Le décalage entre mon avancée d'écriture et la publication me perturbe _ Et c'est encore pire après avoir terminé l'arc complet de Silesta. Ca tranche trop lol
En tout cas, je me rends compte que là où j'en suis, je commence à arriver sur les derniers gros events avant le grand final. Faut que je commence à sérieusement penser à mon épilogue. Je peux déjà dire que ce ne sera pas présenté comme le jeu.
Journal des reviewers
Seulie : GG pour ton entretien ! J'espère que ça s'est bien passé.
Oula, ne t'affole pas tout de suite pour Silesta, tu n'as pas fini ! XD
Liline37 : Ca me fait plaisir que tu as cerné ce que je voulais faire avec Astarion :) Je me dis que je reste dans son cadre et que je ne sombre pas de l'OOC.
Ne t'en fais pas, on va avoir les deux. Ce sont deux gros passages obligés après tout XD Après, je ne saurais dire si ça va aller dans le sens que tu espères... hé hé hé !
Bon. N'aurions-nous pas une prêtresse qui trépigne ?
CHAPITRE XXVIII – LES ÉPREUVES DE SHAR
« Je dois passer les épreuves de Shar.
_ Je dois tuer l'ennemi de Raphaël, surenchérit Astarion.
_ Il faut récupérer Chantenuit, rappela Gayle.
_ Nous devons trouver un moyen d'atteindre l'Absolue », s'agaça Lae'zel.
Court silence où chacun se dévisageait en chien de faïence. Silesta haussa les épaules en signe d'abandon.
« Il devient crucial de fixer nos priorités », conclut cette dernière.
Il était temps de faire le point. Chacune de leur mission avait son importance, il était inutile de le nier. Mais si tout le monde se tirait dans les pattes pour tirer la couverture à lui, cela ne les mènerait nulle part.
S'ils prenaient un à un chaque objectif pour l'analyser de façon la plus rationnelle et factuelle, la mission d'Astarion ne s'alignait pas avec leur quête principale.
« Cela ne veut pas dire que nous n'irons pas chercher ce diable, prévint tout de suite Gayle quand il vit l'elfe prêt à riposter. Nous ne quitterons pas cet endroit sans avoir vu ce démon.
_ J'espère bien », marmonna le vampire avec jansénisme.
Venait ensuite la requête d'Ombrecoeur avec toutefois une remarque intéressante : étant donné la redoutable puissance que l'on prêtait à Ketheric Thorm, ne serait-il pas contre-productif de se priver des dons divins de Shar si sa disciple venait à démontrer sa valeur ? D'autant plus que si cet homme avait tourné le dos à la déesse de l'ombre au profit de Myrkul, cette dernière serait sûrement ravie de se venger de lui en permettant à l'une de ses adoratrices de se débarrasser de lui.
« C'est vicieux, fit remarquer Silesta en grimaçant.
_ Je suis certaine que c'est ce que veut Dame Shar, insista la cléresse. C'est Elle qui m'a guidée ici pour que j'accomplisse Sa volonté. Et qui sait ? Peut-être que Chantenuit se trouvera quelque part sur mon chemin vers l'ascension ?
_ Vous n'abandonnez jamais, n'est-ce pas ? fit Lae'zel en haussant un sourcil.
_ Pas plus que vous avec Vlaakith. »
Le silence vaincu qu'imposa la demi-elfe à la githyanki suffit à sceller les débats : c'était la chance de sa vie et il ne pourrait en découler que du bénéfique si elle allait jusqu'au bout. Ils commenceraient donc par les épreuves de Shar.
Ombrecoeur déposa sur le plateau la gemme qu'elle avait récupérée suite au test d'entrée du temple, impatiente d'en finir avec les épreuves qui lui permettraient d'accéder au niveau suivant.
Tous s'en remirent donc à la prêtresse qui décida de poursuivre leur avancée vers la gauche. La seconde moitié côté est du temple ne lui inspirait rien pour l'instant et son instinct la poussait à continuer où ils étaient. Le groupe repartit donc avec Astarion un peu à la traîne.
Après être revenus sur leurs pas, nos amis bifurquèrent vers une section d'allées inconnues et arpentèrent de nouveaux silences obscurs peuplés de corps squelettiques entassés dans tous les recoins.
