La Fin est le commencement
Chapitre 12 - Une idylle ordinaire - Partie 2
Petit message pour Melior Silverdjane : Je t'adresse un petit message personnel pour te remercier pour tes reviews régulières ! ^_^ Encore merci, ça me touche énormément que tu continues de me lire !
Et non, nous ne passons pas encore à autre chose dans ce chapitre ! J'espère qu'il te plaira, autant qu'il m'a plu à écrire !
Encore merci et bonne lecture à toi ^_^
"Hanasaki no ie", les "maisons où les fleurs s'épanouissent". C'est ainsi qu'on nomme ce genre de lieu, au Wutaï.
Nichée au cœur d'une forêt située près d'un petit village de pêcheurs, non loin des rivages, cette bâtisse reculée était autrefois un refuge pour les marins en quête de réconfort après de longs voyages en mer.
Toutefois, l'avènement de la guerre sur le continent apporta un changement radical dans la clientèle. La nouvelle se propagea comme une traînée de poudre parmi les SOLDATs, qui trouvaient dans cet endroit isolé une échappatoire bienvenue à l'horreur des champs de bataille.
Après quelques heures de marche à travers les bois denses et silencieux, les deux guerriers atteignirent enfin leur destination. Cette grande demeure semblait surgir de nulle part, au beau milieu d'une étendue de conifères. Construite en pins massifs, elle affichait des lignes simples, mais élégantes, témoignant d'une architecture traditionnelle et raffinée.
À l'extérieur, des lanternes en papier suspendues aux poutres du porche se balançaient doucement dans la brise légère, diffusant une lueur tamisée dans les ténèbres de la nuit.
Les fenêtres, encadrées de bois sombre, révélaient des rideaux de soie pastel qui ondulaient délicatement avec le vent.
Malgré son emplacement reculé, la demeure dégageait une impression de confort et d'hospitalité, invitant ceux qui s'aventuraient dans ses environs à découvrir ses secrets cachés et à céder devant son charme envoûtant.
Lorsqu'ils franchirent le seuil du hall d'entrée, Sephiroth fut immédiatement frappé par l'odeur qui y régnait. Un mélange, particulièrement fort et entêtant, de parfums floraux et d'encens, flottait dans l'air.
Les murs étaient ornés de tapisseries richement brodées, représentant des scènes où des corps nus s'enlaçaient, impudiques.
Au centre du vestibule, un grand vase en céramique trônait sur une table basse, débordant de fleurs exotiques aux couleurs vives. Des lanternes accrochées au plafond finissaient de plonger la salle dans une ambiance érotique, invitant la clientèle à s'abandonner à la luxure entre les bras de leurs charmantes hôtesses.
De petites alcôves sombres aménagées le long des murs dissimulaient quelques-unes des femmes, déjà engagées dans des échanges animés avec leurs clients, attirant ainsi leur attention pour les entraîner par la suite vers les chambres à l'étage, réservées aux plaisirs plus intimes.
Derrière le comptoir d'entrée, une femme d'âge mûr interpella brusquement les nouveaux arrivants :
« Eh bien, regardez qui voilà, les filles ! »
Une autre jeune hôtesse aux formes généreuses, debout à ses côtés, ajouta d'une voix enjôleuse :
« Gen' ! Ça fait une éternité ! »
Une troisième fille renchérit :
« Tu nous manquais, tu sais !
- Ah ! Mes chères demoiselles ! Votre compagnie m'a cruellement manquée, elle aussi ! » s'écria le rouquin en levant les bras, théâtral.
Tandis que ce dernier paradait tel un prince en affichant son rictus confiant, son ami, lui, ne savait absolument plus où se mettre. Mais qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter de le suivre ? Bien sûr, Génésis avait insisté pour ne pas y aller seul cette fois. Ayant exclu Angeal, qui aurait surtout joué les moralisateurs et brisé tout élan de débauche, il s'était reporté sur Sephiroth.
