Chapitre 48 - Restructuration d'équipe


En descendant dans les cachots, Crabbe et Goyle sur ses talons et le Vivet en boule au creux de son bras, Draco repassait chacun de ses mensonges pour s'en imprégner. Même face à ces deux idiots, son histoire ne pouvait comporter de failles. Qu'ils soient parvenus à le pousser à ce point au pied du mur ne pouvait signifier qu'une chose…

Orron ébouriffa ses plumes à la chaleur d'une torche. Le ramener dans son dortoir ne l'enchantait pas, mais il n'avait plus le choix. L'oiseau était trop rare pour se balader seul dans la volière. Lorsque le mur de pierre dévoila sa salle commune, Draco repéra Pansy, Blaise, Théodore, Millicent et Daphné assis à un carré de fauteuil.

— Je vais le descendre, dit-il à Crabbe et Goyle avec un signe du menton vers le Vivet. Expliquez-leur.

Les laisser parler en premier lui permettrait de brouiller un peu les versions, au cas où il se tromperait. Ce qu'il ne pouvait pas se permettre.

Il descendit les escaliers menant aux dortoirs. Crabbe et Goyle n'avaient pas réussi à le coincer tout seuls. Ce qui signifiait que tous les autres partageaient leurs soupçons.

À la seconde où la porte se referma sur lui, Draco prit sa tête entre ses mains et Orron s'envola vers la commode avec un sifflement chargé de reproches.

Qu'est-ce qui lui avait pris ?!

Un dîner à observer Hermione applaudir la répartition, rire au discours de Dumbledore, s'outrer d'un commentaire de Weasley à Nick-Quasi-Sans-Tête, son expression pendant la prise de parole d'Ombrage qui indiquait qu'elle en avait compris bien plus que la majorité des élèves présents, l'autorité avec laquelle elle avait pris en charge les premières années puis s'était éloignée dans les étages avec Weasley, et il avait cédé à une stupide pulsion.

Oui, cela faisait un moment que l'envie de l'embrasser lui trottait, peut-être était-elle déjà là lorsqu'Hermione l'avait invité chez ses parents, juste plus discrète, mais par Merlin sortir avec elle ? Il ne pouvait pas sortir avec elle. À quoi pensait-il ? À rien probablement, et c'était justement ça le problème.

Draco sortit son parchemin saisit par un autre doute.

Et si la confrontation avec Crabbe et Goyle la faisait douter par-dessus le marché ? Elle avait été amoureuse de Weasley un long moment, lui pouvait lui offrir une relation calme. Hermione n'était pas du genre à faire un choix basé sur le statut, la fortune ou l'apparence et ça le privait de trois immenses arguments. Si elle le laissait pour un pauvre plein de taches de rousseurs…

Irrité, Draco tira sa plume et écrivit à la va-vite :

« Tu peux me remercier, Crabbe et Goyle sont sous contrôle. »

« De rien, Draco, je suis heureuse que ma formidable intervention ait pu t'aider. Tout ira bien pour Orron ? »

L'oiseau avait droit à plus d'inquiétude que lui ?

« Pas besoin de t'inquiéter pour lui, personne n'oserait toucher une plume de quelque chose qui m'appartient. »

Elle ne répondit pas. Elle était partie là-dessus ? Il ajouta :

« Je dois aller prendre la température auprès des autres Serpentards, va savoir ce que ces idiots sont allés raconter. Surtout, ne pense pas trop à moi. »

La réponse ne se fit pas attendre.

« Oh ? »

Il grinça des dents. C'était tout ? Il froissa le parchemin dans son poing. Tout ça était une erreur et il allait y mettre fin. Sur les bords pliés, des bouts d'encres continuaient à apparaître. Il s'empressa de le lisser.

« Tu ne disais pas ça avant. En plus le lien n'existe plus, je ne vois vraiment pas en quoi ça pourrait te déranger. »

Toute sa colère retomba aussi soudainement et il s'empressa de répondre :

« Tu serais capable de dire que c'est ma faute si tu n'arrives pas à te concentrer demain. »

« Ne dis pas de bêtise, je ne suis jamais trop fatiguée pour me concentrer. »

« Très bien alors, je t'autorise à penser à moi. » écrivit-il avec un sourire un coin.

Et de préférence, à lui uniquement, pas au moindre Weasley.

« C'est ça oui, Draco. Et fais attention, avec les Serpentards. »

Il replia le parchemin mécaniquement, faisant face au brutal rappel de ce qui l'attendait. La conséquence de ce qu'il venait de faire. Orron avait commencé son exploration de la pièce et était tombé sur une chaussette abandonnée qui devait appartenir à Goyle vu la taille. Il piqua dedans puis s'en éloigna avec un sifflement outré.

En montant les marches, Draco se composa un masque solide, résolu d'abandonner tout ce qui le liait à Hermione si la conversation se passait mal. Il se laissa tomber dans un des fauteuils de cuir sans y avoir été invité. Face à lui étaient installés Blaise et Daphné, Théodore à sa gauche, avec Millicent et Crabbe tandis que Pansy et Goyle se trouvaient à sa droite. Tous leurs regards s'étaient braqués sur lui.

— Ça y est ils vous ont expliqué ? demanda-t-il d'un ton las. Je comptais garder ça pour moi, mais ce n'est pas plus mal. Au moins je pourrai vous mettre dans la confidence la prochaine fois qu'ils complotent. Seul j'ai moins de marge de manœuvre.

