Chapitre 27 - Modesty ou Orron


Dans son pantalon et sa chemise de pyjama mauve, le dos calé contre les oreillers et la tête de lit, Hermione ramassa son livre de contes. À la lumière de sa lampe de chevet, elle reprit l'histoire que lisait Draco la veille, au moment où la jeune fille demandait une rose à son père et tenta d'oublier entre les pages la soirée qu'elle venait de vivre. Ce qui marcha jusqu'à ce que sa poignée s'abaisse. Draco se glissa dans sa chambre. Il portait encore ses vêtements de la journée et ses cheveux blonds retombaient sur le pansement au-dessus de son arcade. Elle se racla la gorge.

— Ça ne peut pas attendre demain ?

— Non, murmura-t-il en longeant le lit vers elle, ça ne concerne pas les potions.

Gardant le livre comme une barrière, elle le regarda s'asseoir, sachant qu'elle aurait déjà dû le renvoyer. Il lui suffisait de parler un poil trop fort pour attirer l'attention de ses parents. Mais… peut-être était-ce important ?

— Et je peux savoir ce que ça concerne ? répondit-elle sur le même ton bas.

Draco se laissa tomber en arrière en travers du lit, les mains croisés derrière sa tête.

— Je ne sais pas encore. Mais je me dis qu'on va trouver.

Le cœur battant, elle serra la prise sur son livre. C'était le moment de le congédier. Elle n'avait qu'à lui dire de se trouver des distractions tout seul. Elle entrouvrit la bouche, puis reprit sa lecture. Le livre lui échappa des mains et Draco étendit le bras loin d'elle.

— Rends-moi ça, chuchota-t-elle.

— Si tu trouves un sujet.

Elle roula des yeux, le cœur battant.

— Très bien. Un et ensuite tu t'en vas.

Draco acquiesça, fixant le plafond d'un air presque ennuyé. Le simple fait qu'il soit là lui donna l'impression d'être plus légère et elle réfréna un sourire. Peut-être qu'avec un sujet qu'il ne pouvait que refuser, il s'en irait ?

— Dis-moi quelque chose que tu ne comptais pas me dire dans ce cas.

— Très bien, mais à condition que tu commences, répondit-il.

Hermione ramena un oreiller contre elle. Si ce n'était pas assez sincère, il ne jouerait pas le jeu. Qu'il n'ait pas refusé net était une surprise en soi.

— Eh bien… Si je suis honnête avec toi, te côtoyer m'a fait remettre en question certaines choses.

Draco se redressa sur ses coudes.

— Comme quoi ?

— Je te le dirai si tu me donnes une idée de ce dont tu vas me parler.

Dans le silence qui suivit, elle se prit à espérer qu'il renonce. Son cœur battait fort. Peut-être à cause de la conversation ou parce qu'il était là, dans sa chambre, allongé juste à côté d'elle.

— C'est quelque chose que je n'ai jamais dit, répondit-il. À personne.

Il se tourna vers elle, attendant qu'elle se livre.

— Je ne suis plus si sûre de… ce que je ressens pour Ron. Enfin, il est toujours un ami très cher, mais je ne suis pas sûre de pouvoir encore me projeter avec lui.

Draco cacha son demi-sourire avant de lancer :

— En même temps tu as eu un avant-goût de moi, la belette n'a aucune chance.

— C'est ça oui, dit-elle en secouant la tête. Non, vraiment, pour moi… Mes parents sont amis depuis l'enfance, j'ai toujours pensé que c'était ça qui faisait un bon couple, mais le temps qu'on a passé ensemble m'a fait reconsidérer un certain nombre de choses que je prenais pour acquises.

Un micro silence lui fit regretter d'avoir élaboré.

— Pour moi tu as pris la bonne décision. Ami ou pas, s'il continue d'agir comme un imbécile, il ne te rendra pas heureuse.

Une note brûlante s'étala sur ses joues.

— Et toi alors ? dit-elle avant que ça empire.

Un secret que Draco n'avait jamais partagé avec personne, de quoi pouvait-il s'agir ? Lui restait immobile, à contempler le plafond quand un éclair jaune traversa la pièce pour se poser dans le cou de Draco.

— Je ne pense pas me marier avec une Sang-Pur, dit-il enfin en grattant la tête du Vivet.

Hermione écarquilla les yeux. Pourquoi lui disait-il… ?

— Ce ne sera pas non plus n'importe qui, quelqu'un avec un sang mêlé, le moins mêlé possible par exemple.

Elle acquiesça, agacée contre elle-même et contre cette déception qui n'aurait jamais dû exister.

— Pourquoi pas une Sang-Pur ?

