Résumé : La chute de Sirius semblait interminable. Il tombait, tombait, tombait. A cet instant, il aurait aimé être un chat. Il aurait peut-être réussi à se retourner et à faire face au sol. Au lieu de quoi, son dos s'écrasa lourdement sur une surface dure, ses os craquèrent et sa respiration se coupa.
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Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du fest' organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « Destins I-Magie-Naires »
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Disclamer : L'œuvre et l'univers de « Harry Potter » sont la propriété exclusive de J.K.R.
Plus d'infos sur le prompt et les inspirations en note de fin.
Première publication sur AO3, le 09/05/2024
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Merci beaucoup à Pouik, pour ses conseils et ses inspirations avec le gros creux de la vague que j'ai eu en cours de route !
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Greenwitch 514
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La chute de Sirius semblait interminable. Il tombait, tombait, tombait. A cet instant, il aurait aimé être un chat. Il aurait peut-être réussi à se retourner et à faire face au sol. Au lieu de quoi, son dos s'écrasa lourdement sur une surface dure, ses os craquèrent et sa respiration se coupa. Ses yeux se fermèrent au moment de l'impact et il les rouvrit aussi vite que possible pour explorer son environnement à la recherche de Bellatrix.
Il n'était plus dans la salle de la Mort. Les gradins et la fosse qui l'entouraient un peu plus tôt avaient disparu. L'espace autour de lui semblait infini. D'un blanc incandescent et infini. Il tenta d'inspirer à pleins poumons. Les ondes de douleur qui le traversaient l'en empêchèrent, ce qui éteignit toute velléité de se redresser. Il n'arrivait pas à faire le moindre geste. Respirer lui demandait déjà bien trop d'efforts. Une ombre s'agita sur sa droite. Il perdit connaissance.
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— Bienvenue parmi nous, Monsieur Black.
Sirius grimaça et ses paupières papillonnèrent. Il était toujours dans une pièce trop blanche mais, cette fois-ci, il était bien plus confortable. Il avait été allongé sur un matelas moelleux. Une femme vêtue d'une combinaison irisée lui collant à la peau était penchée sur lui et le regardait d'un air neutre.
— Ne bougez pas. Vous êtes grièvement blessé.
Il tenta d'ouvrir la bouche, en vain. Elle était sèche et pâteuse à la fois. Il avait l'impression que toute sa mâchoire avait été arrachée et ça lui faisait un mal de chien. Il réussit à passer sa langue sur l'arrière de ses dents et se sentit rassuré.
— Vous avez traversé le temps et l'espace, Monsieur Black. Ne bougez pas, je vous dis.
La femme fit un gracieux mouvement du poignet et un écran apparut dans le champ de vision de Sirius. Il s'illumina de dizaines de caractères qui n'avaient aucun sens. Elle agita son index dans les airs et le texte défila.
— Selon nos archives, vous avez traversé l'Arche du Temps le 18 juin 1996. Enfin… Il s'agissait encore l'Arche de la Mort pour vos contemporains… Votre décès a été déclaré ce jour-là.
La respiration de Sirius se bloqua dans sa gorge. Son décès. Il était mort. Le souvenir du regard de Harry s'imposa à lui, aussitôt remplacé par celui de Remus. Il les abandonnait pour la deuxième fois avec autant de violence que la première, en 1981.
— J'imagine que vous avez des questions, Monsieur Black. Je ne pourrais pas répondre à tout. J'aimerais que vous vous rétablissiez un peu mieux avant de vous donner davantage de détails. Le choc de votre atterrissage aurait pu vous tuer. Je vais vous replonger dans une stase, le temps que votre colonne vertébrale se consolide.
Sirius perdit à nouveau connaissance avant même de pouvoir aligner deux pensées cohérentes.
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Il se réveilla vaguement quelques fois, mais jamais très longtemps. Il n'en gardait aucun souvenir. Il ne savait pas combien de temps la stase avait été entretenue mais, désormais, il ne ressentait plus aucune douleur.
Il se redressa avec précaution dans son lit et observa son environnement. Son matelas semblait flotter dans les airs, comme un tapis volant douillet. Il avait des difficultés à ne pas plisser les yeux face à la blancheur étincelante des murs et à la brillance du sol. Il retint une moue. Tout était trop lisse et scintillant.
