Chapitre 5.

Tout avait été vite, si vite. Il était presque minuit quand Severus avait accouru vers l'avant du bateau, constatant, aussi effaré qu'Hermione, les morceaux de glace gisant sur le pont de coffre.

Quelques hommes s'amusaient même à jouer au foot avec le verglas tandis que son cœur s'arrêta en apercevant au loin, l'iceberg qu'ils venaient de frôler s'éloigner d'eux.

Il se trouva entraîné par le capitaine Smith qui lui demanda d'établir un bilan des dégâts… Et malgré l'inspection d'un officier se voulant rassurante, Severus ne tarda pas à trouver une voie d'eau.

Peu à peu, le bilan se fit sans appel, alors qu'il assistait, incrédule, à la réunion de crise réunissant Thomas Andrews, le capitaine ainsi que les matelots du bateau. Il en oublia même un instant Hermione, emporté par la folie de cet instant qu'il ne réalisait pas vraiment.

Le Titanic, voué à couler ? C'était impossible, impossible ! Et pourtant, ce n'est qu'en se précipitant à bâbord une fois sorti du bureau de Smith qu'il ne pouvait déjà que constater à quel point le bateau tanguait. Severus se mit ainsi à longer les ponts de promenade avec frénésie, tentant de trouver une solution. Mais il n'y en avait aucune. Ils avaient déjà parcourut toutes les possibilités.

Alors qu'il se figea devant les canots de sauvetage que quelques marins commençaient à préparer, l'homme dut s'isoler un instant. Les canots… Il n'y en aurait jamais assez pour tout le monde. Une première fusée de détresse sifflante le fit à peine sursauter avant qu'elle n'envoie un éclat rouge dans le ciel. Levant la tête pour constater que les étoiles ne lui étaient plus visibles, Severus crut que sa prochaine inspiration ne viendrait jamais.

Il se tourna vers la salle de repas derrière lui depuis laquelle l'orchestre jouait encore, marchant comme un automate parmi les passagers insouciants qui n'étaient même pas sorti pour se sauver. Il croisa ses deux « amis » excités mais les ignora, le coeur battant et le regard vitreux.

Ils allaient mourir. Seigneur, une bonne moitié des gens ici allaient y laisser la vie !

xXx

« Miss Marshall… »

Hermione avait soupiré en se retournant tandis que Severus s'était fait entrainé par le capitaine en personne face à l'ampleur des dégâts.

« Vous n'êtes pas à votre poste à ce que je constate.

_ Je viens de voir un iceberg, accusa Hermione. Que se passe-t-il, c'est grave ? »

L'agent Wilson tiqua, claquant sa langue contre son palais, toujours aussi agacé.

« Ce n'est pas une raison pour ne pas vous rendre à votre travail !

_ Bien sûr que si ! Je veux savoir ce qu'il se passe.

_ Très bien, vous avez gagné, s'emporta le marin. »

Hermione sursauta lorsque l'homme lui saisit le bras pour l'emporter avec lui chez les troisièmes classe.

« Vous voulez jouer à la rebelle ? Vous sortirez les chiens !

_ Mais…

_ Et j'aurais deux mots à vous dire à propos de votre « ami ». Vous savez ? Celui que vous embrassiez si passionnément, tout à l'heure et qui a fait le pari de vous mettre dans son lit.

_ Le quoi ? »

xXx

Errant sans but, Severus se retrouva ainsi devant les ascenseurs et enfin, son regard tomba sur une jeune femme, une femme qui avait l'uniforme des liftiers, une femme rousse, aux cheveux bouclés, une femme qui n'était pas Hermione. Alors soudain, l'homme cligna des paupières et sembla retrouver pied avec la réalité.

Il s'avança ainsi vers elle, totalement paniqué.

« Où est-elle ? gronda-t-il soudain.

_ Excusez-moi monsieur, vous cherchez quelqu'un ? demanda soudain la jeune inconnue.

_ Où est Hermione ? Où est celle qui s'occupe des ascenseurs ?!