— Le nombre de familles comme la mienne est très réduit et je ne veux pas d'un énième rapport de force comme avec Crabbe, Goyle et les autres Serpentards. Le lien que je veux, c'est le même lien niais que vous avez, toi, le balafré et la belette.

Hermione approcha une main de lui, avant de la poser sur son épaule.

— Bien que tu sois très agaçant la plupart du temps, tant que tu ne t'en prends pas gratuitement aux autres, tu peux compter sur moi.

Avec l'impression de s'être bien trop avancée, elle retira lentement sa main :

— Pas publiquement, bien entendu, mais si un jour tu as besoin de mon aide…

Pendant un moment, Draco continua de caresser le Vivet sans un mot, ce qui la plongea dans un profond malaise. À quoi pensait-il ? La tentation de retirer son bracelet la brûla, mais moins que le regard qu'il lui adressa.

— Quand je vois jusqu'où vous êtes prêts à aller les uns pour les autres, je serai idiot de refuser.

Elle leva les yeux au ciel.

— Il faudrait donner un nom au Vivet, d'ailleurs, dit-elle en glissant contre ses oreillers, soulagée.

Draco replongea dans ses réflexions.

— Vivet, dit-il enfin.

— Tout ça pour ça ? Tu vas me dire que tu as appelé ton hibou, « Hibou » ?

— Pour commencer, c'est un hibou grand-duc, et ensuite son éleveur lui a peut-être donné un nom, mais en ce qui me concerne, il n'en a pas, répondit-il en bâillant.

Hermione l'imita et ses yeux se remplirent de larmes.

— Et comment fais-tu pour l'appeler ?

— En général « viens ici » suffit.

Elle secoua la tête.

— Pourquoi pas Modesty ? C'est la première sorcière à avoir lutté pour la préservation des Vivets.

— Je ne vais certainement pas l'appeler « Modesty ». Elle a déjà une réserve à son nom, c'est amplement suffisant.

Ses yeux lourds et son esprit embrumé n'aidaient pas à réfléchir. Quelles étaient les caractéristiques du Vivet ? Sa couleur… Sa forme ?

— Alors Orron ? murmura-t-elle. J'aime bien Orron.

— Si ça peut te faire plaisir, répondit Draco.

Elle bâilla une nouvelle fois et céda à la tentation de fermer ses paupières brûlantes, juste quelques secondes. Les coussins autour d'elle lui donnaient l'impression de s'enfoncer dans un amas de nuages. Elle imaginait déjà le Vivet voler au-dessus des tables de la Grande Salle, les élèves attablés le pointant du doigt.

— Il risque d'attirer l'attention.

— Hmm n'aura qu'à apprendre, marmonna Draco.

Apprendre ? Le Vivet, un petit ballon sur la tête apprenait à jongler, mais il attirait encore plus l'attention. Un groupe de filles voulait une photo avec lui. Le professeur McGonagall les écartait, la réprimandant sur son dernier devoir ; distraite par le Vivet, elle avait rempli les mauvaises réponses et il ne lui restait plus qu'à repasser tous ses examens.

Une porte claqua. La salle de classe tournoya et Hermione entrouvrit les yeux. Il faisait jour. Elle se redressa entre ses coussins. Draco dormait en travers de son lit, les jambes dans le vide et la bouche légèrement entrouverte.

Une vague de malaise l'envahit, comme un avertissement. Elle l'avait laissé entrer, laissé rester, elle était entrée dans son jeu, ignorant les occasions de le congédier, puis s'était endormie à côté de Draco Malfoy ?

C'était une pente dangereuse qu'elle devait éviter à tout prix, pourtant elle ne cessait de céder à la tentation d'en approcher, tout en sachant que rien de bon ne l'attendait au bout. L'agacement qu'elle ressentait envers elle-même la poussa à concentrer son attention sur les vrais sujets pendant la semaine qui suivit. Alors que ses parents reprenaient le travail à leur cabinet dentaire, la liste des préparations qu'ils devaient tenter pris peu à peu forme. La veille de leur départ, ils avaient une base solide pour attaquer la deuxième semaine des vacances.

Mais en préparant ses affaires, un nœud se forma dans sa gorge. Le regard glacial de Lucius Malfoy à la librairie de Fleury et Bott et à la coupe du monde de Quidditch était encore vif dans sa mémoire. Elle claqua sa valise. Quelqu'un aux idéaux aussi étroits ne l'intimiderait pas.


C'est parti pour les post du mardi alors :D

(Comme elle a littéralement appelé son chat "Pattenrond", je me suis dit que "Orron" était un nom crédible..)

À vendredi !