Chapitre 7 :

— Vous couchez avec Graham ?

Regina soupira et poursuivit sa remise de bas. Emma regarda attentivement pendant quelques secondes les gestes élégants de la brune qui se rhabillait. Cette dernière ne prit pas la peine de lui répondre par ailleurs.

— Vous couchez avec le chef de la police ? Réitéra-t-elle.

— Alors, Swan. Je suis peut-être à vos yeux une... comment dites-vous déjà… « une croqueuse d'hommes » mais je fais absolument ce que je veux pendant mes jours de congés, pendant mes pauses, les moments durant lesquels je ne travaille pas, sans avoir à subir vos interrogations. Je n'ai aucun complexe. Je ne me sens pas plus sale qu'une autre femme et si la réponse à votre question vous aidera à mieux dormir et digérer la pilule de votre tromperie alors oui, Miss Swan, je couche avec Graham. Régulièrement. C'est le plus doué sur lequel je suis tombée donc je le garde. Vous souhaitez sans doute d'autres détails ?

Emma grimaça.

— Beurk, non merci…

Regina se redressa et enfila ses talons noirs avant de lisser le devant de sa robe, devant le miroir. Elle rangea quelques mèches rebelles derrière son oreille puis se retourna vers Emma.

— Bon, bonne journée je présume Miss Swan.

— Eh eh eh ! Attendez ! La retint la blonde. Je… Enfin merci, pour m'avoir trouvé un lieu où dormir cette nuit. J'étais un peu perdue suite à tout ce que vous m'avez dit. Mais finalement c'est une délivrance je pense. Et aussi, pardon d'avoir déboulé à n'importe quelle heure dans votre bureau pour vous porter des accusations qui n'avaient pas lieu d'être.

— J'accepte vos remerciements et vos excuses.

— J'ai embrassé votre sœur.

Elle s'en mordit la langue directement, à sang. Devant l'air extrêmement surpris de Regina, elle reprit de vitesse pour se justifier.

— Enfin euh, on a un peu bu, j'ai voulu l'embrasser et elle s'est rétractée je crois. Mais je préfère être complétement honnête avec vous.

— Pour quelle raison ?

« Bonne question » pensa Emma sans pour autant répondre.

— Miss Swan, vos attirances et vos décisions en dehors du poste ne me concernent absolument pas et je ne m'en mêlerai pas. Pourquoi vouloir être honnête avec moi sur ce point ?

— Pfiou, pour être honnête j'en ai aucune putain d'idée.

Un silence s'installa.

— Bon, et bien si vous le permettez donc, Miss Swan, je vais disposer. Je pense que vous trouverez le chemin de la sortie toute seule.

— Attendez, j'ai une question importante. Pourquoi m'avoir dirigé chez votre sœur hier ? Je ne pouvais pas aller directement chez vous ? C'est trop petit ? Vous aviez de la compagnie c'est ça ? Ou juste un plan ?

— Une question importante mmh ? Parce que Miss Swan, personne ne dort ou ne vient jamais chez moi. Vous pensez que c'est pour quelle raison au juste que je me déplace un dimanche matin pour une partie de jambes en l'air ? Bien que vous me soyez fort sympathique, vous ne dérogerez pas à la règle.

— Vous aviez surtout peur de ce qui aurait pu se produire non ?

Regina arqua un sourcil en la regardant fixement.

— Je crains de ne pas comprendre où vous souhaitez en venir Miss Swan.

Emma soupira et fit un pas en avant, se rapprochant dangereusement de Mme Mills qui ne broncha pas d'un centimètre, comme pour une espèce de défi qu'elle aurait accepté.

— Je veux dire que… je vous ai tapé dans l'œil et que vous n'auriez sans doute pas pu vous retenir.

— Me retenir ? Fit Regina en explosant de rire. Vous plaisantez j'espère Miss Swan. Pensez-vous sincèrement que je manque de relations sexuelles ? Non, écoutez, je ne me bats pour rien et personne. J'attends et on me sert. Alors pourquoi diable me parlez-vous de me retenir ?

Emma haussa les épaules. C'est sûrement vrai. Regina avait tout ce qu'elle voulait. Elle était tellement parfaite qu'elle attirerait n'importe qui. Sous ses pensées rêveuses elle se pencha, de la même manière que pour sa sœur afin de lui frôler les lèvres. D'exactement la même réaction elle recula et lui sourit légèrement sadiquement.

— Navrée Miss Swan ! Je pense que vos tentatives sont désespérées. Par ailleurs, je ne suis pas aussi facile que vous l'espériez, j'imagine. Je vous laisse, j'ai déjà déjeuné.

