Écrit par HateWeasel
390. Bien choisir ses mots.
- Jésus veut un câlin ! cria Alois en pointant du doigt par le hublot de l'avion alors que l'atterrissage pour Rio de Janeiro avait commencé.
Un énorme sourire était dessiné sur son visage et il bondissait presque avec enthousiasme.
- On doit faire une photo de Ciel, Alois et la statue de Jésus, dit Daniel en regardant le sol se rapprocher.
- Oui, suce jusqu'à l'os les "démons" aussi, pendant que tu y es, dit Ciel en feignant le désintérêt.
Il reçut un regard neutre de la part du Westley.
- Je ne suce aucun démon, je te signale, dit le garçon et le Phantomhive introduisit la paume de sa main contre son front.
Le soleil s'était déjà couché sur la ville, mais elle était toujours aussi animée et illuminée, rien à voir avec Londres. Malgré cela, les plans de Daniel pour aller en boîte ce soir tombèrent à l'eau à cause du temps qu'il leur fallut pour se rendre à l'hôtel. Le bâtiment était grand ; plus grand que les maisons Phantomhive et Hellsing combinées ; et le fait qu'il y ait plusieurs ascenseurs était une bénédiction pour les garçons. Ils étaient tous, à part les démons, complètement et totalement épuisés, bien qu'ils soient juste restés assis dans un avion en discutant pendant des heures. Certains d'entre eux avaient eu la chance de pouvoir dormir un peu durant le vol, mais en arrivant dans leur chambre, ils s'écroulèrent tous.
Ironiquement, Daniel était le plus fatigué d'entre eux ; au point où il se contenta de jeter ses chaussures dans un coin pour aller dormir. Il avait affirmé qu'il déférait sa valise et se doucherait le lendemain matin, mais les autres remettaient un peu cette affirmation en question. Les humains se dirent bonne nuit avant de vaquer à leur routines vespérales respectives. Ils avaient chacun leur propre chambre, à l'exception des deux démons, étant donné qu'Alois avait insisté pour en partager une avec Ciel. Le bleuté ne s'en importunait pas, puisqu'il voulait lui aussi que le blond reste avec lui. Lorsqu'ils fermèrent enfin la porte et se mirent à défaire leurs affaires, Alois aborda quelque chose qui le chiffonnait depuis qu'ils étaient arrivés.
- Bon, allez, dit-il et son partenaire le regarda d'un air confus. Qu'est-ce que tu as ?
- Que veux-tu dire ? demanda Ciel en levant un sourcil.
Alors, le blond sourit.
- Tu es tout sourire depuis qu'on est arrivé à l'hôtel, répondit Alois. Qu'est-ce qui te mets de si bonne humeur ?
Par reflex, l'autre garçon couvrit sa bouche afin de cacher son expression, puis il finit par reporter son attention sur sa valise.
- Ce n'est rien, dit-il. C'est étrange.
- Qu'est-ce qui est "étrange" ? demanda le blond, se rapprochant pour mettre ses mains autour de la taille de l'autre garçon derrière lui. Ça a un rapport avec un meurtre ?
- Peut-être, dit Ciel. Tu vois ? Les gens normaux ne sourient pas pour ce genre de choses.
- Et ? Tu n'es pas quelqu'un de normal, répondit son bien-aimé. Tu es l'Inspecteur en chef Sir Dr Ciel Phantomhive ; le Chien de Garde de la Reine ; le défendeur de la couronne ! Tu es bizarre. Ça fait partie de ton charme. Faut t'y faire.
Le blond sourit encore plus en entendant un ricanement s'échapper de son compagnon.
- Je suppose que oui, songea le Phantomhive. En fait, il y a eut un certain incident ici dans cet hôtel qui a impliqué H.E.L.L.S.I.N.G. Ils ont eu beaucoup de mal à faire disparaître l'affaire des médias. Mais c'est tout de même passé dans l'actualité.
- Ooooh~! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Alois, relâchant l'autre garçon avant de retirer ses chaussures pour s'asseoir sur le lit.
- Sommes-nous passés à un "cours d'histoire" ? demanda Ciel en observant l'autre garçon croiser les jambes de manière puérile.
- Eh ouais, mon cochon.
- Ne parle pas comme ça, dit le bleuté en essayant de ne pas rire face aux pitreries du Macken.
