La Fin est le commencement
Chapitre 1 - Ascension militaire
Le jeune homme se dirigea lentement vers l'accueil du bâtiment, angoissé et hésitant. Une petite voix intérieure tourbillonnait sans cesse dans sa tête, il se demandait s'il faisait le bon choix:
" Par Gaïa, qu'est-ce que je suis en train de faire?"
Si sa supercherie était découverte, quelles en seraient les conséquences ? Depuis des mois, il avait pris sa décision et formulé sa demande de recrutement à la compagnie. Bien que sa mère ait tout d'abord tenté de l'en dissuader, arguant le caractère trop risqué de cette démarche, il était convaincu que les informations qu'il pourrait recueillir par la suite seraient d'une importance cruciale.
De surcroît, une part de lui-même trouvait cette perspective exaltante, tout particulièrement au vu de ses capacités. Certes, il ne sous-estimait pas la difficulté des jours à venir, mais elle faisait partie intégrante de ce jeu qu'il s'apprêtait à jouer.
Le hall d'entrée de la tour Shinra, à la fois grandiose et oppressant, incarnait à la perfection la splendeur et la suprématie dont jouissait la compagnie sur la planète et sa population. D'une hauteur prodigieuse, il était baigné d'une lumière éblouissante, projetée par d'immenses lustres suspendus qui créaient un effet saisissant. Les murs revêtus de marbre et de métal poli évoquaient une impression de pureté et d'opulence. L'épais tapis rouge qui guidait les visiteurs vers le centre de la pièce accentuait encore la majesté des lieux. Tout comme le colossal escalier de marbre qui accédait aux étages supérieurs.
Des gardes en uniforme, symboles de la puissance militaire de la compagnie, se tenaient en position, conférant un sentiment d'autorité imposante. De part et d'autre du hall, des boutiques et des stands offraient une gamme de produits et de services liés la technologie et à l'énergie Mako, tandis que des écrans holographiques diffusaient des publicités. Le tout conférait à l'endroit une atmosphère animée et interactive, que les nombreux employés et visiteurs se plaisaient à explorer et à découvrir.
Parvenu devant le comptoir, le jeune homme fit face à une hôtesse au physique tout à fait avenant qui lui demanda aimablement :
« Bonjour, que puis-je faire pour vous ? »
Un peu intimidé, le garçon lui tendit la missive reçue quelques semaines auparavant en expliquant :
« Hum, bonjour. J'ai reçu cette convocation pour l'examen d'entrée dans la Garde Shinra et je…
- Ah oui. Tout à fait, le coupa-t-elle sans sourciller. Cela se passe au 11e étage. Voici votre carte pour y accéder. Lorsque vous serez sur place, merci de remplir ce formulaire et de l'adresser au personnel chargé de l'examen. Puis, veuillez également remplir ce formulaire-ci, poursuivit-elle en lui tendant tout un tas de feuillets, ainsi que celui à remettre à l'instructeur. Vous aurez également à remettre la copie de vos papiers d'identités qui vous a été demandée lorsque vous avez reçu votre convocation, ainsi que cette attestation de décharge de responsabilité des risques encourus par… »
Tandis que l'employée continuait sur sa lancée, les méninges de son interlocuteur avait cessé de fonctionner à "remplir un formulaire". Lui qui avait toujours eu une sainte horreur d'écrire, il était servi ! Ça commençait bien !
« …Il vous faudra autre chose Monsieur ? reprit-elle après quelques minutes, toujours en souriant.
- N…non, merci, bredouilla-t-il, confus.
- Bien. Bonne journée Monsieur.