De plus, le rouquin, dont la jalousie commençait déjà doucement,mais sûrement, à pointer le bout de son nez, n'avait pas résisté à la tentation de tester par l'occasion son camarade, lançant ainsi un jeu de rivalité qui allait perdurer des années.
Génésis s'approcha et fit un baisemain à l'une des gourgandines, qui gloussa de plaisir.
« Eh ! Mais dis-moi, tu nous as ramenés de la compagnie ! intervint la gérante en apercevant le SOLDAT à la chevelure d'argent, qui attendait silencieusement derrière son ami.
« Waouh ! Eh ! les filles, vous avez vu ses yeux ! s'écria une plantureuse blonde en s'avançant.
- Eh ! Mais, ça ne serait pas ce SOLDAT, celui qui a abattu des centaines de guerriers à lui tout seul ! »
La remarque fut accueillie par un frisson d'effroi qui se peignit instantanément sur les visages des jeunes femmes. Bien sûr, la plupart des clients étaient des combattants, et il était évident qu'ils n'étaient pas des saints. Cependant, aucun d'entre eux n'avait la réputation, bien méritée par ailleurs, de pouvoir anéantir seul des bataillons entiers.
« On se calme, les filles ! intervint la plus expérimentée d'entre elles. Pour nous, ici, un SOLDAT reste un homme comme un autre, peu importe ce qu'il peut accomplir sur un champ de bataille ! »
En effet, cela ne les concernait pas, surtout lorsque ces SOLDATS-là payaient le double, voire le triple de la somme habituellement requise. C'était la raison pour laquelle les guerriers, même ceux supposés être les ennemis de la région, étaient plus que bienvenus.
« Eh ! On dirait que c'est pas gagné pour toi ! Ta célébrité te précède ! » chuchota Génésis avec un sourire moqueur.
La propriétaire du lieu prit alors les choses en main. En pointant Génésis du menton, elle s'exclama :
« Allez, les filles, prenez soin de lui ! Emmenez-le boire un verre, le premier est offert, en remerciement d'avoir amené un nouveau client ! »
Le SOLDAT, chaque bras déjà enroulé autour des épaules de deux jeunes femmes aux sourires ensorcelants et aux courbes séduisantes, se laissa guider vers la salle. Sur un dernier clin d'œil, il lança à son ami :
« Allez, Sephiroth ! Pour une fois, détends-toi et profites-en ! C'est ma tournée ! »
La gérante se tourna ensuite vers lui et adopta un ton sérieux :
« Très bien, à vous, mon garçon. Je me fiche de qui vous êtes, et je me fiche de votre réputation. Cependant, je vous avertis : ces filles sont mon gagne-pain, et je ne tolérerai aucune violence à leur égard ! »
Il se contenta d'acquiescer, silencieux.
« Bien. Pour vous, il vaut mieux une demoiselle qui n'a pas froid aux yeux, je présume ! Octavia ! Viens par ici, chérie ! »
La susnommée, jusque-là penchée sur la balustrade qui longeait le couloir de l'étage et surplombait la salle, se redressa et descendit la volée de marches à leurs rencontres.
C'était une femme superbe : à peine plus âgée que lui, ses longs cheveux d'un noir de jais cascadaient dans le bas de son dos. Ses traits étaient d'une finesse saisissante, avec des pommettes hautes et des yeux d'un vert éclatant. Elle portait une robe ajustée qui soulignait gracieusement sa silhouette élancée, mettant en valeur ses courbes harmonieuses. L'expression de son visage était empreinte d'une profonde assurance et semblait refléter son absence totale de remords.
« Enchantée, SOLDAT, salua-t-elle d'une voix aguicheuse, en lui tendant la main. Je suis Octavia. J'espère que vous trouverez votre séjour ici... plaisant. »
Elle le dévisageait sans la moindre retenue, un sourire satisfait aux lèvres, comme si elle examinait un menu de choix pour la soirée. Son attitude déplut fortement au jeune homme.
