La Fin est le commencement

Chapitre 4 - La révélation

Il était une chose dont Sephiroth était totalement convaincu : Premièrement, un soldat ne se bandait pas le torse sous son uniforme ; et deuxièmement, s'il le faisait pour une raison quelconque, il ne devrait certainement pas y avoir deux protubérances flagrantes sous lesdites bandes !

Dire qu'il était choqué était un euphémisme tant la vague de stupeur qui le submergea en soulevant le pull à col montant dans le but de constater la gravité des plaies de son coéquipier était immense.

Lorsqu'il avait vu ce dernier s'effondrer sous la rafale de balles, son sang n'avait fait qu'un tour. Quelques enchaînements fluides et il s'était immédiatement débarrassé des ennemis restants avant de se précipiter vers son subalterne, étendu et sombrant petit à petit dans l'inconscience.

Trois balles avaient perforées le thorax du SOLDAT et le flot de sang souillait son uniforme à une vitesse alarmante. Il avait tenté d'interpeller le garçon, tout en s'efforçant de ne pas céder lui-même à la panique :

« Arèth ! Arèth ! Reste avec moi ! Et merde ! Arèth ! »

Après s'être servi de sa Matéria de Soin, ce qui lui avait permit d'endiguer l'hémorragie, Sephiroth avait voulu savoir avec précision où les balles s'étaient logées.

Il s'était emparé de son téléphone portable, l'avait coincé entre son épaule et son oreille pour pouvoir garder les mains libres, puis il avait dégrafé la sangle du baudrier de cuir, avait soulevé le vêtement et…

«Yo ! Reno à l'appareil ! Que se passe-t-il ? Vous avez besoin de renfort ? »

Sephiroth resta muet. En une fraction de seconde, ses réflexions se bousculèrent dans sa tête. Il savait qu'il fallait qu'il réagisse, et vite. Si le, ou plutôt "la" SOLDAT était rapatriée à Midgar, dans le meilleure des cas, elle serait remise sur pieds pour être interrogée, avant d'être promise à une exécution en règle. Dans le pire des cas, jetée en pâture au département scientifique sous l'égide ô combien bienveillante du professeur Hojo. La Shinra n'appréciait guère les traîtres, et tromper la compagnie en se faisant passer pour ce que l'on était pas constituait une raison largement suffisante à leurs yeux pour se débarrasser d'un élément suspecte.

« Sephiroth ? », réitèra la voix du petit rouquin à l'autre bout du fil.

Dans son esprit, le souvenir du doux sourire et du regard azur tandis qu'elle faisait tournoyer ses cartes devant lui resurgit. Dire qu'il avait brièvement redouté de succomber au charme de ce jeune homme, au point que cela l'avait poussé à se poser des questions sur sa potentielle orientation sexuelle !

Un léger soupir s'échappa de ses lèvres. Il venait de prendre sa décision :

« Oui, nous sommes tombés sur les troupes de Wutaï, répondit-il sans qu'aucune émotion ne vienne trahir sa voix. Ils ont réussi à prendre la méga-Matéria avant de prendre la fuite. Le Seconde Classe Klein et moi-même les poursuivons jusqu'au Nord. Venez dans les mines, ils ont abattu nos deux gardes. Vous devez passer récupérer leurs corps. Terminé. »

Il raccrocha et rangea l'appareil. Il était trop tard pour changer d'avis.

Les guerriers de Wutaï avaient probablement dû laisser un véhicule ou des Chocobos à l'entrée des cavernes. Par conséquent, il ne lui faudrait que quelques heures pour atteindre Icicle Lodge. Il n'y avait plus qu'à prier Gaïa pour qu'Icicle Lodge abrite un médecin avec des compétences en n'y avait plus qu'à prier Gaïa pour que la bourgade touristique nichée aux cœurs des montagnes enneigées abrite un médecin avec des compétences en chirurgie.