Il n'y était toujours pas habitué, après avoir passé tant de temps enfermé à Azkaban puis planqué Square Grimmaurd. Il scruta chaque mur à la recherche d'une fenêtre, en vain, puis leva les yeux, étonné.
Le plafond, entièrement fait de verre, laissait passer les rayons du soleil qui éclairaient et réchauffaient la pièce. Ce ciel, bleu, sans le moindre nuage, lui redonna le sourire. Juste un instant.
Il grimaça à nouveau en sentant une tension dans sa nuque, qui se propageait tout au long de sa colonne vertébrale. Il glissa ses jambes au bord du lit. Il était nu. Maigre. Presque cachectique. Il regarda son corps. Ses tatouages faisaient grise mine, sans les muscles de ses jeunes années.
Depuis son évasion d'Azkaban, il s'était à peine remplumé et il était arrivé… ça. Quoi ? Il n'en était pas sûr. Ni même depuis quand. Il avait dû être maintenu en stase un bon moment pour avoir à nouveau perdu toute cette masse corporelle.
Il soupira avec lassitude et glissa ses doigts dans ses cheveux. Toujours longs. La première bonne nouvelle depuis son violent atterrissage. Il regarda ses pieds et grigna juste avant de les poser au sol.
Il redoutait le froid et fut surpris. Ce n'était ni du carrelage, ni du lino. Il ne savait pas de quoi ce sol était composé. Il était doux, lisse, brillant et délicieusement tiède. Comme lorsqu'il enfouissait ses pieds dans le sable chaud d'une plage, sans aucun grain pour s'infiltrer entre ses orteils.
Il tenta de se lever, perdit l'équilibre, se tint avec difficulté au matelas d'une main. Il prit une profonde inspiration et redressa ses genoux puis son dos. Il pouvait tenir debout. Il voulait bouger. Partir. Comprendre où il se trouvait. Mais il restait nu comme un ver. Il lança un Accio. En vain. Il essaya d'appeler, sa gorge était sèche et sa voix cassée.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Lassitude. Fatigue. Épuisement. Il grimpa sur le lit comme un vieux chien fourbu. Il roula son drap en boule et le serra au creux de son ventre en imaginant tenir le corps dégingandé de Moony. Est-ce qu'en priant assez fort, le tissu prendrait sa forme et le réconforterait ?
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— Ah. Vous émergez enfin, Monsieur Black ! Voici de quoi vous vêtir.
Sirius regarda d'un air torve la combinaison kaki qu'une femme étrange lui tendait. Un tatouage bleu recouvrait la moitié de son visage dépourvu du moindre poil. Sourcils, crâne, tempes, chaque parcelle de peau y était passée. Aussi lisse que le sol.
Sans aucune pudeur, il se leva et enfila les vêtements qui collèrent à sa peau. Il n'aimait pas la sensation. Plus jeune, il portait des t-shirts à slogans, des jeans usés et déchirés, des boots et un perfecto en cuir. Les douze ans à Azkaban ne comptaient pas, affublé de l'hideux uniforme de prisonnier qu'on ne lui permettait de changer qu'une fois par mois, au mieux. Depuis, il s'était débrouillé avec des frusques trop larges, aussi sombres que son humeur mais qui n'avaient rien à voir avec la chose qu'il devait porter désormais.
— Que voulez-vous savoir, Monsieur Black ?
— Où sommes-nous ?
— A Greenwitch 514. Vous appeliez cela… Londres, si je ne m'abuse, confirma-t-elle en vérifiant sur un petit écran implanté dans le dos de sa main droite.
— Quelqu'un m'a dit que je suis mort le 18 juin 1996. Quelle est la date d'aujourd'hui ?
— Nous sommes le cent soixante dixième jour de l'année 2156.
Sirius ferma un oeil, concentré. Il avait toujours été doué en calcul mental.
— Le cent soixante dixième ? On est toujours en juin, alors ?
— Je ne saurais vous dire, Monsieur Black. Nous n'utilisons plus ce système calendaire depuis environ six décennies.
— Je. J'ai traversé 160 ans ?
— Très exactement.
— Je ne suis pas mort ?
— Il semblerait.
Les pensées de Sirius se bousculaient. Il ne voulait pas être là. Seul. Il avait assez vécu de solitude pour toute une vie. Il ne pouvait pas en supporter plus.
— Vous nous avez fait très peur, Monsieur Black.