Silesta en avait perdu le décompte. Combien de milliers de disciples de la Dame Sombre avaient péri en espérant atteindre l'honneur suprême. Elle tiqua. Mais non. Ils se trouvaient juste dans un couloir, pas une salle pleine de pièges. La jeune femme frissonna. Ces malheureux-là qui étaient semés sur leur chemin n'avaient pas été tués en pleine épreuve. Quelqu'un les avait cueillis avant. Et ce quelqu'un s'en était donné à cœur joie.
Les restes d'os se suivaient et se ressemblaient jusqu'à tomber sur un corps qui détonnait par rapport aux autres : celui d'une goule semblable à celles qui se promenaient aux côtés de Balthazar.
Elle aussi intriguée par cette présence incongrue, Lae'zel s'agenouilla près de la créature et l'inspecta brièvement. Elle finit par trouver un petit bout de parchemin serré dans une main qu'elle récupéra avec difficulté tant les doigts de la goule étaient raidis par la mort. La githyanki déplia le papier et le lut avant de le faire passer aux autres :
« Soyez TRÈS ATTENTIFS :
Cherchez le moyen d'atteindre LA RELIQUE. Fouillez LA BIBLIOTHÈQUE. Ne vous détournez en aucun cas de votre mission. L'échec n'est pas envisageable. ET REVENEZ PROMPTEMENT.
B. »
Silesta haussa les sourcils à cette lecture. « B » comme Balthazar, bien sûr. Voilà un message qui était on ne peut plus clair. Il y avait au moins un avantage à voir un nécromancien se servir de créatures qui n'étaient plus pourvues d'intelligence. Ombrecoeur fut heureuse de cette trouvaille et mit un point d'honneur à trouver cette bibliothèque après avoir passé ses épreuves.
Un escalier en colimaçon qui les invita vers l'étage inférieur les fit passer près de la gigantesque statue de Shar vue auparavant. La sœur de Séluné semblait les surveiller de ses yeux de marbre vides.
Une fois au pied des marches, une allée s'étendit devant eux. Des portes closes s'alignaient les unes après les autres, prêtes à dévoiler ce qu'elles renfermaient. Ombrecoeur approcha de la première et l'ouvrit avec précaution.
Les gonds grincèrent sur une petite salle obscure victime du même capharnaüm que le reste du temple. Un lustre d'or de la taille d'un homme adulte s'était décroché pour s'écraser en plein centre, une colonne effondrée éparpillait ses morceaux dans un coin à gauche et quelques squelettes reposaient.
En avançant prudemment, les aventuriers remarquèrent sur le mur du fond des grilles. Des cellules de prison ? Gayle se chargea d'embraser les torches accrochées au mur pour mieux inspecter les lieux. Devant les portes aux barreaux de fer, une grosse vasque surmontée d'une statue de Shar leur présentant un plateau les accueillit. Silesta l'inspecta et trouva dans le récipient doré des traces asséchées d'un ancien liquide sombre.
« Du sang ? »
Ombrecoeur jeta un coup d'œil à son tour.
« C'est une offrande pour ma déesse et lui faire savoir que je suis prête à me soumettre à son jugement. C'est à moi de le faire. »
Tandis que la cléresse tirait sa dague hors de son fourreau, Silesta se hasarda à lui demander si elle savait de quel type de test il s'agissait.
« L'épreuve du pas léger. Elle éprouve notre sens de la discrétion et de l'infiltration, à être insaisissable comme une omb... Que faites-vous, Astarion ? »
Le roublard avait délaissé les coffres qu'il était en train d'inspecter pour se diriger d'un pas décidé vers l'une des grilles, son jeu d'épingles à crochetage en main. Il s'arrêta et ne comprit pas l'incrédulité dont on l'assaillait.
« Quoi ? N'ai-je pas entendu « discrétion » et « infiltration » ? répondit-il comme s'il évoquait une évidence.
_ Depuis quand voulez-vous devenir Tribun de la Nuit ? se moqua Gayle en croisant les bras.