« Je dois bien reconnaître que je suis plutôt ravie que les autres n'aient pas voulu de lui ! Il est carrément appétissant ! Le plus beau spécimen que j'ai eu l'occasion de prendre en charge ! »
Le terme "spécimen" actionna dans l'esprit du SOLDAT une première sonnette d'alarme, qu'il choisit malgré tout d'ignorer.
« Parfait ! Je te le confie ! J'ai d'autres clients à m'occuper ! », exposa la gérante avant de les laisser seuls.
« Envie de prendre un verre avant ? proposa la demoiselle, toujours sur ce ton enjôleur.
- Je ne bois pas d'alcool.
- Ah ! Dans ce cas, si tu ne consommes pas, autant ne pas s'éterniser en bas ! »
Sans attendre, elle saisit son bras et l'entraîna à l'étage, jusqu'à l'une des chambres, qu'elle referma soigneusement derrière eux.
Sephiroth essayait en vain de réprimer le sentiment désagréable qui l'envahissait peu à peu et qu'il n'avait pas prévu de ressentir. Le regard scrutateur de cette femme le perturbait profondément. Il avait l'impression d'être évalué comme une simple marchandise. Dans ce lieu, les émotions n'avaient pas leur place, il le savait bien depuis le moment où il avait décidé d'accompagner son ami. Mais cette froideur totale, où tout n'était que désir charnel dépourvu de toute connexion émotionnelle, le mettait considérablement mal à l'aise. Cela lui rappelait un peu trop un autre type d'endroit, et c'était précisément là que résidait le problème...
« Tu es le SOLDAT Sephiroth, c'est bien ça ? »
Octavia s'était confortablement installée sur un fauteuil de velours rouge disposé en face d'un grand lit aux draps de satin impeccable. D'un geste gracieux, elle repoussa sa longue chevelure par-dessus son épaule, puis, avec un mouvement lent et sensuel, elle fit glisser ses bas de soie le long de ses jambes, révélant ainsi un décolleté plongeant, généreusement garni.
« C'est ça, confirma-t-il.
- Ôte tes pièces d'armure et ta veste d'uniforme, s'il te plaît. Si c'est moi qui le fais, je sens que cela va prendre des heures, et ça risque de gâcher l'ambiance ! », ajouta-t-elle d'un ton taquin.
Le guerrier déglutit. Il n'était pourtant pas pudique. Toutes ces années passées sur des tables d'examen à être observé sous toutes les coutures lui avaient enlevé toute gêne. Cependant, cette situation était différente. Ou peut-être pas tant que ça. En tout cas, pas dans son esprit.
D'ordinaire, il parvenait mieux que quiconque à garder son sang-froid lorsque les circonstances l'exigeaient ! Et elles l'exigeaient souvent ! Alors qu'est-ce qui lui prenait ? Génésis n'avait aucun souci de ce genre, lui !
C'était néanmoins bel et bien le fait qu'ici, tout était calculé, mécanique, et dénué d'émotions, qui le faisait se sentir si mal, car cela lui rappelait malgré tout…
« Tu es un homme magnifique ! Je sens que je vais me régaler ! Pour une fois ! »
À ces mots, il ressentit un frisson lui parcourir l'échine. Bien qu'il fût habitué à recevoir des compliments sur son apparence et ses capacités, celui-ci résonnait étrangement, dans cette atmosphère chargée de tension feinte.
Il se départit lentement des pièces d'armure de ses épaules, puis de sa veste d'uniforme, les déposant soigneusement sur une chaise proche. Son regard restait fixé sur Octavia, scrutant chaque mouvement, chaque expression sur son visage, cherchant désespérément à déchiffrer ses intentions.
Le silence s'installa, seulement troublé par le léger bruissement du tissu et le battement de son propre cœur. Dans cette pièce feutrée, baignée dans une lumière tamisée, il se sentait à la fois observé et observateur, pris au piège d'une situation qu'il avait imprudemment acceptée.