_ Je l'ai envoyé ailleurs, émit une voix sombre et masculine. »

Severus tourna sur lui-même pour tomber sur l'officier Wilson, portant cet air supérieur insupportable sur le visage. Le menton levé, le marin semblait le défier durement, et pour une fois, Severus en oublia sa politesse de façade, il oublia de tenir son rôle habituel et serra les poings comme la mâchoire.

« Elle cumulait plusieurs retards, sans compter sur le fait qu'elle n'avait toujours pas compris la leçon quand je lui ai demandé de la fermer. »

D'un pas, Severus combla à peine l'espace le séparant lui de l'officier. Il le prit par le col, commençant presque à le secouer comme un vulgaire prunier alors que la jeune femme derrière eux hoqueta de surprise avant de crier de protestation, effrayée par son ton agressif.

« Vous êtes dingue ou quoi ? Où l'avez-vous relégué encore ?! finit-il par hurler, hors de lui.

_ Chez les chiens des troisièmes classes, balança le marin avec fierté. »

La réunion avait duré à peine 45 minutes, mais Severus n'était pas dupe : le bateau plongeait déjà par l'avant, entamant dores et déjà sa lente agonie vers les eaux profondes et glacées de l'océan.

« Vous ne pouviez pas vous en empêcher n'est-ce pas ? Vous ne pouviez pas vous retenir de vous venger une fois que j'avais le dos tourné, cracha-t-il.

_ Monsieur Hart un conseil : lâchez-moi, sinon, je ferais en sorte de vous enfermer vous aussi dans une des salles que l'on réserve pour les rebelles dans votre genre.

_ Vous aussi ? Comment ça, moi aussi ? »

L'officier garda sa fixation sans un mot, et Severus le lâcha soudain, hors de lui avant de courir vers l'arrière du paquebot.

Tout était allé déjà si vite qu'il trembla en percevant à quel point l'eau lui était dangereusement proche en regardant en contrebas. Sans compter sur la vapeur émanant des cheminées créant un bruit assourdissant qui l'empêchait de réfléchir convenablement.

« Non, chuchota-t-il en se mettant à courir. »

Il était hors d'haleine, le Titanic étant un paquebot si grand, si long qu'il avait déjà perdu de précieuses minutes à le parcourir pour en arriver au bout. Il fallait dire qu'il avait été gêné par la cohue commençant à se former de troisième classes s'affolant dans le sens inverse, le destin ayant choisi d'être bien cruel visiblement, car ces derniers semblaient être les seuls à mesurer la gravité de la situation pendant que les premières continuaient à picoler dans leur salle de réception.

Arrivé sur place, Severus tourna les yeux rapidement dans tous les sens, paniqué.

« Moody, héla-t-il soudain en direction d'un second officier qui rassemblait à la hâte divers instrument dans ses bras chargés. »

Le vieil homme, blond et un peu imposant n'en menait pourtant guère large devant le méthodique Severus qui n'avait jamais semblé aussi remonté de son existence, tant qu'il en devenait presque effrayant. Le charpentier s'avança ainsi vers lui, déterminé. Le bruit continuait de l'empêcher de s'exprimer autrement qu'en hurlant et ne le rendait que plus impressionnant encore.

« Hart, ce n'est vraiment pas le moment, nia Moody. Si c'est pour me demander si j'ai une place sur un canot, alors restez avec moi et peut-être que je peux m'arranger…

_ Où enfermeriez-vous quelqu'un de problématique ?

_ Quoi ? se retourna soudain le marin, commençant à songer que la panique faisait peut-être perdre les pédales au charpentier.

_ Je cherche quelqu'un, une femme que votre petit salaud de copain nommé Wilson aurait possiblement « puni ».

_ J'en sais rien, balbutia l'homme, perdu. Quelque part au fond d'un couloir des troisièmes classes je suppose, mais cet endroit est déjà inondé. Merde, Hart, tout va trop vite, je n'ai pas le temps !

_ Ecoutez-moi, gronda Severus en saisissant à son tour le costume du marin avec vigueur. Vous me la trouvez ou je fais un massacre, c'est clair ?