Il marqua une pause un instant avant de trouver par où commencer.
- Tu te souviens d'Alucard, n'est-ce pas ? demanda-t-il, et il reçut un hochement de tête.
- J'ai entendu parler de lui, répondit Alois. La meilleure arme de H.E.L.L.S.I.N.G, l'origine de tous les vampires, celui qui a transformé Seras, et dont le nom veut dire "Dracula" à l'envers ?
- Lui-même, dit Ciel en prenant place sur le lit à son tour. Il a disparu durant l'attaque de Millennium sur Londres ; celle où j'ai trouvé le Livre d'Akeldama en fouillant les débris une fois qu'elle fut terminée.
- Et il était ici dans cet hôtel ? demanda le blond.
- Oui, et c'était sur le toit de cet hôtel qu'Alucard a découvert qui était Millennium, répondit Ciel. Seras et lui étaient ici en mission pour trouver des informations sur Millennium. Ils avaient été aidé par Iscariot, la plus puissante organisation anti-monstre dans la plupart des pays où le Catholicisme est populaire...
- ... Et la raison pour laquelle tu es banni d'Italie, continua Alois. Bref, et Alucard ? Qu'est-ce que cette mission a à voir avec des meurtres ?
- Il y a eu un bain de sang dans cet hôtel, dit le Phantomhive d'un air qui donnait l'impression qu'il arrivait à la meilleure partie. Millennium a corrompu les chefs de police locaux en leur promettant l'immortalité, et Alucard et Seras ont été accusé d'être de potentiels terroristes. Alors, lorsque tu es "Dracula", et que la police locale envoie des équipes du S.W.A.T contre toi, qu'est-ce que tu fais ?
- Je les bute, bien sûr.
- Ah, mais c'est trop simple pour Alucard, reprit Ciel. Il les a massacré. L'un d'eux s'est apparemment donné la mort à cause de la terreur qu'il a éprouvé en voyant Alucard tuer ses coéquipiers. Il a tué les deux premières équipes comme ça. La dernière a été décimé lorsqu'il les a jeté dans les air pour les empaler sur les mâts dehors alors que des témoins étaient présents.
- Tu déconnes... dit le blond.
- Non, affirma son bien-aimé. C'est arrivé. Tu peux demander à Seras ou Integra, si tu veux.
- Ça ira, répondit Alois. Quelle horrible personne.
- Oui. C'est un monstre, dit Ciel. Un monstre en chair et en os, et pour être tout à fait franc...
Il marqua une pause un moment.
- ... Il me terrifie, conclut le bleuté en regardant ses mains alors qu'il les fermait et les rouvrait sur ses cuisses. Je n'avais jamais vu une telle personne auparavant, et c'est bien le seul.
C'était véridique. Alucard était un vampire, il pouvait très bien vaincre le démon en combat, et il aurait bien voulu tenter. Sa disparition avait aidé le bleuté à se sentir plus à l'aise dans les quartiers de H.E.L.L.S.I.N.G. C'était le même type d'inconfort que le Phantomhive ressentait vis-à-vis des démons de la Black Annis, mais maintenant, le garçon reconnaissait réellement que ce qu'il expérimentait était de la peur.
Il repensa à l'enveloppe rouge qui lui avait été confié par Lilith. Son visage blêmit à l'idée de devoir confronter les démons dans leur propre territoire. Mais avait-il un autre choix ? Ils avaient menacé de s'en prendre aux Sept Sensationnels, après tout. Pire encore, ils avaient sous-entendu qu'ils tenteraient de s'en prendre à la maison Phantomhive s'il n'acceptait pas. Et ils en avaient les moyens. Il ne savait pas quels genre de tours ils avaient dans leur sac, mais il était certain qu'ils accableraient Sebastian si le pire scénario devait se réaliser. Ciel ne pouvait pas laisser une telle chose se produire. Il les en empêcherait. Mais même après plus d'un siècle sur Terre, l'idée de cesser d'exister effrayait le garçon.
- Eh, dit une voix, faisant sursauter le bleuté.
A son grand soulagement, il ne s'agissait que d'Alois, et pas de la silhouette qui hantait sans cesse ses rêves.
- Tu vas bien ? demanda le blond en mettant une main sur la joue du Phantomhive.