- Mer…merci. Au revoir. »
Soulagé de constater que cette jeune femme n'avait apparemment rien remarqué de la supercherie, il se dirigea vers les ascenseurs, les bras chargés de fiches roses, jaunes ou bleus, selon l'intitulé des formulaires. Priant pour qu'ils fonctionnent correctement, il ne put s'empêcher d'imaginer les pauvres employés Shinra qui devaient gravir jusqu'à 63 étages les jours où ces derniers étaient en panne, ce qui lui arracha un sourire. Heureusement pour lui, En arrivant au niveau dévolu au recrutement, il se retrouva dans un couloir où plusieurs jeunes hommes attendaient de passer leur premier examen pour intégrer le corps militaire de la Shinra.
Certains étaient plus âgés. D'autres, beaucoup plus jeunes. Malgré tout, sa frêle silhouette et sa petite taille le démarquaient nettement de la plupart des candidats.
Un peu inquiet, il prit place sur l'une des chaises disposées de part et d'autre du couloir et entama son petit exercice de rédaction du formulaire d'identité. Le doute s'insinuait de plus en plus et il songea qu'il n'était pas trop tard pour faire demi-tour. Il envisageait sérieusement de quitter les lieux quand un homme dans la quarantaine sortit d'une salle et déclara d'une voix puissante et autoritaire :
« Messieurs, vous êtes sur le point de passer votre premier examen pour entrer dans notre prestigieuse garde militaire. Il s'agit d'un examen écrit. Vous donnerez votre nom à l'entrée et prendrez place. Vous disposez d'un temps limité de deux heures. Les résultats seront affichés ici même en fin de journée. Bonne chance messieurs. »
Il n'y avait plus de retour en arrière possible à présent. Pourtant, il était convaincu que le pire était à venir. Il suivit les autres hommes dans la salle et, en arrivant devant la personne chargée de noter leurs informations personnelles, une nouvelle montée d'adrénaline le parcourut. Par peur que son stratagème ne soit découvert.
« Veuillez décliner votre identité s'il vous plaît.
- Arèth. Arèth Klein… »
La main un peu tremblante, il tendit le formulaire d'identification ainsi que la pièce d'identité que son contact lui avait procurée.
« Bien. Vous remplirez ce carnet d'examen et le rendrez avec votre copie. Au suivant ! »
Il saisit le formulaire et prit place au fond de la salle, de manière à ne pas se faire trop remarquer. Prenant une profonde inspiration, il s'empara du stylo bille laissé à l'intention des candidats sur chaque table, et entama l'examen…
Six mois s'étaient écoulés. Les examens, tant théoriques que pratiques, avaient été d'une facilité déconcertante. Intégrer les rangs des gardes de la milice Shinra ne posait pas de véritables défis. Un niveau de compétences basique en lecture, écriture et maniement d'une arme pouvait conduire à une acceptation presque automatique.
Voilà pourquoi tant de jeunes garçons, tout juste âgés de douze ou treize ans, pouvaient prétendre à ce genre de fonction. Pour beaucoup, c'était un moyen simple et rapide de s'émanciper. De quitter leurs modestes villages de campagne, qui n'avait bien souvent rien d'exaltant à offrir à une jeunesse trop fougueuse, pour une grande métropole aux mille promesses ( et accessoirement pour les joies de la guerre que la célèbre compagnie menait contre le continent de Wutaï depuis plusieurs années, mais ça, cette dernière n'en faisait bizarrement pas trop la pub ! ).
L'ascension à travers les échelons s'était avérée être la véritable épreuve ; passer du rang modeste de garde à celui, plus élevé, de membre de troisième classe au sein du prestigieux SOLDAT. Durant cette phase, les défis auxquels Arèth avait été confronté avaient dépassé toutes ses attentes.
Cependant, il n'avait jamais perdu confiance. Son habileté au combat avait fait toute la différence : des années d'entraînement sous la tutelle de Zangan, maître des arts martiaux, l'avaient rapidement démarqué parmi les autres gardes en raison de ses aptitudes inhabituelles. Ses compétences avaient réussi à compenser son penchant légèrement insubordonné, un trait de caractère que ses supérieurs ne manquaient pas de lui rappeler régulièrement.
