Suivi de loin par une femme qui avançait sans entrain, le commissaire ne tarda pas à faire son retour auprès des transats investis par les affaires des Renoir-Dumas. Emma l'observa doucement, s'autorisant un petit sourire de compassion. Antoine lui rendit, non sans éviter Candice qui se planta aux pieds du parasol en souriant.

« Coucou…

- Ah bah enfin ! s'exclama la brune sans amabilité.

- Tes frères sont où ?

- Les jumeaux dans l'eau avec Suzanne. Et Jules est en train de préparer le barbecue pour midi.

- Ah chouette ! Un barbecue… C'est une bonne idée ça, oui…

- Ouais… confirma Emma en jetant un œil à son beau-père resté en retrait.

- T'es installé là ? demanda Candice en montrant le transat voisin à Antoine.

- Vas-y tu peux le prendre, de toute façon je vais rentrer…

- Tu veux pas qu'on aille se baigner ? proposa-t-elle tout bas en s'approchant de lui.

- T'es même pas en maillot, Candice… souffla-t-il.

- Mais je vais rentrer me changer, j'en ai pour 5 minutes…

- Nan mais Jules doit avoir besoin d'aide. J'y vais !

- Ok… bouda-t-elle en s'asseyant sur le transat.

Antoine se pencha doucement, laissant croire à Candice qu'il venait l'embrasser. La blonde tendit ses lèvres par erreur avant de le voir se relever, tee-shirt en main.

- Vous faites attention à Suzanne hein ? À tout à l'heure ! »

Candice confirma d'un signe de la tête avant de se laisser tomber sur le transat en soufflant. Elle réajusta ses lunettes sur son nez alors qu'Emma riait discrètement à ses côtés.

« Quoi ?

- Oh rien rien… T'as le chic pour tout gâcher quoi…

- Oui bon… maugréa-t-elle difficilement. »

. . . .

Tête baissée, Antoine marchait dos à l'océan, prêt à réinvestir leur demeure, loin de la présence de Candice qui l'irritait depuis le petit matin. Il ouvrit le petit portail et aperçut son beau-fils les mains prises par des plats de viande à griller.

« Salut ! lança Antoine en débarquant sur la terrasse. Besoin d'aide ?

- J'ai commencé à faire chauffer le barbec', et toutes les salades sont déjà prêtes. Tu peux rester à la plage si tu veux hein…

- Hum… J'commence à avoir chaud. J'vais me rentrer un peu…

Surpris, Jules l'observa avant de réaliser.

- Ah… Laisse-moi deviner, maman est revenue ?

- Tu devines bien ! sourit-il presque en riant.

- On est d'accord, j'ai rien pris pour elle au magasin… osa Jules en rigolant en concomitance avec son beau-père.

- Sérieux ?

- Je sais qu'elle est chiante mais quand même… Je vais pas la priver de nourriture…

- Ouais… acquiesça-t-il en baissant la tête.

- Elle est pas facile à vivre hein ?! Je me demande toujours comment quelqu'un peut arriver à la supporter… plaisanta-t-il.

- Disons que je m'y suis habitué… Depuis toutes ces années…

- Ouais, sauf que y en a encore plein des années à vivre… Et elle se rend pas compte qu'à un moment, tu pourrais en avoir marre…

- J'ai vraiment l'air d'un con alors ?

- Comment ça ?

- Bah… J'lui cède tout, tout le temps… Fin' je, je sais pas lui résister… J'arrive jamais à… à être ferme, avec elle quoi…

- Ah bah ça, elle l'a très bien compris, t'inquiète ! Maman c'est la reine de la manipulation…

- Tu m'étonnes… confirma-t-il en levant les yeux au ciel.

- Mais bon… Tu peux t'estimer heureux ! Elle t'aime vraiment toi… Fin' t'es le seul qu'a tenu sur la durée…

- On dirait que tu parles d'une performance sportive là… répondit-il en rigolant doucement.

- Bah ouais ! Supporter maman… c'est une épreuve au quotidien hein ! Et franchement, chapeau ! J'sais pas comment tu fais…

- Moi non plus… répliqua-t-il complice.

- Tu lui as dit pour l'aprem' bateau ?

- Pas encore… On lui annoncera quand on partira…

- Un billet de 10 qu'elle va minauder avec sa petite voix parce qu'on l'abandonne ici…

- Je la vois déjà là ! continua-t-il en rigolant aux éclats. »

Les rires ne tardèrent pas à se tarir, laissant la place au sérieux de la préparation du repas méridien. Et Antoine était plongé dans ses ruminations, persuadé que l'inscription « CON » était marquée en gros, au plein milieu de son front. Chaque fois c'était pareil… Candice réussissait à le berner avec ses minauderies et lui, comme un imbécile, tombait dans le panneau. Amoureux, ça oui, il l'était… Sûrement trop, même ! Et ce surplus de sentiments le laissait bien souvent l'excuser de ses comportements abusifs. Mais comme venait de le rappeler Jules, les années à venir étaient encore nombreuses et il allait falloir tenir…

Le jeune Renoir finit par appeler sa famille pour les accueillir autour d'une table garnie de plats, saladiers et bols en tout genre. Chacun le remercia, savourant avec délectation ses préparations toutes plus au moins élaborées. Les histoires fusaient, permettant de camoufler la distance qui opposait désormais le couple dans un semblant de bonne humeur. Et sans rien dire, Antoine quitta la table à la fin du repas, grimpa à l'étage et ordonna leurs affaires dans un petit sac. L'heure était bientôt au départ, et heureusement les jeunes Renoir finirent de débarrasser la table à temps. Antoine emprunta finalement les escaliers dans le sens inverse, débarquant sur un salon occupé par une fratrie collée aux écrans. Il esquissa un petit sourire avant de jeter un œil sur sa montre.

