La Fin est le commencement
Chapitre 11 - Premières approches
Note : Désolé pour le retard, mais il y a eu ff7 Rebirth XD Encore toutes mes excuses et bonne lecture ! :)
«Trente-sept…Trente-huit…Trente…Euh…trente-neuf…trente-dix…trente-onze…»
Après avoir compté jusque "trente-quinze" chocobos pour la quatrième fois, Adonis réalisa que ses efforts étaient vains. Il ne parviendrait jamais à trouver le sommeil. Bien que sa grand-mère lui ait recommandé de compter les moutons, il avait préféré les chocobos. Il envisagea alors que le choix d'un autre animal expliquait sans aucun doute l'échec de la technique ancestrale de sa grand-mère.
« Peut-être que c'est à cause de ça, n'est-ce pas, Choco ? murmura-t-il à l'attention de son doudou qu'il serrait fort entre ses bras. Peut-être qu'avec des moutons, ça fonctionnerait mieux ! Mais je n'aime pas les moutons ! Les moutons, c'est ennuyeux ! », bougonna-t-il.
Il se retourna d'un côté de son lit, puis de l'autre. Se roula en boule sous sa couette avant de ressortir aussitôt. Attrapa son oreiller, enfouit sa tête dedans. En vain, ce soir, le fameux Marchand de sable avait décidé de l'oublier. Pourtant, sa mamie lui avait toujours dit :
« Quand il fait nuit noire, Adonis, c'est l'heure où le Marchand de sable passe pour t'endormir ! »
Mais qu'est-ce que "nuit noire" voulait dire, au juste ? Parce que pour lui, il faisait toujours assez clair ! Sa vue lui offrait constamment la capacité de distinguer les moindres détails de son environnement. Bon, peut-être un peu moins la nuit, concéda-t-il. Mais le noir, il ne connaissait pas ! Ce qu'Adonis ignorait encore, c'est que le reste de l'espèce humaine n'avait pas cette étonnante particularité que lui conféraient ses prunelles de chat, héritées de son papa. Tout comme les enfants daltoniens ne se rendent pas compte que les autres ne voient pas les couleurs comme eux, Adonis pensait que tout le monde était aussi nyctalope que lui.
Le jeune enfant se redressa dans son lit. Il avait entendu le léger ronflement provenant de la chambre adjacente. Sa grand-mère s'était enfin endormie ! Hourra !
« Eh ! Choco ! Tu veux qu'on aille jouer ? proposa-t-il, plein d'enthousiasme, à son doudou.
- Oh oui ! Oh oui ! J'ai troooop envie de jouer ! répondit-il à la place du jouet en prenant une petite voix aiguë.
- Alors, allons-y ! »
Le bambin bondit hors de son lit, glissa ses pieds dans ses chaussons Mog et, accompagné de son fidèle ami, quitta sa chambre en catimini.
Il traversa le corridor à pas feutrés et se dirigea vers le grand escalier. La demeure était plongée dans l'obscurité. Seule la lueur de la lune qui filtrait à travers les vitraux laissait deviner les contours familiers des marches et de l'imposante rampe en marbre sculpté. Rien ne bougeait, sauf peut-être les ombres dansantes des feuilles des plantes.
« On va où, Choco ? » chuchota le garçon vers son compagnon en peluche.
Choco ne répondit pas, bien sûr. Mais son regard perçant et son sourire figé semblaient dire :
« Où tu veux, tant que c'est avec toi ! »
Soudain, Adonis perçut des voix venant de la cuisine, en bas. Celles de Vincent et…et de son "papa". Adonis s'était souvent imaginé à quoi ça pouvait bien ressembler, un papa. Mais ce qu'il voyait jusque-là ne correspondait pas du tout à ses attentes ! D'après ce qu'il avait observé au village, un papa, ça devait jouer, plaisanter, offrir des câlins et gronder si on faisait des bêtises, n'est-ce pas ? Mais le sien ? Il ne semblait rien faire ! Depuis deux jours qu'il était arrivé, il était même difficile pour l'enfant de le croiser dans le manoir ! Il n'était pas non plus présent aux heures des repas ! De plus, sa grand-mère et Vincent paraissaient agir étrangement depuis la venue de ce mystérieux père. Adonis avait d'ailleurs bien du mal à en comprendre la raison.