Les cours théoriques sur la technologie Mako, les tactiques de combat, l'histoire de la Shinra et de la planète, la discipline militaire et bien d'autres sujets avaient été épuisants et exigeants. Les exercices pratiques, comme les manœuvres de groupe, les simulations de combat et les exercices de survie, avaient mis à l'épreuve sa résistance physique et mentale. Chaque jour avait été un défi et chaque nuit avait apporté son lot d'épuisement.
Alors qu'il se tenait dans la grande salle de cérémonie de la tour Shinra, son regard balaya les visages de ses camarades. Certains semblaient tendus, d'autres étaient concentrés, et quelques-uns affichaient même un certain enthousiasme. L'annonce imminente des résultats du programme d'entraînement et de sélection du SOLDAT créait une atmosphère électrique dans l'air.
Le directeur Lazard, secondé du responsable de l'armement Heidegger, ainsi que quelques membres du corps militaire, montèrent sur l'estrade. Le silence se fit instantanément dans la salle.
« Messieurs, entama le directeur, je tiens tout d'abord à vous féliciter pour avoir réussi le programme d'entraînement et de sélection. Vous avez fait preuve de détermination, de courage et de résilience au cours de ces six mois intensifs. Aujourd'hui, vous vous tenez au seuil de devenir des membres du SOLDAT, une responsabilité immense qui nécessite un engagement total envers la protection de notre grande société et de notre planète bien-aimée.»
Arèth sentit son cœur battre la chamade. Il était si près du but, si près de réaliser son plan. L'excitation et l'appréhension se mélangeaient en lui, créant un tourbillon d'émotions.
« Sans plus attendre, permettez-moi d'annoncer les noms de ceux d'entre vous qui ont été choisis pour rejoindre les rangs du SOLDAT... »
Lazard prit une profonde inspiration, saisit une petite tablette numérique et commença à appeler les heureux élus un par un. Chaque nom résonnait dans la salle, suivi de cris de joie et d'applaudissements des camarades dont le patronyme avait été prononcé.
Arèth écouta attentivement, priant intérieurement pour que son nom soit appelé. Il sentait l'adrénaline affluer dans ses veines, son estomac se nouer. Les noms continuèrent d'être annoncés, mais le sien ne semblait pas venir.
Puis, enfin, le commandant prononça :
« Arèth Klein »
Son cœur manqua un battement. Les applaudissements retentirent, mais tout semblait se dérouler au ralenti. Il avait réussi. Son plan avait fonctionné. Il avait trompé la Shinra, il avait surmonté tous les défis et il était maintenant sur le point de devenir un membre officiel du SOLDAT.
Les yeux embués de fierté et d'émotion, il se joignit aux autres récipiendaires sur l'estrade. Une nouvelle phase de sa vie commençait, une phase qui le placerait au cœur même de la puissance et des secrets de la Shinra…
Ce soir-là, le jeune homme s'écroula sur la couchette de sa nouvelle chambre, exténué après être resté debout sans rien faire à écouter le responsable de l'armement Heidegger et le directeur du SOLDAT Lazard prononcer des discours interminables aux nouveaux membres du corps d'élites lors de cette cérémonie d'intégration.
D'ailleurs, il n'avait pratiquement rien écouté de ce que ces derniers leur avaient dit, trop excité à l'idée d'être désormais un membre de 3ème Classe du SOLDAT.
Pour peu qu'il prenne garde à ne pas se retrouver sous les douches communes en même temps que ses confrères, tout marchait comme sur des roulettes. Oh, il y avait bien eu quelques petites remarques plus ou moins désobligeantes sur son apparence d'androgyne, mais personne n'avait cherché plus loin.
Si tout se déroulait comme prévu, il pourrait bientôt commencer sa réelle mission au sein de l'entreprise. Il ne devait pas perdre de vue cet objectif !
