La Fin est le commencement
Chapitre 9 - Catharsis
Le jeune guerrier glissa un doigt sous la lanière de cuir du collier qui entravait désormais son cou, la condition inévitable pour recouvrer sa liberté. C'était un ingénieux dispositif, breveté par feu son présumé géniteur, conçu pour maintenir un contrôle sur les individus dangereux une fois libérés. À l'époque, ce mécanisme avait également servi à Hojo pour dompter certaines créatures parmi les spécimens les plus mortels de son laboratoire. Concrètement, cette lanière ne faisait que maintenir un minuscule boîtier électronique, de la taille d'une petite boîte d'allumettes, fixé au cou du porteur. En cas de problème, une télécommande pouvait activer l'appareil, qui envoyait un signal à une puce sous-cutanée implantée juste au niveau des premières vertèbres du sujet. Selon les modèles, la puce pouvait soit imploser, éliminant le porteur de manière radicale, soit, comme dans son propre cas, délivrer une décharge suffisante pour le paralyser entièrement durant plusieurs heures.
Ce que le guerrier ignorait, c'est qu'il avait échappé à la première version uniquement car cet ex-TURK chargé de sa surveillance, et possesseur de la susdite télécommande, était en réalité son véritable père, et que ce dernier avait catégoriquement refusé d'envoyer un signal qui exploserait la tête de son propre fils en cas de problème. Reeve n'avait pas insisté sur le choix du modèle.
Toutefois, celui-ci avait été catégorique : hors de question de laisser un homme aussi dangereux parcourir le monde sans cet outil de contrôle. Le guerrier échappait déjà à toute condamnation pour ses actes, et il n'était pas raisonnable d'en attendre davantage !
On aurait effectivement pu penser qu'un jugement équitable puisse être rendu à son encontre. Cependant, officiellement, l'ex-SOLDAT n'avait jamais commis les crimes qui lui étaient reprochés. À l'exception des deux seuls témoins restants au monde, Cloud et Tifa, personne ne savait ce qu'il avait fait. La Shinra avait veillé à dissimuler toutes les preuves, allant même jusqu'à reconstruire un village à l'identique. Il était par conséquent difficile d'établir un procès en bonne et due forme.
Voilà pourquoi Sephiroth se retrouvait affublé de cet élégant petit accessoire de mode qu'il n'aimait d'ailleurs guère porter. Après tout, ça n'était pas pour rien qu'il s'était débarrassé du pull à col montant de l'uniforme du SOLDAT dès qu'il n'avait plus eu de compte à rendre à un quelconque supérieur. Il détestait sentir quelque chose entraver son cou.
S'efforçant de mettre de côté cette désagréable sensation, il se concentra sur le lieu où l'hélicoptère qu'ils avaient emprunté les avait conduits. Le constat fut sans appel, et il proclama, flegmatique :
« A moins que la région n'ait considérablement changée ces cinq dernières années, nous ne sommes pas à Nibelheim…»
Devant ses yeux, cachée entre les majestueuses montagnes enneigées, se dévoilait une vallée d'une beauté ensorcelante. Les pics rocheux étreignaient cette enclave naturelle, formant des remparts imposants contre lesquels se brisaient les vents du Nord. Un tapis de fleurs sauvages aux teintes vives, des roses pâles aux violettes profondes, s'étendait à perte de vue.
Au centre de cette vallée, un lac cristallin reflétait les rayons du soleil qui filtraient à travers les cimes des arbres. Des forêts anciennes, aux feuilles d'un vert éclatant, bordaient cette étendue d'eau scintillante. Enfin, à l'extrémité de la vallée, une imposante cascade glissait le long d'une paroi rocheuse et déversait ses eaux tumultueuses dans le lac en contrebas.
L'ex-SOLDAT chercha alors à savoir, suspicieux :
« Si je ne me trompe pas, Nibelheim se trouve de l'autre côté de cette chaîne montagneuse, beaucoup plus à l'ouest. Alors pourquoi sommes-nous ici ?
- Tu as tout à fait raison. Nibelheim se trouve de l'autre côté de cette vallée », répondit simplement Vincent en ajustant son fusil à la sangle dans son dos.