Brusquement, une pensée troublante germa dans son esprit : et si c'était de sa faute ? Et s'il avait fait quelque chose de mal ? Cela expliquerait pourquoi sa grand-mère et Vincent avaient l'air d'être en colère, et pourquoi son père ne lui adressait jamais la parole...
Peut-être avait-il commis une très très grave bêtise ? Le garçon sentit son cœur se serrer à cette inquiétante idée. Il se demanda s'il avait involontairement causé du tort à sa famille. Toutefois, il ne parvenait pas à se souvenir d'avoir fait quelque chose de mal ces derniers jours. Pourtant, l'ambiance étrange qui régnait à la maison le préoccupait au plus haut point.
Inquiet et déconcerté, Adonis décida de se faufiler discrètement jusqu'à la cuisine pour tenter d'en savoir plus sur ce qui se passait. Il avança à pas feutrés, essayant de ne pas faire de bruit, jusqu'à ce qu'il atteigne l'embrasure de la porte, au rez-de-chaussée.
À l'intérieur, il trouva son père et Vincent, plongés dans une intense conversation :
« Cette femme, Sélène…elle me déteste, n'est-ce pas ? » interrogea Sephiroth.
Il était assis devant la grande table en bois, tandis que Vincent, juste derrière lui, essuyait la vaisselle restée dans l'évier.
Il entendit celui-ci soupirer avant de répondre :
« Ce n'est pas entièrement de sa faute. Comme tu peux t'en douter, le décès de sa fille l'a profondément bouleversée. Elle avait besoin d'un bouc émissaire, et, jusqu'ici, c'était toi qui tenais parfaitement ce rôle. Elle pensait que tu les avais rejetés, sa fille et le bébé...
- C'est faux ! » s'exclama brutalement son père, le faisant sursauter.
- Je sais, Sephiroth. Tu n'as pas besoin de me convaincre. »
Vincent posa une main réconfortante sur l'épaule du jeune homme.
Adonis les observa en silence.
« Sélène est une femme adorable, qui a un grand cœur, poursuivit l'ex-TURK calmement. Laisse-lui du temps. Elle finira par comprendre qu'elle doit t'accorder une chance.
- Je… je ne suis pas certain de la mériter », balbutia son père en baissant le regard.
- Tu dois te laisser du temps, également », ajouta Vincent avec compassion.
Sephiroth confia alors tristement :
« Et si cette femme avait raison ? Si j'avais été présent, peut-être que Théïa serait toujours en vie… »
L'ex-TURK, qui s'apprêtait à ranger le dernier verre dans le placard en hauteur, se figea et lui rétorqua fermement :
« Et moi, si j'avais été là, tu n'aurais jamais eu ce destin-là ! »
Adonis se rapprocha, captivé par leur échange. Il ne comprenait pas tout, mais, au fond de lui, il sentait que c'était important.
Vincent rangea finalement le verre qu'il tenait encore et se retourna en continuant, plus posé :
« Écoutes… le passé est ce qu'il est, et ne pourra jamais être changé. Te tourmenter n'y changera rien. Crois-moi, j'en sais quelque chose… »
Son père acquiesça, les yeux toujours rivés sur la table.
« Cette jeune femme, tu tenais réellement à elle, n'est-ce pas ? »
Un nouvel hochement de tête, quasiment imperceptible derrière sa longue frange argentée, fit office de réponse.
« Elle était…elle était la seule femme à m'avoir fait me sentir…humain, avoua-t-il presque timidement.
