CHAPITRE III
Victoire symbolique
Denab était une planète aux océans bleus et aux continents vert-brun. Situé à quelques parsecs de Vagran, ce monde était un centre d'échange et troc reconnu dans toute la galaxie. Pourtant, Denab était très peu peuplée par rapport à sa taille, ce qui laissait beaucoup d'espaces inhabités et même parfois totalement inexplorés. C'était dans l'un de ces endroits qu'une base rebelle de chasseurs s'était installée quelque temps auparavant. Construite à flanc de falaise, l'installation abritait dix-sept appareils, tous des Y-Wing, mis à part deux Z-95 chargés de la reconnaissance sur le terrain.
Le commandant de l'escadron et de la base était Trelion Tre'Blar, un humain natif de la planète agricole Chandrila. Il n'avait jamais dévoilé son âge à personne mais ses pilotes estimaient qu'il devait avoir la quarantaine. Il faisait deux mètres dix et surplombait la plupart des congénères de sa race. Il avait rejoint l'Alliance trois mois plus tôt, après la destruction du paquebot Joyau des Galaxies par le destroyer stellaire impérial Tempête de Feu. Sa famille était à bord, et il n'y avait eu aucun rescapé.
Depuis deux jours, l'alerte avait été donnée en raison de la visite de leur contact au gouvernement de Denab. Celui-ci les avait prévenus d'une attaque impériale imminente. Les renforts demandés par Tre'Blar à la Rébellion étaient, d'après son contact, déjà arrivés et attendaient les Impériaux de pied ferme.
Le lendemain, la patrouille de reconnaissance repéra le Quatrième Escadron d'Attaque impérial en orbite autour de Denab. Celui-ci était composé d'une trentaine de vaisseaux, dont seize destroyers stellaires Victoire. Ces vaisseaux se différenciaient de leurs cousins de la classe Impériale par une taille moindre, par une plate-forme de tir spécialement destinée au bombardement planétaire et par une vitesse subluminique extrêmement lente.
Cachés dans un cargo lourd sullustain dont le capitaine était favorable aux Rebelles, Tre'Blar et son escadron attendaient le bon moment pour attaquer. La tension parmi ses pilotes était presque palpable dans un container transformé en salle de repos dès leur arrivée.
- Tu penses vraiment que des renforts sont là pour nous aider à détruire cet escadron ? demanda Gres Lebban, un Quarren très jeune qui avait grandi sur un monde-prison de l'Empire avant que celui-ci ne soit libéré par les Rebelles.
- Il y a intérêt, sinon nous ne ferons jamais le poids face à eux ! lança la voix d'une personne qui venait de rentrer dans la pièce. Il s'agissait de Fralia Herllos, une humaine originaire de Tralus et ayant depuis sa plus tendre enfance combattu la tyrannie impériale.
L'intervention de la femme augmenta le stress chez les pilotes. Tre'Blar tenta de ramener le calme et la confiance au sein du groupe :
- Je suis certain que l'Alliance a préparé des renforts et que nous gagnerons cette bataille ! Ne perdons pas espoir : ce n'est vraiment pas le moment...
Personne ne changea d'expression mis à part un Twi'lek récemment intégré à l'escadron :
- Le commandant a tout à fait raison ! Aujourd'hui nous vaincrons et nous prouverons à l'Empereur que nous ne sommes pas à prendre à la légère ! Dit-il.
La réplique de Mazer Rackus - tel était son nom - avait eu beaucoup plus d'effet que celle du commandant. Les conversations reprirent et la rage de vaincre reprit le dessus.
A bord du destroyer stellaire Victoire Coriace, le colonel Vyasl était en pleine conversation avec le Président Hool, qui venait d'arriver par le biais de son transporteur personnel :
- Nous savons de source sûre qu'une base rebelle a été construite quelque part dans les parages. Nous nous devons de mener des recherches, dit Vyasl sur un ton très autoritaire.
- De quelles sources sûres parlez-vous ? demanda Hool sans perdre la face.
Le colonel impérial fut un moment surpris par la question mais n'en laissa rien transparaître sur son visage :
- C'est une information top-secrète, je ne peux rien vous dévoiler.
Le Président fronça les sourcils et afficha une expression sévère :
- Tant que vous ne m'aurez pas fourni de preuves plus tangibles, je ne laisserai aucun de vos vaisseaux mener des bombardements !