— Ton attitude l'année dernière ne donnait pas l'impression que tu te démenais pour les arrêter.

— Ce n'était pas exactement compatible avec « gagner leur confiance ». Crabbe et Goyle ne vous ont rien expliqué ?

— Si, on a très bien compris, dit Daphné. On s'inquiétait juste que tu te sois pris à ton propre jeu.

— Avec une Sang-de-Bourbe ?

Il y eut un silence. Draco jeta un regard agacé à chacun d'entre eux, nonchalamment appuyé contre sa main moite. Son cœur tambourinait. Il ne pouvait pas laisser ça précipiter sa respiration ni la façon dont il parlait, parce qu'il se trouvait dans un nid à serpents qui attendaient le moindre signe de faiblesse pour mordre.

— C'est à toi de nous le dire, dit Théodore.

— C'est grotesque.

— J'aurais cru que tu trouverais ça écœurant, répondit Pansy.

— Non, répondit-il sèchement. C'est grotesque de penser que ce serait même une possibilité.

Une ombre le surplomba soudain. Draco ne daigna même pas lever les yeux. Qu'un élève ose se placer au-dessus de lui de la sorte était une insulte publique.

— Grotesque en effet.

C'était la voix de Graham Montague. Apparemment celui qui avait succédé à Marcus Flint dans le rôle de Capitaine de l'équipe de Quidditch de Serpentard.

— Comme de demander une fiole de Polynectar juste avant le bal de Noël et de ne même pas y faire une apparition.

L'absence de surprise dans le visage des autres lui apprit que Graham leur avait déjà partagé cette petite anecdote. Draco s'obligea à respirer lentement. Le choisir pour subtiliser du Polynectar avait clairement été une erreur.

— Bien sûr, tu dois avoir de solides raisons, Draco, et je n'ai aucun doute là-dessus. En revanche, inutile de te présenter aux épreuves de sélection, pour l'équipe. On ne peut pas engager un joueur dont la loyauté est incertaine.

— Ne t'en fais pas, je ne comptais pas m'y rendre, j'ai bien plus important à faire, répondit Draco. Tu peux disposer.

L'humiliation faisait bouillir son sang et le ricanement de Blaise le fit voir rouge. Ses mots fusèrent :

— Je peux savoir ce qui te fait rire ?

— Ça y est, le grand Draco perd le contrôle ?

— Tu aimerais bien.

Malgré la colère, malgré son envie de les écraser, malgré la fatigue, Draco orienta la conversation sur leurs vacances dont il se fichait comme de la pluie. Partir avant eux serait un aveu de faiblesse et leur laisserait tout le loisir de parler dans son dos. Ils le feraient quoi qu'il arrive, autant que ce soit le plus tard possible. Bien évidemment eux aussi savaient tout ça et ils le forcèrent à rester jusqu'à presque trois heures du matin avant de rendre les armes. Lorsqu'il put enfin tirer les rideaux de son baldaquin, Draco se sentait vide, lourd. Il sortit son parchemin, sachant qu'il ne lui restait plus qu'à effacer tout ce qui s'était passé au lac.

Sa main se crispa et il le glissa sous son oreiller. Hermione devait dormir depuis longtemps, il n'avait plus qu'à attendre le lendemain. Alors qu'il fermait les yeux, son esprit lui rejoua la conversation avec les Serpentards qui s'étira en une succession d'accusations desquelles il se défendait à grand-peine. Le matin, il n'avait pas l'impression d'avoir dormi une seule foutue seconde et ses yeux secs le brûlaient. Il les posa sur la boule d'un jaune pelucheux sur son coussin.

Le souvenir du lac fut comme une bourrasque qui chassa la fatigue. Lorsque Blaise, Théodore, Crabbe et Goyle s'extirpèrent de leurs lits avec efforts, lui terminait de boutonner sa chemise.

Dans la Grande Salle, le professeur Rogue leur distribua les emplois du temps. Double cours de potions avec les Gryffondors en fin de matinée. Ce serait le moment de lui dire d'oublier les évènements de la veille. Il releva le regard vers la table des rouge et or et croisa celui de Pansy.

— Oui, Draco ? dit-elle d'un ton mielleux.

— Rien, dit-il avec mauvaise humeur.

La vieille McGonagall les accueillit en métamorphose où ils détaillèrent le programme pour l'année à venir. Draco se focalisa dessus pour oublier l'heure filait et le cours de potions qui suivrait.

Pour la première fois, l'atmosphère calme et froide des cachots ne suffit pas à apaiser le chaos qui avait fini par s'emparer de son esprit. Voir une Hermione visiblement de mauvaise humeur entrer, suivie par un Weasley aussi agacé qu'elle et un Potter désabusé, l'amusa malgré lui. Puis elle croisa son regard et l'agacement qui crispait ses traits retomba. Sa main frôla la sienne lorsqu'elle le dépassa dans l'allée centrale.

Draco écrasa le bord de son sac en l'ouvrant. Pourquoi devrait-il se priver de la meilleure chose qu'il lui soit arrivée pour une poignée de Serpentards stupides ? Une fois que Potter aurait vaincu le Seigneur des Ténèbres, plus rien de tout ça n'aurait d'importance. Après sa chute, on saluerait peut-être même son geste de sortir avec une née-moldue en dépit de son statut.

Il faillit sortir son parchemin, puis se rappela que même ça, il ne pourrait plus se le permettre tant que des yeux se trouvaient non loin.