Il récupéra la précieuse Matéria, fixa son sabre à l'attache de sa ceinture et, avec une délicatesse dont il n'était pas coutumier, souleva le corps ensanglanté pour le blottir entre ses bras. La pâleur de la jeune femme était préoccupante, tout comme sa respiration, laborieuse et sifflante. Par chance, les projectiles avaient loupé son cœur. Néanmoins, ils avaient atteint son poumon droit. Elle allait avoir besoin d'une sacrée dose de chance.

Le poids supplémentaire qu'il portait ne lui posa guère de problème, par conséquent il atteignit rapidement la sortie des mines et évita ainsi de croiser les deux TURKs. Combien pouvait-elle peser ? Une cinquantaine de kilos, tout au plus, jugea-t-il.

Soulagé, il repéra le troupeau de volatiles qui attendaient sagement le retour de leurs cavaliers, leurs rênes attachées aux branches des sapins environnants. Deux de ces colossales créatures à plumes se distinguaient de leurs congénères par leur plumage d'un noir de jais et leurs harnais plus imposants. Il était fort à parier qu'ils aient appartenu aux chefs de guerre qu'il avait affrontés dans la grotte.

Sephiroth n'avait jamais éprouvé d'affection particulière pour ces énormes gallinacés. Comme tout un chacun, il avait appris à les monter dès son plus jeune âge, mais il avait toujours préféré d'autres moyens de transport, de préférence moins odorants, quand cela était possible.

Il s'approcha du spécimen le plus massif, devinant qu'il s'agissait du plus robuste. Le volatile émit un « Couuuaac ! » strident qui l'incita à prendre quelques précautions avant de monter l'animal, visiblement réticent. Tenant la jeune femme inconsciente d'un seul bras, il fouilla dans la volumineuse sacoche de cuir suspendue à la selle de la bête pour en extraire un gros légume au parfum nauséabond, un légume Gisal, une friandise appréciée des Chocobos. Ce dernier poussa un cri de joie en reconnaissant la gâterie et la dévora d'un coup de bec. Ces animaux bien trop gourmands étaient incontestablement trop faciles à amadouer !

Une fois en selle, Sephiroth donna un vigoureux coup de rênes et la monture se lança à toute allure à travers les plaines gelées. Il avait eu raison, ce Chocobo noir faisait preuve d'une incroyable vivacité.

Alors qu'il fonçait vers le village, l'obscurité enveloppait progressivement la région. Malgré la saison estivale, les températures dans cette partie du globe descendaient toujours en-dessous de zéro lorsque la nuit s'installait. À cet instant, une profonde gratitude envers sa monture et son plumage, qui leur apportaient une précieuse chaleur supplémentaire, envahit le guerrier. Inquiet que la jeune femme ne tombe en hypothermie, il resserra davantage son étreinte pour la protéger du froid.

Les lumières des chalets se faisaient de plus en plus nombreuses. Elles créaient une lueur chaleureuse dans cette nuit glaciale. À mesure qu'ils se rapprochèrent, Sephiroth distingua avec soulagement le bourg pittoresque d'Icicle Lodge se dessiner devant lui.

Parvenu à la place centrale du village, il arrêta sa monture au beau milieu de celle-ci et remit pieds à terre. Un couple de villageois plutôt curieux, alertés par le bruit de l'approche du Chocobo, se dirigea vers lui :

« Par la planète ! Mais…vous…vous êtes du SOLDAT ! s'étonna un homme un peu plus jeune que lui, tout emmitouflé dans une épaisse doudoune aux couleurs criardes.

- Vous êtes celui dont tout le monde parle ! Le Héros Sephiroth ! », renchérit sa compagne.

Vêtue tout aussi chaudement et coiffée d'un burlesque bonnet à l'effigie de Mog, elle avait reconnu la longue chevelure argentée de ce dernier, ainsi que son uniforme. Pour quiconque lisait les journaux, impossible d'ignorer son portrait.

« Mais…et votre camarade ! reprit-elle affolée en apercevant enfin le corps blessé entre les bras du guerrier. Que lui est-il arrivé ? Il est mort ?