Vyasl regarda longuement Hool et répliqua :
- Je suis des ordres directs de l'Empereur Palpatine !
Hool écarquilla imperceptiblement les yeux :
- Peu importe d'où viennent vos ordres, colonel ! Il vous faut une dérogation spéciale du Sénat pour tenter quelque intervention.
Vyasl s'apprêta à répondre lorsqu'un appel de son second, le capitaine Lesnà, un jeune humain d'Esseles, provint de la passerelle :
- Monsieur, dit-il précipitamment, un de nos vaisseaux de reconnaissance à repéré une flotte rebelle à la lisière du système !
Vyasl lança un regard noir au Président de Denab et emprunta le turbo-ascenseur.
Une fois arrivé sur le pont, il remarqua des traits lasers au loin.
- Nos chasseurs et nos bombardiers viennent d'engager le combat, expliqua Lesnà.
- Déployez la flotte, ordonna Vyasl. (Il se tourna vers l'officier chargé des senseurs.) Quels sont les effectifs ennemis ?
- Il y a huit vaisseaux lourds et une centaine de chasseurs.
Vyasl se mordit la lèvre : «Une centaine de chasseurs... Et dire que l'état-major m'a ordonné de débarquer les trois quarts de mes effectifs de pilotes». Il se détourna de l'officier et observa l'espace au loin ;
- Augmentez la vélocité et préparez-vous à engager le combat ! (Il posa ses yeux sur l'écran holographique qui retransmettait les images de la salle de conférence où la réunion avec le Président s'était déroulée.) Capitaine, demanda-t-il, prenez soin d'accompagner notre invité en lieu sûr : je ne veux pas avoir la mort d'un important personnage politique sur la conscience.
Lesnà quitta la passerelle sans un mot et disparut dans le turbo-ascenseur arrière.
A bord du cargo sullustain, les pilotes de l'escadron de Tre'Blar se préparaient à décoller lorsque le capitaine du navire arriva ;
- Vos renforts ont engagé le combat avec les Impériaux. Le secteur devient dangereux. Je suis terriblement désolé mais je ne peux pas risquer ma cargaison et...
- Votre aide nous a été des plus précieuse, coupa le commandant d'un ton de gratitude. Merci, rajouta-t-il en montant dans le cockpit de son Y-Wing.
Le Sullustain quitta la passerelle alors que les chasseurs Rebelles filaient dans l'espace un par un.
Bientôt, les quinze chasseurs-bombardiers se retrouvèrent dehors et mirent le cap sur la formation ennemie. Dans le cockpit du chasseur de Tre'Blar, le commandant discutait de la phase finale de l'attaque avec son second, la lieutenante calamarienne Glottari :
- Prendre pour cibles les Victoire est une bonne idée mais rappelez-vous qu'un véritable mur de corvettes d'escorte les entoure, dit Glottari.
- Je sais, dit Tre'Blar en soupirant, mais viser les vaisseaux d'escorte n'aurait aucune utilité, qu'elle soit symbolique ou tactique.
La Calamarienne acquiesça.
Le Commandant ouvra une fréquence vers tous les chasseurs de la formation :
- Préparez-vous à l'attaque. Notre cible sera le DSV Coriace, le vaisseau-amiral de l'Escadron. Il est surligné en rouge sur votre écran tactique. Les autres vaisseaux impériaux sont surlignés en orange.
Les pilotes répondirent par l'affirmative et se déployèrent. Le groupe d'appareils avait emprunté une trajectoire lui permettant de surgir au dernier moment sur les navires ennemis en profitant de la face de Denab plongée dans l'obscurité et des importantes interférences causées par un vent solaire étonnamment violent.
De l'autre côté du champ de bataille, le vaisseau de commandement de la flotte de renfort rebelle, le Raison du Sage, une frégate Nebulon-B volée à l'Empire au large de Morvogodine, avançait à grande vitesse vers le destroyer stellaire Fausse Franchise, qui était à la tête du groupe de combat impérial. A bord, le capitaine Oblon donnait ses ordres :
- Dites aux chasseurs de cesser le combat avec les TIE et de viser le Coriace.
L'officier des communications, un Wookie de 158 ans, transmit l'ordre en silence tandis qu'Oblon rejoignait la console tactique. La femme chargée de la coordination de la bataille était une petite Drall aux gestes vifs :
- Le Twi'lek Courageux vient d'engager le combat avec l'avant-garde de la flotte d'escorte impériale. Il subit le feu de sept vaisseaux, dont les DSV Fausse Franchise et VI-88, dit-elle en voyant le capitaine arriver.
