OMG... Les nouvelles animations... Jpp...
Cela donnerait envie d'écrire sur un AA. Ce sourire carnassier digne de l'artwork officiel du jeu. Effrayant.
Journal des reviewers
Seulie : Ouf, tant mieux. Après Voss, il n'y a qu'un seul énorme raccourci que j'ai fait mais il sera pour plus tard donc ça va :) Vi, les pauvres, ils ont mangé bon. Et encore, on sait ce qui les attend plus loin. Et Silesta aussi ne sera pas épargnée. Mais ça, ça sera pour plus tard...
Liline37 : Merci, pas toujours évident de tricoter avec la trame de l'histoire en restant crédible. Nos pauvres loulous ne sont pas au bout de leur peine et je recommence direct ici.
Il m'a bien semblé voir une mention à notre cher Elminster aussi. Petit fripon, va !
Jennalocked : Avec grand plaisir ! ^_^
Bon. On leur met la dose finale ?
CHAPITRE XXXVIII – LA SURPRISE DU PRISME
Les cinq aventuriers poursuivirent leur périple le long de la Route du Renouveau jusqu'au soir. Quand ils franchirent la barrière sombre de la malédiction des ombres pour entrer dans la lumière vacillante entre fin de journée et début de soirée, ce fut comme si leur yeux renaissaient. La transition fut tellement difficile pour leur vue habituée aux ténèbres qu'ils durent s'abriter un moment à l'ombre d'un immense saule pleureur pour de nouveau s'accoutumer aux couleurs. Même le parfum et la texture de l'air avait changé et ouvrait leurs poumons d'un nouveau souffle, plus aérien et frais, de même que la tiédeur de l'été se faisait plus chaude. Ils revenaient à la vie.
Leur progression du jour prit fin quand se dressèrent devant eux les ruines d'un bastion abandonné. La Vigie du Dracosire. Le dernier fort – du moins ce qu'il en restait – qui les séparait de la civilisation avant la Porte de Baldur.
Le plus gros des murs tenait encore debout même si des pans entiers de briques s'étaient effondrés, ce qui constituerait toujours un endroit bien suffisant pour passer la nuit à l'abri. Nos amis firent un rapide tour du propriétaire. L'endroit n'avait pas été épargné à l'intérieur non plus. La plupart des structures en bois étaient écroulées ou sur le point de se briser et les nombreux tonneaux et caisses abandonnés ne leur permirent pas de trouver grand chose non plus ; une chance pour eux qu'ils eurent fait le plein de vivres à l'auberge de l'Ultime Lueur avant de partir.
La providence avait permis au groupe de trouver leur refuge quelques petites heures avant la tombée de la nuit, cela leur laisserait le temps de se reposer un peu.
Tandis que Lae'zel s'affairait à allumer les charbons restés dans un brasero de cuivre, Silesta s'occupait de préparer les ingrédients du futur dîner tout en observant Gayle installer par magie le reste de leur campement. La jeune femme avait toujours aimé regarder le magicien faire sans vraiment savoir pourquoi. Peut-être était-ce la grâce mesurée des mouvements qu'il exécutait ou encore la sérénité satisfaite qu'il éprouvait pendant qu'il manipulait la Trame. Gayle se définissait comme un artiste, Silesta comprenait mieux à présent pourquoi.
« Ça a l'air tellement facile quand on vous voit faire, lui sourit-elle.
_ Je me dis la même chose quand je vous vois faire vos acrobaties, lui répondit le magicien avec malice.
_ Et pourtant, ça demande beaucoup de travail.
_ Mais pour moi aussi, figurez-vous. Prodige ou pas. »
Ils pouffèrent de rire. Puis la saltimbanque avoua à son allié que la magie avait quelque chose de beau, ce qu'il ne manqua pas de confirmer. Bien au-delà de manipuler la Trame, Gayle la sculptait pour la retranscrire comme bon lui semblait.