_ Oh, excusez-moi d'avoir eu la logique de penser qu'un arpenteur des ombres serait le plus à même à se transformer en... en quoi, déjà ? Ah oui, en ombre. »
Silesta comprenait sa logique et était quelque part contente de le voir s'investir mais elle lui fit tout de même remarquer que Gayle avait raison : c'était à Ombrecoeur de passer ce test.
Le vampire leur retourna à tous un sourire plein de malice sournoise qui signait son refus de perdre la face.
« Ne nous tenons-nous pas sous les yeux noirs de Shar, divinité des secrets, des accords clandestins et des subterfuges ? Je voyais cela comme un hommage. »
Ombrecoeur eut un moment d'hésitation face à cet argument et finit par secouer la tête, décidée. C'était à elle de faire ses preuves et à personne d'autre.
Astarion eut un soupir atterré et hautain en jaugeant sa coéquipière.
« La discrétion. Avec votre armure. » Court silence puis nouveau soupir. « Ah, puisqu'il le faut... »
Il se défit de la cape sombre dont il était drapé et la jeta sur les épaules de la prêtresse en lui indiquant que cela l'aiderait à atténuer le bruit qu'elle ferait. Il lui donna ensuite un parchemin d'invisibilité qu'il avait trouvé sur l'un des squelettes ; le malheureux prétendant au titre suprême n'avait pas eu le temps de s'en servir.
Tous furent bouche-bée face à cette scène. Astarion qui savait faire preuve d'esprit de camaraderie ?
« Et ne m'abîmez pas ma cape », bougonna le roublard mis au placard en finissant de nouer le vêtement autour du cou de son alliée.
Ombrecoeur bredouilla des remerciements perplexes et retourna à la jatte à laquelle elle présenta son bras qu'elle stria de la pointe de sa dague. Un fin filet de sang goutta sur le plateau et les grilles de fer s'ouvrirent sur un dédale de couloirs sombres. La grimace de douleur passée, la demi-elfe eut un dernier regard envers ses compagnons et déplia le parchemin.
« Invisibilis. »
Elle disparut la seconde après et le silence retomba. Silesta eut un regard de biais vers Astarion qui avait conservé une mine boudeuse, le regard fixe et les bras croisés sur sa poitrine. Il finit par sentir le poids des yeux de pluie sur lui et glissa ses iris rubis sur le côté. Le grand sourire heureux de Silesta lui hérissa le poil.
« Quoi ? grogna-t-il de mauvaise grâce.
_ C'est bien, ce que vous avez fait. »
Il se renfrogna et détourna la tête. Un vrai gamin. Le sourire de Silesta se fit plus patient.
« Comment réagiriez-vous si j'allais tuer Cazador sans vous ? »
L'effet escompté ne se fit pas attendre. Astarion se tourna aussitôt vers elle mais les mots restèrent bloqués dans sa bouche. Le ressentiment qui s'était emparé de lui retomba comme un soufflé quand il prit le temps de réfléchir réellement à cette question. Tuer Cazador serait sa catharsis, son laissez-passer suprême vers la liberté et personne ne lui enlèverait ce droit qu'il jugeait absolu et infrangible.
L'elfe comprit où Silesta voulait en venir et rangea sa colère. Ombrecoeur était au point culminant de sa vie dévote, il devait respecter cela.
Cela étant, un détail n'avait pas échappé à Astarion.
« Ça veut dire que vous m'épauleriez si j'allais présenter d'ultimes hommages à mon maître ? » demanda-t-il comme il aurait proposé d'aller faire des courses en ville.
Il y eut un silence durant lequel Silesta n'était plus dans cette salle ni avec lui. La jeune femme était perdue quelque part dans des abîmes de pensées qui n'appartenaient qu'à elle, loin, très loin de tout. Elle était insondable.
Rarissimes étaient les choses qui pouvaient ébranler le vampire et pourtant, ce visage dénué de la moindre expression ni chaleur et qui n'avait rien à faire sur les traits d'ordinaire joviaux et lumineux de la saltimbanque lui fit quelque chose. Astarion s'était jusqu'à présent gaussé du spectre noir qui dormait quelque part dans l'inconscient de Silesta mais maintenant qu'il l'avait bien en face, il en jaugeait pleinement son aspect dérangeant et malsain. Ces « transes » auxquelles s'ajoutaient cette amnésie persistante et tous les autres événements étranges autour de Silesta criaient au roublard qu'il n'était pas le seul à arpenter les ombres.