Puis elle sortit en coup de vent alors qu'Emma resta stoïque sur place. Deux refus en même pas une journée. Killian avait-il estompé l'effet pourtant considérable qu'elle faisait auparavant aux femmes ?

Elle sortit son portable et chercha activement le numéro de Graham. Il lui avait donné le premier jour. Il fallait absolument qu'elle lui parle. Après quelques messages échangés, Graham accepta de déjeuner avec elle, chez Granny.


— Depuis combien de temps Graham ?

— Quoi ? Fit-il l'air penaud.

— Depuis combien de temps tu couches avec Regina Mills au juste ?

Il lâcha sa fourchette sous la stupeur.

— Comment tu… Enfin peu importe, surtout tu ne dois jamais, mais jamais en parler à qui que ce soit. Sinon je meurs. Tu comprends ?

— Je ne comprends pas, votre relation n'est pas encore étalée au grand jour ? Je veux dire, c'est une petite ville et puis merde, vous baisez dans le poste de police.

— Oui, mais sur mon bureau !

— Quelle importance Graham ? Bon, et donc depuis combien de temps ?

— Maintenant, ça doit bien faire 2 mois.

— Vous vous voyez régulièrement ?

— Environ une semaine sur deux et parfois dans la semaine quand elle reste tard au bureau pour bosser et qu'elle finit par avoir… faim.

— C'est comment ?

Cette question-là, Emma ne l'avait pas contrôlée. Elle était sortie de sa bouche sans crier gare.

— Désolée c'est indiscret.

— Tu enquêtes ou quoi ? C'est super, point. Les détails, t'as quand même pas besoin de les connaitre, j'y crois pas.

Emma sentait de la passion et de la protection dans les yeux de Graham quand il parlait d'elle.

— Ce n'est pas trop dur… ? Demanda-t-elle.

— De ?

— Je ne sais pas… De combiner avec sa vie, d'être dans le secret, de ne pas avoir de relation normale disons, et de devoir… accepter les autres.

Graham haussa les épaules.

— Emma, je suis fou d'elle. Je donnerai ma vie pour elle. Bien sûr que c'est difficile, ça me torture, ça me hante. Elle ne me doit aucun compte alors je ne sais pas qui elle côtoie. Je sais qu'elle a fréquenté une femme de passage il y a deux semaines de ça… ça m'a fait un mal fou mais que veux-tu que je dise ?

— Pourquoi tu ne lui dis pas ?

— Tu es naïve Emma. Je ne peux pas ! Parce que si je lui dis quoi que ce soit, elle va me répondre que nous n'avons pas de relation. Elle déteste ce mot. Elle ne voudra jamais plus me revoir si elle sait que j'éprouve des sentiments pour elle. C'était notre deal : pas d'attaches et pas de questions. C'est déjà une aubaine qu'elle m'ait rappelé la deuxième fois… Malheureusement, je n'ai pas su contrôler mes sentiments. J'ai été faible, c'est ce qu'elle n'aime pas. Je pense qu'elle a dû tomber sous mon charme parce que je suis d'ordinaire quelqu'un de fort, limite cruel. Mais elle m'a profondément changé.

— C'est ça qui lui plait ?

— Ce qui est sûr c'est qu'elle ne va pas se satisfaire d'amour tendre. Enfin je veux dire, regarde Robin. Il n'a pas fait long feu avec elle.

Emma pensa brièvement à l'enquête qui n'avançait pas du tout avant de recentrer son attention sur sa conversation d'origine. Il est vrai que ce n'était pas beau de jouer avec les sentiments de Graham pour récolter des informations mais elle n'aurait rien de mieux. Elle ne connaissait aucune autre de ses autres conquêtes -vivante soit dit en passant- et ce n'est pas David ou Zelena qui pourraient aider. Ils protégeaient visiblement bien les secrets de leur petite sœur.

— Comment tu as réussi à… L'aborder ?

— En la contredisant et en lui tenant tête. Contrairement à ce que l'on pourrait penser connaissant son comportement, ça l'excite beaucoup. Nous nous sommes beaucoup engueulés ce jour-là. Elle m'attirait depuis des années c'est sûr et c'est pour cette raison que j'ai laissé passer beaucoup de choses venant d'elle. Mais là, elle avait été trop loin. Je lui ai dit d'aller se faire foutre, si je me souviens bien et que c'était une petite salope qui ne prenait plaisir qu'à faire souffrir les gens.

Graham marqua une pause, comme s'il s'agissait de la fin de son récit.

— Et après ? S'impatienta Emma.

— Après elle m'a simplement dit que c'était faux et que ce n'était pas ses seuls plaisirs.