_ Mais trouver qui, bafouilla l'homme, décontenancé.

_ Hermione ! La jeune femme qui est en charge des ascenseurs, vous la connaissez forcément ! Elle a des cheveux bouclés, une femme agaçante, téméraire, extrêmement chiante avec cet air je sais tout sur le visage, vous n'avez pas pu ne pas la remarquer !

_ Ecoutez, je ne sais pas où elle est, et je dois aller aider les autres. Je dois m'occuper de faire descendre les canots au plus vite ! C'est déjà le bazar là bas, vous le savez comme moi alors… je ne sais pas, faites en sorte de trouver une place avant qu'il ne soit trop tard, mais quittez cet endroit. »

Severus lâcha le marin avec force, dépassé et frustré. Il grogna et partit dans le sens inverse, ouvrant précipitamment une porte pour se diriger vers des escaliers donnant vers les étages inférieurs.

« Vous n'allez quand même pas faire ça ! Hart ! Revenez, vous allez rester coincé ! »

Mais l'homme ne l'écoutait pas, et ignora ses appels qui se turent au bout d'une dizaine de secondes.

« Merde, soyez vigilant ! clama-t-il une dernière fois avant de courir, sans doute vers les canots. »

Dévalant les marches, Severus s'était retrouvé à un carrefour d'autres couloirs, donnant sur les différents salons déserts.

« Hermione, commença-t-il à appeler. »

N'entendant rien d'autre qu'un brouhaha incessant, Severus jura et commença à arpenter le dédale des espaces des troisièmes classes. Il croisa quelques passagers perdus, qui répondaient toujours à côté de leur pompe au mieux, ou carrément dans une autre langue au pire.

Les minutes ressemblaient à des heures, tandis qu'il hurlait désormais le prénom de la jeune femme à en perdre haleine, jurant, pestant contre Wilson, et tous les autres débiles dans son genre.

Cela dura encore et encore, tant qu'il crut y rester. Ce bateau était si grand, tous les couloirs se ressemblaient, tous peints de blanc. Et sa recherche ne demeurait que plus fastidieuse en raison de l'angle que commençait à prendre dangereusement le bateau. Le monde commençait à s'atténuer, et ainsi, il n'entendit plus que les fusées s'éclater dans les airs alors qu'il était pourtant bien en bas de la surface.

Mais Severus n'abandonna pas pour autant ses recherches, et enfin, une légère voix finit par lui répondre au loin.

« Severus ? »

L'homme se figea, et appela Hermione une nouvelle fois, qui lui répondit faiblement.

Le coeur battant, il se mit ainsi à la chercher alors qu'elle criait « par ici » en boucle, d'un ton paniqué. L'homme mit bien trois bonnes minutes ainsi à la trouver.

Elle n'était pas dans une salle enfermée, comme il avait pu s'y attendre, mais exténuée, debout dans un ascenseur et surtout essoufflée.

L'homme ne réfléchit pas davantage et se rua dans l'habitacle en la tâtant frénétiquement. Elle avait les cheveux glacés, trempés et les joues rouges.

« Hermione, répéta-t-il en boucle. Je t'ai cherché partout ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?!

_ Severus ? Mais… tu n'es pas parti ? couina-t-elle.

_ Mais non enfin ! Ça fait plus d'une demi heure que je te cherche partout. Il faut que tu remontes avec moi. Le bateau, il, il… »

Hermione finit par laisser échapper une larme, puis deux. Severus fronça les sourcils, et elle se rua sur lui en l'enlaçant avec force.

« Wilson m'a dit que tu étais parti sans te retourner, dés que tu avais vu l'étendu des dégâts s'exclama-t-elle avec émotion. Que tout ça n'était qu'un autre pari. Quand je ne t'ai pas vu, j'ai pensé…

_ Jamais je n'aurais fait ça, se défendit-il.