L'elfe porta la main à la joue de la jeune femme qui émergea aussitôt du miasme qui la dévorait. D'abord surprise par ce geste, elle lui sourit ensuite.
« Oui ?
_ R-Rien du tout. »
Il retira sa main, cerné de doutes. Dans quelles ténèbres Silesta avait-elle pied ?
Pendant ce temps, Gayle et Lae'zel tendaient l'oreille vers les couloirs qui courraient derrière les grilles. C'était un véritable dédale qui avait englouti la cléresse en infiltration. Pourvu qu'elle ne se perde pas.
Le silence était absolu, jusqu'à ce qu'une exclamation de surprise ne retentisse en écho.
« Ombrecoeur ! Ça va ? » appela Silesta avec angoisse en se précipitant vers la grille.
Nouveau silence. Les quatre aventuriers restants échangèrent un regard inquiet. Leur amie était-elle tombée dans un piège ? De douloureuses secondes s'écoulèrent, tendues et pleines d'hypothèses funestes.
Un mouvement commun finit par s'amorcer quand ils se décidèrent à ne pas rester les bras croisés lorsque tout à coup, un faible jet de lumière parme éclata près d'eux en faisant apparaître Ombrecoeur, pantelante et couverte de traces de suie.
« Ombrecoeur ! » s'exclamèrent Silesta et Gayle, soulagés.
Sous la pluie de questions qui accueillit son retour, la prêtresse se remit lentement debout en serrant dans ses mains une sphère de verre sombre teintée de parme. Elle confirma à Astarion qu'en effet, il aurait passé l'épreuve en toute virtuosité : entre des slaloms en frôlant des monstres faits de graisse qui explosaient s'ils étaient touchés, des portes à crocheter et des pièges subtilement cachés, le roublard aurait eu de quoi éprouver tout son éventail de talents.
« Cela sonne tout à fait amusant, en effet, reconnut-il avec envie. Vous vous en êtes très bien sortie, semble-t-il.
_ Jusqu'à un piège de feu qui a manqué de m'enflammer, contra la demi-elfe en grimaçant avant de montrer la sphère sombre qu'elle tenait. Mais j'ai réussi, merci encore. »
Elle expliqua qu'au bout du labyrinthe, elle avait trouvé une autre gemme semblable à celles déjà vues. Il lui faudrait donc en récupérer d'autres pour preuve de son succès ; il s'agissait très certainement de clés qui permettraient d'accéder au saint des saints du temple. Ombrecoeur rangea la gemme fuligineuse dans son sac et rendit à sa cape à Astarion.
« Voulez-vous prendre un peu de temps pour récupérer ? proposa Gayle en tendant une potion de guérison à la prêtresse.
_ Non, continuons. »
Maintenant qu'elle avait mis le doigt dans l'engrenage, Ombrecoeur ne pouvait plus faire marche arrière ou ralentir. Le groupe quitta rapidement les lieux pour se rendre à la porte voisine.
La seconde salle était bien plus vaste et bien plus sombre que la première. Seule était brillamment éclairée par une colonne de lumière la jatte sacrificielle qui trônait au milieu de deux escaliers menant sur un palier inférieur complètement plongé dans le noir.
Les visiteurs avancèrent jusqu'à la vasque tout en épiant du coin de l'œil les statues brillantes de Shar qui émergeaient plus loin comme des phares dans la nuit. Ombrecoeur embrassa ce sombre tableau et comprit.
« L'épreuve du saut de foi. »
Elle se saisit de sa dague et appuya sur la plaie initiale, libérant une nouvelle coulée de sang. Elle manqua un battement en voyant Lae'zel se diriger vers le bas des marches.
« Ne faites pas un pas de plus ! »
La githyanki s'immobilisa aussitôt et se tourna vers la prêtresse.