Je suis navré de ce qu'il lui ait arrivé. Sincèrement. Néanmoins, elle t'a laissé un précieux cadeau. Elle t'a laissé votre fils. Tu dois t'occuper de lui. »
Son père parut subitement désemparé. Il redressa le menton et secoua négativement le visage avant de murmurer, incertain :
« Je ne sais pas comment m'y prendre. Je ne suis pas doué pour ça. »
Vincent, toujours debout à ses côtés, lui adressa un sourire rassurant.
« Commence par passer un peu de temps avec lui, conseilla-t-il. Adonis est un enfant attachant. Il a son caractère, mais tu t'y feras vite. Et puis il a une imagination débordante. Raconte-lui une de tes missions de l'époque où tu étais SOLDAT, tu vas forcément piquer son intérêt ! »
L'ex-SOLDAT jeta tout à coup un regard amusé vers la porte. D'un mouvement de tête subtil, il désigna celle-ci à Vincent en ajoutant :
« En tout cas, c'est une sacrée graine d'espion ! »
En effet, Sephiroth avait repéré le petit dès que celui-ci s'était accroupi derrière l'embrasure. Toutefois il n'avait rien dit, attendant de voir si l'enfant partirait de lui-même ou s'il ferait un geste pour indiquer sa présence.
Vincent lança un sourire complice à son fils, avant de se diriger vers l'entrée de la cuisine. Doucement, il écarta le battant de la porte, révélant Adonis qui se tenait là, à l'affût de la conversation.
Ce dernier, pris en flagrant délit, sentit ses joues rougir sous les regards des deux hommes.
« Bonsoir, bonhomme ! salua gentiment le brun. Dis-moi, tu ne devrais pas être au lit depuis plusieurs heures ? »
Adonis hocha la tête, penaud, avant de marmonner la première excuse qui lui venait à l'esprit :
« Mais…mais…c'est pas ma faute…j'avais vraiment, mais alors vraiment trop trop soif !
- Tu as soif ? » répéta son grand-père, un brin sceptique.
Adonis opina vivement du chef. Ce petit filou avait toujours mille et un prétextes pour ne pas dormir.
« Bon, très bien. Entre… », invita Vincent avec un sourire rassurant.
Il s'écarta pour laisser passer l'enfant. Celui-ci s'installa à table. Tout en se triturant nerveusement le bout de ses doigts, il jetait de temps à autre de brefs coups d'œil à son père. Un petit air contrit incrusté sur sa frimousse d'ange, il questionna soudain :
« Dis, Vincent, j'ai…j'ai fait une bêtise ? »
Manifestement préoccupé, il se mordillait la lèvre. Debout devant l'évier où il remplissait un grand verre d'eau fraîche, Vincent suspendit son geste quelques instants.
« Tu en as une drôle de question ! Pourquoi demandes-tu cela ? répliqua-t-il finalement.
- Ben…vous avez l'air drôlement fâchés, mamie et toi…alors…je…je me suis dit que…c'était peut-être ma faute… »
L'ex-TURK fut surpris par la remarque inattendue du petit. Il était vrai qu'avec l'ambiance glaciale qui régnait depuis quelques jours, il pensait bien qu'Adonis finirait par poser des questions. Cependant, il ne se doutait pas que celui-ci irait jusqu'à croire qu'il était lui-même à l'origine de cette atmosphère pesante. Un sourire affectueux naquit sur le visage de Vincent. Cet enfant avait vraiment un bon cœur.
« Non, bonhomme. Rassure-toi, tu n'as fait aucune bêtise. Ce sont juste des histoires de grandes personnes, tu n'as rien fait de mal. », le rasséréna-t-il.
Il posa le verre plein devant le garçon qui s'empressa de boire goulûment.
« Tu sais, ta grand-mère, elle….commença-t-il.
- C'est de ma faute », coupa soudainement Sephiroth.
Voir son fils remettre en question son propre comportement alors qu'il était innocent l'avait profondément ému et perturbé. L'enfant n'était coupable de rien, epourtant il se sentait responsable de la tension que la venue de son père avait apportée au sein de son foyer.