Sans perdre une seconde de plus, la jeune femme se colla indécemment à lui et captura ses lèvres après avoir saisi sa nuque avec fermeté. C'était un baiser vorace, presque obscène, auquel il tenta de répondre avec la même férocité.
De l'expérience, Octavia en avait beaucoup. Voire beaucoup trop. Le corps masculin n'avait absolument aucun secret pour elle. Bien loin d'être farouche, elle était la fille la plus demandée parmi la clientèle de la maison. Entre ses bras, elle avait le pouvoir de transformer les hommes en doux chatons ronronnant de plaisir ou en tigre aux instincts sauvages et débridés, selon ses désirs.
Il n'y avait aucun doute qu'elle saurait dompter cet homme-là, également ! Et quelle satisfaction elle en retirerait ! Prendre le contrôle du fameux SOLDAT ! Celui qui avait réduit en cendres des plaines entières, laissant derrière lui un nombre incalculable de cadavres de guerriers Wutaïens ! Oui, cette idée flattait son ego démesuré !
Très vite, ledit guerrier sentit la demoiselle détacher les attaches de son pantalon avec une adresse toute particulière. Ses mains s'activèrent alors avec aisance et dextérité sur cette partie sensible de son anatomie, qui se mit à réagir, bien malgré lui.
Entre deux baisers, il l'entendit pousser un « Oh ! Oh ! » suggestif, qui l'aurait presque fait sourire s'il n'avait pas désespérément été en train de…de quoi, au juste ? Bon sang, il était sur le point de perdre sa virginité avec une femme sublime ! La plupart des hommes tueraient pour être à sa place !
Le pauvre était partagé entre le plaisir des sensations que lui procurait la jeune fille, et son esprit, qui lui sommait d'arrêter cette stupide comédie tout de suite !
Après tout, si Angeal n'avait pas été informé de leur petite escapade nocturne, il y avait certainement une bonne raison ! Il était sûr que si leur aîné le découvrait, son compère et lui se retrouveraient sûrement bons à subir un sermon sévère ! Il avait ses principes, Angeal, des valeurs de droiture et d'honneur bien ancrées en lui ! Il détestait voir les femmes traitées comme de simples objets, à la merci des pires perversions pour une poignée de Gils…
Après l'avoir fait s'asseoir sur le rebord du lit, Octavia était maintenant à genoux devant lui et avait cru bon, sûrement à juste titre, d'ajouter sa bouche à ses mains. Après un long moment à lui prodiguer cette agréable torture, la jeune femme s'exclama avec ferveur :
« Et bien ! Tu as une sacrée endurance ! Je vois que tu n'as pas encore atteint tes limites… »
Cette phrase lui fit brusquement l'effet d'un électrochoc. Dans sa tête, une autre voix, beaucoup moins séduisante, se superposa à celle de la prostituée :
« Supporte la douleur, Sephiroth. Tu n'as pas encore atteint tes limites. Plus tu résisteras, plus tu gagneras en force ! Eh ! Eh ! Eh ! »
La voix de Hojo.
Des rapports mécaniques, uniquement biologiques, dénués d'émotions, qui lui rappelaient inconsciemment les laboratoires. Il détestait ça.
Soudain, il repoussa la jeune femme d'un geste un peu brusque.
« Qu'est-ce qu'il te prend ? s'écria-t-elle, visiblement surprise.
- Ça suffit. On va s'en tenir là », répondit-il fermement, alors qu'il se levait pour rajuster rapidement son pantalon et saisir son trench sur la chaise.
- S'en tenir là ? Tu plaisantes ! On vient juste de commencer ! » répliqua-t-elle, indignée par son refus.
Il ignora sa remarque et continua de se vêtir, ajustant sa ceinture et ses épaulières avec soin.
