Notes de l'autrice : Deuxième… machin écrit dans le cadre de la Nuit du Fof, pour le thème n°1 « Epuiser ». J'avais une idée, mais je l'ai perdue en cours de route et du coup j'ai pataugé. Et bouclé à la hâte pour être dans les temps. Je crois que ça se sent. Bleh.
Disclaimer : L'œuvre originale appartient (toujours) à Masashi Kishimoto. Le titre et les paroles en épigraphe sont tirées de la chanson « A Night Like This » de The Cure.
« Sometimes it doesn't even look like you
It goes dark, it goes darker, still »
Pantelant, Naruto se laisse mollement tomber sur le ventre – les draps moites frémissent sous son poids. Il pousse un grognement d'aise, tourne la tête lorsque Sasuke s'allonge à côté de lui, sur le flanc. Accoudé à l'oreiller, celui-ci le scrute de ses prunelles sombres, encore embrumées d'une fiévreuse volupté. Le silence de la petite pièce semble vibrer encore des échos de leurs soupirs languissants – de leurs rugissements haletants. La clarté bleutée de la pleine lune pénètre à travers la fenêtre ouverte, enveloppant la chambre – leurs deux corps nus – d'une lumière d'encre.
« Tu m'épuises, Sasuke.
– Il faut bien que quelqu'un le fasse… »
Les lèvres de l'Uchiha s'étirent en un sourire goguenard tandis que le blond marmonne une succession d'injures, couronnée d'un long bâillement. Il le regarde s'endormir peu à peu. Ce sont d'abord les paupières qui deviennent trop lourdes, et qui se ferment alors même que son amant le fixe songeusement, comme s'il cherchait à graver l'altière pâleur de ses traits jusque dans l'inconscience du repos. Puis la bouche s'entrouvre, laissant échapper une respiration lente et ronflante.
Sasuke roule de façon à se retrouver sur le dos. Il sent le corps à côté du sien remuer et gigoter, se recroqueviller contre lui en émettant de petits grognements plaintifs.
« Tu r'pars quand ? s'enquiert Naruto d'une voix éraillée de sommeil. »
L'intéressé lui jette un coup d'œil sévère.
« Je ne sais pas. Dors. »
Lui-même ferme les yeux, en espérant ainsi inciter son amant à en faire autant – en sachant que, s'il ne se rendort pas dans les minutes qui suivent, il ne dormira plus ; et alors… Sasuke se mord l'intérieur de la joue. Dormir. Il doit dormir. Profiter de l'engourdissement de ses membres – de son esprit – pour s'abandonner à la tendresse cotonneuse du sommeil. Les occasions sont trop rares – la majorité de ses nuits trop blanches – pour qu'il se permette de laisser passer celle-ci. Sasuke se tourne de nouveau sur le côté, ouvre discrètement un œil – puis l'autre. Il sait que Naruto ne dort pas tout à fait encore – à la manière dont ses paupières frémissent, le brun devine que quelques pensées incohérentes le tiennent vaguement éveillé.
Il sait aussi que c'est une mauvaise idée, mais il ne peut retenir la main qui effleure sa pommette avec une délicatesse qui ne lui ressemble guère.
Aussitôt, deux prunelles d'azur scintillent dans la semi-obscurité.
« Et si… Et si tu r'partais pas ? »
Le jeune homme ravale tout juste le juron exaspéré qui a failli traverser la barrière de ses lèvres, alors que l'autre enserre sa taille d'un bras alangui et qu'il niche sa figure dans le creux de son cou. (Le suppliant, de tout son corps, de ne pas repartir.)
« Et si tu dormais ? rétorque-t-il avec une désinvolture distante. Je te croyais épuisé.
– Et toi ? Tu n'es pas épuisé ? de fuir ? »
Un ricanement amer, profondément désillusionné, lui échappe. Vivre m'épuise, répondrait-il s'il était capable d'une telle honnêteté. Cela fait trop longtemps qu'il traîne aux pieds les poids d'une sinistre fatalité – qu'il oscille entre insanité et culpabilité. Et s'il n'y a qu'entre les bras de Naruto qu'il peut étouffer les cris et suppliques effarées, effacer les fiévreuses effusions de sang ; Sasuke a peur d'oublier, un jour.
« C'est toi qui m'épuises, imbécile, tance-t-il alors plutôt. »
Il enfouit cependant le nez entre les courtes mèches blondes de son amant, se livrant à la chaleur qui irradie de sa peau hâlée – seule chose capable de dissiper tout à fait la tension qui raidit perpétuellement ses membres. D'emplir l'immense vacuité hivernale qu'est son cœur.
Quand le brun sombre dans les profondeurs tièdes du sommeil, Naruto ne dort toujours pas. Il n'est pas (si) fatigué (que ça). Surtout, il préfère se faire gardien du repos de son compagnon, qu'il sent parfois tressaillir sous son bras. Il se tient parfaitement immobile contre lui, s'efforce de maintenir une respiration régulière – la moindre anomalie pourrait le réveiller, et l'Uzumaki veut qu'il demeure assoupi. Le plus longtemps possible.
Car il sait que, livré à la solitude de ses pérégrinations, Sasuke ne peut pas trouver le sommeil. Qu'il n'y a que lorsqu'il est à bout de forces, éreinté au point d'en devenir à moitié dément, qu'il daigne revenir au village.
Naruto sait aussi que seule l'ardeur bouillonnante de ses étreintes peut l'arracher aux réminiscences sanguinolentes qui l'assaillent dès qu'il clôt les paupières.
Alors, quand Sasuke revient, le blond fait en sorte de lui consacrer toutes ses nuits.
Et, s'il l'épuise, c'est qu'il espère qu'un jour, Sasuke soit trop fatigué pour vouloir repartir.