Rassemblant son courage, Arèth sauta hors de sa couchette pour s'attaquer au rangement de ses affaires dans sa nouvelle chambre, résultat de sa récente promotion. C'était une petite pièce avec deux lits simples de chaque côté du mur, un bureau, une armoire et une petite salle de bain, bref ça n'avait rien de bien luxueux, mais cela restait toujours plus confortable que les baraquements des simples gardes. En tant que 3ème Classe, ils étaient parqués dans des appartements partagés, regroupés au sein de petits bâtiments gris, ternes, légèrement vétustes, à proximité de la tour Shinra. Seuls les 2nd et 1ère Classes jouissaient du privilège d'avoir des quartiers indépendants, voire de pavillons situés dans un secteur exclusivement réservés aux militaires, sur le plateau de Midgard.
Arèth aurait été ravi d'avoir un logement pour lui seul, ce qui lui aurait évité bien des désagréments. Même s'il commençait à s'habituer, après quelques mois, à faire preuve d'une pudeur tout à fait excessive !
Alors qu'il était en train de ranger ses vêtements, un jeune homme entra brusquement dans la pièce en le saluant chaleureusement :
« Salut ! Tu dois être celui avec qui je vais partager la chambre ! Je suis Zack ! Zack Fair ! Enchanté ! », dit-il en tendant sa main qu'Arèth serra poliment.
Peu après, il entama une série de squats, se baissant, s'accroupissant et se relevant frénétiquement :
« Je t'ai vu ce matin à la cérémonie ! Poursuivit-il. Tu avais l'air…Pfff ! de t'amuser…Pfff ! autant que moi ! Les longs discours, c'est pas trop mon truc ! Moi….Pffff ! je viens de Gongaga ! Et toi, tu…Pfff ! viens d'où ?
- Euh…En réalité... je ne viens pas d'une ville ou d'un village comme vous tous, expliqua le garçon tout en étant à moitié concentré sur sa recherche de chaussettes jumelles dans son sac.
- Ah bon ? Alors, t'es d'où ? »
Il avait arrêté ses squats et s'adonnait maintenant à un enchaînement d'étirements.
« Je vivais dans une petite maison avec ma mère, perdue dans les forêts de l'île de Mideel...
- Mideel ? Toi aussi t'es de la campagne alors ! Dis-moi, pourquoi tu t'es engagé dans le SOLDAT ?
- Je…
- Je parie que c'est pour devenir toi aussi comme Sephiroth, pas vrai ?», la coupa-t-il.
Allons bon ! Voilà que le nom de l'idole nationale ressortait ! Même si elle en avait vaguement entendu parler grâce à Zangan lorsqu'elle habitait encore à Mideel, depuis qu'elle avait intégré la Shinra, ce nom la mettait tout simplement hors d'elle ! À tel point qu'elle faisait exprès d'éviter ses confrères dès qu'il surgissait au détour d'une conversation.
Excédée, elle feignit l'ignorance :
« Comme qui ?
- Comment ça "comme qui " ? Ne me dis pas qu't'as jamais entendu parler de lui !
- Euh…non. Enfin si, peut-être mais…Tu sais, le coin d'où j'viens n'a ni télé, ni journaux, rien ! C'est vraiment un trou ! C'est pour ça qu'j'suis parti ! J'en pouvais plus ! »
C'était en partie vrai après tout. L'ennui profond de cette petite vie tranquille avait été le moteur de son départ. Perdue au milieu des forêts, sa seule compagnie était celle de sa mère, de leurs deux chocobos, et de temps à autre la visite des précieux "amis" de sa mère ainsi que celle de Zangan. Pas de quoi envoyer du rêve !
« Ouais ! Comme beaucoup ici ! renchérit l'espèce de hérisson brun qui allait lui servir de colocataire. En général les gars s'engagent soit pour quitter leur patelin, soit pour devenir un héros comme Sephiroth ! C'est le 1ère classe du SOLDAT le plus connu ! Grâce à lui, la guerre contre les régions de Wutai est en passe d'être gagnée ! Ce type, c'est un surhomme ! Ses faits d'armes sont légendaires ! C'est incroyable que t'en ait jamais entendu parler !