« Ah, je vois, tu préfères les hommes, c'est ça ? » ajouta-t-elle, narquoise.
Un demi-sourire se dessina sur les lèvres du guerrier, amusé par la conclusion qu'elle tirait de son comportement. Il ne prit pas la peine de nier. Après tout, elle pouvait bien croire ce qu'elle voulait. Néanmoins, mieux valait qu'elle n'ébruite pas l'affaire aux oreilles de son meilleur ami, sans quoi il était bon pour supporter ses moqueries pendant des mois !
Du coin de l'œil, il la vit sortir un paquet de cigarettes d'un tiroir de la table de chevet. Elle l'alluma tout en se posant sur son fauteuil, jambes croisées, tandis qu'il déposait une liasse de billets sur le buffet à côté de la porte.
« Ton ami a déjà payé, tu sais ! fit-elle en crachant sa fumée.
- Je sais. Prends ça comme un supplément. En échange, je compte sur toi pour ne pas ébruiter à ses oreilles ce qu'il vient de se passer…
- Je vois. Ne t'inquiète pas, je me ferais un plaisir de raconter comment le SOLDAT le plus puissant de ce monde est devenu aussi docile qu'un agneau entre mes cuisses ! » termina-t-elle en le taquinant.
Avant qu'il sorte, il l'entendit se plaindre une dernière fois :
« Un si bel homme, gay ! Quel gâchis ! Si jamais tu vires de bord, repasse me voir mon beau ! »
Il avait quitté cet endroit sans se retourner. Le lendemain, après avoir cuvé sa cuite, Génésis était venu lui demander comment ça s'était passé, goguenard. Il avait rétorqué que dorénavant, lui, n'aurait plus besoin de ça pour "lever les donzelles". Son meilleur ami avait paru vexé…
Théïa, toujours assise, le menton posé dans ses mains en coupe, avait écouté avec attention Sephiroth lui retracer ces événements de son passé.
« C'est là que tu as grandi ? Dans les laboratoires ? » demanda-t-elle, mi-curieuse mi-horrifiée.
Il hocha la tête. Le visage penché, en partie dissimulé par ses mèches de cheveux, son regard était resté absent tout au long de son récit.
« Et…tes parents ? poursuivit-elle, consciente que cette question pouvait être délicate.
- Ma mère est morte à ma naissance. Quant à mon père… »
Un rire nerveux s'échappa soudainement du jeune homme, presque malgré lui.
« Pourquoi ris-tu ? s'enquit-elle, perplexe.
- Ce n'est rien. Mon père n'a été qu'un géniteur, en réalité. »
Théïa préféra ne pas insister. Elle percevait la délicatesse du sujet et jugea qu'il était peut-être préférable de ne pas en parler davantage pour le moment.
« Mais, du coup, tu l'es ? changea-t-elle volontairement de sujet.
- De quoi ? répondit-il, perplexe.
- Eh bien, gay ? »
Il laissa échapper un petit rire, secouant la tête en signe de négation. Il n'avait même jamais eu besoin de se poser réellement la question. Après toutes ces années passées à partager des douches avec d'autres hommes, il n'avait aucun doute sur ce point.
« Quoi ? Je demande juste ! » se défendit-elle.
Un bref silence envahit la petite chambre.
« Mais…c'était il y a plusieurs années…tu n'as jamais cherché à…je veux dire, toutes les femmes te courent après ! s'étonna-t-elle, cherchant à comprendre.
- Elles ne me courent pas après, elles courent après ma notoriété. C'est une chose bien différente. Elles me voient comme une icône, celle qu'a façonnée et entretenue la Shinra pour de la pure propagande », répliqua-t-il, sa voix teintée d'une pointe de résignation.
La jeune femme était à deux doigts de lui rétorquer que, vu son corps de demi-dieu, ça n'était certainement pas qu'après sa notoriété que les demoiselles devaient courir. Néanmoins elle se ravisa et préféra observer avec empathie :
« Ça ne doit pas être toujours facile, d'être qui tu es. Ça doit même être plutôt pénible, en fait.