L'inquiétude habillait son visage alors qu'il examinait celui de son bien-aimé. Le bleuté baissa l'œil un instant avant de croiser à nouveau le regard du garçon.
- Oui, dit Ciel. Je vais bien.
Mais il fallait s'y attendre, le blond ne le crut pas.
- C'est à cause de ces rêves ? demanda Alois en mettant les mèches foncées du garçon derrière son oreille.
- Un peu, répondit le Phantomhive en hochant la tête.
- D'accord, commença Alois. Je pense que tu devrais m'en parler.
- Jim, je t'ai déjà dis que j'ai besoin de plus de temps pour y réfléchir, dit Ciel. Je ne sais pas comment l'expliquer...
- On s'en fiche de la clarté. Il y a juste besoin de matière, répondit le démon blond. Peu importe de quoi il s'agit, ça te rend dingue. Je le vois dans la manière que tu as de phaser en y pensant, tu as un air malade.
- Vraiment ?
- Ouais, un peu.
- Je ne vois toujours pas en quoi ça peut aider... protesta le bleuté.
- Dans ce cas, ne le fais pas pour toi, mais pour moi, dit Alois. Je veux t'aider, mais je ne sais pas comment faire à moins que tu me dises quel est le problème.
- Comment cela pourrait-il être pour "toi" ? demanda Ciel, sa voix montant inintentionnellement d'un cran.
- Parce que je veux savoir ! répondit son bien-aimé, ajustant son ton.
- Jim, tu ne comprends pas-
- Je veux comprendre ! dit Alois. Pourquoi est-ce que tu ne me laisses pas ?
Ciel fronça les sourcils. Il observa le visage de l'autre garçon dans l'espoir de trouver quelque chose à dire, quelque chose à faire remarquer, une répartiEE ; quoi que ce soit. Mais il n'y avait rien. Il n'y avait qu'Alois, celui qu'il cherchait désespérément à protéger. Il n'y avait rien qu'il puisse dire au garçon pour le convaincre. Il n'y avait pas de contestation, ou de paroles philosophiques qui pourraient persuader le garçon. Alois avait raison, et Ciel le savait. Le seul problème était que Ciel ne voulait pas reconnaître ce fait. Alors que pouvait-il faire ? Le garçon se leva et remit ses habits en place.
- Je... Je dois me changer les idées, murmura-t-il en se mettant à marcher vers la porte.
- Ciel... l'appela le blond. Ciel, attends !
Rien. Ciel continua à avancer, faisant de son mieux pour ignorer l'autre garçon. Les implorations du Macken lui faisaient mal au cœur, mais il ne pouvait pas revenir en arrière maintenant. Il ne pouvait pas faire face au garçon maintenant, comme il ne pouvait pas se faire face à lui-même. Surprenamment, cependant, il n'eut pas d'autre choix.
L'arrière de son col fut attrapé et il fut brusquement tiré par la menace blonde, et le Phantomhive tituba en arrière avant de tomber sur le bord du lit. Ciel tenta de se rasseoir, mais il fut de nouveau poussé par son bien-aimé alors qu'il l'empêchait de partir, étant juste au-dessus de lui sur ses mains et ses genoux. Ce n'était pas ce qui choquait Ciel, cependant. C'était l'air grave, en colère et à la fois inquiet de l'autre garçon qui fusillait le bleuté du regard. Voilà ce qui blessait réellement Ciel. Quoi qu'il en soit, cela n'avait rien de comparable aux poignards qui sortirent de la bouche du garçon.
- Pourquoi est-ce que tu t'enfuis ? demanda Alois. Tu t'enfuis tout le temps dès que quelque chose ne va pas.
- Lâche-moi, Jim... dit le Phantomhive en poussant légèrement les épaules du blond.
Ses protestations ne firent qu'empirer les choses.
- Non ! Pas avant que tu écoutes ce que j'ai à dire ! aboya l'autre démon.
Il était en colère, Ciel le voyait. Qui plus est, il était, aussi, blessé, ce qui était encore pire. Le bleuté détendit sa prise sur les épaules du garçons, l'œil écarquillé, et fit ce qui lui était demandé. Alois fronça les sourcils, attrapant les poignets du garçon pour les coller au matelas.