« Je regrette que vous ne sachiez pas manipuler la magie, même avec toute celle qui est gravée sur vous, reconnut l'homme en esquissant quelques gestes vers le ciel. J'aurais aimé vous en faire découvrir les nuances les plus incroyables. »
Silesta leva les yeux et découvrit un ciel teinté d'une douce lueur mauve poudrée de nuages pastels, les couleurs de la Trame. Elle sourit, émerveillée par le spectacle. Gayle était vraiment doué, c'était magnifique.
« J'en aurais été très honorée. »
Le magicien lui rendit un sourire un peu plus en demi-teinte que le sien. Oui, il aurait aimé partager cela avec elle. Mais elle était...
« Astarion a disparu ? réalisa-t-il en regardant autour de lui. Cela fait un moment que je ne l'ai pas entendu.
_ Non, il est perché quelque part sur les remparts pour être au calme, répondit la jeune femme. Le fait de se rapprocher de la Porte de Baldur et de ce que ça implique pour lui le travaille. »
Gayle garda le silence un instant et lut sur le visage de son amie une ombre terne. Astarion devait être en train de songer au Rite d'Ascension Profane et elle s'inquiétait de ce qui allait en découler. Tous les deux subodoraient déjà de noires conséquences si le vampire devait accomplir ce rituel mais lui, voyait-il la même chose ? Que prenait-il en compte dans ses calculs ? Sa liberté si douloureusement acquise ? Son irrépressible envie de vengeance envers celui qui l'avait emmuré dans l'esclavage ? Cette jeune femme éperdument éprise de lui à un point qu'il ne mesurait même pas ?
Le magicien finit par sourire.
« Vous devriez lui parler, je vais prendre le relais. Et puis, sans vouloir vous vexer, vos repas sont très bons mais sont parfois trop sains, même si j'aime beaucoup les légumes.
_ Hé ! s'offusqua la saltimbanque. Je dois garder la ligne, je n'y suis pour rien. »
Elle bougonna mais une part d'elle ne pouvait être que reconnaissante envers son allié. Comment Gayle faisait-il pour toujours être aussi efficace pour l'épauler ou la comprendre ? Cet homme était vraiment précieux.
La jeune femme posa son couteau, se leva de sa planche à découper et remercia Gayle d'une faible étreinte de la main sur son bras avant de s'en aller vers une échelle qui avait survécu à la destruction - à quelques barreaux près. En quelques mouvements, l'acrobate agile grimpa au sommet des remparts et s'immobilisa, capturée par le panorama qui s'imposait au loin.
Une mer de toitures de toutes hauteurs s'étendait, bordée par d'immenses murs blancs crénelés et le bleu du fleuve Chiontar. La Porte de Baldur était là, à quelques heures de marche, à la fois resplendissante et minuscule sous le ciel vespéral. Le pouls de Silesta s'accéléra dans ses veines. Ils avaient déjà traversé tant de choses et tant de choses encore les attendaient là-bas, dans cette immense ville. Leur destin à tous s'y jouerait. Leur vie, leurs espoirs, leur avenir.
Silesta longea la promenade de créneaux partiellement détruits et trouva l'objet de sa recherche. Accoudé sur la pierre, Astarion guettait aussi l'immensité architecturale qui ne tarderait plus à allumer ses feux nocturnes. Son regard dépeignait un mélange morne d'appréhension et d'une vague mélancolie qui ne seyait pas à son personnage toujours assuré et espiègle. Il ne quitta pas des yeux le paysage quand il entendit Silesta approcher.
« La Porte de Baldur est toute proche... et Cazador aussi. »
L'humaine se posta à ses côtés sans mot dire et observa avec lui pour ne pas troubler sa réflexion.
« Croyez-vous que nous pouvons le vaincre ? demanda-t-elle prudemment après un temps. Sommes-nous assez forts ? »
Au fond de lui, Astarion n'en avait pas la moindre idée. La seule chose dont il était sûr brûlait dans son esprit comme une obsession dévorante.
« Nous le tuerons mais pas que. Pensez-y. Aussi vil soit Cazador, il est sur le point d'accomplir quelque chose d'exceptionnel, déclara le vampire, un large sourire conquérant éclairant ses traits. Le Rite d'Ascension Profane. Peut-être un commencement au lieu d'une fin. Oh oui, je m'y vois déjà. Seigneur. Roi. Maître absolu. »
Pour lui, tout était si simple : s'il parvenait à garder un coup d'avance sur son maître, il lui prendrait sa place le moment venu.