Réfléchissant rapidement en observant les rapports des senseurs à propos de l'évolution du combat, Oblon ordonna un changement de tactique ;
- Dites au Twi'lek Courageux de faire une percée vers le Coriace à pleine vitesse. Le Vraisemblable devra faire une diversion sur le flanc tribord en attaquant le DSV Lutin. L'escadron vert va les soutenir...
Répondant sans attendre aux ordres de son supérieur, la Drall transmit les données aux vaisseaux concernés.
Soudain, le Raison des Sages tout entier trembla violemment, faisant tomber à la renverse Oblon et les officiers qui n'étaient pas assis.
- Barrage de roquettes du Fausse Franchise ! annonça le responsable des boucliers. (Il se tourna vers Oblon.) Les boucliers ont tenu le coup mais ils ne sont plus qu'à 25 pour cent du nominal.
Le capitaine se releva difficilement et rejoignit son siège.
- Ripostez immédiatement ! Armez les turbolasers avant et faites feu !
Immédiatement, des salves d'énergie écarlates s'en allèrent s'écraser sur les boucliers du vaisseau ennemi. Celui-ci abandonna sa cible initiale - le Twi'lek Courageux - pour se concentrer sur le Raison des Sages.
- Nous avons perdu nos boucliers ! paniqua l'officier de pont, un Sluissi.
La salve de Turbolasers suivante lancée par le vaisseau impérial arracha des pans entiers de la coque et du blindage du navire Rebelle. Oblon ne s'avouait pourtant pas vaincu ;
- Transférez toute la puissance dans le turbolaser principal avant et visez la passerelle du Fausse Franchise.
Les dégâts étaient importants et le tir qu'Oblon avait ordonné grilla les systèmes tactiques et plusieurs sections du vaisseau implosèrent. Pourtant, la cible avait été touchée : la passerelle du destroyer ennemi avait disparu et le mastodonte plongeait maintenant vers Denab, empalant au passage un croiseur d'escorte et emportant aussi quelques chasseurs TIE avec lui.
Vyasl écarquilla les yeux lorsqu'il vit le Fausse Franchise briser la formation défensive de l'escadron. Maudissant intérieurement les Rebelles, le colonel réagit :
- Pulvérisez-moi cette frégate ! ordonna-t-il si fort qu'il s'en brisa la voix.
Un tonnerre de feu se déversa sur le Raison des Sages qui se coupa en deux au niveau du tube reliant la section principale à celle des moteurs. Les deux morceaux allèrent voler dans deux directions différentes : alors que la partie abritant la passerelle, l'armement et les quartiers de l'équipage plongeait vers Denab IV, l'une des lunes de la planète, le compartiment abritant les puissants moteurs ioniques fut propulsée à toute vitesse vers le Coriace.
Au loin, le commandant impérial remarqua la navette du Président et une dizaine de TIE s'éloigner de la zone de combat et prendre la direction de la planète.
L'escadron de Tre'Blar surgit comme par magie à l'arrière du destroyer du colonel Vyasl. Déversant de véritables pluies de torpilles et de lasers, les Y-Wing pulvérisèrent les générateurs de boucliers et réglèrent leur compte aux propulseurs secondaires.
- On passe aux batteries lourdes ! ordonna le commandant en ouvrant la marche à l'aide de ses batteries ioniques, neutralisant une tour abritant des terrifiants turbolasers à doubles affûts.
La riposte impériale ne se fit pas attendre : un véritable filet de traits lasers anti-chasseurs entoura le Coriace, pulvérisant en moins de trente secondes cinq chasseurs.
Tre'Blar maudit à voix haute l'Empire tout en appuyant rageusement sur sa gâchette pour lancer des torpilles protoniques destinées à détruire le rayon tracteur principal. L'énorme émetteur explosa. L'onde de choc en résultant provoqua un énorme incendie dans la section avant du destroyer. Malgré cela, le feu ennemi ne cessait de croître à mesure que les TIE et les corvettes d'escorte venaient renforcer le dispositif d'escorte.
Au loin, Tre'Blar vit un DSV exploser, emportant avec lui deux de ses homologues. «Le Fausse Franchise...» se dit le commandant en s'attardant sur les combats au loin. Une salve laser rebondissant sur ses boucliers le sortit rapidement de ses songes.