- Tu ne veux jamais écouter quand je veux t'aider. Tu ne laisses personne t'aider ! accusa-t-il d'un ton contrarié. Tu dis que tu me diras ce qui ne va pas, mais tu te contentes de fuir à chaque fois ! Et je te laisse faire ! Je veux t'aider à ta manière, mais ta manière ne marche pas, Ciel !
Il marqua une pause, s'attendant à une protestation, mais il n'y eut rien. Le garçon en-dessous de lui ne dit rien. Ciel ne put que fixer la menace et encaisser ses mots. Néanmoins, le blond reprit, son ton s'adoucissant.
- Je ne comprends pas, dit Alois. Je sais que tu as peur, et que c'est dur quand tu as peur, mais... pourquoi... s'estompa-t-il.
C'était la première fois jusqu'à présent dans la discussion que ses yeux osèrent se détourner de celui de son prisonnier.
- ... Pourquoi est-ce que tu ne me fais pas confiance ? demanda-t-il doucement. Tu ne me fais jamais confiance pour ce genre de choses... Je t'ai fais confiance... C'est comme ça... que j'ai réussi à me regarder à nouveau dans le miroir... C'est comme ça...
La voix d'Alois se mit à craquer.
- C'est comme ça que tu as réussi à me soigner, dit-il.
Ciel jura sentir son cœur se briser à ces paroles.
- Jim... chuchota-t-il.
- Je suppose que c'est juste à sens unique... reprit Alois. Je te faisais confiance, mais pas toi... C'aurait dû être évident, hein ? Tu ne m'as jamais fait confiance pendant les missions, depuis le début. Comment tu pourrais me faire confiance avec ton cœur ? Je suis juste trop incompétent, pas vrai ?
- Jim...
- Je suis un idiot, pas vrai ? C'est vraiment risible, pas vrai ? demanda le blond, sa voix devenant de plus en plus forte, surprenant le garçon en-dessous de lui.
Ciel se mit à le repousser, mais ses poignets étaient coincés.
- Jim, appela-t-il, espérant ramener le garçon à ses sens.
Il voulait le toucher, le calmer, faire n'importe quoi pour lui rappeler qu'il l'aimait.
- J'ai t'ai fais confiance pour tout, Ciel ! cria Alois. Mon cœur, mes sentiments, mon nom ! Tu ne m'as jamais fait confiance pour quoi que ce soit ! J'ai déjà vécu ça, Ciel ! C'est comme avec Claude !
- Jim ! cria Ciel à son tour.
- NE M'APPELLE PAS "JIM" !
Ainsi, Ciel fit un dernier mouvement, libérant ses poignets tout en envoyant malencontreusement l'autre garçon en arrière alors qu'il se rassit. Alois tomba sur une valise sur le lit puis à terre dans un bruit sourd. Il atterrit sur son dos, tendant heureusement assez ses muscles pour empêcher sa tête de toucher le sol.
Ciel était pétrifié. Il regardait le blond se rasseoir. Le bleuté voulait désespérément dire quelque chose ; n'importe quoi ; mais il ne trouvait plus sa voix. Sa gorge était complètement nouée alors qu'il regardait l'autre garçon essayer de retrouver une position debout, les yeux du blond ne quittant jamais le sol. Rassemblant tout son courage, le Phantomhive tendit la main.
- Jim-
- Arrête... l'interrompit Alois en levant une main. Ne m'appelle pas comme ça... ajouta-t-il à voix basse.
Il se mit ensuite à ouvrir sa valise pour y chercher quelque chose.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda le bleuté.
- Je vais prendre une douche, dit le blond en prenant rapidement ce dont il avait besoin, oubliant au passage des choses nécessaires comme un shampoing, mais lorsqu'il s'en rendit compte, il s'en ficha.
Il voulait juste être seul, pour une fois.
Alois marcha péniblement vers la salle de bain et referma la porte derrière lui, ne regardant pas une seule fois le bleuté. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas voir le visage du garçon par peur de lui pardonner. Le blond aurait pu le faire, qui plus est, étant donné que l'expression de Ciel disait tout ce que sa voix n'arrivait pas à formuler. Sa bouche était resté ouverte avec incrédulité face à ses actions et son œil reflétait la culpabilité qu'il ressentait. La dernière chose qu'il voulait était que le blond soit blessé d'une quelconque manière, et il venait d'en être coupable.