Silesta tiqua à cette étincelle inquiétante d'aveuglement dans les prunelles du vampire. Ce regard l'effrayait tant elle le transformait. Ce qu'elle craignait était en train de se dérouler sous ses yeux.
« Vous seriez prêt à sacrifier tous ces autres malheureux liés au rituel pour voler son pouvoir à Cazador ? »
Astarion renâcla de mauvaise humeur. De toute manière, s'ils étaient dans le même état que lui quand il était encore esclave, ils ne devaient qu'espérer une mort libératrice pour les arracher à leurs tourments éternels.
Il se tourna vers Silesta, l'air courroucé.
« Après deux siècles à avoir été traité comme une chose, un rebut de l'humanité ! s'écria-t-il dans un accès de rage avant de se calmer aussitôt, désolé d'avoir fait sursauter sa compagne. J'estime mériter mieux. »
L'humaine se pinça les lèvres, mal pour lui. Qu'il était douloureux pour elle d'éprouver autant d'empathie que de désaccord. Rien ne serait donc simple en ce qui concernait cet homme.
Elle soupira.
« Bien sûr, approuva-t-elle d'une voix douce. Vous méritez de vivre enfin, réellement. Je veux juste que vous alliez bien.
_ Je sais, se rasséréna le roublard, une main sur la joue de la jeune femme. Sachez bien que ce genre de considération compte également à mes yeux. Je veux pouvoir vous protéger, moi aussi. »
Silesta s'égara dans ses iris sanguins, interdite et émue. Ainsi donc, il songeait au rituel... en partie pour elle ? Son cœur battait aussi fort que sa culpabilité la tiraillait et l'empêchait de lui répondre. Elle se contenta se poser sa main par-dessus celle de son compagnon et lui sourit avec tendresse pour le remercier de sa sollicitude.
Heureux de pouvoir compter sur cet appui inébranlable, Astarion préféra rester ouvert. Il fallait se montrer pragmatique : si l'occasion se présentait à lui de devenir un gredin plus flamboyant encore, pourquoi la refuser ?
« Essayons déjà d'en apprendre plus sur le rituel avant d'aller présenter nos hommages à Cazador. Mes chers frères et sœurs doivent forcément savoir quelque chose. À voir qui trouvera l'autre en premier mais autant que ce soit nous qui tombions sur eux. Si leurs ordres n'ont pas changé, ils doivent errer dans les bouges de la Porte de Baldur. »
La saltimbanque opina du chef en signe d'assentiment mais elle ne se départait pas de l'incertitude qui lui conseillait sagement de ne pas perdre le vampire des yeux quant à cette histoire de rituel. Si lui faisait fi de la sécurité de son âme et de son être, elle serait celle qui veillerait sur lui.
Ils restèrent sur les remparts à contempler le lointain jusqu'au moment du dîner. Pour fêter la fin des ombres et leur future arrivée à la Porte de Baldur, Gayle s'était lâché au plus grand bonheur de ses comparses qui prirent grand plaisir à déguster des brochettes de poulet finement assaisonnées et quelques pommes de terre juteuses. Même si cela ne vaudrait jamais les délicieux plats de l'auberge de Jaheira, ce repas dégusté loin des ténèbres environnantes de la région maudite apparut des plus délicieux aux voyageurs fatigués.
Dans le fil des conversations, l'entrée imminente vers la cité était sur toutes les bouches.
« Cela me fait tout drôle, avoua Ombrecoeur, les yeux dans le vague. Revenir là où tout a commencé...
_ Vous aviez dit que vous redoutiez que vos anciens camarades sharéens guettent notre arrivée. Pensez-vous que nous pourrons leur soutirer des informations sur vos parents ? interrogea Gayle.