Dans une capsule de sauvetage, Oblon et la petite Drall nommée Zoll attendaient qu'une navette de sauvetage ne vienne les récupérer tout en observant les violents combats se déroulant dans le lointain.
- Vous pensez que nous pourrons les vaincre sans le Raison des Sages ? demanda Zoll, inquiète.
- J'en suis certain, dit-il.
Sa voix était voilée, il n'était même pas sûr que Zoll l'avait entendu. Il avait été gravement blessé lors de l'échange avec le Coriace : il était tombé d'une passerelle et avait fait une chute de trois mètres avant de retomber très lourdement sur le sol de la station de contrôle du turbolaser numéro deux.
Soudain, un rayon tracteur prit en charge les rescapés. Ayant observé le navire les ramenant, la Drall annonça :
- C'est le Fantastique... (Elle observa à nouveau la corvette corellienne.) Il n'est pas en meilleur état que vous je le crains, dit-elle en tremblant nerveusement.
Oblon sourit faiblement.
L'avant du Coriace explosa en un tonnerre aveuglant sous le feu des chasseurs de Tre'Blar et des appareils des renforts.
Peu de temps après, un véritable nuage de capsules et de chaloupes de sauvetage sortirent des flanc du navire de combat de 900 mètres de long. Le commandant espéra un moment que l'Empire accepterait sa défaite. Quelques minutes plus tard, ses souhaits furent exaucés : les forces impériales se repliaient la queue entre les jambes.
- On a réussi ! crièrent les pilotes comme un seul homme.
Tre'Blar poussa un très long soupir de soulagement et entra en contact avec le Hibou, une corvette Marauder devenue le vaisseau-amiral des Rebelles après la destruction du Raison des Sages :
- Nous avons remporté une victoire symbolique aujourd'hui, dit le lieutenant Yllne, le Sullustain commandant le Hibou.
Tre'Blar acquiesça et demanda :
- Pouvez-vous nous transporter vers une base Rebelle proche ? (Il se tourna vers la boule bleu-brun flottant dans l'espace.) Denab risque d'essuyer des représailles sévères si nous restons ici...
- Pas de problèmes, posez-vous sur le porte-chasseurs Ouragan.
- Merci, dit Tre'Blar.
Il coupa la communication et rejoignit l'Ouragan.
Trois heures plus tard, dans l'espace profond, les équipages des vaisseaux de la flotte Rebelle faisaient le compte des dégâts et dressaient l'inventaire des pièces à se procurer pour les réparer.
A bord du Hibou, le capitaine Oblon, appuyé sur des béquilles fabriquées à la va-vite, demandait à Yllne un rapport des pertes :
- Le Twi'lek Courageux, le Marchand Intergalactique et le Raison des Sages sont les vaisseaux perdus, dit le Sullustain d'une voix presque mécanique. (Il baissa les yeux sur son databloc.) Vingt-neuf chasseurs ont été détruits et nos quatre navettes lance-missiles ont été pulvérisées alors qu'elles décollaient du Raison des Sages, dont la baie-hangar a explosé à ce moment là.
- Et les pertes en vies ? demanda Oblon, d'une voix un peu plus vigoureuse que lors de la discussion avec sa subordonnée Drall dans la capsule de sauvetage.
- Environ cinq-cent personnes... (Yllne afficha un regard sombre.) Mais cela pourrait être plus.
Ne voulant plus rien entendre, Oblon annonça qu'il se retirait dans ses quartiers et qu'il donnait le commandement au lieutenant Yllne le temps de se reposer.
Arrivé dans sa petite chambre, Oblon s'affala sur son matelas. Il réfléchit à l'énorme bataille qui venait juste de coûter la vie à des centaines de personnes, dans les deux camps. «Je suis un agent secret à la base» se dit Oblon. «Pourquoi les Rebelles ont-ils eu besoin de me donner le commandement à moi pour une bataille spatiale !». Le général Rieekan lui avait expliqué qu'il était le seul à pouvoir rejoindre cette flotte avant que l'Escadron d'Attaque Impérial n'attaque. «Sottises ! Même si Yllne n'est qu'un lieutenant, il aurait parfaitement pu se charger de la bataille. D'ailleurs, depuis quand la Rébellion se soucie-t-elle des grades pour donner la responsabilité d'un groupe de combat à quelqu'un ?». Oblon tremblait de rage. Une rage envers lui-même.