Il entama la marche, suivit de près par son fils qui l'interpella de nouveau :
« Vous ne m'avez pas répondu. Pourquoi s'arrêter ici, au beau milieu de nulle part ?
- Tu verras. Je sais que c'est difficile pour toi, mais je te demande de me faire confiance. »
L'ex-TURK saisit délicatement une petite orbe verte luminescente qu'il conservait dans une poche à sa ceinture. Avec assurance, il la fixa sur son bracelet métallique, tout en précisant calmement :
« Tu es désarmé, et sans matéria. Tu me laisseras donc me charger des monstres qui croiseront notre route.
- Je peux toujours me battre à mains nues, objecta Sephiroth, un peu vexé que l'on puisse mettre en doute ses capacités de combat.
- J'en suis convaincu. Mais si par malheur il t'arrivait la moindre égratignure, la personne que nous allons voir m'en voudrait terriblement. Alors, si cela ne t'ennuie pas, laisse-moi me charger des monstres. J'insiste. »
Cette répartie prit le jeune homme au dépourvu. Qui pouvait bien vivre reclus dans ces environs ? Intrigué, il choisit néanmoins de ne pas insister. Ainsi, le débat fut clos, et ils continuèrent leur progression dans ce cadre idyllique.
Les chants d'oiseaux emplissaient l'atmosphère, tandis que des papillons multicolores virevoltaient parmi les fleurs, complétant la grâce de ce paradis naturel. Progressivement, le tumulte de la cascade s'ajouta à cette agréable mélodie. Ils contournèrent le lac et approchèrent du majestueux rideau d'eau qui s'épanouissait devant eux. La fraîcheur de l'embrun caressait leur visage, et les rochers moussus s'étalaient sous leurs pas.
Arrivé aux pieds de la cascade, Vincent marqua une pause. D'un geste, il invita le jeune homme à se rapprocher de lui. Bien que méfiant, ce dernier obtempéra, ne comprenant pas vraiment où cet homme le conduisait de la sorte.
Après un moment de concentration, une sphère protectrice invoquée à l'aide de sa matéria les enveloppa et leur permit de traverser la cascade de part en part sans qu'une seule goutte ne vienne les éclabousser.
Dissimulée derrière la chute se dévoilait l'entrée d'une mystérieuse grotte. Les murmures de la cascade et le ruissellement de l'eau dissimulaient habilement l'existence de ce sanctuaire secret. L'entrée, encadrée par des vignes luxuriantes et des fougères, donnait l'impression que la nature elle-même protégeait jalousement le mystère qui résidait à l'intérieur.
Un subtil sourire éclaira le visage de l'ex-TURK alors qu'ils se dirigèrent vers les profondeurs de la grotte.
À mesure qu'ils avancèrent, l'atmosphère se chargea d'une aura éthérée. Des cristaux luminescents émergeaient des parois, éclairant le passage de leur lueur douce et mystique. Des stalactites scintillantes pendaient du plafond comme des joyaux suspendus et immuables. C'était un spectacle hypnotique.
« Par la planète, mais où m'emmenez-vous ? s'exclama Sephiroth, de plus en plus perplexe.
- Tu vas voir… »
Sous le regard médusé du guerrier, ils pénétrèrent enfin dans la crypte, tout au bout du tunnel. Là, éternellement captive de sa stèle de cristal, Lucrécia Crescent demeurait figée dans le temps. Lorsque Vincent avait découvert cet étrange mausolée, en compagnie de Cloud et des autres membres de leur équipe, il n'avait pu en croire ses yeux. Retrouver sa bien-aimée, dissimulée au cœur d'une caverne isolée, quelque part dans l'obscurité méconnue du monde, avait été une surprise à la fois poignante et déconcertante. L'expression figée sur le visage de son fils laissait transparaître une émotion semblable.