_ J'espère. Ma mère supérieure n'attendra que de me châtier. Si je montre que je suis prête à me jeter dans son piège de mon plein gré, ils se feront un plaisir de me dire où me rendre. Je n'ai plus qu'à me laisser cueillir quand nous approcherons de la ville. »
Silesta éprouvait une certaine appréhension à l'idée de se frotter encore au culte de Shar. La cruauté de la déesse ombreuse s'était déjà bien assez manifestée envers son alliée ; imaginer à présent l'ancienne « famille » de la prêtresse s'y mettre aussi pour la punir de sa trahison n'avait rien de réjouissant. Hors de question de l'abandonner.
« Nous vous vengerons, Ombrecoeur. Pour votre vie volée et vos parents. Shar et les siens ne vous feront plus de mal. »
Le repas se poursuivit et se termina entre le crépitement des flammes dans le brasero et les notes langoureuses du erhu de Silesta qui se sentait l'âme musicienne en cette soirée.
La pensée de bientôt fouler le pavé de cette grande ville qu'était la Porte de Baldur inspirait en elle une vague forme de familiarité. Comme l'avait supposé Gayle auparavant, en tant qu'artiste, il était presque obligé qu'elle s'y soit rendue et son intuition lui soufflait que c'était bien le cas. Elle avait hâte autant qu'elle redoutait ce qui se produirait ; elle n'en oubliait pas son marché avec Raphaël.
Lorsqu'elle reposa son instrument pour ne pas troubler l'envie de dormir de ses compagnons épuisés, elle vit Astarion l'approcher. Tout en rangeant son archet, elle prit le temps d'analyser ce petit sourire en coin qu'il lui adressait puis elle accueillit son arrivée avec amusement, plutôt fière d'elle.
« Ah ? Ne serait-ce pas mon amant assoiffé qui vient à moi. »
Le concerné ne cacha pas sa surprise face à tant de perspicacité. Comment avait-elle deviné qu'il venait pour du sang ? Elle haussa les épaules.
« Votre visage. Ce n'est pas la même lueur que quand vous... »
Elle s'interrompit et préféra mordre son ébauche sourire dans sa joue. Était-il vraiment raisonnable de lui avouer qu'elle avait fini par apprécier et cerner toutes les nuances de ses yeux et de ses sourires ? Elle le connaissait, il risquait de se gonfler encore plus d'orgueil.
Hélas pour elle, en plus d'être quelqu'un de fier, Astarion était observateur. Il n'eut pas à réfléchir longtemps pour comprendre ce que Silesta avait tu et se fit un plaisir de la scruter avec une attention perçante.
« Tiens donc. Et à quoi ressemble cet autre visage ? Celui qui réclame votre bouche ? Votre corps ? Votre... abandon en moi ? »
Évidemment qu'il avait deviné. Elle se mordit la joue davantage et se consolida comme elle put face au paradoxe d'Astarion. Quel forban. Non content de savoir précisément comment muer ses traits vers ce qu'il était en train d'exprimer, il y ajoutait ce timbre de voix légèrement plus grave délicieux à l'ouïe ainsi qu'une main légère qui s'occupait de rejeter dans le dos les cheveux cuivrés cachant l'objet de son désir. Silesta soutint son regard sans faillir jusqu'à le perdre au moment où le vampire approchait de son cou.
Ce ne fut pas la douleur brève et froide d'une morsure qui la traversa cependant mais une acidité brûlante qui pulsa dans son crâne et la raidit aussitôt, ainsi qu'Astarion qui étouffa un gémissement.
« Entends-moi. Rejoins-moi. La ville sera dominée. »
La tête cerclée par l'impérieuse présence de l'Absolue, les deux jeunes gens grimacèrent de douleur. C'était comme un marteau qui frappait sur leur boîte crânienne et dont l'onde de répercussion se propageait par vagues fulgurantes. Ils entendirent plus loin les mêmes suppliques endolories de leurs camarades couchés jusqu'à ce qu'une petite lueur orangée ne vînt s'agiter près d'eux. Le prisme.
« Marchez sur la ville. Alliez-vous à mon pouvoir. »
Entre deux salves psychiques, Silesta tendit la main dans l'espoir d'attraper le petit objet mais la vive lumière orangée qu'il émit l'arrêta. Quand elle rouvrit les yeux, un portail lumineux venait de s'ouvrir plus loin.