Adonis tourna ses grands yeux de jade vers lui, tout comme Vincent, qui appréhendait un peu ce que son fils allait dévoiler au petit.
« Ta grand-mère, elle… elle m'en veut énormément, de ne pas avoir été auprès de toi… et… »
Le guerrier peinait à trouver ses mots. Tout ce qu'il souhaitait, c'était dissiper ce sentiment de culpabilité de la tête de l'enfant, mais l'exercice s'avérait difficile pour quelqu'un comme lui, peu habitué à réconforter ses semblables.
Témoin de l'embarras de son père, le garçon intervint :
« Mais...c'était pas ta faute pourtant, hein ? C'est ce que Vincent m'a dit ! C'est parce que tu étais presque mourut à cause d'une mission et que la Rivière elle t'a soigné ! Pas vrai ? »
Mal à l'aise, Sephiroth avait rivé son regard sur ses mains jointes, sur la table devant lui.
« Si je pouvais changer les choses…si j'avais su, ce jour-là…je ferais tout pour…pour pouvoir être présent… », confessa-t-il, rongé par les remords.
L'inconfort qu'il ressentait était évident, submergé par son sentiment de culpabilité et ses regrets.
Soudain, il sentit la minuscule paume du petit se poser délicatement sur sa main. Un doux sourire plein de compassion éclairait sa bouille.
« Tu sais, c'est pas grave ! ajouta le garçonnet avec une assurance déconcertante pour son âge. C'était pas ta faute ! »
Gentiment, il tapotait la main de l'adulte, tout en continuant de lui adresser cet adorable sourire angélique.
« Et pis, mamie, elle s'est drôlement bien occupée de moi, tu sais ! Mamie, elle est super forte ! C'est la meilleure mamie de la terre touuuuute entière ! Alors ça va ! »
Vincent fut infiniment touché par l'attitude sage et pleine de bienveillance de son petit-fils. Il avait senti un pincement au cœur en voyant l'enfant soutenir son père de cette manière, constatant à quel point ce petit était mature et empathique pour son âge.
Enfin, le regard de l'ex-SOLDAT osa croiser celui de son fils. En saisissant sa peluche fétiche, le bambin s'exclama joyeusement :
« Lui, tu vois, c'est Choco ! Lui aussi il a perdu son papa et sa maman ! Mais ça va, parce que c'est moi qui m'occupe de lui ! Et je m'en occupe super bien ! Alors il est pas triste ! »
Sous sa chaise, ses petites jambes se balançaient d'avant en arrière sans jamais s'interrompre.
Jugeant que l'heure tardive nécessitait probablement que l'enfant retourne au lit, Vincent se leva, posa sa main sur la tête du garçon et déclara tranquillement :
« Bien. Adonis, maintenant que tu n'as plus soif, il est temps de retourner te coucher. »
Le petit s'insurgea alors avec véhémence :
« Ah non ! Et mon histoire ! Tu as dit qu'il devait me raconter des histoires de SOLDAT ! Alors, moi, je veux mon histoire ! »
Il marqua une pause et réalisa que ce n'était peut-être pas la meilleure façon de revendiquer les choses. Comme sa grand-mère, dans son infinie sagesse, lui avait si souvent enseigné, il fallait demander gentiment. Reprenant par conséquent plus calmement, il afficha son regard de petit chiot malheureux, celui qui fonctionnait si bien avec sa mamie ! Et qu'il était bien décidé à mettre à profit sur son papa aussi !
« Dis, s'il te plaît, c'est d'accord ? » demanda-t-il avec espoir.
L'ex-TURK se retint de pouffer de rire. Son petit-fils avait vraiment de la suite dans les idées.
« Une…une histoire de SOLDAT ? » bredouilla le pauvre guerrier, totalement pris de court et embarrassé.
Retracer quelques-unes de ses missions dans d'épiques récits romanesques, il s'y était déjà adonné. Du temps où Lazard l'obligeait à participer à des interviews interminables pour les journaux de propagande de la Shinra. Et, par la Planète, qu'est-ce qu'il avait pu détester ça !
