le corps encore secoué par sa respiration angoissée. Résignée, elle n'eut d'autre choix que d'assister au combat tout en faisant pression comme elle pouvait sur sa plaie. Elle s'en voulait de s'être fait avoir aussi facilement.
Hélas, les bienfaits de la potion de guérison montrèrent vite leur limite et la douleur revint pulser sous son épaule, accompagnée d'une sensation de froid de plus en plus anesthésiante. Ses paupières papillonnaient de plus en plus quand elle vit ses camarades accourir vers elles. Leurs voix n'étaient que parasites sans consonnes. Son bras retomba contre elle. On la prit par les épaules.
Quand Silesta reprit conscience, ce fut comme si on avait vidé ses entrailles à la petite cuillère. Une intense impression de vide s'était emparé d'elle et cette odeur ferreuse de sang lui soulevait le cœur. Il lui fallut un effort surhumain pour redresser son cou endolori de sa poitrine. Elle grimaça et gémit.
« Doucement, lui conseilla la voix d'Ombrecoeur près d'elle. Vous avez perdu pas mal de sang. »
La jeune femme émergea face à ses quatre amis réunis autour d'elle. Sa douleur à la clavicule n'était plus mais la nappe sanguine qui maculait ses vêtements laissait deviner qu'elle n'était pas passée loin.
« Merci, souffla-t-elle en passant ses doigts sur la plaie refermée. Et vous ? Vous...
_ Nous allons bien, l'arrêta Gayle avec bienveillance. C'est vous qui avez tutoyé la Mort. Une chance qu'Astarion avait un œil sur vous. »
Le roublard leva le nez pour regarder ailleurs avec désinvolture quand Silesta chercha ses yeux. Elle ne s'offusqua pas de sa réaction car le fait qu'il soit venu l'aider parlait pour lui-même. Était-ce un pur hasard ou son pâle compagnon la surveillait-il prudemment ? Elle ne le saurait sans doute jamais mais qu'importe ; il était venu à son secours. Elle était en vie et c'était le principal.
« Des nouvelles de Balthazar ? » s'enquit la saltimbanque en acceptant l'orange que Lae'zel lui tendait pour reprendre un peu de force.
Les autres secouèrent la tête. Si Balthazar était à présent bien informé de la présence de sous-fifres de Z'rell dans le temple, il devait être trop occupé pour s'en inquiéter. Aucun signe du nécromancien et ses marionnettes d'os ne s'étaient pas relevées de leur combat avec les Tribuns de la Nuit. Ils allaient devoir débusquer directement leur proie.
Après avoir pris quelques minutes pour s'assurer de tenir debout, Silesta se releva avec un léger tournis et proposa de reprendre leur exploration en dépit des remontrances de Gayle qui jugeait qu'elle était encore faible.
La suite de leur visite du temple de Shar leur proposait de poursuivre à droite ou à gauche. Le combat avec les Tribuns de la Nuit les ayant attirés du côté gauche, nos amis se décidèrent à commencer par ce côté.
Après leur malheureuse première rencontre, ils redoublèrent de vigilance, à l'affût du moindre bruit. Qui sait si la bête démoniaque dont leur avait parlé Raphaël n'était pas dans le coin, prête à leur bondir dessus ? Fort heureusement, la seule chose qu'ils croisèrent pour l'instant dans le long corridor fut un silence total... et une colonie de rats qui cavala entre leurs jambes et les fit sursauter.
« Ah ! Sales bêtes, pesta Astarion avec dégoût en voyant les rongeurs les dépasser en courant. Toujours aussi répugnantes.
_ Étrange. J'en ai rarement vu autant d'un coup , pensa Gayle à voix haute. Poursuivons. »
Silesta jeta un coup d'œil par-dessus son épaule vers les petits cris aigus des rats qui disparaissaient au loin et demanda comment ils allaient s'y prendre avec Balthazar. Faudrait-il jouer l'infiltration jusqu'au bout ou s'en défaire sans sommation ?
« Je préconise la logique efficace et directe, offrit Lae'zel, le regard porté droit devant elle. S'il a Chantenuit, nous l'éliminons. S'il ne l'a pas, nous faisons ce qu'il faut pour y accéder. Et nous le tuons après.
_ Je n'aurais pas mieux dit, acquiesça Ombrecoeur.
_ Voilà un plan comme je les aime », appuya Astarion.
Ils s'arrêtèrent à l'entrée d'une nouvelle pièce très faiblement éclairée où régnait un grand désordre. Un large espace devant un autel couvert d'un drapé sombre, des bancs épars, des candélabres qui trônaient ici et là... il devait s'agir d'une ancienne chapelle de la déesse sombre.