« Que... ? »
La seconde suivante, des silhouettes émergèrent de la porte dimensionnelle. Des giths habillés tout de cuir et arborant de nombreux tatouages qui ne ressemblaient pas à ceux des congénères de Lae'zel. Les aventuriers réalisèrent à peine ce qui se passait que les arrivants se ruèrent sur eux pour les attaquer. Gayle eut tout juste le réflexe de les repousser grâce à une vague d'énergie quand une autre voix s'éleva.
« Le prisme ! Entrez dans le prisme ! Vite ! Aidez-moi !
_ L'entité du prisme ! » la reconnut Silesta en attrapant ses bolas.
Elle esquiva d'un rapide salto arrière l'assaut d'un gith qui s'apprêtait à lui assener une volée de coups en manquant de mal se réceptionner dans la précipitation.
« Courez ! » cria Lae'zel en se précipitant à corps perdu avec le portail.
La saltimbanque eut un bref coup d'œil vers Astarion pour s'assurer que ça irait pour lui et ne perdit pas de temps après l'avoir vu sortir ses dagues. Elle claqua des talons et ses bottes la portèrent avec la légèreté du vent et la rapidité de la panthère, lui permettant de slalomer entre leurs assaillants loin d'être dénués d'agilité. Même sans arme, ces moines n'en demeuraient pas moins redoutables.
En quelques enjambées félines, Silesta parvint en haut des marches et éjecta d'un coup de bolas bien placé dans les jambes l'adversaire qui lui barrait la route avant de se jeter dans le portail sans se retourner. Une brève sensation de flou la traversa lors du transfert puis elle manqua de réceptionner dans son dos une Ombrecoeur essoufflée qui avait à tout juste eu le temps de prendre sa masse. La prêtresse toussait, une main sur le sternum.
« Ombrecoeur, ça ne va pas ? s'inquiéta Silesta en s'agenouillant.
_ Ils... frappent fort... articula la demi-elfe en reprenant son souffle. Ça ira. »
L'humaine tourna la tête vers l'étendue blanche qui oscillait près d'elle, le cœur en suspens. Qu'en était-il des autres ?
Par bonheur, Astarion, Gayle et Lae'zel suivirent peu après, eux aussi bien secoués. La guerrière githyanki était la plus remontée.
« Que faisaient ces giths dans... ! »
Elle se tut, figée d'effarement par ce qu'elle contemplait plus loin. Ses alliés suivirent son regard et furent saisis du même ébahissement. Ils connaissaient cet endroit. Ce morceau de roche perdu dans l'infinité d'une dimension où ciel étoilé était un mélange de gris et de parme, traversé de rais de lumière ou de rochers en gravité provenant d'on ne sait où. Le même endroit qu'ils avaient tous visité en rêves. À un détail près.
Là où se dressait le gigantesque crâne noir, se formait derrière ses orbites creuses une sorte de bulle prismatique aux couleurs chatoyantes qui pulsait fébrilement, zébrée de fêlures comme l'était le visage de Dame Aylin. La sphère de verre immatériel se craquelait avant de se reformer puis de se re-briser, encore et encore, au rythme d'un cœur qui battait. Cette vision avait quelque chose de beau mais il en émanait un sentiment de dangerosité palpable.
« Là-bas », les interpella Astarion en pointant plus loin.
De l'autre côté d'un morceau de roche sombre menant au crâne, les aventuriers distinguèrent des ombres rapides et agiles courir dans sa direction, bondissant au-dessus ou le long des murs de rocaille avec une aisance déconcertante. Leur peau au teint maladif et leur carrure svelte indiquèrent aussitôt qu'il s'agissait encore de giths comme ceux qui les avaient embusqués au campement. Les silhouettes fonçaient à toute allure droit sur le crâne et jetaient toute leur force dans leurs poings pour fracasser le dôme de lumière colorée. La pulsation qui faisait vibrer la sphère se mit à vrombir avec violence jusqu'à éclater complètement.