« N'avancez pas, répéta Ombrecoeur, tendue. Il n'y a que du vide sous cette nappe de ténèbres. » Elle porta son regard vert d'eau au loin, là où émanait un faible halo parme tout au fond de la salle, celui de la prochaine gemme fuligineuse. « Sauf pour ceux qui ont foi en Shar. »
Silesta déglutit difficilement. C'était comme si une mer d'encre inconsistante s'était déversée devant eux. Les colonnes flanquées des effigies de la Dame Sombre semblaient s'élever d'un néant abyssal. Comment Ombrecoeur ferait-elle pour avancer ?
« C'est Elle qui m'aidera », murmura cette dernière.
Réunis sous la colonne de lumière autour de la jatte, Lae'zel, Gayle, Astarion et Silesta observèrent leur alliée descendre lentement les marches et s'arrêter sur la dernière. Elle baissa les yeux vers ses pieds et ne vit que du vide, prêt à l'engloutir si sa foi venait à vaciller. Elle porta son regard droit dans ceux de la statue la plus proche et serra les poings.
« Que la déesse guide mes pas », souffla-t-elle en prenant une profonde inspiration.
Tous suspendirent leur souffle en la voyant avancer prudemment un pied dans le vide puis y basculer le poids du corps avec tout autant de lenteur. Ombrecoeur resta immobile quelques secondes pour assurer sa prise invisible puis recommença avec l'autre jambe.
Observer sa camarade évoluer ainsi était une torture pour Silesta qui appréhendait chaque mouvement avec d'angoisse. Là où son alliée avait la guidance de sa déesse pour l'aider, elle, pauvre humaine ordinaire, ne voyait que la nuit comme tapis sous ses pas prudents. Elle était tellement tendue qu'elle commençait à en avoir mal. Personne n'osait parler ou respirer trop fort par crainte de briser la concentration de la cléresse.
Ombrecoeur marchait lentement et s'arrêtait régulièrement pour se recentrer et chercher quelle direction prendre pour ne pas faire le pas de trop. La lueur parme de la gemme fuligineuse s'insinuait sournoisement dans son esprit pour la déstabiliser et la détourner de Shar. Ne pas se focaliser dessus, même s'il s'agissait de son objectif. Toutes ses pensées devaient être sur Dame Shar. Elle avança son pied droit et vacilla sous un vide inopiné.
« Om... ! »
Silesta se retint, une paume contre sa bouche tandis que son autre main s'agrippa à la première chose qu'elle put prendre, en l'occurrence, la tunique de Gayle qui se tenait à ses côtés. Le magicien, comme elle ainsi qu'Astarion et Lae'zel, avait frémi en voyant le faux pas de leur amie. La saltimbanque eut un très long soupir étouffé ; Ombrecoeur n'avait pas chu, elle avait pu réarmer son équilibre à la dernière seconde. La jeune femme rousse eut un coup d'œil désolé au magicien qui lui répondit par un sourire compréhensif et un peu angoissé.
Ombrecoeur laissa la danse endiablée de son cœur affolé s'apaiser et respira profondément. Rester concentrée sur sa foi et rien que sa foi.
Encore plus insoutenables que lors de la première épreuve qui les avait préservés du spectacle, les longues minutes qui jalonnèrent le parcours aveugle de l'équilibriste dévote éprouvèrent les nerfs des observateurs silencieux. Même si une part d'elle craignait d'y faire des trous tant elle stressait, Silesta ne relâcha son pan de tissu qu'à la toute dernière seconde quand elle vit Ombrecoeur se hisser sur la dernière plate-forme qui lui offrait la gemme fuligineuse. Une minute de plus et son cœur aurait fini par lâcher.
« Elle a réussi... souffla Lae'zel avec une admiration reconnaissable.
_ Une vraie arpenteuse des ombres », sourit Astarion, fier.
Quelques instants après, la demi-elfe fut téléportée dans leur dos et se laissa choir sur les genoux, la respiration profonde et les jambes flageolantes sous les restes de tension.
« Là, je ne dis pas non à quelques instants de récupération », admit-elle sans honte.
Ils eurent un sourire silencieux et la laissèrent ranger la nouvelle sphère parme qu'elle venait de récupérer avant de prendre un peu de temps pour récupérer ses esprits.
« De grâce, dites-moi qu'il y a pas plus beaucoup d'autres épreuves de cet acabit, implora Silesta à son alliée.
_ Non, il n'en reste qu'une. L'épreuve de dédoublement.
