Je retrouve mes deux copines près de nos casiers. Elles ont été assez sympas pour m'emmener mes affaires.

« -Tiens, t'étais passé où ? » Me demande directement Amane.

« -Je dépassais mon quota d'interactions sociales de la journée. » Je lui réponds, évasif.

Elle me regarde étrangement mais n'argumente pas plus.

« -Quand même, c'est un sacré taré Gon Freecs. Il est sorti de nulle part et a foutu un pain à ce mec sans même hésiter une seconde ! » S'emporte Kanaria en mimant la scène.

Attendez...

« -Tu connais ce type !? » Je crie presque, tant mon effarement est grand.

« -Bah ouais. Il est dans notre classe depuis la rentrée. En plus il s'assoit devant toi... » Me répond-elle étonnée.

Puis, elle échange un regard indéchiffrable avec Amane avant qu'elles n'éclatent toutes les deux de rire. Je rougis instantanément en comprenant.

« -T'es vraiment un boulet parfois. » Me lance Amane toujours en se marrant.

C'est vrai que j'ai pas été fin sur ce coup là mais je l'ai pas fait exprès. Je connais même pas les noms ni les visages de mes camarades de classes, exceptés ceux de mes amies. Je n'accorde pas d'importance à des détails aussi insignifiants.

J'ouvre mon casier en boudant, sûrement rouges jusqu'aux oreilles, pendant qu'elles se marrent encore. Et là, une dizaine de lettres en tombe, dont une aussi simpliste que celle que j'ai trouvé ce matin.

« -Mon admirateur secret a encore frappé. » Je soupire en leur montrant la lettre. Ce qui atténue leur hilarité.

On ramasse toutes les lettres, hormis celle de mon expéditeur préféré, pour les brûler dans la benne derrière le lycée avant de quitter celui-ci pour aller finir la journée chez Amane. Vu qu'on a pas d'activités de club les mercredis.

Elle vit avec sa grand mère qui est moins stricte que nos parents à Kanaria et moi. En plus, elle s'absente souvent pendant des jours.

Enfin, j'exagère en disant que mes parents sont « strictes », ils cèdent facilement quand je leur demande quelque chose et me permettent généralement de faire ce que je veux quand ça me chante. Mais, sous la contrainte d'exigences bien précises, hélas...

En route, on s'arrête rapidement pour acheter quelques bouteilles de liqueur aux noms incompréhensibles, notre petit plaisir.

Enfin, on se retrouve dans la chambre de notre noiraude préférée pour savourer nos trouvailles du jour. J'adore sa chambre, en passant. Elle ne lui ressemble pas.

C'est un grand espace lumineux et apaisant, avec des murs crème et un grand tapis beige. Une commode blanche avec des paniers en osier et un miroir rond en bois orne le côté gauche, à côté d'une grande plante verte et d'un lampadaire en tissu blanc.

Le lit, recouvert de draps blancs froissés, est éclairé par une lampe suspendue en rotin. Un bureau en bois clair avec un ordinateur portable et quelques décorations se trouve à droite, complétant l'ambiance sereine et harmonieuse de la pièce.

Bref, rien à voir avec elle et son tempérament façon Xena la Guerrière.

On parle de tout et de rien, notamment du bal de fin d'année qui aura lieu dans à peu près sept mois.

C'est « The bal » pour mes amies puisque maintenant que nous sommes au lycée, on peut prétendre au titre de roi ou reine de la soirée.

Ça ne m'intéresse guère, c'est vraiment le cadet de mes soucis. Mais mes deux copines cheerleaders comptent bien repartir avec la couronne de reine, elles sont dans un genre de compétition saine.

Si je pouvais, je ne m'y rendrais même pas. Mais en tant que président du club d'audiovisuel, je dois m'occuper de la musique, du diaporama de fin d'année ainsi que de l'album de classe avec le club de photographie et d'autres installations techniques encore.

J'ai déjà la flemme.

« -Bon mon petit Kiru d'amour, qu'attends-tu pour ouvrir la lettre de ton chéri ? » C'est Kanaria qui demande depuis le sol de la chambre où elle essaie de se faire les ongles malgré le Berentzen framboise-pêche qui obscurcit probablement sa vue.

«-M'appelle pas comme ça ! Ça me rappelle Iru... »

La mention seule du prénom de mon frère suffit à nous donner des frissons. Il est tellement flippant...

Bref, je récupère la lettre dans mon sac au pied du lit sur lequel je suis vautré et l'ouvre pour en lire le contenu à voix haute.

« Bien que tu ne saches toujours pas qui je suis, il y a quelque chose en toi qui me hante de manière envoûtante, comme un secret caché dans l'obscurité. Ton regard a ce pouvoir mystérieux de me captiver, un peu comme une lueur dans une maison hantée.

Que tu sois en colère ou blasé, il y a ce petit quelque chose dans tes yeux qui me fascine.

Mettons la poésie de côté, si tu le souhaites. Mais est-ce que t'aimes vraiment venir aux plus faibles ? Ou est ce que tu méprises autant que moi la lâcheté des plus forts ?

Ça devrait te donner un indice. »

Pas besoin d'être Einstein pour comprendre de quel indice il parle.

« -Il est en seconde comme nous, ça réduit les possibilités...Enfin, si tu souhaites le chercher. » Dit Amane depuis la chaise de bureau de la pièce. Elle essaie de se faire un cocktail avec toutes les boissons bizarres qu'on a acheté.

« -Tu crois qu'il est dans notre classe ? » Je lui demande en relisant la lettre sous mes yeux encore et encore.

« -Probablement. » Elle me répond avant d'avaler d'un trait son étrange mélange violet.

Et si c'était Gon ?

Bon c'est logiquement impossible vu qu'il a passé la dernière période avec moi et qu'il n'a donc pas pu laisser la lettre dans mon casier.

J'aimerais me raccrocher à ce mince espoir, cette maigre chance...

« -J'ai envie de savoir qui sait. » Je lâche d'un coup, comme une énorme bombe.

« -On t'aidera. » Me répondent mes deux amies, presque en même temps.

« -Huh ? Ça vous choque pas plus que ça ? »

Elles échangent un regard que, comme bien trop souvent, je n'arrive pas à déchiffrer.

«-T'as l'air de vouloir que ce soit une personne en particulier. » Me répond ensuite Amane en ricanant.

Je suis si transparent que ça ?

« -Même pas. »

« -Dis nous quand tu voudras en parler. Pour l'instant on va t'aider. » Enchaîne Kanaria.

J'ai vraiment des potes en or.