Je me suis réveillé ce matin avec l'envie de tout niquer.
Pourquoi ?
J'ai pratiquement pas fermer l'œil de la nuit. Un certain brun et ses fichus reflets verts hantaient mes pensées et j'ai fait certains rêves dont je ne suis pas fiers.
Écouteurs aux oreilles, If today was your last day de Nickelback en train de tourner, volume à fond, je roule en skate jusqu'au lycée en tâchant de focaliser mon attention sur la route pour la détourner de la frustration qui me broie les intestins.
Si c'est lui, pourquoi il ne me dit pas simplement qu'il m'aime ?
Ouais bon, ma question est stupide. Je ne me serais sûrement jamais intéressé à ces maudites lettres si l'on ne s'était pas croisés en cours de sport. Déjà que je ne savais même pas qu'il était dans ma classe tant je ne porte aucun intérêt à ce qui se passe autour de moi.
Et ça, ça m'énerve encore plus.
J'arrive enfin dans la cour du bahut et tente un kickflip que je réussis avec brio avant de ranger mon skate sous mon bras. Ça me siffle de tout les côtés mais comme d'habitude, je ne les vois pas ou du moins pour moi ils n'existent pas.
Je retrouve Amane et Kanaria à nos casiers, encore en train de se prendre la tête sur des trucs dont je ne saisis pas spécialement l'importance.
Elles ont choisit l'élégance aujourd'hui. Kanaria porte une tenue qui se compose d'un haut à rayures multicolores avec des manches courtes, porté par-dessus un sous-pull blanc à manches longues, offrant un contraste plutôt intéressant. Elle est complétée par une mini-jupe beige avec une ceinture assortie qui souligne la taille. Des bottes blanches hautes atteignant les cuisses complètent le tout.
Amane elle a opté pour un débardeur blanc ajusté, mettant en valeur sa silhouette élancée . Elle est complétée par un pantalon cargo ample gris foncé, offrant un contraste avec le haut ajusté et ajoutant une touche décontractée et utilitaire. Des sneakers blanches et grises apportent une note sportive à l'ensemble. Parfait pour elle.
Elles sont les seules personnes que je prends le temps de regarder quand j'arrive au bahut. Leurs tenues du jour, leurs parfums...Je prends presque plaisir à tout détailler. Elles font partie intégrante de mon univers si restreint alors je fais en sorte de leur rendre comme je peux l'affection qu'elles me portent.
Je les salue brièvement avant d'ouvrir mon casier. Rien n'en tombe malheureusement, je suis plus contrarié que je ne devrais l'être.
« -Pas de lettre ? Roh pleure pas Kiru chéri, ton amoureux veut sûrement te faire languir un peu. » Me charie Amane face à une Kanaria qui ricane.
« -Très drôle. »
Je récupère mes affaires et me dirige vers la salle de classe. C'est un peu tôt mais aujourd'hui je n'ai pas spécialement envie de traîner dans les couloirs.
Allez savoir pourquoi.
Il n'y a pas grand monde en classe, normal à cette heure-ci. J'observe les quelques personnes déjà présentes dans la pièce en espérant le trouver. En priant presque pour qu'il soit lui aussi assis quelque part au milieu de tout ces gens sans visages.
Il est bien là. Assis au fond, en train de discuter avec un mec que je n'avais jamais vu avant. Il semble bien rigoler, à tel point qu'il ne relève même pas ma présence.
Pourquoi je me sens si frustré d'abord ?
Je rejoins ma place et remarque avec effroi qu'il est en fait à côté de moi, sur la dernière table de l'avant dernière rangée tandis que moi je suis assis sur la dernière table de la rangée d'ensuite. Côté fenêtre pour le style.
Mais comment j'ai fait jusqu'à présent pour ne pas le voir ? Je veux dire le mec est juste à côté de moi depuis le début de l'année.