_ Ce nom de m'inspire pas. »
Ombrecoeur se releva, ses forces revenues et déterminée à passer la dernière épreuve qui l'attendait. Après celle-ci, elle aurait prouvé à sa déesse qu'elle était digne de ses honneurs suprêmes. Son sang bouillonnait de hâte et de joie dans ses veines. Un hochement de tête décidé indiqua à ses accompagnateurs qu'elle était prête à poursuivre.
La nouvelle et dernière salle était étrangement vide. Rien que quatre murs encerclant la jatte de Shar prête à recueillir le sang dévot. Ombrecoeur tira sa dague tout en avançant vers le récipient. Une nouvelle strie barra son bras et le fluide carmin coula dans le plateau. Un déclic survint et la porte en face d'eux finit par s'ouvrir lentement.
Un nouvel espace un peu plus éclairé les accueillit dans un dense et étrange silence. Dès qu'elle posa un pied à l'intérieur, Silesta se sentit traversée d'un curieux courant d'air, comme l'ombre d'un voleur extrêmement agile et discret qui l'effleurait pour lui voler quelque chose à son insu. Elle sursauta et regarda tout autour d'elle à la recherche de ce que cela pouvait bien être. À sa grande surprise, elle constata qu'elle n'avait pas été la seule victime de ce drôle de phénomène parce que ses acolytes semblaient tout aussi déboussolés qu'elle.
L'espace qu'ils foulaient était bien plus immense qu'auparavant. Les décombres du temple s'accumulaient en plus grand nombre et laissaient penser que des combats plus intenses s'y étaient déroulés. Ils avancèrent prudemment, aux aguets. Ombrecoeur attrapa sa masse, la respiration ralentie.
« La Dame Sombre nous enseigne que nous sommes notre plus grand ennemi, exposa-t-elle dans un souffle. Son étreinte s'emparera de nous lorsque enfin, nous aurons su nous défaire de ce qui nous retient. »
Plus ils avançaient, plus l'impression d'être observés se faisait oppressante. Soudain, alors qu'il se tenait juste devant elle, Silesta entendit la voix de Gayle résonner dans les hauteurs. La seconde suivante, tous les cinq furent balayés par un puissant coup de vent qui les repoussa plusieurs mètres en arrière avec une lourde chute à la clé.
« Que... ? »
Astarion n'eut le temps de finir sa phrase car une flèche siffla à son oreille et le manqua de peu. Il roula habilement sur le côté pour se mettre à genoux et redressa la tête, à la recherche de l'archer qui l'avait pris pour cible. Quelle ne fut pas sa stupeur en se découvrant lui-même, se tenant en haut d'un escalier, arc pointé en sa direction.
« L'épreuve de dédoublement, hein ? Quel magnifique adversaire », s'amusa-t-il, quoique surpris.
Ses camarades ne pensèrent pas la même chose quand ils découvrirent leur propre double apparaître à leur tour, armes en main et le visage fermé par l'envie de tuer. Gayle fut le premier à devoir réagir pour s'éloigner car son clone était bien décidé à lui lancer tout son panel de sorts les plus redoutables. Silesta manqua même de récupérer une boule de feu perdue. Ombrecoeur et Lae'zel se précipitèrent sur leur reflet, prêtes à en découdre avec toute leur férocité.
Retrouvée seule, Silesta se remit prestement sur ses pieds alors que son image avait déjà déplié ses bolas enflammés. Elle eut tout juste le temps d'esquiver in extremis un premier lancer grâce à une pirouette. Pas le temps d'attraper ses armes de fortune car son double continuait d'enchaîner les mouvements avec la même aisance qu'elle... et surtout la même rapidité. La saltimbanque recula tout en prenant garde de se protéger des projections de flamme qui la frôlaient dans de violents courants d'air chaud jusqu'à buter contre une colonne.
Un nouveau lancer de bolas droit sur sa tête alla s'écraser avec violence contre la pierre, la forçant à s'abaisser. Elle en profita pour déstabiliser son double d'une balayette dans les jambes. La fausse Silesta se retrouva au sol, le gain de temps suffisant pour la vraie de prendre à son tour ses bolas.