- Non il n'est pas mort. Il a besoin d'un médecin de toute urgence…

- Suivez-nous ! Le médecin du village est juste à côté d'ici ! »

Les deux individus, un peu alarmés, lui emboîtèrent le pas et le guerrier les suivit en hâte jusqu'à une petite ruelle transversale, à deux pas de la place, juste derrière l'auberge. Là, ils s'arrêtèrent sur le perron d'un grand chalet en bois, un peu plus cossu que les autres, où une plaque était suspendue :

Docteur Ernest Müller

Médecine générale

La fille au bonnet, anxieuse, murmura :

« J'espère qu'il n'est pas déjà endormi !

- Tu plaisantes ! Il doit être en train de fumer sa pipe là-haut j'te parie ! », la rassura son ami.

Quelques minutes plus tard, une voix bourrue s'éleva de l'autre côté de la porte :

« Ça a intérêt à être urgent ! Sinon le salopard qui s'amuse à venir m'emmerder à c't'heure-ci va le regretter ! »

La porte s'ouvrit pour révéler un homme dans la soixantaine, tenant une pipe encore fumante à la main. Malgré sa petite taille et son embonpoint manifeste, qui trahissait son amour des donuts, il dégageait un charisme indéniable. Drapé dans un vieux chandail gris, il portait de petites lunettes rectangulaires perchées sur son nez rond et affichait une chevelure blanche, bouclée et hirsute encore relativement opulente pour son âge. Il incarnait à la perfection l'image que l'on pouvait se faire d'un vieux médecin de campagne. Son expression sévère se dissipa instantanément lorsque ses yeux se posèrent sur le corps inconscient :

« Oh. C'est une urgence. Bon, entrez ! Enjoignit-il le guerrier. Et vous là, les deux loustics, allez me chercher Brigitte ! Et au pas de course ! Sinon vos pères en entendront parler ! », beugla-t-il.

Tandis que les deux jeunes gens obéissaient prestement et descendaient le perron quatre à quatre, manquant de s'étaler dans la neige, le sexagénaire fit entrer le SOLDAT et referma la porte derrière lui.

Les chaises disposées de part et d'autre des murs dans le vestibule laissaient penser que la pièce faisait office de salle d'attente.

« Bon, vous, suivez-moi ! Mon cabinet est au fond du couloir à droite ! », ajouta le vieil homme d'un ton ferme et autoritaire.

Sephiroth obtempéra sans protester. D'ordinaire, le 1ère Classe n'appréciait guère les cabinets médicaux. Ni les médecins. Ni les blouses. Ni les scalpels, ni les seringues. En réalité, il n'aimait rien de tout cet univers puant l'antiseptique.

Néanmoins, ce cabinet-ci lui fit une impression tout à fait différente. Les murs habillés de pin sombre donnaient à la pièce une ambiance chaleureuse et réconfortante malgré son apparence un peu vieillotte. Au centre de la salle, une grande table d'examen était recouverte d'une nappe blanche impeccable. À côté se trouvaient des armoires en bois bien rangées, contenant des médicaments, des bandages et d'autres fournitures médicales. Une grande fenêtre laissait pénétrer la lumière durant le jour.

Sur le bureau, il y avait un ordinateur et un téléphone fixe. Des cadres photos sur les étagères montraient des instantanés de famille et d'anciens patients, ajoutant une touche personnelle à l'endroit.

Le cabinet respirait l'expérience et la bienveillance, créant un lieu où les patients se sentaient à l'aise et en confiance pour partager leurs soucis avec le vieux médecin de montagne.

Pendant que ce dernier se dépêchait d'enfiler sa blouse, suspendue près de la porte, puis de se laver et de se désinfecter les mains au-dessus du petit lavabo coincé entre deux étagères, Sephiroth déposa son précieux fardeau sur la table d'examen.

« Vous êtes du SOLDAT, c'est bien ça ? Qu'est-ce que vous faites à cette heure-ci dans ce coin du monde ? Et, par Gaïa, que lui est-il arrivé ? demanda le docteur, toujours aussi bourru, en pointant Théïa d'un geste.