Mais là ? Qu'était-il censé faire ? Vincent venait de dire au petit de retourner se coucher. Du coup, est-ce qu'il devait suivre l'injonction de son propre père ? Ou bien devait-il céder à la requête du garçon ? Il est vrai qu'il était très très tard. Certainement pas l'heure de raconter des histoires… mais le regard implorant que déployait l'enfant éveillait en lui un sentiment d'attendrissement tel que refuser la requête s'avérait bien difficile.
Coupant court à ses réflexions, Adonis insista vivement :
« Bah oui ! J'ai entendu Vincent le dire tout à l'heure ! Et il m'a dit qu'avant t'étais un héros ! Alors tu dois en avoir des tonnes, des histoires, non ?
- Allez, avec un peu de chance, tu finiras même par l'endormir ! » conclut Vincent pour l'encourager.
Ayant obtenu l'aval paternel, l'ancien SOLDAT reprit :
« Et…tu souhaites quel genre d'histoire, exactement ? »
Adonis avait gagné cette bataille, et il le savait très bien. Une lueur d'excitation brilla dans son regard tandis qu'il exaltait, plein d'engouement :
« Bah ! Une super aventure ! Où tu sauves des gens d'un terrible monstre ! Et qui crache du feu et qui est très très très dangereux ! »
Une aventure où il sauvait des gens avec un monstre potentiellement dangereux qui crachait du feu. Le guerrier fronça ses sourcils et plongea dans sa mémoire. Oui. Il y avait bien une mission qui lui venait instantanément à l'esprit :
" Mais qu'est-ce que tu fais là "z'yeux d'chat" ? Ne me dis pas que toi aussi tu viens pour cette mission ? Je devais être le seul avec le 1ère Classe Sephiroth normalement ! "
La résurgence de ce souvenir lui arracha un sourire triste. Elle avait dû être la seule, dans tout Midgar, à ignorer son apparence. Et il avait adoré ça. Tout comme lui, la jeune femme semblait détester la notoriété qui l'entourait, une renommée qu'il n'avait jamais choisie. Par la suite, elle avait même su comment lui faire oublier tout cela, et c'est ainsi qu'il était tombé amoureux d'elle.
S'efforçant de ne pas se perdre davantage dans ses souvenirs, Sephiroth reporta son attention sur son fils. C'était une histoire parfaite, et le petit serait certainement ravi d'y retrouver sa mère. Mais serait-il capable de la lui raconter sans qu'aucune émotion ne trahisse sa voix ? Il savait que replonger dans ses souvenirs serait difficile, mais il voulait offrir à Adonis ce moment de complicité, même si cela signifiait affronter les émotions qu'il avait longtemps gardées enfouies.
En ne songeant qu'à plaire au petit, suspendu à ses lèvres, il se décida :
« Et…est-ce que ça te plairait, une mission où ta maman était également présente ?
- Oh ! Avec maman ! Oh oui ! Oh oui alors ! Tu as fait des missions avec maman ? Mamie, elle me racontait souvent les missions de maman, mais t'étais jamais dedans ! » s'écria Adonis avec euphorie.
"Étonnant", pensa ironiquement Sephiroth.
« Dis, Choco, il veut venir sur toi, pendant que tu racontes, tu veux bien ? »
Le garçon était descendu de sa chaise, trépignait juste à côté de lui et faisait sautiller sa peluche sur ses cuisses.
« Et bien, je…oui…
- Super ! Par contre, il faut que je me mette avec lui, sinon il a peur, Choco ! »
Cette façon astucieuse qu'Adonis avait eue pour grimper sur les genoux de l'adulte fit sourire Vincent. À tous les coups, il tenait ce petit côté un brin culotté de sa mère.
Le pauvre guerrier, complètement perdu, se retrouva bien vite avec l'enfant blotti sur ses genoux. Une longue mèche d'argent chatouilla son bras et celui-ci éclata de rire :
« Eh ! Tes cheveux me chatouillent ! Pourquoi t'as les cheveux comme ça ! C'est les filles qu'ont les cheveux aussi longs ! » renchérit Adonis avec une innocence désarmante.