« Je reconnais cette femme, annonça-t-il. C'est... C'est elle qui figurait sur une photo que Hojo m'avait remise dans mon enfance. Il m'avait dit qu'elle s'appelait Jenova, et qu'elle avait disparu à ma naissance…
- Cette femme s'appelait Lucrécia Crescent. Elle est…. »
La phrase de Vincent resta en suspens. À deux pas du cristal, l'esprit de sa bien-aimée venait de se matérialiser, tout comme autrefois. Le silence enveloppa la crypte. Le regard translucide de la fantomatique jeune femme se posa sur les deux hommes. Le cœur de Sephiroth battait frénétiquement dans sa poitrine. Immobile, il n'osait plus faire le moindre geste. Dans la caverne, la douce voix de l'apparition résonna tout à coup :
« Vincent… et… »
Dans la pénombre de la crypte, les yeux du guerrier rencontrèrent ceux de sa mère. Les présentations se révélèrent inutiles. Le visage du jeune homme lui était familier. Elle l'avait contemplé, à maintes reprises dans ses rêves, pendant que son esprit naviguait à travers la Rivière de la Vie. Combien de fois avait-elle caressé le désir secret de le voir, en chair et en os, devant elle ? Combien de fois avait-elle rêvé de l'étreindre ? Ce fils qu'elle avait chéri dès qu'elle avait appris son existence et qui lui avait été cruellement arraché dès sa naissance.
Les mains de Lucrécia se portèrent à ses lèvres et elle s'écria, bouleversée :
« Par la déesse ! C'est…c'est impossible ! Vincent ! Tu m'avais dit qu'il était mort !
- C'est ce que j'ai cru, mais il semblerait que La Rivière de la Vie en ait décidé autrement, se justifia-t-il.
- Sephiroth ! Par la planète ! Je n'arrive pas à le croire ! Tu es vivant ! »
L'instant d'après, l'esprit se précipita dans les bras de son fils, le visage baigné de larmes. Enlacer une entité dépourvue de corps, une simple apparition, pouvait sembler singulier. Cependant, le jeune homme s'en moquait éperdument. Même si sa mère n'était qu'un fantôme, elle demeurait aussi tangible que le réconfort et la joie qui l'envahirent lorsqu'il resserra ses bras autour d'elle. Cette étreinte, il l'avait lui aussi rêvée toute sa vie.
Partagée entre les sanglots et les rires, Lucrécia caressa affectueusement le visage du jeune homme en s'extasiant :
« C'est incroyable ! Tu as tellement grandi ! Tu es devenu si beau ! Je suis si heureuse ! Si tu savais ! Mon fils !
- Mère…» souffla le guerrier, les yeux brillants de larmes contenues.
Vincent observait silencieusement cette scène touchante, la gorge nouée. Quand il avait embarqué à bord de cet hélicoptère, à Junon, il savait que cette étape sur leur route était inévitable. Avant de rencontrer son propre enfant, l'ex-SOLDAT devait retrouver sa véritable mère, celle qu'il avait cherchée toute sa vie, afin de redécouvrir le sens profond de son humanité. Cette étreinte entre Lucrécia et son fils, c'était un instant chargé de rédemption où les souvenirs douloureux paraissaient s'apaiser dans le doux écho des rires et des pleurs de la jeune mère.
En contemplant leurs retrouvailles, Vincent sentit le poids de sa propre culpabilité s'atténuer. La crypte, témoin de ce moment significatif, paraissait elle-même imprégnée d'une atmosphère de guérison.
Après quelques instants passés dans les bras de son enfant, Lucrécia se retira doucement. Elle était consciente qu'elle n'avait que peu de temps. Se matérialiser en dehors de la Rivière de la Vie demandait une énergie considérable, et par conséquent, elle ne pouvait demeurer sous cette forme que pendant quelques précieuses minutes. Cependant, chaque seconde de cette rencontre était un trésor qui surpassait les contraintes temporelles.
Elle adressa un sourire radieux à Sephiroth, puis se tourna vers Vincent en s'approchant de lui. Ce dernier sortit le petit carnet intime qu'il avait toujours gardé près de son cœur, dissimulé sous sa tunique. Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent en reconnaissant l'objet. En observant le regard vibrant d'émotions qu'il lui lançait, elle comprit qu'il l'avait lu et qu'il savait désormais qu'elle lui avait caché sa paternité. Le poids du silence était enfin levé. La voix chevrotante, elle chuchota :
« Je suis désolée…
- Je sais… »
Il n'y avait pas de reproches dans le regard de Vincent, seulement la compréhension profonde des choix difficiles qu'elle avait dû faire.