Les aventuriers entrèrent en silence, croyant au premier abord être seuls. Ce ne fut que lorsqu'une silhouette cachée dans la pénombre remua derrière l'autel qu'ils comprirent que l'endroit n'était pas vide. Ombrecoeur et Astarion eurent tôt fait de voir de nouveaux squelettes s'affairer dans la pièce à éplucher les ouvrages qui dormaient sur les étagères de leur bibliothèque. D'autres pantins de Balthazar ?
Le mort-vivant se redressa derrière le chandelier qui barrait sa vue aux arrivants. La même lueur verte que ses comparses tombés au combat brûlait au fond de ses yeux creux.
« Vous osez rôder sur mes plates-bandes ? grinça la créature de sa voix caverneuse. Qui êtes-vous ? Des alliés ? Des ennemis ? Ou de misérables charognards ?
_ Des envoyés de Z'rell, rappela Gayle avec conviction. Pour retrouver le Disciple Balthazar.
_ Ah oui, réagit le squelette avec une légère tape distraite sur sa tête. Dans ce cas, entrez, que je voie si vous pouvez vraiment m'être utiles. »
Le corps sans vie tourna les talons et se dirigea vers la lourde porte qui se trouvait derrière lui et la déverrouilla. La porte coulissa pour s'ouvrir sur une salle plus petite et des goules putrides qui arpentaient l'espace d'une démarche incertaine. Silesta recula d'un pas instinctif et porta la main à ses bolas.
« Ah, les intrus. Et toujours en un seul morceau à ce que je vois », déclara une voix feutrée et amusée plus loin devant eux.
Derrière les goules se trouvait un petit autel de pierre sur lequel gisaient les restes sanguinolents d'un cadavre écharpé qui requérait toute l'attention de la large silhouette encapuchonnée qui les étudiait. Plus remarquable encore que cette ombre dont la noirceur de l'habit se perdait dans l'obscurité, ce fut surtout le goliath colossal à la peau fripée et à la tête de mort qui se tenait en retrait sans bouger qui captura l'attention des visiteurs. Les pectoraux massifs de cette créature étaient encore plus larges que eux tous réunis et ses mains devaient être aussi grandes que leurs avant-bras. Un seul coup de poing de cette chose suffirait à les transformer en bouillie de viscères.
Les visiteurs avancèrent près de l'autel sous les regards morts des goules qui avaient cessé de patrouiller pour les observer. Enfin, la lueur de bougies noires esquissa les traits du maître des lieux. De taille moyenne et la silhouette élargie par un certain embonpoint, un homme sans âge définissable dévisageait affablement ses hôtes de ses iris ambre. Son visage empreint d'une fausse bonhomie était atrocement mutilé par des lacérations rituelles qui formaient un symbole sur toute la surface de sa figure ; cette vision les fit douloureusement grimacer en leur for intérieur. Et que dire de tous ces symboles gravés ou marqués au fer rouge sur toute la largeur de sa poitrine découverte ?
Loin de se douter de l'horrible première impression qu'il suscitait, Balthazar paraissait même guilleret.
« Toutes les âmes éveillées n'auraient pas réussi à me suivre jusqu'ici, vous avez de quoi être fiers », complimenta-t-il avec une pointe de complicité.
Le décalage entre la violence qui exultait de son apparence et le calme léger de sa voix était autant saisissant que perturbant.
« Balthazar, je présume ? Z'rell craint que vous ne soyez sur le point de décevoir votre maître », argua Lae'zel avec aplomb.
Le nécromancien s'ébroua d'agacement. N'importe quoi. Tout était parfaitement sous contrôle et Z'rell était juste jalouse que le Général Thorm n'ait pas autant foi en elle.
« Il faut dire aussi que je suis un élément vital de son plan génial, se félicita l'homme avant de plisser les yeux sur ses interlocuteurs. Mais maintenant que vous êtes ici, peut-être pourrez-vous m'être utiles. J'espère que vous savez ce qui est en jeu ici ?
_ Nous sommes tout ouïe », l'invita Ombrecoeur avec un sourire intéressé.
Les prunelles dorées du nécromancien s'illuminèrent. Une précieuse relique se trouvait quelque part dans ce temple et le général la désirait. Non, il en avait besoin et ces âmes éveillées providentielles aideraient à la retrouver. Nul doute qu'ils devaient être doués pour le combat et d'un certain sens de l'astuce pour avoir pu se rendre jusqu'ici.
« Qu'est-ce que cette relique a de si spécial ? » mentit Silesta en se drapant de désinvolture.
Bien sûr, aucun d'entre eux n'avait oublié que Chantenuit était la source d'invulnérabilité de Ketheric Thorm mais mieux valait éviter de révéler à leur « collègue » qu'ils avaient fouillé un peu trop loin dans ses appartements à Hautelune. Balthazar confirma ce qu'ils savaient déjà et fit une moue agacée.