_ Il m'a dit… qu'il nous avait vu avant que l'iceberg ne touche le navire, que j'étais aveugle, que je n'étais qu'une… et que toi tu… profitais de… Oh je suis désolée, si désolée, pleura-t-elle dans son cou. »

Severus finit par soupirer, puis posa une main sur sa chevelure éparse.

« Hermione, je n'ai jamais fais ça pour, commença Severus.

_ Je sais, l'interrompit-elle avec émotion.

_ Qu'est-ce que tu fais ici, finit-il par demander d'une voix plus mesurée.

_ J'essaie de guider les passagers, j'ai bien vu qu'ils étaient tous perdus, la moitié ne parle même pas la langue, je ne pouvais pas…

_ Hermione. »

Severus la détacha de lui avant de prendre son visage en coupe.

« Tu dois aller là haut maintenant.

_ Hors de question, trancha-t-elle. Je ne peux pas abandonner tous ces gens.

_ Je t'ai dit de remonter, tu dois monter dans un canot tout de suite ! gronda-t-il.

_ Non, nia-t-elle vivement. »

Severus crut la tuer, vraiment la tuer sur place, et s'il en avait le pouvoir, il irait même jusqu'à la pétrifier pour la balancer de force dans un canot de sauvetage. Seulement, il lui était impossible de le faire.

« Hermione, tenta-t-il de calmer le jeu. Ce paquebot est en train de couler.

_ Je le sais, sanglota-t-elle soudain. Je l'ai compris bien avant toi figure-toi, la salle… la salle du courrier est déjà inondée, je n'ai même pas pu rejoindre ma cabine !

_ Et pour les canots ? Il n'y en a que vingt, est-ce que tu sais ce que ça signifie ? »

Hermione détourna le regard en n'osant le fixer. Alors, l'homme la prit par les bras pour la forcer à le regarder en face.

« Une bonne partie des troisièmes classe ne parle pas un mot d'anglais Severus, finit-elle par affirmer. Ils sont perdus, aucun membre de l'équipage ne les aide, sans compter qu'ils ont décidé de bloquer les ascenseurs et même certaines grilles ! Ils vont tous se noyer si je ne les aide pas à s'orienter pour aller vers les ponts supérieurs.

_ Tu ne vas quand même pas risquer ta vie comme ça !

_ Bien sûr que si, lâcha-t-elle durement en détournant son bras de sa poigne.

_ L'eau a déjà envahi la plupart des chambres, si on reste là, on ne pourra pas remonter. Hermione, je t'en prie. Nous ne serons d'aucune utilité morts !

_ Tu es descendu ici pour moi ? demanda-t-elle soudain.

_ Quoi ? Mais bien sûr que je suis descendu ici pour toi. »

Hermione l'observa, les yeux brillants. Wilson l'avait envoyé vers les chiens de troisième classe à peine une heure auparavant, l'accompagnant d'un long monologue sur la réunion s'étant tenu avec le capitaine. Avant de la « rassurer » sur le fait qu'il n'y avait aucune urgence, l'homme avait commencé à l'informer sur la nature réelle de ce « Thomas Hart ». Il avait découvert son véritable nom, découvert son statut de clandestin, en lui faisant un discours sur le fait qu'il avait payé pour son silence, et qu'il s'était rué vers un canot qu'ils avaient déployés par simple « mesure de précaution » sans tenir compte une seule seconde d'elle.

Puis, il avait eu ce discours affreux, sur les femmes qu'ils auraient mis ainsi dans sa couche tout comme elle, des femmes naïves dont il aurait extorqué l'argent et même une autre passagère de ce bateau qu'il évitait à tout prix, ce qui avait expliqué leur escapade vers la fête tenus par les troisièmes classe selon ses dires. Et tout cela sans compter sur sa réputation…

Hermione l'avait cru. Elle l'avait naïvement cru. Parce qu'il lui avait parlé d'un pari, qu'il les avait vu et qu'elle avait tant de mal à lui faire confiance. Dire qu'il n'avait fallu qu'appuyer sur un simple bouton pour faire naître le doute, en quelques minutes à peine…