- Maintenant que tu l'dis, il me semble en avoir entendu parler de temps en temps depuis que j'vis ici…mais j'y ai jamais vraiment prêté attention en fait ! Et toi, tu t'es engagé pourquoi ? »
Elle venait de retrouver chacune de ses pairs de chaussettes, qu'elle reperdrait sans aucun doute lors de ses futures lessives.
« Moi ? Moi, je veux devenir un héros ! » lui répondit Zack avec un sourire jusqu'aux oreilles.
Arèth se tenait debout devant le miroir de sa salle de bain, son corps nu soulignant désormais un détail impossible à ignorer. Ce petit détail, si découvert, pouvait sceller son destin. Au fil des mois, sa métamorphose corporelle avait été vertigineuse.
"J'aurais dû m'y attendre " songea la jeune femme.
À dix-sept ans, c'était inévitable. Les débuts avaient été relativement simples, masquant son identité réelle sous des vêtements amples qui dissimulaient sa poitrine. Cependant, les changements récents, apportés par Dame Nature, devenaient de plus en plus contraignants. Sous le nom d'Arèth, elle avait presque oublié sa véritable identité : Théïa.
Un an et demi s'était écoulé depuis qu'elle avait pris la décision de rejoindre le SOLDAT. Pour cela, elle avait dû se faire passer pour un homme, renonçant à sa féminité en coupant ses longs cheveux roux. Toujours vêtue d'un treillis noir, de bottes et de gants, elle avait caché sa nature sans éveiller de soupçons. Malgré ses efforts, sa stature plus fine et plus petite la faisait paraître différente de ses camarades. Les SOLDATs qui l'entouraient la taquinaient, la qualifiant d'efféminée, critiquant ses traits délicats et sa retenue. Les rumeurs grandissaient, mais personne ne soupçonnait la vérité. Les autres SOLDATs, imprégnés de préjugés, peinaient à concevoir qu'une femme puisse rivaliser en combat. L'idée même qu'elle puisse ne pas être un homme ne leur traversait pas l'esprit. Quelle bande de débiles misogynes franchement !
Ses compétences en combat étaient indéniables. C'était pour cette raison qu'elle avait intégré le SOLDAT, infiltrant ainsi la multinationale pour glaner des informations. L'idée était la sienne, ainsi que celle de son ami d'Avalanche. En grimpant les échelons, passant de la troisième à la deuxième classe, sa promotion n'avait surpris personne compte tenu de ses capacités. Les enseignements de Zangan avaient porté leurs fruits. Depuis son enfance, elle s'était imprégnée des arts martiaux, se démarquant par des compétences extraordinaires. Rapide, souple et agile, elle compensait son écart de force physique avec ses camarades grâce à son expertise en arts martiaux. Son entraînement précoce dans l'usage des matérias avait renforcé sa maîtrise de la Magie, la distinguant de ses pairs. Son seul handicap était son arme, un katana court nommé "Furie Nocturne", dont elle continuait à perfectionner la maîtrise.
Parfois, ses pairs plaisantaient sur sa capacité à rivaliser avec les 1ères Classes. Bien que des missions aient été menées en collaboration avec certains membres de cette élite haut gradée, notamment lors des affrontements à Wutai, elle n'avait jamais eu le privilège de croiser celui dont tout le monde parlait : le Grand Héros Sephiroth. Cette absence la faisait se demander s'il existait réellement ou si ça n'était pas tout simplement une rumeur inventée par quelques SOLDATs à l'esprit tordu, voire même par la Shinra elle-même pour séduire les jeunes garçons et les enrôler dans l'armée ! Rien ne l'aurait surpris, franchement !