- Je ne l'ai pas choisi. Enfin, pas vraiment. Je ne voulais pas de cette vie-là. Quand j'étais enfant, tout ce dont je rêvais, c'était d'une vie normale…ordinaire… » révéla-t-il, laissant entrevoir une vulnérabilité rare.
Sa longue confession plongea Théïa dans un profond sentiment de culpabilité. Elle réalisa qu'elle aussi l'avait mal jugé. Pour elle, comme pour tout le monde, le guerrier paraissait invincible, sans défauts. Elle n'avait jamais envisagé qu'il puisse souffrir de traumatismes, liés à la façon apparemment inhumaine dont il avait été élevé, et que cela avait pu entraver sa vie intime.
« Ma clé maintenant, s'il te plaît. »
La main tendue vers elle, il attendait.
Une vie ordinaire, avait-il dit. En un instant, une idée germa dans l'esprit de la jeune femme. Toujours assise sur le rebord du lit, elle releva son regard vers lui.
« Attends. Je vais te la rendre. J'ai juste un dernier service à te demander… »
Il haussa un sourcil, visiblement sceptique.
« Une toute dernière requête ! Je ne ferai rien ! Promis ! Tout ce que je veux que tu fasses, c'est que tu fermes les yeux, et que tu imagines, en écoutant ma voix. Tu vois, ce n'est pas bien difficile ! Même quelqu'un comme toi doit avoir de l'imagination, non ? »
Un soupir s'échappa des lèvres du guerrier. Puis, il abaissa lentement sa main, et elle le vit fermer ses paupières.
« Très bien. Alors…imagine. Imagine que tu es quelqu'un de parfaitement ordinaire. Un jeune homme, comme il y en a tant dans ce monde. Tu n'es pas un SOLDAT. Tu ne sais pas te battre. Tu ne sais même pas utiliser une Matéria, et les armes, c'est pas ton truc ! Non, toi, ton truc c'est…c'est… »
Tandis qu'elle cherchait un passe-temps qui pourrait lui correspondre, il ajouta :
« Les livres ?
- Oui ! Oui ! Les livres ! Tu travailles dans une petite librairie, même pas à Midgar, mais à Kalm. Midgar, tu n'y as jamais mis les pieds ! Et personne ne fait jamais attention à toi. Tous les soirs, après ton travail, tu as pour habitude de passer dans un petit troquet, au coin de la rue, pour prendre un thé bien chaud avant de rentrer chez toi. Il se trouve que, moi aussi, je suis une fille complètement banale. Je travaille depuis quelques semaines seulement dans ce bistrot, comme serveuse. Et je n'ai pas pu m'empêcher de te remarquer. Parce que, tu comprends, tu as beau être complètement banale, tu n'en gardes pas moins un certain charme… »
Tout en l'écoutant, il la percevait gesticuler dans la pièce. Il ne savait pas trop pourquoi. Au bout de quelques secondes, elle se rassit.