« Wilson cet imbécile a même réussi à me faire croire qu'il t'avais enfermé quelque part, continua Severus. Moody voulait me proposer une place, mais… Merde Hermione, je ne pouvais pas m'en aller sans toi. Je n'aurais jamais fait ça. Que tu le veuille ou non, je serais là alors fais moi confiance maintenant. »

Hermione prit une inspiration. Elle le savait en ayant parcouru quelques étages pour aider les autres… L'eau s'insinuait dans les couloirs avec bien trop de vitesse. Dieu, elle s'en voulait tellement. Elle avait compris que le paquebot était en train de couler, mais savoir que Severus l'avait abandonné comme ça l'avait mit dans une telle détresse… Elle n'avait pas pu croire qu'il l'avait manipulé pour une chose aussi désuet qu'un pari raté et qu'elle s'était laissé bernée.

« D'accord, finit-elle par bafouiller. Je te fais confiance. Allons-y. »

Soudain, leur conversation houleuse fut interrompue par des cris. Des cris d'enfants… Des hurlements provenant d'en bas, plus précisément des pleurs de bébé.

Severus et Hermione se turent, et elle le regarda, blême.

« Hermione, murmura-t-il pour la dissuader.

_ On doit descendre, finit-elle par dicter, déterminée.

_ Hermione, on va se retrouver coincés en bas, protesta-t-il.

_ Que tu le veuille ou non, j'irai. »

Hermione s'accrocha alors au bord de la porte, le regard à la fois déterminé et étincelant de tristesse.

« Retourne voir Moody.

_ Pas sans toi, trancha-t-il alors que les cris du bébé se faisaient encore plus sonores.

_ Je ne viendrais pas sans descendre chercher cet enfant. Maintenant s'il te plait, pars, sinon, tu n'auras jamais de place ailleurs. Je prendrais un autre canot. »

Severus avança d'un pas, mais, en tout lieu de s'en aller, clôtura les grilles de l'ascenseur et se précipita sur la manivelle qui avait été activé un nombre incalculable de fois par la jeune femme sous ses yeux.

Hermione protesta en hurlant, mais il était trop tard lorsque l'ascenseur entama sa lente descente.

« Severus, qu'est-ce qui te prends ?!

_ Je n'irais nulle part sans m'assurer que tu sois en sécurité, finit-il par clamer d'une voix grave. Je ne partirais pas d'ici sans toi. »

Hermione ouvrit la bouche pour protester, mais l'eau s'insinua dans l'ascenseur, montant jusqu'à leur mollet alors qu'elle cria de surprise et d'horreur, constatant avec effroi à quel point elle était glacée.

« On doit remonter, dit-il en se tournant vers elle. »

Mais Hermione ne l'écouta pas et ouvrit les grilles pour tourner dans tous les sens avec frénésie, comme si le froid n'avait aucune importance.

« Où est-il ? »

Les pleurs ne tarissaient pas, ils étaient même pire au fil des minutes. Severus soupira et finit par aider la jeune femme en la suivant. Il commençait déjà à grelotter, mais il constata vite que c'était pire pour elle. Lorsqu'elle se tourna, il vit que la fine chemise de lin qu'elle portait ne suffisait pas à la réchauffer et que ses lèvres bleuissaient déjà.

« Hermione, prends au moins ça nom d'un chien. »

Alors qu'il se précipitait sur elle pour poser son manteau épais sur ses épaules, les pleurs du bébé se firent plus distincts. Severus avança alors machinalement vers l'une des chambres dont l'eau lui arrivait désormais jusqu'à la taille, et se figea en voyant un berceau en osier flottant sur les eaux glacées.

Sans réfléchir davantage, il s'avança jusqu'à ce dernier et y découvrit un bébé pleurant à chaudes larmes, sec, et en bonne santé. La petite couverture dans laquelle il était emmitouflée portait le nom de Corvus, et l'homme le prit délicatement dans les bras. Une fois fait, le bébé se calma presque instantanément.

« On y va cette fois, dicta-t-il à Hermione. »

La jeune femme se tourna pour s'avancer dans le sens inverse, mais finit par se retourner pour l'enlacer, lui et ce bébé avec force.