« Si tu savais à quel point je regrette, renchérit-elle. Tout est de ma faute…
Non, c'est la mienne. J'aurais dû trouver le courage de te poser la question…
- Pardonne-moi Vincent… »
Ils se blottirent l'un contre l'autre et unirent leurs fronts tout en échangeant de tendres mots d'excuses.
Le guerrier, resté à quelques pas de là, était le spectateur muet de leur étreinte. Une proximité à laquelle il ne s'attendait pas et qui le laissa stupéfait. Cet homme lui avait révélé qu'il avait simplement été le TURK chargé de la protection des scientifiques du projet Jenova. Jamais il n'avait envisagé une telle démonstration d'affection.
Selon ses connaissances, un garde du corps n'enlaçait pas la personne qu'il protégeait de cette manière, à moins que leur relation ne prenne une tournure plus intime. Beaucoup plus intime. De surcroît, ce TURK lui avait révélé que le mariage entre Hojo et sa mère était purement conventionnel. Malgré leurs chuchotements, ses oreilles captèrent la confession qui suivit, attestant d'une dimension de leur lien qui allait au-delà de la simple protection :
« Je t'aime. Je t'ai toujours aimé…
- Je sais. Moi aussi je t'aime… »
La déduction ne fut pas bien difficile à établir et le jeune homme prit conscience de la situation. Les yeux grands ébahis, il articula faiblement :
« C'est…c'est toi…mon vrai père… »
Vincent et Lucrécia se tournèrent de concert vers leur fils.
« N'est-ce pas ? » reprit-il.
Cette révélation suspendit le temps. Les yeux de Sephiroth, traversés par la surprise et la compréhension, oscillèrent entre ses deux parents. La tension dans l'air était palpable, comme si le destin lui-même retenait son souffle.
« Vincent, tu ne le lui avais pas dit ? intervint la jeune femme.
- Je n'en ai pas eu le temps. Je n'ai retrouvé Sephiroth que très récemment. », expliqua gravement Vincent.
Une nouvelle réalité s'ouvrait devant l'ex-SOLDAT : il n'était ni le fils de Hojo ni celui d'une créature malfaisante venue d'on ne savait où dans l'espace. Il n'avait pas été créé dans une cuve sordide à l'instar de ces monstres découverts dans le réacteur Mako de Nibelheim ce jour-là. Non. Il avait un père et une mère. Il était humain.
Sentant la tension qu'il éprouvait à cet instant, l'esprit de Lucrécia se détourna des bras de son bien-aimé et s'approcha à nouveau du jeune homme.
« Je te demande pardon, mon fils. Pardon pour tout ce que tu as dû vivre, par ma faute. Pardon de ne pas avoir été près de toi… »
Elle posa délicatement la main sur sa joue. Le contact de la main maternelle semblait déposer une douce caresse sur les années de séparation et de douleur. Un moment empreint de réconciliation et de bienveillance s'installa, où les mots d'excuse résonnaient dans l'atmosphère silencieuse de la crypte.
« Je regrette tellement…
- Et moi je regrette de ne pas avoir su te trouver, avant aujourd'hui… », dit-il.
Elle le serra une dernière fois tout contre elle, puis déposa un baiser sur son front, avant d'interpeller Vincent :
« Tu prendras soin de lui, n'est-ce pas ?
- Je prendrai soin d'eux, rectifia-t-il.
- D'eux ? répéta la femme, surprise.
- ´Lucia, il a un fils…
- Oh ! Mais…ça veut dire que…
- Oui ! Tu es grand-mère ! affirma Vincent en souriant.
- Oh ! C'est merveilleux ! »
Elle éclata de rire et prit son enfant dans ses bras. Le visage radieux de la grand-mère exprimait une joie sincère alors qu'elle s'apprêtait à s'évanouir, laissant derrière elle le souvenir d'un moment où les liens familiaux, jadis brisés, étaient restaurés dans la chaleur d'un amour renouvelé. Petit à petit, son enveloppe éthérée s'effaça.