« La relique est là, toute proche. Il nous la faut avant que l'ennemi ne mette la main dessus. Malheureusement, la voie permettant de l'atteindre est bloquée et les morts sharéens se montrent quelque peu... récalcitrants. Dégagez-moi le chemin, par la force ou la ruse, je m'en moque. Je resterai ici le temps pour vous de réussir... ou de mourir. J'ai encore beaucoup à faire.
_ Vous semblez avoir plus de ressources qu'il n'en faut, susurra Astarion de sa voix veloutée. Un petit coup de main ne serait pas de refus. »
Silesta se mordit la langue. Il fallait toujours qu'il aille chercher la petite bête. Cette tendance à vouloir faire tourner les gens en bourrique se retournerait un jour contre lui.
Le nécromancien dévisagea le vampire un instant, l'expression indéchiffrable. Peut-être était-il en train de réaliser la condition de non-mort de son pâle interlocuteur et miroiter tout ce qu'il aurait pu en faire. Il finit par soupirer faiblement.
« Très bien. Je vais vous prêter Chair pour vous assister », déclara l'homme en fouillant dans sa poche.
Il sortit une petite cloche de bronze ouvragée qui tintinnabula en tombant dans la paume d'Astarion. En entendant ce son, la montagne de muscles morts derrière le nécromancien remua la tête comme un chat aurait remarqué un oiseau.
« Faites sonner cette clochette et mon frère viendra, expliqua Blathazar avec un coup d'œil au colosse. Ce n'est pas un cérébral mais il est fort, loyal et ponctuel. Des qualités rares de nos jours. Si vous vous retrouvez en difficulté, pensez à faire sonner la clochette. Il a une excellente ouïe. C'est moi qui ai sélectionné ses oreilles, après tout.
_ C-Cette chose est votre frère ? »
Silesta regretta aussitôt cette faiblesse mais l'effroi avait été plus fort. Elle craignit d'avoir froissé leur hôte mais celui-ci ne fut nullement indigné.
« Certaines parties, oui. Mon pauvre jumeau mort-né. Ma mère m'en a toujours voulu. Elle disait que je l'avais étranglé dans son ventre. Vous le croyez, ça ? »
Cette réponse aurait été sublimée autour d'une tasse de thé et avec des petits gâteaux tellement elle fut rendue sur le ton d'une conversation polie et légère. Bien trop sidérée à se dire que cet homme était un psychopathe, la jeune femme rousse écouta à peine la suite de l'histoire qui lui expliquait qu'après avoir gagné en pouvoirs, Balthazar était allé déterrer le cadavre de son frère pour lui donner ce nouveau corps, bien meilleur que le premier.
« Ça aussi, Mère l'a mal pris, regretta le nécromancien comme il aurait regretté d'avoir fâché quelqu'un pour une vétille.
_ Et... qu'est-il arrivé à votre mère ? se risqua Gayle, lui aussi alpagué malgré lui par ces récits horrifiques.
_ Oh, nous sommes restés très proches. Elle est juste là, dans un bocal pas loin. »
Silence atterré. La notion de regret ne fut jamais aussi concrète.
« Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps, je crois, décida Ombrecoeur en gardant le ton de la conversation. Merci pour votre... euh... frère. »
Balthazar leur retourna une inclinaison de tête polie et les laissa prendre congé avant de reprendre là où il en était avec son tas de viscères dégoulinantes ; il leur sembla l'entendre l'appeler « Mikan »...
Les aventuriers quittèrent bien vite la salle pour retourner à leur point de départ, la tête pleine de visions atroces de cadavre de bébé écorché et de tête de femme nageant dans un bocal au liquide glauque. La réalité Balthazar avait surpassé leurs attentes. Même Astarion reconnut que leur hôte avait de quoi tailler le bout de gras avec Cazador au niveau de l'horreur.
Une fois qu'ils furent suffisamment éloignés du quartier général du nécromancien, ils firent le bilan de leur entrevue et celui-ci fut bref : ils n'étaient pas plus avancés qu'à leur arrivée au temple. L'emplacement de Chantenuit leur était toujours inconnu.
« À défaut de trouver tout de suite cette relique, pourquoi n'irions-nous pas nous mettre en chasse contre le diable de Raphaël ? suggéra le roublard avec un sourire prédateur. Quoique, si l'on pouvait d'abord récupérer Chantenuit pour ensuite s'en servir contre ce diable, ce ne serait pas une mauvaise idée non plus. »
Silesta eut un frisson de malaise. Balthazar et ses histoires macabres avaient pris tant de place dans son esprit qu'elle en avait oublié la présence d'une bête sanguinaire dans ces profondeurs. Qu'est-ce qui était le pire ? Les deux options ne la rassuraient pas.