« Maintenant on peut discuter. Ignis. »
Cela lui fit tout drôle de se voir avec autant de férocité dans le regard. La jeune femme serra ses dragonnes et les fit tournoyer en miroir de ce que son ombre faisait tout en surveillant ce que préparaient ses yeux métalliques et froids.
La lueur meurtrière qui les embrasa fut le signal de départ qu'elle guettait. Commença alors un pas de deux pendant lequel s'entrechoquaient les boulets enflammés quand ils ne fendaient pas l'air lors d'une esquive. Des étincelles éclataient dans la pénombre, englobant les duellistes dans une bulle de paillettes brillantes.
Du coin de l'oreille, Silesta entendait le tumulte de ses amis qui affrontaient eux aussi leur double et priait pour qu'ils s'en sortent. De toute évidence, leur reflet était imprégné de leur propre essence, ce qui était autant un avantage qu'un inconvénient. Comment surprendre quelqu'un que l'on connaissait par cœur ?
Prise dans ses pensées, la saltimbanque eut à reculer tout à coup le buste pour éviter un nouveau coup et la chaleur du feu lui léchant la peau du sternum lui fit perdre le fil de son attention. Incapable de riposter, elle bascula de justesse dans un salto arrière et vit que son clone était prêt à frapper à deux mains. Sans réfléchir, Silesta serra ses dragonnes et lança les chaînettes de ses bolas qui allèrent s'enrouler autour des bolas adverses. La seconde suivante, les deux jongleuses se retrouvèrent prisonnières l'une de l'autre, liées par l'entrecroisement de leurs quatre chaînes. Le même effarement leur fit écarquiller les yeux quand un bruit les fit sursauter.
La main entourée d'une magie de glace latente, Gayle venait d'arriver pour espérer prêter main forte à sa jeune amie.
« Gayle ! » firent les deux Silesta à l'unisson dans un même timbre.
Le magicien d'Eauprofonde fit face à des jumelles parfaites et identiques jusque dans la forme des taches de sang qui salissaient leur chemise. Les deux femmes s'immobilisèrent, conscientes l'une et l'autre qu'elles ne pouvaient fuir.
« C'est elle la fausse ! s'écria soudainement la Silesta de droite.
_ Non, c'est elle ! » riposta l'autre avec tout autant de véhémence.
L'homme suspendit son souffle. Il n'aurait droit qu'à un seul essai. Il fit le vide et les dévisagea l'une après l'autre à la recherche du moindre élément qui pourrait l'aider.
L'arrivée d'Astarion à ses côtés perturba sa concentration.
« Oh, s'ébaudit le vampire, fort séduit de la vision de deux Silesta. Il y en aura deux fois plus pour moi. »
Gayle avait espéré que cette intervention allait générer une réaction qui lui permettrait de différencier ses cibles et il fut grandement déçu. Les deux saltimbanques roulèrent des yeux et répondirent par une nouvelle tentative synchrone et rageuse de se libérer ; au final, elles abandonnèrent toutes les deux leurs dragonnes autour des poignets et laissèrent les bolas emmêlés retomber par terre.
« Non, non, non. Restez où vous étiez, c'était parfait », susurra Astarion en bandant son arc sur elles quand elles remuèrent trop à son goût.
Chaque homme tint une femme en joue, les yeux d'abord vissés dans celle qu'il surveillait puis glissant vers l'autre pour comparer. Comme son comparse juste avant, Astarion se heurta à la perfection gémellaire de ses cibles. Comment savoir sur laquelle il devait tirer ? Le silence se fit pesant.
« Glacius ! »
Un éclair blanc zébra l'espace et transperça de part en part la Silesta de droite sous l'effarement de celle de gauche et d'Astarion qui en sursauta. La femme blessée vacilla, un trou béant dans le cœur nimbé de condensation et s'effondra avant de disparaître dans un nuage de fumée noire.
Ravie quoiqu'un peu choquée, la bonne Silesta rejoignit ses compagnons, la bouche encore entrouverte d'ébahissement.