« Merci, lui glissa-t-elle avec émotion.

_ Tu pourras me remercier quand ce bébé sera parti de ce bateau de malheur. »

Hermione et Snape reprirent le chemin inverse avec difficulté, le niveau ne faisant que monter encore et encore. Ils passèrent devant la salle de réception dont la vaisselle commençaient déjà à casser en quelques fracas inquiétants.

« On ne peut pas aller aux ascenseurs, finit par clamer Severus. On risque d'être bloqués entre deux étages.

_ Les escaliers sont par là, montra Hermione en avançant, constatant avec effroi que l'eau lui parvenait désormais jusqu'à la poitrine. »

Hermione s'avança, effrayée. Puis, elle se figea vers la sortie, presque totalement inondée.

« C'est la seule, souffla-t-elle. »

Severus bloqua lui aussi. Il déglutit. Puis, il lui intima d'avancer.

« Plonge ici, tu ressortira derrière le tuyau. Je te donnerais le bébé en le passant par-dessus. Ensuite, tu montes sans te retourner. »

Hermione s'exécuta aveuglément. L'eau était si froide qu'elle en eut une migraine, à peine la tête sortie. Elle s'empara du poupon et se rua vers les escaliers. Elle manqua de tomber mais tint le bébé fermement contre elle. Enfin, elle arriva jusqu'au pont et se retourna.

« Severus ? »

La jeune femme se mit à sangloter en voyant d'ici l'eau monter encore et encore, sans signe de vie de l'homme qui devait la suivre.

« Severus ! hurla-t-elle à plein poumon, ce qui réveilla l'enfant qui se remit à pleurer de nouveau. »

xXx

Quelques élèves commençaient déjà à pleurer à chaudes larmes, d'autres plus silencieusement.

Lorsque Harry se tourna, il vit Minerva poser une main grave sur la bouche, le regard humide. Pompom quant à elle, les mains tremblantes, tourna son regard vers le professeur Snape qui commença à trembler de tout son corps. Les lèvres cyanosées, l'homme semblait chercher sa respiration, et la magicomage se rua sur l'homme.

Mais il ne se réveilla pas pour autant et elle lança un sort de réchauffe, sans succès. Harry se leva avec précipitation, avant que ses tremblements ne se calment d'eux même.

xXx

C'était sa faute, forcément sa faute.

Du moins, c'était ce qu'Hermione se répétait en boucle comme une automate, errant sur les ponts de promenade, se faisant bousculer de part et d'autre sans considération. Elle tenait encore ce bébé étrangement calme dans ses bras et avançait, le regard dans le vide.

« Elle a un bébé ! Laissez-là passer. »

Hermione leva enfin le visage pour froncer les sourcils dans le vide. Machinalement, elle s'était dirigée vers ce premier canot au bout du navire, où se tenait une dame extrêmement bien apprêtée compte tenu de la catastrophe à laquelle ils s'apprêtaient à faire face.

Sa robe semblait si lourde, et elle portait encore cet immense chapeau sur la tête qui lui donnait une allure si distinguée. Seul son gilet de sauvetage blanc contrastait avec la couleur bordeaux de son pardessus. Il y avait d'autres enfants autour d'elle, et Hermione fronça les sourcils.

« Aidez-là à monter, elle est en état de choc. »

Hermione cligna des yeux, avant de se figer. Elle se tourna alors vers un officier, celui qui s'apprêtait à partir dans le canot. Le cœur battant, Hermione loucha sur son badge indiquant le nom de Moody.

Il ne pouvait pas être mort. C'était impossible qu'il soit mort.

« Prenez-le, dit-elle gravement.

_ Mademoiselle, insista le marin. »

Hermione retrouva tout à coup les esprits, et plaqua le bambin dans les bras du marin avant d'enjamber le canot dans lequel elle s'apprêtait à embarquer pour s'enfuir tout droit vers le Titanic.

« Mademoiselle, revenez ! appela l'homme au loin, sans succès. »