Vincent ne put s'empêcher de sourire devant la candeur et la franchise de son petit-fils. Une franchise tout à fait déstabilisante pour Sephiroth, qui ne savait plus quoi répondre.
« Moi aussi j'ai les cheveux longs ! intervint l'ex-TURK finalement pour venir en aide à son fils.
- Bah, ils sont moins longs que lui d'abord ! Et puis, toi aussi Vincent, tu ressembles à une fille comme ça ! ajouta Adonis, sans aucune intention de malice. Maman, elle, elle avait les cheveux courts, mais elle l'avait fait esprès ! Pour ressembler à un garçon ! Pour lutter contre les méchants de la Shinra !
- C'est ta grand-mère qui t'a raconté ça ? s'enquérit le guerrier.
- Oui ! Elle m'a dit que maman, bah, elle était super courageuse ! Que c'était une héroïne et que grâce à elle, ALAVANCHE a pu casser les réacteurs de Midgar ! »
D'accord. Une espionne. Lors de la conversation avec ce scientifique au laboratoire de Junon, il avait bien compris que Théïa était en réalité membre d'un groupe anti-Shinra, mais il n'avait pas saisi tous les détails de l'affaire. À l'époque, il s'était douté qu'il n'y avait pas eu qu'une simple motivation pécuniaire derrière la supercherie de la jeune femme. Cependant, il n'avait jamais cherché à en savoir plus. Il n'avait jamais voulu en savoir plus. Lorsqu'il avait découvert qu'elle n'était pas un homme, il l'appréciait déjà suffisamment pour ne pas vouloir risquer de perdre une amie de plus. Et, par la suite…
Lorsqu'il remarqua le froncement de sourcils du jeune homme, Vincent demanda :
« Elle te l'avait caché, n'est-ce pas ? »
Sephiroth acquiesça, et son père crut alors bon de lui expliquer :
« Ta compagne, par le biais des contacts de sa mère, avait rejoint un groupuscule anti-Shinra, AVALANCHE. Elle était chargée d'infiltrer le SOLDAT pour pouvoir être au cœur de la Shinra. Elle a ainsi pu avoir accès aux plans des réacteurs. Ils ont mis quelques années à élaborer leur plan, mais cela a conduit à l'explosion de deux des réacteurs de Midgar, il y a presque un an de cela… »
Un court silence s'installa, mais il ne dura que quelque secondes avant que l'enfant ne s'impatiente :
« Bon, elle vient mon histoire !
- Nous en reparlerons plus tard. Je vais vous laisser tous les deux…
- Attends ! Où vas-tu ? l'arrêta son fils tandis qu'une lueur de panique traversait l'éclat de ses yeux verts.
- Et bien, me coucher, exposa naturellement Vincent.
- Quoi ? Mais…
- Tu as déjà exterminé des milliers de monstres, à toi tout seul. Endormir ce garnement ne devrait pas être bien difficile, termina-t-il en souriant. Bonne nuit tous les deux…
- Bonne nuit Vinceeennt ! »
En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, le guerrier se retrouva seul, démuni, face à l'ennemi le plus imprévisible qu'il n'ait jamais eu à affronter : un enfant de cinq ans !
Il avait laissé de côté l'uniforme militaire. À la place, il s'était contenté d'un sweat-shirt noir à capuche et d'un treillis en coton. Le petit, blotti bien confortablement contre son pull, tirait sur le cordon de la capuche comme on tire une sonnette. Un sourire en coin se dessinait sur les lèvres du bambin, annonciateur d'une série de questions et de surprises à venir pour le guerrier désormais pris au piège.
« Tu racontes, dis ? » fit le garçon.