« Gayle... comment avez-vous su ? »
Avec la pression tout aussi curieuse d'Astarion sur lui, le magicien ne répondit pas tout de suite. Il revit dans son esprit cet instant où au fond de ce regard de pluie, l'angoisse d'être tuée par erreur s'était mue en une confiance absolue. Elle savait qu'il allait faire le bon choix et cette foi l'avait ébranlé autant qu'elle l'avait convaincu. Seule la vraie Silesta était capable d'une telle assurance.
Gayle étira un sourire mystérieux.
« Allons donc, Silesta. Comment un magicien de ma trempe pourrait-il vous confondre avec une ombre magique ? Vous m'offensez. »
Son mensonge se montra crédible. La jeune femme rousse se confondit en excuses confuses tandis qu'Astarion gardait un silence étrange sans lâcher Gayle du regard. Était-ce une lueur de défi ou du reproche qu'il lisait dans ses prunelles brunes ? Ou bien les deux ?
La jeune femme s'empressa de récupérer ses bolas et suivit ses alliés vers le fond de la salle où ils retrouvèrent Ombrecoeur en train d'aider Lae'zel à se relever. Silesta fut bien soulagée de voir que ses amies s'en étaient sorties face à leur ombre.
« Nous sommes en présence de doubles, essaya Gayle en plaisantant. Nos deux rivales qui s'entraident ? »
Les deux amazones essoufflées par leur combat lui firent les gros yeux en guise de représailles. Pour elles, la concrétisation de l'adage « Connais ton ennemi » n'avait jamais été aussi stimulante, surtout pour la githyanki qui avait presque apprécié l'exercice. Quelle meilleure épreuve pour pouvoir se retrouver face à soi-même ?
Sans perdre plus de temps, Ombrecoeur se dépêcha d'aller récupérer sur le dernier plateau la gemme fuligineuse de la victoire. Quand la demi-elfe s'empara de la sphère, elle se figea tout à coup, le regard soudainement absent comme si elle écoutait quelque chose que ses amis ne pouvaient entendre.
« Qu'y a-t-il ? l'interpella Lae'zel qui avait remarqué son air absent.
_ Rien du tout, répondit la cléresse d'une voix étrange.
_ Maintenant que vous savez vous infiltrer, il faudra que je vous apprenne à mentir. Vous avez de grosses lacunes », morigéna gentiment Astarion, pas dupe.
La prêtresse hésita un instant avant d'abdiquer. Shar lui avait « parlé ». Ombrecoeur leur expliqua que même si elle avait récupéré la dernière gemme, elle n'en avait pas encore terminé avec ses épreuves. Quelque part dans ce temple se trouvait une arme sacrée, la Lance de la Nuit, qu'elle devait récupérer pour se soumettre à son dernier test : la mise à mort d'un sélunite dans le saint des saints. Ce ne serait qu'après ce sacrifice qu'elle deviendrait Tribun de la Nuit.
« Est-ce vraiment ce que vous voulez ? insista Silesta, mal à l'aise à cette idée. Un sacrifice humain pour plaire à Shar ?
_ Je doute qu'il s'agisse exactement de ça. Regardez autour de vous, cet endroit est désert depuis des siècles, le sacrifice demandé ne peut être un mortel. Il doit probablement s'agir d'un monstre et il me semble que nous avons eu l'occasion de nous entraîner, non ? »
L'humaine s'apaisa face à cet argument tout à fait logique et opina du chef. La pensée de devoir assister au meurtre d'un innocent la répugnait, d'autant plus elle craignait de voir son inconscient sombre se manifester à ce moment-là.
« Où va-t-on alors ? demanda Gayle.
_ À la bibliothèque. Si la lance n'y est pas, il y aura au moins des indices. »
Astarion me fait rire en chaperon des ombres avec Ombrecoeur XD (bon, en vrai, on sait que c'est lui qui a fait l'épreuve de pas léger, mais ma rigueur scénaristique m'obligeait ici à le faire faire par Ombrecoeur)
Et oui, j'ai un petit peu enjolivé l'épreuve de dédoublement parce que plus j'avançais dans l'écriture, plus j'avais envie de mettre Gayle dans l'équation. J'aime les défis et Gayle. Rassurez-vous, on reste sur du Astarion x Silesta quoi qu'il arrive. Gayle rajoute juste un peu de piment au tout.
Je sais pas si vous voulez vraiment lire la suite...