« C'est bon ? Tout le monde est prêt ? demanda-t-il depuis le centre de la pièce.

- Ouaissss… lui répondirent plusieurs voix en chœur.

- Pour aller où ? demanda-t-elle perplexe.

- Ah oui, comme chacun fait ses trucs en solo maintenant, avec les garçons on a eu l'idée de louer un bateau pour l'après-midi.

- Et y a même un plongeoir ! se vanta Suzanne serviette en main.

- C'est sympa de m'avoir prévenu… maugréa-t-elle.

- Ah bah on a oublié… puisque t'étais pas là quand on a réservé… On y va ?!

- Mais… j'ai le mal de mer… osa-t-elle d'une toute petite voix.

- Toute façon t'aurais eu mieux à faire non ?

- Antoine…

- Allez à ce soir m'man ! lança Emma en embrassant sa joue.

- Toi aussi tu pars ?

- Bah ouais, une aprem' en bateau je voudrais pas louper ça…

- Nan mais attendez je vais vous accompagner quand même… »

Jules jeta un regard complice à Antoine. Les deux esquissèrent un petit sourire avant d'ouvrir la porte et d'enclencher leur marche hors de la villa. Candice referma avant de suivre un groupe enthousiaste. En retrait et plongée dans une solitude dont elle était responsable, la blonde soupira, agacée par leur ignorance… enfin surtout par son ignorance à lui… Et il était hors de question qu'il parte fâché. Alors elle prit son courage à deux mains et finit par l'attraper par le bras pour l'arrêter dans sa marche.

« Quoi ?

- On peut parler ? bafouilla-t-elle. Tu m'ignores depuis tout à l'heure…

- Vous faites quoi ?

- Avancez ! On arrive… ordonna Candice en posant ses mains sur la taille de son compagnon. »

Là Antoine sentait le moment des excuses arriver et forcément, le commissaire repensait à sa discussion avec son beau-fils. Et il se surprenait même à vouloir décoller cette étiquette de canard qui semblait lui coller à la peau. Et dieu sait que cette étiquette semblait déjà bien incrustée depuis ces 10 années bien passées. Alors il accepta cet effleurement, refusant une énième dispute alors même qu'il n'en avait pas le temps.

« Je suis désolée d'avoir suivi cette procession et de t'avoir menti… D'accord, j'avoue, je savais très bien qu'elle avait lieu ce matin mais comme je voulais pas qu'on s'engueule hier soir, j'ai préféré te mentir…

- Et tu vois… Finalement, on s'engueule quand même…

- Je sais… Et j'aime pas quand t'es distant avec moi…

- C'est toi qui as décidé de te distancer de nous Candice, pas l'inverse.

- Mais peut-être que si je t'expliquais tout, sans le faire dans ton dos, on pourrait les aider…

Antoine souffla.

- Je prends des vacances pour oublier le boulot et toi tu veux me faire bosser quand même ! C'est dingue ça…

- Ok d'accord, c'est bon… J'ai pas envie qu'on s'engueule davantage… Je voulais juste m'excuser avant que tu partes…

- Ouais…

- Et te remercier aussi…

- De quoi ?

- D'emmener les enfants avec toi…

- Bah on est une famille, nan ?

- Oui… Alors tu me pardonnes ?

- On va être en retard, Candice…

- Mais j'ai compté et ça fait déjà plus de 14h…

- De quoi ?

- Que j'ai pas eu de bisous… osa-t-elle timide. »

Ok, là Antoine était sur le point de craquer et il le savait. Yeux charmeurs + moue enfantine + remarque mignonne = combo gagnant. Antoine luttait, préférant détourner le regard plutôt qu'affronter sa mine suppliante. Il finit par la fixer et lâcher un petit sourire avant d'avouer qu'il s'agissait de sa punition. Déçue, Candice opta pour une moue boudeuse qui poussa Antoine à faire volte-face pour contenir sa résistance.

Candice le suivit tant bien que mal jusqu'au port où les enfants discutaient déjà avec le loueur de bateau. Et c'est Suzanne qu'eut le privilège de choisir le modèle ! Antoine salua l'homme et donna le bon d'échange, alors que les enfants commençaient à grimper un par un dans le bateau.

« Tu vas pas trop t'ennuyer toute seule ? demanda Suzanne à Candice restée en retrait.

- Non t'inquiète pas ma puce… Je vais bien trouver une occupation…

- Ok… répliqua-t-elle avant de grimper sur l'embarcation à son tour.

- Chéri ? l'interpella-t-elle avant qu'il monte. Tu veux que je garde ton portefeuille ? On sait jamais…

- Euh… Non ça va. Je vais le garder, au cas où… Merci…

- Madame ?

- Ah nan nan je … j'ai le mal de mer… je vais rester à terre moi.

- Bien ! Tout le monde est prêt ?

- Ouiiiii !

- Alors bonne balade.

- À ce soir mes amours… Amusez-vous bien ! »

La famille la salua avec engouement alors qu'Antoine prenait les commandes avec assurance. Et l'image était drôle à voir… un semblant de panorama coupé en deux. À droite, des mines enjouées partant à l'aventure et à gauche une mine dépitée et désormais exclue de l'expédition. En même temps, ces quelques heures de séparation lui donnaient le champ libre. Et là, elle ne pourrait blesser personne puisque personne ne l'attendait… Elle quitta donc le petit port de plaisance pour retrouver sa maison de vacances, réfléchissant activement à une solution pour pénétrer dans la villa infestée par la javel.