De plus, la manière dont il était toujours décrit la laissait perplexe quant à l'exagération qui pouvait être à l'œuvre, et elle se demandait si la propagande de la compagnie n'y était pas pour quelque chose ! Toujours décrit comme surpuissant ; le meilleur guerrier qui n'ait jamais existé ; un être légendaire ; un véritable héros ; et accessoirement beau comme un dieu. Moui, un tel flot d'éloges paraissait effectivement suspect !
Son téléphone sonna soudainement et la tira hors de ses rêveries :
« Oui, je vous écoute ?
- Monsieur Klein ?
- Oui ?
- Le département scientifique vous demande de suite.
- Bien j'arrive. »
Avec tout ça elle avait complètement oublié son rendez-vous au laboratoire !
Comme tout bon SOLDAT qui se respectait, elle était, elle aussi, soumise aux injections de Mako. Ce type d'examen pouvant faire échouer tout son plan, il était convenu avec l'un des leurs, infiltré lui aussi, qu'il effectuerait les fameuses injections à la place de tout autre scientifique. Ces injections étaient régulières et ils avaient réussi à organiser des rendez-vous spécifiques sans éveiller le moindre soupçon chez les autres chercheurs.
Elle se dépêcha donc de revêtir son uniforme et sortit en hâte.
Lorsque la roue du destin s'enclenche, il est inutile de chercher à l'arrêter, car c'est impossible. Ce jour-là, elle réalisa qu'elle avait oublié sa carte pour accéder au département scientifique dans les casiers de l'étage réservés aux salles d'entraînements. Elle était donc passablement en retard à son rendez-vous, ce qui risquait de mettre son contact dans l'embarras.
Quant à celui qui allait faire basculer tout son destin, il avait accepté la demande de son ami d'assister à l'entraînement des jeunes recrues de 3ème Classe. D'ordinaire, il n'y assistait jamais.
Le sort avait donc orchestré la convergence de leurs parcours, et tous deux se retrouvèrent au même moment, au même endroit.
Zigzaguant à toute allure, Arèth ne prit pas garde au croisement de l'un de ces interminables couloirs. Sephiroth, lui, distrait par le message qu'il avait reçu sur son Phs et qui émanait de son adorable père, ne put anticiper la collision. Oh ! Il avait bien perçu le bruit de cavalcade qui arrivait dans sa direction, mais jamais il n'aurait pensé que la personne allait lui rentrer dedans !
La rencontre, bien qu'improbable en temps normal, fut inévitable.
La jeune femme se retrouva les fesses par terre ; elle avait l'impression d'avoir percuté un mur de briques ! Tandis que celui qui n'était encore pour elle qu'un parfait inconnu n'avait pas bougé d'un pouce :
« Aiiieuu ! Non mais ça va pas de foncer dans les honnêtes gens comme ça ! Vous m'avez fait mal ! », s'écria-t-elle en se frottant la tête, tout en invectivant l'inconnu qu'elle venait elle-même de bousculer.
Un peu sonnée, elle se redressa tant bien que mal et reprit de plus belle :
« Et on t'a jamais appris à dire "pardon" ! T'as perdu ta langue ou quoi !
- Tu devrais surveiller ton langage », répondit calmement le jeune homme, impassible.
Il ne fit pas le moindre geste pour l'aider à se relever.
« Si tu crois que tu me fais peur avec tes yeux de chats ! T'as de la chance que je sois en retard tu sais ! Mmff ! »
Elle fit quelques pas et s'arrêta juste devant cet étrange jeune homme, lui décocha un regard parfaitement glacial, et repartit, trop pressée pour remarquer le battement anormal de son cœur lorsque leurs regards s'étaient croisés.
Sephiroth pensa quant à lui, et peut-être à juste titre, que la Shinra recrutait de plus en plus n'importe qui ces temps-ci !