« Quelque chose me dit que nous croiserons vite cette créature, marmonna Gayle, sinistre. Quand je vois le nombre de corps et d'ossements depuis que nous sommes arrivés dans ce temple, je pense que nous ne sommes pas pressés de faire sa connaissance.
_ Il m'a semblé avoir vu un drôle de mécanisme non loin de là où nous avons combattu les Tribuns de la Nuit, se souvint Ombrecoeur. Peut-être trouverons-nous quelque chose. »
Tout le monde fut d'accord ; il fallait bien commencer quelque part.
Ils retournèrent ainsi sur leurs pas en silence, aux aguets du moindre bruit étrange. Silesta fermait la marche, encore un peu ralentie par la faiblesse laissée par sa perte de sang. Elle continua de grignoter quelques provisions pour se requinquer tout en promenant ses yeux où elle le pouvait. Elle eut la surprise d'entrevoir au fond d'un couloir un groupuscule de petites formes galopant le long des murs et poussant des petits couinements discrets. Encore des rats ?
Enfin, nos amis parvinrent à l'endroit où ils avaient été pris en embuscade par les esprits défunts. Comme l'avait annoncé Ombrecoeur, il y avait en bas d'un escalier une sorte de palier intermédiaire au centre duquel trônait une curieuse installation. Par-delà cette sorte de terrasse se tenait une colossale statue de Shar qui pointait du bout de sa lame le plateau qu'elle tenait dans son autre main. Plateau qui ressemblait en tout point à la plate-forme élévatrice qu'ils avaient empruntée plus tôt.
La prêtresse délaissa la magnificence de la déité de pierre pour s'attarder plus sur ce qui se dressait immédiatement devant elle. C'était une sorte de table à la conception très particulière dont le plateau circulaire comportait trois emplacements creux. L'un des emplacements était déjà occupé par une sphère de verre parme.
« On dirait la boule que vous avez récupérée tout à l'heure, fit remarquer Lae'zel.
_ Il y a une inscription, murmura la demi-elfe en embrassant des yeux les runes qui ornaient une arche décorative autour de la table. Passe les épreuves de Dame Shar. Surmonte-les toutes et tu renaîtras en tant que Tribun de la Nuit. »
Ombrecoeur se pétrifia, les yeux écarquillés de stupeur. Enfin. Enfin sa foi se voyait récompensée. Ses camarades aussi semblaient tout aussi abasourdis.
« Les épreuves de Shar, murmura la cléresse avec lenteur sans pouvoir réaliser. Ce lieu est légendaire. Même sans une grande partie de mes souvenirs, je me rappelle de ce que l'on raconte à ce sujet. Les plus grands guerriers de la Dame Sombre sont nés entre ces murs. Et voilà qu'à présent, je me tiens ici à mon tour.
_ Quelles sont ces épreuves, exactement ? »
Pour pouvoir rejoindre l'élite de Shar, il fallait réussir ses épreuves liées aux valeurs de la nuit. Après quoi était requis un sacrifice dans le saint des saints qui n'était accessible qu'après avoir fait ses preuves. Rares furent les vaillants qui parvinrent jusqu'à cette dernière étape.
Silesta eut un instant de flottement. Un sacrifice ? Pourvu que l'un d'entre eux quatre ne fût pas concerné.
« Un sacrifice... répéta Gayle qui semblait avoir fait le même cheminement de pensée. Ombrecoeur, loin de moi l'envie de gâcher cet instant mais devenir Tribun de la Nuit est-il vraiment une nécessité ?
_ N'avez-vous donc rien écouté ? s'agaça-t-elle, encore grisée par sa découverte. Si je m'élève en Tribun de la Nuit, ma Dame m'octroiera tout l'arsenal de pouvoirs qu'Elle offre à Ses plus dévoués. Je serai peut-être assez puissante pour vaincre l'Absolue, nous débarrasser de nos parasites ! Vous éviter de devoir sacrifier votre propre vie pour une déesse qui vous a tourné le dos. »
Gayle pinça subrepticement les lèvres, signe que son interlocutrice avait touché là où ça faisait mal. Cette dernière refusait d'en démordre et affronta les regards de ses alliés.
« Je dois passer les épreuves de Shar. »
Balthazar. Les meilleurs dialogues de méchant du jeu. J'adore.
Non, je n'ai pas inclu de combat pré-rencontre de Balthazar, j'ai pas eu la force ç_ç Il m'a bien gonflée d'ailleurs, ce combat. J'avais des Tribuns qui popaient tout le temps des sphères XD Sur la fin, les portraits d'initiative sortaient de mon écran tellement j'avais d'ennemis mdr
Allez, go go go, Ombrecoeur !