Inspirant profondément, Sephiroth entama le récit de sa mission d'une voix calme et mesurée, captivant immédiatement l'attention de son jeune auditeur. Cependant, au bout de deux minutes à peine, il fut interrompu par une première question :
« Mais pourquoi y avait-il un dragon à Kalm ? »
Patiemment, il expliqua au petit que les monstres, en quête de proies, s'approchaient parfois un peu trop près des villes. Il poursuivit, mais au bout de quatre minutes, une nouvelle interrogation surgit :« Mais pourquoi as-tu dit à maman que tu n'étais pas toi, en fait ? »
Avec beaucoup de tact, il réussit à donner une raison cohérente à son comportement ce jour-là. Il reprit, mais une troisième question fusait aussitôt :
« Et le dragon, il était gros comment ? »
Puis une autre :
« Et c'était quoi ton arme ? »
Et encore une autre :
« Et tu avais des Matérias ? »
Après une bonne demie-heure d'interruptions récurrentes, Sephiroth dut admettre que sa patience, pourtant tout à fait honorable, commençait à vaciller. Heureusement pour lui, les questions s'espacèrent progressivement jusqu'à ce que l'enfant n'émette plus la moindre remarque.
Encore quelques dizaines de minutes s'écoulèrent avant que Sephiroth ne ressente Adonis sombrer progressivement dans les bras de Morphée. Ses petits doigts s'étaient entrelacés dans une longue mèche de cheveux, qu'il tordait et enroulait sans relâche. Cette habitude rappelait à Sephiroth celle de sa mère, lorsqu'il avait le bonheur de se blottir contre elle et de la sentir s'assoupir entre ses bras.
Avec une précaution infinie pour ne pas le réveiller, Sephiroth ajusta doucement la position de l'enfant endormi sur ses genoux. Son regard se posa sur le visage serein de son fils, et une tendresse infinie envahit son cœur, lui procurant une douceur et un bonheur indicibles. À cet instant, l'esquisse d'une vie "normale", une vie qu'il avait toujours secrètement désirée, se dessinait pour lui. Il resta là, immobile, baigné par la chaleur du moment, savourant le calme et la quiétude qui enveloppaient la pièce.
En l'observant de près, l'ex-SOLDAT remarqua un infime détail sur cette frimousse, qu'il ne tenait pas de lui : de très légères taches de son, presque imperceptibles, sur le haut de ses pommettes. Il les avait héritées de sa mère.
Un soupir lourd de regrets échappa au jeune père alors qu'une vague de désespoir l'envahissait. Si seulement tout avait été différent. Si seulement il lui avait fait confiance. Si seulement il lui avait avoué ses sentiments. Leurs destins auraient été si différents. Si seulement il avait quitté la Shinra, comme il l'avait souhaité avant cette maudite mission.
Autrefois, en tant que membre de première classe du SOLDAT, il bénéficiait d'une rente plus que confortable. Contrairement à son meilleur ami à la chevelure flamboyante, il n'était pas dépensier, et l'argent n'avait jamais été une préoccupation pour lui. Chaque mois, la Shinra lui versait un salaire généreux, agrémenté de primes substantielles lorsqu'il participait à des opérations spéciales. Ainsi, son compte en banque avait vu les chiffres de son montant s'accumuler au fil des années. Ils auraient pu vivre tous deux à l'abri du besoin pendant un certain temps s'il avait choisi de quitter la Shinra et de partir avec elle. Mais aurait-elle seulement accepté ? De ce qu'il avait pu comprendre, la jeune femme avait été profondément impliquée dans son rôle au sein de cette organisation. Sans lui mentir explicitement, elle lui avait tout de même caché la vérité. Peut-être aspirait-elle, au fond d'elle-même, à une vie normale, comme elle lui avait souvent décrit. Confronté au petit "jeu" qu'elle avait inventé, il n'avait pas su résister...
" Ferme les yeux, et imagine que tu es quelqu'un d'ordinaire…"
Gardant toujours son fils endormi tout contre lui, le guerrier ferma les yeux et se remémora alors avec amour et nostalgie la façon parfaitement charmante dont Théïa l'avait conquis…
Fin du chapitre