« Ce soir-là, la pluie diluvienne t'a retenu au café jusqu'à sa fermeture. Nous nous sommes donc retrouvés tous les deux dehors, sous l'averse. Nous avons échangé quelques mots, comme le feraient deux jeunes personnes ordinaires de notre âge. Comme j'habite juste à côté du café, je t'ai proposé de venir chez moi pour t'abriter en attendant que l'averse cesse. Tu as accepté. Parce que tu vois, toi aussi, tu me trouves plutôt jolie ! J'ai les cheveux longs. Très longs, et je suis plutôt féminine ! »
Souvent, elle regrettait d'être contrainte de maintenir cette apparence triste et austère de garçon. Elle se remémorait ses longues boucles rousses qui cascadaient dans son dos quand elle était plus jeune. Devoir conserver cette allure masculine, quel qu'en soit le prix, la frustrait. Elle aurait tellement aimé pouvoir se promener habillée comme n'importe quelle autre fille ! Avoir un petit ami, pouvoir se balader main dans la main… Faire des choses de son âge…
Parfois, le poids des choix qu'elle avait faits en rejoignant AVALANCHE devenait écrasant. Elle aussi, elle ferma les yeux et s'évada dans son imagination :
« Nous nous sommes donc retrouvés dans ce minuscule appartement que je loue sous les toits, à Kalm. C'est tout petit, mais plutôt chaleureux. Nous avons simplement discuté, apprenant à nous connaître. Toi, passionné de livres, moi, adepte des puzzles ! Nos intérêts se complètent plutôt bien ! On a bu un chocolat chaud. Je suis très douée pour préparer le chocolat chaud ! En plus, je mets plein de marshmallow dessus ! Tu sais, ceux qu'on trouve dans les boutiques à Junon ! Quand la pluie a cessé, tu es reparti. Nous nous sommes dit "à demain, au café !" et... et…rien de plus… mais c'est sans doute le début d'une belle histoire… »
En imaginant cette vie idéale, ordinaire, la jeune femme sentit sa gorge se serrer dangereusement. Préférant ne pas s'attarder sur ces pensées, elle décida de s'arrêter là.
« Tu peux ouvrir les yeux… » annonça-t-elle doucement.
Debout face à lui, elle s'était changée et avait enfilé le sweatshirt à l'imprimé militaire avec lequel elle était arrivée au motel. Trop large pour elle, il lui tombait en bas des cuisses. Devant le regard surpris qu'il lui lança, elle ajouta :
« Oui, j'ai cru comprendre que tu n'aimais pas ma robe, alors je me suis changée pendant que tu fermais les yeux… »
Elle lui tendit la carte, coincée entre deux de ses doigts.
« Tadam ! Voilà ta clé ! »
Il la récupéra tandis qu'elle retourna s'asseoir sur la chaise, près de la table avec le puzzle.
« Je suis désolée pour…pour tout ça, s'excusa-t-elle finalement. Fais comme s'il ne s'était jamais rien passé, tu veux bien ? »
Elle s'empara d'une pièce du jeu et fit mine de se concentrer.
Il s'avança vers la porte, posa sa main sur la poignée. Puis, après un moment de réflexion, il se ravisa. Lui aussi en avait marre de cette vie. Marre de la Shinra. Marre d'être adulé. Marre d'être seul. Une vie normale. C'est tout ce dont il rêvait.
« Ton histoire. Elle m'a plu, avoua-t-il à voix basse. C'est…le genre de vie dont j'aurais pu rêver…
- Oui, moi aussi… » répondit-elle, sa voix légèrement étranglée par l'émotion.
Elle renifla et il la vit s'essuyer le coin des yeux du revers de sa manche.
« Tu aurais pu. Devenir serveuse…
- Peut-être. Mais ça paie moins… » mentit-elle, avec un sourire triste.
Non, elle n'aurait pas pu. Parce qu'elle avait choisi de s'engager pour une cause bien plus importante.
Il sentit un pincement au cœur en la voyant sourire de cette façon. Il demeura un instant immobile, hésitant entre partir et rester. Puis, il prit une décision.
« Tu sais, j'ai un peu de temps devant moi. Il pleut. Et…quand j'étais tout petit, j'étais plutôt doué pour ce genre de jeu, alors, si tu acceptes, je peux rester un peu…proposa-t-il timidement.
- Quand tu étais tout-petit ? Tu n'en as plus refait depuis ?
- Non, admit-il avec un soupçon de gêne.
- D'accord, et c'était combien de pièces ? Cinquante ?
- Deux-mille… » avoua-t-il.
Elle resta coite, surprise par la réponse.
« Tu faisais des puzzles de deux mille pièces, tout-petit ? s'exclama-t-elle, incrédule.