- Nous étions en mission, non loin des mines de Modeoheim, répondit Sephiroth avec une pointe d'hésitation. Nous sommes tombés sur des troupes ennemies. Mon…je veux dire, ma coéquipière n'a pas réussi à esquiver les dernières balles. De ce que j'ai pu vérifier, elles se sont logées dans son poumon droit…

- Votre coéquipière vous dîtes ? C'est une femme ? Je croyais que le SOLDAT n'acceptait que les hommes ! », ajouta le praticien, prenant le guerrier au dépourvu.

Sephiroth demeura silencieux, incapable de trouver une réponse adéquate à cette dernière remarque. Tenter de dissimuler la troublante vérité au médecin aurait été inutile. Ce dernier lança un regard perplexe au jeune homme. Devant l'embarras suscité par sa question, il haussa simplement les épaules avant de se replonger rapidement dans la préparation de ses instruments, soigneusement disposés dans un bac en acier inoxydable. Il enfila ensuite une paire de gants en latex jetables ainsi qu'un masque, avant de s'approcher de la patiente.

« Bon. J'imagine que la Shinra a d'autres uniformes en stock ! »

Sans plus attendre, un coup de ciseaux bien ajusté acheva de libérer la jeune femme de son pauvre pull. Et de ses bandages...

Sephiroth détourna le regard.

« Vous avez de la chance, avec tous les accidents en montagne, j'ai fini par être sacrément équipé et j'ai pas mal de pratique en chirurgie », se targua le vieux docteur.

Il commença par nettoyer les plaies à l'aide d'un linge humide, puis il examina les blessures tout en marmonnant :

« Mmh. C'est bien ça, trois balles. Vous aviez une Matéria de Soin ?

- Oui.

- Vous avez bien fait de vous en servir. Ça a cautérisé les artères touchées…. », dit-il en continuant de désinfecter minutieusement les plaies.

« Tenez ! Passez-moi les compresses derrière vous ! Mon infirmière ne devrait plus tar….

- Erneeeest ? Tu es là ? le coupa soudain une voix féminine retentissant depuis l'entrée.

- Ah ! Quand on parle du loup ! Dans le cabinet, ma Brigitte ! »

Aussitôt un petit bout de bonne femme accourut. Dans la même tranche d'âge que son confrère, son petit chignon relevé et ses lunettes rondes lui donnaient l'apparence d'une gentille petite mamie.

« Oh là ! là ! Ernie ! Tu me déranges à une heure pareille ! fit-elle d'une voix légèrement chevrotante. Tu sais que le vendredi c'est ma soirée bridge et….Oh ! Par tous les démons ! Que se passe-t-il ici ? se récria-t-elle lorsque ses yeux se posèrent sur la table d'auscultation.

- Une mission qui a mal tournée, lui résuma son confrère. Elle a trois balles dans le poumon droit. Pendant que tu me prépares le masque à oxygène, je vais lui faire passer une radio, pour voir si les balles ne sont pas trop profondes. »

Il se tourna vers le SOLDAT et lui intima gentiment :

« Bon, maintenant dégagez mon garçon ! Allez attendre à côté et laissez-nous travailler ! »

Sephiroth quitta sagement le médecin et l'infirmière pour retourner s'asseoir dans le vestibule. Là, il laissa son esprit divaguer, en attendant des nouvelles de son…euh, de sa coéquipière.

Il soupira profondément. Pourquoi personne n'avait rien soupçonné ? Pas même lui. Elle n'avait pourtant rien de vraiment masculin ! Cependant, les jeunes recrues à l'apparence fragile, voire franchement efféminée, n'étaient pas si rares. Elle s'était fondue dans la masse.

Pourquoi avait-elle pris autant de risques ? Tromper la Shinra était une entreprise dangereuse. Qui aboutissait quasiment toujours à une conclusion funeste.