Il appartenait probablement à ce que mon esprit, aussi étrange soit-il, classe comme inutile. Alors qu'est ce qui a changé en définitif ? Qu'est ce qui a fait en sorte que ça change ?
Je pose ma tête sur la table et ferme les yeux. Je troque Nickelback qui jouait toujours dans mes oreilles contre I don't care d'Apocalyptca. Bonheur.
De courte durée hélas.
« -Salut toi. » C'est Gon qui s'adresse à moi après m'avoir retiré un écouteur sans prévenir.
Le mec avec qui il parlait s'est visiblement barré et il a dû remarqué ma présence après coup.
J'hésite entre répondre à son bonjour de façon calme et polie ou lui mettre un coup de tête pour m'avoir surpris de la sorte. Enfin, pour choisir, il faudrait d'abord que je me remette de ma mini crise cardiaque.
« -Oops je t'ai fait peur ? » Qu'il ose me demander cet idiot avec un sourire bien niais en plus.
« -Dans quel univers pourrais-tu me faire peur ? » J'essaie de regagner un peu de charisme, je ne dois pas perdre la face devant lui.
« -Mouais c'est ça. Alors t'écoutes quoi ? » Il enchaîne aussi imperturbable qu'adorable.
« -Apocalyptca. Ça te dit quelque chose ? »
« -J'aurais pas cru que t'étais du genre metalleux. Quoique, vu que tu portes souvent du noir, j'aurais dû m'en douter. » Il me taquine là. Je ne rêve pas ?
Et puis je ne suis pas constamment en noir d'abord. C'est ma couleur favorite alors je fais en sorte de la mettre souvent mais je préfère largement porter du bleu. Surtout quand il fait chaud.
«- Me dit le mec qui en plus d'avoir les cheveux verts s'habille en vert. C'est pas une plante qui risque de me donner des leçons de mode. »
Ce qui était sensé être une pique de ma part sonne comme la blague de l'année à ses oreilles. Il éclate tout naturellement de rire. Ce maudit rire qui me file des insectes dans l'abdomen.
« -Je ne m'en étais même pas rendu compte en plus. J'adore cette couleur. Est-ce que tu sais qu'elle symbolise la vie et le renouveau ? Et puis je trouve que ça me va bien, pas toi ? » J'aime pas trop le ton narquois qu'il emploi à la fin de son monologue alors je me contente d'hausser les épaules.
Après c'est vrai que ça lui va bien. Sa chemise verte à manches courtes fait ressortir les muscles bien dessinés de ses bras, idem pour son short qui dessine à merveille ses jambes...
Mais oh ! À quoi je pense là !?
Bien sûr le bougre a évidemment capté que je le matais un peu trop et m'observe avec curiosité, la tête sur le côté et tout comme un petit chien.
« -Ça va ? T'as eu un beug d'un coup. » Il a l'air inquiet.
« -T'inquiètes, je me suis perdu dans mes pensées un instant. »
« -Et si je te demandais lesquelles...? »
« -Je te répondrais de lâcher l'affaire. »
Maintenant il a l'air contrarié. Je soupire et cherche rapidement un moyen de lui rendre le sourire.
Le seul truc qui me vient à l'esprit c'est de retirer un écouteur et le lui tendre pour l'inviter silencieusement à écouter avec moi. Ça marche, il sourit de nouveau.
Je ne me lasserai jamais de la lumière qui irradie de lui quand il le fait. Cette chaleur qui ne brûle pas, douce, confortable et forte en même temps.
Malheureusement nous sommes bien vite interrompus par le prof qui entre dans la salle. Je ne m'étais même pas rendu compte que ça avait sonné. Fait chier.
« -On remet ça plus tard. » Lui aussi semble déçu.
J'acquiesce en hochant la tête.
Et alors qu'ils sort et ouvre son cahier, je fais un constat effroyable.
L'écriture sur la lettre n'est pas la sienne.