Devant le regard insistant et indiscret d'Emma il leva les yeux au ciel.

— Putain Emma c'est super perso ce que tu me demandes. Elle va me buter si elle l'apprend t'entends ?

— Désolée… J'avoue avoir envie de satisfaire ma curiosité quoi…

— Du coup je me suis pointé devant elle, je l'ai soulevée et posée un peu violemment sur le bureau et voilà… C'est comme ça que ça a commencé. Au début rien au niveau des sentiments. Puis elle a commencé à me manquer. Lorsqu'elle m'a rappelé j'étais le plus heureux du monde. C'est à ce moment que j'ai su que j'allais être dans la merde. C'est bon du coup ? Ta curiosité est suffisamment satisfaite ?

Emma hocha la tête en regardant son assiette. Graham était un gentil garçon. C'est vrai qu'elle aurait aimé pouvoir essayer une sauterie avec Regina Mills mais cela allait lui faire tant de mal.

— Tu as essayé de ne plus aller la voir ?

— C'est impossible Emma, c'est au-dessus de mes forces. Elle me demande, j'arrive, c'est comme ça que ça fonctionne avec elle. Tu loupes le coche, t'es mort, tu parles t'es mort.

— Il faut vraiment que tu te trouves une autre fille…

— Tu crois pas que je n'ai pas essayé ? J'ai couché avec plus de filles ces derniers temps que depuis ma maturité sexuelle mais tu sais quoi ? Tout a un goût fade…

« Merde » pensa-t-elle. Elle n'aurait jamais dû avoir cette conversation avec Graham. Elle n'aurait jamais dû le pousser à lui dire qu'il était amoureux. Maintenant elle le savait et elle se sentait gênée d'avoir envie de sa supérieure. Pourquoi fallait-il toujours que sa curiosité soit plus forte que tout ?

— Bref laisse tomber Emma tu sais, c'est peine perdue, cette femme n'a pas de cœur. Je continuerai à errer jusqu'à ce que je trouve une femme qui arrivera à me faire oublier… toute cette… authentique beauté.

— Courage ! Dit-elle en essayant de se rendre rassurante. On pense toujours que c'est impossible d'oublier quelqu'un mais personne n'a échoué. Ça prendra sûrement du temps, mais si tu veux un conseil en attendant, essaie de ne plus aller la voir.

Ils s'échangèrent des sourires tristes mais sincères et finirent leur repas.

Emma rentra sans grande conviction. Sur le chemin, elle pensa à Graham. Elle avait osé détourner des informations en sa faveur à ce pauvre garçon qui souffrait et n'avait rien demandé.

Regina était-elle à ce point sans cœur ? Était-il vraiment possible que l'état de Graham ne lui fasse ni chaud ni froid ? Pouvait-elle tomber amoureuse de lui aussi ? Et dans ce cas, est-ce que l'arrivée d'Emma serait bien vue ?

Elle se gratta le sommet du crâne. Les questions se tournaient et se retournaient dans sa tête. Elle ria quand elle remarqua qu'elle était devant la cour de l'hôtel de ville. Cependant, lorsqu'elle visa des yeux la fenêtre du bureau de Madame le Maire, celle-ci était étrangement éclairée. Regina était donc dans son bureau à nouveau, un dimanche après-midi. Emma hésita mais était-elle seule ? Connaissant de plus près désormais le large panel de Mme Mills, il allait être compliqué de ne pas la déranger.

Elle décida tout de même de s'en assurer. Elle prit son téléphone et envoya un texto à Zelena.

« Coucou, merci encore pour la nuit dernière. Je suis devant la mairie, c'est allumé, tu penses que je peux déranger ta sœur ? »

La réponse ne tarda pas à arriver.

« Coucou, pas de quoi. Le dimanche après-midi, elle aime bien aller à la mairie pour régler des trucs qu'elle n'a pas le temps de faire la semaine. Elle dit que ça l'aide à ne pas voir le temps défiler. Bisous ».

Cela ne répondait pas franchement à la question de savoir si elle apprécierait d'être dérangée mais Emma décida de tenter le coup. Elle ouvrit la porte et slaloma dans les couloirs vides et noirs. Elle eut une dernière pensée pour Graham. Vraiment, ce qu'elle comptait faire était impardonnable à son égard. Mais son attirance pour cette femme était plus forte.

Elle se retrouva devant la porte, toqua et entra sans attendre de réponse. Regina était assise à nouveau devant une pile de dossiers et leva ses yeux vers elle, lunettes toujours sur le nez en fronçant les sourcils, l'air interrogateur.

Emma retira son manteau, le balança sur un fauteuil de l'office et referma la porte du bureau derrière elle.