Et que lui avait-il donc pris, à lui-même, de fuguer ainsi à travers le continent Nord ! Tout ça pour éviter la peine de mort à cette fille qu'il connaissait à peine ! Ces derniers temps, il avait vraiment tendance à aller de plus en plus souvent à l'encontre des intérêts de son employeur. Si les TURKs mettaient leurs sales nez là-dedans, il lui faudrait une bonne excuse pour justifier ses actes. Quelque chose d'un peu plus crédible que :

" J'aimais bien cette fille parce qu'elle m'a montré des tours de magie et j'avais juste envie de l'aider ! "

Soupirant encore, il se pinça l'arrête du nez. Être le Golden Boy avait ses petits avantages, mais il ne fallait pas non plus qu'il pousse le bouchon trop loin…

Après deux heures d'une attente qui lui parut interminable, Sephiroth entendit enfin la porte du cabinet s'ouvrir. Il se redressa et le médecin pénétra dans le vestibule, sa blouse tachetée d'écarlate et la mine sombre :

« Je vais être honnête avec vous, jeune homme : je ne pense pas qu'elle passera la nuit, avoua-t-il de but en blanc. Brigitte et moi avons fait ce que nous avons pu. Nous sommes parvenus à lui ôter ces fichues balles et à recoudre proprement les tissus. Mais elle a perdu beaucoup de sang… beaucoup trop en réalité… » confia-t-il, dépité.

Un profond sentiment de déception submergea le guerrier en son for intérieur. Ainsi, il avait échoué, encore une fois. Avait-il eu raison de ne pas la ramener à Midgar ? Les doutes l'assaillirent. Là-bas, elle aurait reçu les soins nécessaires. Si les raisons pour lesquelles elle s'était travestie s'avéraient futiles, aurait-elle vraiment été condamnée à la peine capitale ?

« Il lui aurait fallu une transfusion d'urgence. Vous connaissez son groupe ? », entendit-il le médecin continuer.

Le jeune homme secoua négativement la tête.

« Mmh, c'est ce que je pensais. Et le temps que je trouve un donneur universel dans ce patelin, ça m'étonnerait qu'elle… »

La réponse jaillit des lèvres du SOLDAT sans qu'il y réfléchisse :

« Prenez le mien.

- Vous ? Vous êtes….

- O positif. »

Pendant un court instant, Sephiroth crut de façon grotesque que le médecin allait décliner sa proposition. Comme le professeur Hollander autrefois. Aussi fut-il stupidement surpris lorsque son interlocuteur répéta :

« Vous êtes sûr ?

- Certain, confirma-t-il.

Le vieil homme acquiesça :

« Bon, dans ce cas venez. Pas de temps à perdre… »

Il guida précipitamment Sephiroth dans le cabinet, transformé sommairement en salle d'opération. Là, la jeune femme gisait toujours, inconsciente.

« Brigitte ! J'ai trouvé notre donneur ! »

La susnommée s'arrêta net d'astiquer ses scalpels et redressa un visage soulagé vers son confrère :

« Oh ! Il est "O" alors ! Quelle chance ! Je te prépare tout le matériel de suite ! »

Bientôt, le héros, installé à demi-nu sur une vieille chaise en bois, se retrouva relié à la jeune femme par le biais d'un long tuyau intraveineux.

Les minutes semblaient s'étirer à l'infini, le laissant se questionner sur la justesse de sa décision.

Lentement, son sang commençait à s'écouler dans la veine de sa partenaire.

Tout à coup, une pensée surgit dans l'esprit du SOLDAT : et si le professeur Hollander avait naguère refusé sa proposition de transfusion pour Génésis par crainte que son propre sang ne représente un danger ? Et si, par ce geste, il condamnait la jeune femme ?

« Si tout se passe bien, ses fonctions vitales devraient commencer à s'améliorer d'ici quelques heures… », lui exposa le médecin en finissant de se laver les mains.

C'est alors que la petite infirmière, jetant un coup d'œil au moniteur de surveillance cardiaque, se figea :

« Par la planète ! Erny ! Regarde ça ! » fit-elle, éberluée.