Quelques instants plus tard, dans la salle d'attente adjointe aux laboratoires, les relents d'antiseptiques et de Mako piquaient désagréablement les narines de Théïa : elle détestait cet endroit. Comme beaucoup d'ailleurs. Seuls les scientifiques semblaient apprécier ces lieux froids, sinistres et lugubres ! Les murs métalisés, les néons éblouissants et le silence oppressant renforçaient ce sentiment d'inconfort.
Après de longues minutes d'attente, un homme qu'elle ne connaissait pas se présenta, plongé dans son calepin. Sans lever les yeux, il lui ordonna sèchement :
« SOLDAT 2nd Classe Klein, veuillez me suivre !
- Mais…je…j'avais rendez-vous avec le Professeur Berny…bredouilla-t-elle, inquiète de la tournure des événements.
- Vous avez plus de quarante minutes de retard, jeune homme ! Le Professeur Berny a été appelé ailleurs ! Maintenant veuillez me suivre ! Je n'ai pas le temps de discuter inutilement ! » répliqua-t-il, accentuant encore l'atmosphère pesante.
Ça s'annonçait mal. Très mal. Et cet homme-là lui filait les jetons ! Grand, maigre, les traits anguleux, de longs cheveux noirs coiffés en catogan, blouse blanche et binocle sur le nez, il était l'archétype même du savant fou.
Un peu désorientée, Théïa le suivit sans broncher au travers des corridors du département jusqu'à la petite salle d'examen médical où avaient lieu les injections.
« Commencez à vous dévêtir ! Je n'ai pas toute la journée ! ordonna ce charmant monsieur en se penchant sur une machine réfrigérante et en attrapant toute une série de seringues avant de les déposer sur un plateau en inox.
- Mais…il s'agit juste d'injections, je n'ai pas besoin de me déshabiller ! Mon bras vous suffira, non ? tenta la petite rouquine en déglutissant péniblement.
- Non ! Et ne discutez pas ! reprit sèchement son interlocuteur en se tournant vers elle. Je n'ai pas que ça à faire et ça ne m'enchante guère de faire moi-même les injections à un Seconde Classe !
- Ben…vous n'y étiez pas obligé en même temps…
- Qu'est-ce que vous croyez ! Nous avons un planning à tenir dans les injections de Mako ! Et si les simples SOLDATs dans votre genre s'arrangeaient pour être ponctuels, je n'aurais pas eu à m'en charger ! Maintenant obéissez et ôtez moi cet uniforme ! s'impatienta le chercheur en rajustant ses binocles.
- Mais…je…je suis pudique et je… »
Théïa bafouilla, cherchant désespérément un moyen de se sauver de cette situation gênante. Elle sentait la panique la gagner, ne sachant que faire. Pourquoi avait-il fallu qu'elle oublie cette fichue carte dans son casier ?
Brusquement, la porte de la salle s'ouvrit et l'homme qu'elle avait malencontreusement percuté fit son entrée :
« Ah ! Mon garçon ! Toi au moins tu es ponctuel ! Pas comme certains ! objecta le scientifique, irrité.
- Je peux repasser plus tard si vous êtes en consultation…
- Non ! s'exclamèrent en coeur le professeur et son enquiquinant patient.
- Ça ne sera pas nécessaire, reprit plus calmement le binoclard. Bon, vous, déguerpissez ! Vous me faites perdre mon temps ! Je noterai dans votre dossier que votre injection a du retard ! Ne croyez pas vous en tirer à si bon compte ! »
Sans un mot, la petite SOLDAT sauta hors de la table d'examen et quitta la salle, remerciant mentalement Gaïa pour cette intervention providentielle.
Quant à Sephiroth, il fut plus que satisfait en voyant que cette impertinente recrue venait d'exaspérer son père avec autant de facilité. Il allait falloir qu'il en apprenne plus sur ce seconde Classe…
Fin du chapitre
Un grand merci à ma bêta que j'adore, Newgaïa ! Bisous tout plein à elle !