« Venez m'aider ! Je ne tiendrai plus longtemps ! »
Tous portèrent la main à leur tempe en sursautant. La voix du prisme ! Lae'zel fut la première à s'élancer, trop intriguée par la présence de congénères dans un tel endroit. Les autres la suivirent, étreints par mille questions. Que se passait-il ici ?
À mesure qu'ils progressaient, ils crurent revivre leur exploration de la Gisombre. Tout comme dans la prison de Chantenuit, la gravité n'existait plus, leur permettant de franchir les gouffres qui séparaient les différentes plateformes entre elles d'un simple bond allongé. Leurs craintes grimpèrent en flèche quand ils croisèrent sur leur route des dévoreurs d'intellect qui galopaient eux aussi droit vers le crâne et son bouclier brisé. Ils pressèrent le pas. Quand ils arrivèrent à l'intérieur du crâne, les clameurs lointaines d'un combat leur parvinrent petit à petit jusqu'à enfin se matérialiser sous leurs yeux ahuris.
Derrière les dents de la tête de mort gigantesque se peignit un tableau qu'aucun d'entre eux n'aurait pu imaginer.
Tout au fond de la cavité, piégé dans une sphère prismatique semblable à celle qui avait explosé à l'extérieur, le corps arqué d'un gith inconscient lévitait, écartelé par des liens magiques qui le retenaient dans une stase annihilante. Autour de lui, ses semblables s'évertuaient à approcher sa prison pour l'en libérer mais leurs assauts étaient repoussés par... un flagelleur mental ?
« C'est impossible... » murmura Lae'zel, les pupilles dilatées.
Assistée par quelques dévoreurs d'intellect qui se jetaient sur les giths pour les gêner, la créature luttait tant bien que mal pour se défaire des assaillants en projetant sur eux de gros morceaux de rochers par la seule force de la pensée. Hélas, ces moines étaient aussi bien entraînés que leurs homologues du campement. Une femme qui venait justement d'être prise pour cible brisa le projectile d'un simple coup de poing et éjecta l'alien d'un puissant coup de pied dans le thorax à quelques mètres des aventuriers éberlués. En arrière plan, le prisonnier dans son dôme émergea de son coma et se redressa lentement.
Suite à l'attaque sur leur « maître », une horde de cerveaux sur pattes se ruèrent sur la moniale qui préféra battre en retraite en disparaissant sans plus s'occuper du flagelleur mental qui haletait lentement en levant ses petits yeux roses vers ses visiteurs.
« Avant de faire quoi que ce soit, n'oubliez pas que je suis votre allié. »
Silesta était comme le poisson hors de l'eau et peinait à rassembler sa lucidité. Qu'est-ce qui se passait ? Où était la belle jeune femme elfe qui se trouvait dans le prisme ? Et pourquoi lui semblait-il entendre sa voix au travers de celle de... cette chose qui était à ses pieds ?
Une sueur froide humidifia sa nuque quand elle réalisa que sa visiteuse n'était qu'une illusion dont la réalité était tout autre. La même horreur non contenue vint se peindre sur les visages de ses alliés, sauf sur celui de Lae'zel qui transita immédiatement vers la folie meurtrière.
« Saleté de ghaik ! tempêta-t-elle, tremblante de rage en serrant étroitement son épée. Quelle est cette folie ?!
_ Ce githyanki est la source de notre protection contre le cerveau vénérable, l'Absolue. Je DOIS le garder soumis où tous nos efforts auront été vains, expliqua-t-il avec calme mais fermeté en se remettant debout. Ne vous arrêtez pas à mon apparence. C'est moi qui vous protège depuis le début et qui suis venu à vous dans vos rêves. Aidez-moi. »
Silesta peinait à respirer et son cerveau était incapable d'assimiler ce qu'il entendait. C'était tout bonnement impossible.
Bien qu'aussi ébranlé que ses camarades, Gayle fut le premier à rassembler ses esprits et exigea au flagelleur de prouver qu'il était bien celui qu'il prétendait être. Ce dernier exposa alors un fait propre à chacun d'entre eux : le magicien avait un orbe de Néthéril dans la poitrine, Ombrecoeur avait arraché l'aasimar Chantenuit à sa prison spirituelle, Astarion était l'un des rejetons du seigneur vampire Cazador Szarr et sur le point d'être sacrifié pour l'ascendance de son maître, Lae'zel venait de vivre une terrible désillusion concernant Vlaakith grâce au kithrak Voss et Silesta était un sceau vivant à elle seule, tant pour sa mémoire que pour ce qui logeait dans ses entrailles.