En effet, les signes vitaux de la patiente s'étaient améliorés, mais pas en quelques heures. De manière presque instantanée, son teint pâle avait retrouvé ses couleurs, sa respiration était devenue régulière, et la petite machine à laquelle elle était reliée enregistrait désormais des constantes tout à fait normales.

« Et bien ! Ça par exemple ! », s'étonna le toubib en se rapprochant à son tour.

Sidéré, il s'empara de son stéthoscope et examina le cœur de la rouquine, avant d'ajouter :

« Mais ils mettent quoi dans vos injections, à vous autres du SOLDATs ! C'est stupéfiant ! »

Le héros, déconcerté, contempla silencieusement le fulgurant rétablissement de sa partenaire. Non, son sang n'avait rien de dangereux. Vraisemblablement, c'était même plutôt le contraire.

Le médecin observait avec fascination les progrès spectaculaires de sa patiente.

« C'est incroyable, murmura-t-il, à la fois perplexe et admiratif. Je n'ai jamais rien vu de tel ! »

L'infirmière opina du chef :

« Les SOLDATs sont vraiment exceptionnels. »

Exceptionnels, oui. Mais que leur avait-on fait exactement, pour parvenir à de telles prouesses physiques ? Était-ce la Mako, qui leur permettait d'avoir cette constitution ? Non. Son propre sang à elle aurait alors suffi à la remettre sur pied, puisqu'en tant que SOLDAT elle avait bénéficié des mêmes injections. La lueur incrustée dans le bleu polaire de ses yeux ne trompait pas là-dessus.

Alors…était-ce son sang, à lui ? Était-il différent ? Était-ce là la raison pour laquelle il n'avait pas pu être le donneur en faveur de son ami par le passé…? Aurait-il pu inverser le processus de dégénérescence dont Génésis avait été frappé ? Pourquoi Hollander avait-il refusé dans ce cas ?

Derrière son expression figée, il cacha tant bien que mal son désarroi.

Était-il normal ? Était-il….humain ?

« Mon garçon, vous venez de lui sauver la vie ! s'exclama la vieille infirmière, le tirant de ses sombres rélfexions. Nous allons vous retirer le cathéter, quelques centilitres de votre précieuse hémoglobine auront apparemment suffit !

Nous avons une chambre de repos à l'étage. Nous allons monter votre amie là-haut. Vous pourrez vous y reposer vous aussi si vous le souhaitez. Je passerai dans la matinée pour voir si elle a repris connaissance et l'ausculter. »

Le SOLDAT acquiesça d'un signe de tête, puis il assista le médecin pour transférer la jeune femme sur un brancard et la conduire à la pièce réservée aux convalescents.

Quelques heures plus tard, les premières lueurs de l'aube filtrèrent petit à petit dans la chambre, illuminant la pièce. Une paire de longs cils papillonna enfin. Un long baillement s'échappa des lèvres de la jeune femme tandis qu'elle se redressait doucement en s'étirant comme un chat. Une étrange sensation l'envahit. Elle se sentait rarement aussi revigorée au réveil. Que s'était-il passé ? Et où était-elle donc ? Un rapide coup d'œil lui révéla qu'elle n'était pas chez elle, ni dans aucun endroit familier.

« Tu es enfin réveillé », déclara une voix masculine, la faisant sursauter.

Adossé au mur près de la fenêtre, bras croisés, se tenait Sephiroth.

« Que s'est-il passé ? Nous étions dans la grotte et…», commença-t-elle, avant d'être interrompue par le SOLDAT :

« Tu a été touchée par plusieurs balles. Tu étais inconsciente. Et mourante. »

L'emploi du féminin l'interpella. Elle constata alors qu'elle était à moitié dénudée, et que les bandes propres qui enveloppaient sa poitrine ne masquaient plus vraiment sa véritable identité. Instinctivement, elle remonta le drap jusqu'à ses épaules et baissa le regard, transi d'effroi. Les souvenirs de la grotte, du combat et de la douleur aiguë des projectiles lui revinrent en mémoire.