- Je te l'ai dit, j'étais plutôt doué… » dit-il avec un sourire en coin.
Elle éclata de rire. Ce rire franc qui lui donnait des petites fossettes au creux de ses joues, et qu'il aimait beaucoup.
« Très bien, assieds-toi dans ce cas ! » dit-elle en lui indiquant une chaise.
Il s'installa à côté d'elle. La tension qui avait plané entre eux semblait s'être dissipée, remplacée par une légère atmosphère de complicité.
Ils commencèrent à assembler les pièces, échangeant parfois quelques mots :
« Tu sais, je crois que c'est la première fois que je te vois habillé autrement ! » fit-elle remarquer.
Il sourit légèrement. Il avait attaché ses cheveux en catogan, ce qui lui permettait de les dissimuler plus aisément sous la capuche du sweatshirt noir qu'il portait, associé à un simple treillis noir. Malgré l'absence de son uniforme habituel, son charisme naturel était toujours perceptible, même dans cette tenue plus ordinaire.
« Mon uniforme ne passe pas vraiment inaperçu. Il valait mieux que je porte des vêtements plus banals pour venir. » confia-t-il, son regard concentré sur le jeu.
Parfois, ils se laissaient simplement emporter par le calme de l'instant. Au fur et à mesure que le puzzle prenait forme, une sensation de satisfaction grandissait en eux. Ils se sentaient connectés d'une manière nouvelle, partageant un moment simple mais significatif.
Lorsqu'ils terminèrent le jeu, une image complète s'étala devant eux, symbolisant bien plus que les morceaux assemblés. C'était comme si, à travers ce puzzle, ils avaient commencé à reconstruire leurs propres vies, une pièce à la fois.
Ils se regardèrent, un sourire complice illuminant leurs visages. Ils réalisaient que peut-être, ensemble, ils pourraient trouver le bonheur qu'ils avaient tant cherché, cette vie ordinaire, loin des tracas de la Shinra et des attentes de la société.
Et à cet instant, alors que la pluie continuait de tomber à l'extérieur, ils savaient tous les deux que quelque chose de nouveau, quelque chose de spécial, venait de naître entre eux.
Malheureusement, les meilleurs choses doivent toujours prendre fin, et, après un long moment, Sephiroth annonça calmement :
« Je vais devoir y aller. Je dois partir pour Junon d'ici quelques heures. »
Il se leva, et elle fit de même, l'accompagnant jusqu'à la porte. Avant de la quitter, il murmura, un peu incertain :
« Est-ce que… Est-ce qu'un homme ordinaire t'embrasserait, avant de partir ? »
La question la prit un peu par surprise.
« Je… S'il en a envie, j'imagine que oui… » répondit-elle, un léger sourire aux lèvres.
Il hésita quelques secondes, puis se rapprocha lentement d'elle, son regard plongé dans le sien. Une douce tension électrique planait dans l'air, amplifiée par le clapotis de la pluie contre les fenêtres.
Soudain, il effleura sa joue du bout des doigts, un geste empreint de douceur et de retenue. Puis, sans un mot de plus, il s'approcha et déposa un léger baiser sur ses lèvres, un baiser chargé de promesses et d'incertitudes, mais aussi d'un désir ardent pour ce qui pourrait être.
Leurs cœurs battaient à l'unisson, synchronisés dans ce moment suspendu, comme si le temps lui-même avait décidé de s'arrêter pour leur permettre de savourer cet instant fugace. Et alors qu'ils se séparaient, leurs regards se croisèrent à nouveau, remplis d'une compréhension mutuelle et d'une connexion profonde.
« À bientôt », prononça-t-elle calmement, un magnifique sourire illuminant son visage.
Il lui rendit son sourire. Avec un dernier regard chargé de promesses, il franchit le seuil et s'éloigna dans la nuit, laissant derrière lui un sentiment d'anticipation et d'espoir pour ce qui pourrait être à venir.
À suivre