« Je t'aime, mon Sephiroth, déclara-t-elle solennellement. Je t'aimerai toujours. Vis ta vie, mon chéri….»
Elle lança un dernier regard affectueux à l'ex-TURK.
« Vincent, je compte sur toi »
Puis, l'esprit s'évapora définitivement, laissant les deux hommes seuls dans la crypte.
Sephiroth tomba brusquement à genoux devant la stèle où sa mère reposait. Là, il laissa finalement les larmes qu'il avait retenues jusqu'ici dévaler ses joues.
Vincent s'accroupit près de lui, la gorge toujours serrée. Leurs cœurs, bien que lourds de chagrin, étaient également teintés d'une paix retrouvée.
« J'espère que tu ne m'en veux pas de t'avoir emmené ici. »
Un léger sourire étira les lèvres de son fils, porteur de la reconnaissance silencieuse de la catharsis qu'il venait de vivre, la découverte d'une vérité longtemps enfouie, et le début d'un chemin vers la rédemption.
« Que s'est-il passé exactement ? Pourquoi…pourquoi est-ce Hojo qui m'a élevé ? », chercha-t-il subitement à savoir.
Vincent laissa échapper un soupir. L'heure des explications avait sonné. Depuis qu'il avait parcouru ce carnet, il avait souvent imaginé comment il aborderait ce sujet, s'il avait la chance de retrouver son fils sain et sauf. Maintenant que la situation se présentait, révéler toute la vérité semblait nettement plus complexe, et il ne savait pas par où commencer. Avec une légère gêne, il se lança :
« Il faut d'abord que tu saches que ta mère et moi regretterons toujours les choix que nous avons fait, et qui ont conduit à notre séparation, à tous les trois. Nous n'avons jamais voulu ce qu'il s'est produit. Ta mère t'a toujours aimé, dès qu'elle a su qu'elle était enceinte…
- Et toi ? coupa brutalement le SOLDAT.
- Moi ? »
En observant l'expression de son fils, Vincent perçut la question non formulée qu'il lui adressait :
« Et toi ? M'as-tu réellement désiré ? »
La réponse s'annonçait délicate. Comment aurait-il réagi à l'époque si Lucrécia lui avait révélé la vérité ? Quels auraient été ses choix ? Bien qu'il n'était pas complètement opposé à l'idée d'avoir un enfant, il devait admettre que cette grossesse avait été fondamentalement imprévue.
« Moi…c'est…un peu compliqué. Jusqu'à récemment, j'ignorais que j'étais ton vrai père. J'ai toujours cru que c'était Hojo. J'ai toujours cru que ta mère l'avait épousé car elle avait des sentiments pour lui. Et que mon amour pour elle n'était pas réciproque….»
Éclairé par les lueurs tamisées et multicolores des cristaux de la caverne, il contemplait toujours, pensif, sa bien-aimée, éternellement belle dans son immuable sépulture.
« Je ne comprends pas, pourquoi l'a-t-elle épousé ? demanda son fils.
- Ta mère s'est toujours sentie responsable de la mort de ton grand-père.
- Mon grand-père ?
- Oui. Mon père. C'était un éminent scientifique, un ami du professeur Gast. Ta mère était son élève. Un jour, il y a eu un incendie dans leur laboratoire. Ta mère en était à l'origine. C'était accidentel, bien sûr…Toujours est-il que mon père a perdu la vie en la sauvant. Elle ne s'en est jamais remise. Et…et c'est ce qui l'a poussé à refuser mes avances à son égard. Elle a épousé Hojo, par accord avec ce dernier. Il l'avait menacé de me faire évincer de la Shinra si elle ne l'épousait pas. Elle s'en voulait déjà tellement pour le décès de mon père qu'elle a accepté. Elle me l'a toujours caché. »
Vincent observa un bref moment de silence. Se replonger dans ses souvenirs était douloureux. Il devait néanmoins poursuivre ses explications, afin que son fils comprenne les raisons qui les avaient amenées à lui offrir le destin tragique qu'il avait connu.