Mortifiée et inquiète à l'idée des conséquences de cette révélation, elle préféra garder le silence. Peut-être pourrait-elle trouver discrètement un moyen d'échapper à la vigilance du 1ère Classe, lorsqu'il la ramènerait jusqu'à Midgar ?

Celui-ci ne put s'empêcher d'ajouter avec une pointe d'humour :

« Tu ne dissimulais apparemment pas que des cartes sous tes vêtements… »

Rouge de confusion, elle baissa piteusement le nez, sans rien dire.

Il continua, curieux :

« Se faire passer pour un homme afin d'intégrer le SOLDAT, il fallait un sacré culot. Pourquoi avoir fait ça ? »

Elle devait trouver une réponse cohérente. Et vite.

« L'argent, répondit-elle finalement.

- L'argent ? répéta-t-il.

- Bien sûr ! Qu'est-ce que tu crois ! cria-t-elle. Nous ne sommes pas tous nés avec une cuillère en argent dans la bouche ! Si les jeunes gens veulent intégrer le SOLDAT, ça n'est pas uniquement dans le but de te ressembler ! »

Consciente que son mauvais caractère avait repris le dessus et qu'elle avait été un poil trop véhémente, elle reprit plus posément :

« C'est…c'est un job plutôt lucratif. Et j'n'avais pas envie de finir comme ces pauvres filles des taudies. Où la seule façon de gagner correctement sa vie, c'est de finir dans les maisons de passes de Cornéo. J'ai appris à me battre depuis que je suis enfant. Je savais que j'avais les capacités pour vous rejoindre…»

Théïa n'osait toujours pas relevé le visage. Si elle réussissait à jouer sur sa pitié, peut-être lui réserverait-il un sort plus clément ?

« Nous ne sommes pas à Midgar, n'est-ce pas ?

- Non. Nous sommes à Icicle Lodge.

- Pourquoi ne pas m'avoir ramené là-bas ?

- Tu aurais préféré ? »

Elle fit non de la tête.

« Le médecin du village t'a soignée. Il et son infirmière ont été particulièrement doués. Il passera dans la matinée pour vérifier ton état.»

Disant cela, il se redressa et fit quelques pas en direction de la porte, dans l'intention de la laisser seule. La voir reprendre conscience l'avait rassuré et il n'était plus nécessaire qu'il reste désormais à la veiller.

« Attend ! l'arrêta-t-elle tout à coup. Qu'est-ce….qu'est-ce que tu vas faire…avec moi ? », chercha-t-elle à savoir, inquiète.

Main sur la poignée, le dos tourné, il lui exposa calmement :

« Dès que tu seras sur pieds, je ferai affrété un hélicoptère pour nous rapatrier. Je ne signalerai rien qui puisse paraître anormal dans mon rapport. Je m'en tiendrai à la version que j'ai donné aux TURKs, lorsque nous avons quitté les mines : les guerriers de Wutaï nous ont volé la méga-Matéria sous le nez. Nous les avons poursuivi sur une longue distance afin de récupérer celle-ci. Puis nous avons fait escale ici pour nous reposer. Fin de la mission. »

La petite rouquine n'en crut pas ses oreilles. Il venait de lui dire…qu'il ferait comme si rien ne s'était passé là, non ? Ou bien avait-elle mal compris ? Mais, si elle lui demandait de répéter, peut-être qu'il changerait d'avis ? Bon. Dans le doute, mieux valait changer de sujet :

« La…la méga-Matéria…? »

Il sortit l'orbe rougeoyante de sa poche intérieure :

« Elle est ici », confirma-t-il.

Il ouvrit la porte de la chambre.

« Sephiroth…», chuchota-t-elle, l'interrompant avant qu'il ne franchise le seuil de la chambre.

« Merci…»

Il lui renvoya alors un léger sourire.

Et la porte se referma.

Sans le savoir, le jeune héros venait de s'emparer d'une chose bien plus précieuse que la méga-Matéria. Il venait de s'emparer de son coeur.

Fin du chapitre