« Le seul fait que vous soyez encore vous-même et non un illithid devrait suffire à vous convaincre de ma bonne foi, grinça le flagelleur avec impatience. À présent, aidez-moi ! »
Lae'zel vibrait tout entière, secouée par la violence des émotions qui se bousculaient en elle sans pouvoir se manifester pleinement. Elle était une bombe à retardement prête à exploser.
« Aider un flagelleur aux prises avec des githyankis ? Non, c'est inconcevable. C'est un sacrilège !
_ Ta loyauté aveugle te perdra, Lae'zel. Combats à mes côtés. Ta survie en dépend. »
Tout turbinait à plein régime dans leur tête tant rien de cette situation n'avait de sens. La seule chose qui était certaine était que les githyankis commençaient à rassembler leurs forces pour un nouvel assaut envers le flagelleur mental et ses alliés nouvellement arrivés. Pour l'instant, l'alien était hélas dans le vrai : leur survie immédiate était en jeu.
« Que devons-nous faire ? demanda fébrilement Astarion en resserrant sa poigne sur ses dagues.
_ Occupez-vous des gardes. Ce sont eux qui font obstacle. »
Bon gré mal gré – surtout mal gré pour Lae'zel – tous se mirent en garde tout en gardant du coin de l'œil le flagelleur mental. Leur doute quant à sa sincérité s'estompa quand celui-ci immobilisa d'une étreinte mentale particulièrement douloureuse un gith qui approchait discrètement par-derrière.
De tous les adversaires qu'elle avait déjà eu à affronter, les giths étaient les pires pour Silesta. Ils mettaient à mal ses talents d'acrobate car eux-mêmes jouissaient d'une grande aisance et souplesse avec leur corps. Vifs et agiles, l'absence du port d'arme leur conférait en plus une légèreté et une rapidité supplémentaire pour parer et esquiver les coups qui leur étaient portés. Par chance, les maigres renforts que constituaient les dévoreurs d'intellect permettaient de créer une sorte de distraction bienvenue qui alourdissait l'attention des adversaires.
Au milieu des affrontements, Silesta remarqua que de tous, Lae'zel était celle qui semblait le plus en souffrance. Non pas au niveau de sa force physique mais plutôt au niveau du mental. De toute évidence, devoir se battre contre des membres de sa propre race et pour aider un illithid représentait une accumulation suffisamment oppressante dans son esprit dévot pour l'empêcher de jeter la même férocité sanguinaire que d'ordinaire.
La preuve qui corrobora les hypothèses de l'humaine ne tarda pas à se manifester quand elle vit sa camarade essuyer un puissant coup de paume d'un gith droit sur son sternum. La guerrière retomba lourdement au sol, secouée d'une subite apnée qui l'empêchait de respirer.
« Lae'zel ! »
La saltimbanque baissa les yeux vers un groupuscule de cerveaux quadrupèdes qui trottinait non loin d'elle.
« Vous ! À l'attaque! »
À sa grande stupeur, les dévoreurs d'intellect changèrent de direction et galopèrent droit sur le gith qui s'en était pris à la githyanki. Ce phénomène fut aussi bien accueilli qu'il laissa en Silesta un sentiment bancal. Sans perdre plus de temps, la jeune femme accourut vers son alliée pendant que le moine s'évertuait à se défaire des petites créatures qui piaillaient autour de lui.
« Lae'zel, reprenez-vous ! l'invectiva-t-elle en l'aidant à se redresser. Vous ne devez pas faiblir maintenant ! »
La respiration trop sifflante de la githyanki l'empêchait de parler mais le regard empreint d'incertitude qu'elle promena autour d'elle et arrêta un instant sur l'homme entravé dans sa sphère en disait long.