« Pourtant, nos sentiments l'un envers l'autre étaient bien réels et, une nuit, nous avons cédé. Lorsqu'elle est tombée enceinte de toi, elle culpabilisait d'avoir trompé son mari. Même si elle ne l'aimait pas, et qu'il n'y avait plus aucun rapprochement intime entre eux, elle n'en demeurait pas moins son épouse. Lorsqu'il lui a proposé de t'utiliser pour leur projet, ça l'a poussé à accepter. De plus, elle croyait réellement bien faire. Elle et le professeur Gast pensaient véritablement que la créature qu'ils avaient trouvée était la dernière des Cetras. Ta mère ne pensait qu'à te rendre plus fort, plus résistant, pour t'offrir toutes les chances dans ta propre vie… »
Sephiroth songea que, dans un sens, le but de sa mère avait été atteint. Plus fort et plus résistant, il l'avait été, incontestablement.
« Au fil des mois, elle était de plus en plus malade et j'ai essayé de m'interposer, poursuivit Vincent. Malheureusement, il était déjà trop tard. Hojo m'a tiré une balle près du cœur. Il a mené certaines de ses expériences sur moi. Puis, quand je ne lui ai plus été d'aucune utilité, c'est ta mère qui a tenté de me sauver. Pour cela, elle a dû modifier mon génome, puis m'a fait dormir dans un cercueil, pendant les trente années qui ont suivies. Lorsque tu es né, Hojo t'a arraché à elle. Ça a fini d'achever le désespoir dans lequel elle se trouvait. Les cellules de Jenova l'empêchaient malgré tout de mettre un terme à ses jours. Elle s'est donc isolée dans cet étrange endroit… »
Une fois son récit achevé, le silence s'installa. Vincent attendait, inquiet, la réaction de son fils. Après quelques minutes d'angoisse, Sephiroth prit enfin la parole :
« En définitif, tout…tout est de sa faute, à Hojo ?
- Je te mentirais si je te disais que je n'ai pas haï Hojo, autant que toi, si ce n'est plus. Mais toutes nos erreurs ne peuvent être imputées à lui seul. Nous avons fait des choix tragiques, ta mère et moi. Et nous le regretterons éternellement. Mais aujourd'hui, je t'ai retrouvé. Par je ne sais quel miracle, tu es en vie. Et je compte bien saisir cette chance et prendre soin de toi désormais. »
Leurs regards s'accrochèrent, porteurs d'espoir. Libérés du poids oppressant du passé, ils semblaient désormais se tourner résolument vers un avenir où leur destinée serait enfin partagée. L'ex-TURK ajouta sereinement :
« Ton fils n'est encore qu'un enfant, et tu peux avoir la chance de le voir grandir. Cette chance que je n'ai jamais eue. Alors, je t'en prie, ne la laisse pas s'évanouir. Je sais que ce sera difficile pour toi, que tu portes le poids de tes propres erreurs. Mais sache que je serai toujours là pour te soutenir... »
Il se redressa enfin, puis annonça d'une voix calme, mais déterminée, tout en tendant la main à son fils :
« Il est temps de repartir. La nuit approche à grands pas, et je préfère que nous soyons de retour à l'appareil avant qu'elle ne tombe complètement. Nous avons encore plusieurs heures de vol avant d'atteindre Nibelheim »
Sephiroth scruta la main de son père. Ce dernier, conscient de son hésitation, la maintenait offerte. Plus qu'un simple geste, c'était une invitation à accepter sa présence à ses côtés, un symbole de soutien, une promesse tacite de marcher ensemble dans les épreuves à venir.
Un léger sourire se dessina sur les lèvres du guerrier, une lueur d'acceptation naissant dans son regard. Lentement, il saisit la main de son père, sentant le réconfort et la force qui en émanaient.
« Merci », murmura-t-il, sa voix empreinte d'une émotion contenue.
Sans un mot de plus, père et fils quittèrent la crypte, prêts à affronter l'obscurité de la nuit et les défis incertains qui les attendaient. Ensemble, ils marchaient vers l'avenir, résolus à trouver la lumière au-delà des ombres du passé.
Fin du chapitre