« Vous ne saurez que si vous survivez ! la reprit Silesta avec véhémence. Vous devez une grande partie de votre survie actuelle à des alliances parfois très ironiques, alors tant qu'à faire, allons-y pour un illithid ! »
Lae'zel lui renvoya une farouche rancune mais au moins, l'étincelle de sa fougue avait été ravivée. Il ne manquait plus qu'à l'embraser. L'humaine haussa un sourcil moqueur.
« Chk. Vous n'allez quand même pas mourir aux pieds d'un ghaik ? Quel déshonneur ce serait. »
L'effet escompté ne se fit pas attendre. Un mince sourire carnassier ourla ses lèvres et le brasier meurtrier de son alliée incendia ses prunelles citrine. La guerrière se remit prestement debout en empoignant fermement son épée pour se mettre dos à dos à Silesta.
« Ne les laissez surtout pas vous toucher.
_ Compris. »
Aidée de ses bolas pour garder ses assaillants à distance et de l'arrière-garde que constituait Lae'zel, Silesta redoubla d'efforts pour assurer sa survie tout en essayant de garder un œil sur ses autres compagnons qui avaient eux aussi maille à partir avec les giths. Les meilleures associations se constituaient de Gayle et Ombrecoeur et le flagelleur mental et Astarion ; le premier s'occupant d'immobiliser, gêner ou ralentir les adversaires tandis que le second portait les coups fatals.
Après de longues minutes, le dernier gith fut terrassé par un ultime fouet mental qui le fit se raidir tout d'un coup avant de s'effondrer. Ce figement atroce qui avait traversé son regard au moment où le fil de sa vie était coupé fut l'effet d'une douche glacée chez Silesta. Les pouvoirs des illithids étaient effroyables et savoir qu'elle et les siens devaient remettre leur destin entre les mains de l'un d'eux la rendait mal à l'aise.
Quand le silence revint, la jeune femme et Lae'zel se tournèrent vers le prisonnier gith qui se débattait pour se libérer de ses entraves magiques.
Comme tout githyanki qu'il était, son corps était émacié et à la peau jaunâtre mais il était couvert de tatouages aussi noirs que le regard dément qu'il lançait à la créature extraterrestre qui l'approchait. Sa bouche couverte d'un masque de fer scellait sa haine démesurée et ses yeux gris perle objurguaient son geôlier et les spectatrices des mille châtiments qu'il leur infligerait s'il était libre.
Le flagelleur mental tendit la main vers le prisonnier qui fut aussitôt repoussé vers l'arrière, ses liens magiques brillant d'une nouvelle lumière plus vive. Le corps du gith se fit plume et bascula en arrière et ses yeux roulèrent dans leurs orbites pour le plonger dans un nouveau coma paisible. Lae'zel serra la mâchoire à ce spectacle et fit volte-face vers la créature à tentacules. Cette dernière prit ombrage de cette œillade noire qui accompagnait les quatre autres regards de travers des aventuriers.
« Ne me regardez pas comme ça, les rabroua l'alien. Oui, je suis un flagelleur mental, et alors ? Sans moi, vous seriez sous la coupe de l'Absolue.
_ L'ironie a de quoi être perturbante, objecta Astarion qui peinait toujours à réaliser. Personnellement, je vous trouvais plus attirant sous votre autre forme.
_ Quelle horreur... grinça Lae'zel avec répugnance. Dire que je dois la vie à une saleté de ghaik.
_ Et à mon petit discours motivateur ? » essaya Silesta, mine de rien.
Elle plaisantait mais cela tenait surtout du réflexe nerveux qu'autre chose. Elle partageait le même choc que ses alliés avec en prime une pointe de trahison amère. Cette belle jeune femme elfe qui lui avait inspiré cette présence rassurante presque familière était en réalité une créature issue du peuple qui lui avait valu tous ces déboires ? Une ignoble sensation d'avoir perdu un imperceptible fragment de passé la prit en étau et lui fit serrer les dents de frustration courroucée.
« Maintenant, vous allez tout nous dire. »
Qu'est-ce que j'ai répugné à écrire toute cette partie sur le prisme et l'Empereur... C'était d'un chiant ! Mais bon, il le fallait bien.