— Je peux… repartir ?
— Non. Bien sûr que non. Le passage à travers le voile de l'Arche du Temps est ferme et définitif.
— Qu'est-ce… qu'est-ce qui s'est… passé… après ma mort ?
— Venez, nous allons vous faire un résumé.
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Sirius passa les heures suivantes à écouter le récit des aventures de Harry Potter, vainqueur de Voldemort en 1998, Auror de 1999 à 2007 puis Directeur du Bureau des Aurors, et enfin Manitou suprême de la Confédération Internationale des sorciers de 2018 à 2030.
Il avait terminé sa carrière à la Présidence du Magenmagot, de 2031 à 2059, année où il périt d'une Éclabouille Cérébrume, à l'âge de 79 ans. Sirius apprit qu'il avait eu trois enfants, deux garçons qui eurent une carrière médiocre, et une fille, Lily Luna, qui devint une militante acharnée pour la levée du Secret Sorcier.
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Ce combat d'une vie, envers et contre tous - dont son père et sa tante Hermione, Ministre de la Magie de 2019 à 2030 - n'avait aboutit qu'en 2044. La famille royale moldue avait déjà abdiqué depuis presque dix ans et la frontière entre les mondes magiques et non magiques se faisait de plus en plus mince.
Lily Luna Potter était alors âgée de trente-six ans. A l'aube de ses quarante ans, alors que sa fille unique entrait à l'école maternelle mixte, elle acquit un siège au Magenmagot qui était composé, depuis la fusion des gouvernements moldu et sorcier en 2045, pour moitié de chaque communauté.
Elle y était restée jusqu'à sa mort. Ou presque. Elle n'avait quitté son siège qu'après ses cent douze ans et était décédée moins de deux ans plus tard, laissant son épouse éplorée. Plus aucun Potter n'avait siégé au Magenmagot depuis, mais les Weasley continuaient à y être surreprésentés.
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— J'ai besoin de prendre l'air, souffla Sirius.
Il avait l'impression d'être à bout de souffle. D'avoir du mal à respirer. Une sensation nouvelle. Désagréable. Sa combinaison l'oppressait. Il avait envie de l'arracher. D'être à poil. De se transformer en Padfoot et de courir à toutes jambes, loin, très loin de cette pièce trop blanche.
Une autre femme - c'était toujours des femmes qui s'occupaient de lui depuis son tout premier réveil. Pourquoi était-ce toujours des femmes ? Elles se ressemblaient toutes, ces femmes. Elles n'avaient pas de nom, non plus.
Enfin, peut-être en avaient-elles mais, elles ne s'étaient pas présentées. Il ne leur avait pas non plus demandé. Et elles ne portaient même pas de badge. Sirius s'était senti trop dépassé pour se rendre compte de son manque de savoir vivre. Il le rattrapait désormais.
La femme, donc, le dévisageait alors que Sirius tirait sur son col d'une main et sur le tissu qui recouvrait son torse de l'autre. Elle s'éclaircit la gorge avec discrétion et lui demanda de la suivre.
Il avança laborieusement, les pieds comme lestés de plomb, vers le couloir. Il n'était pas encore sorti de cette chambre. Il n'avait même pas pensé à le demander. Il était trop faible et la pièce était grande. Il pouvait y marcher et ça lui avait suffit jusqu'ici. Ou quelque chose comme ça.
Il traversa un long couloir, toujours aussi blanc, jusqu'à des portes coulissantes qui s'ouvrirent d'elles-mêmes quand il s'en approcha. Il fut immédiatement aveuglé par les rayons trop intenses du soleil et se protégea les yeux de la main.
Lorsqu'il s'habitua à cette lumière, il resta sans voix. Il ne comprenait pas où il était. En hauteur, il n'y avait pas de doute. Sur une passerelle toute en ferraille, c'était également assez certain.
Il se pencha à la balustrade et sous ses pieds, le vide s'étendait à perte de vue. Des dizaines et des dizaines de passerelles identiques constituaient tout autant d'étages qui s'empilaient les uns au-dessus des autres. Il avait le tournis. Une sorte de vertige.
Il se situait sur un des étages les plus élevés. Derrière lui, le panneau au-dessus de la porte qu'il venait de franchir indiquait " Clinique Cléopâtre, pour les voyageurs temporels ".
— Il-
Sirius interrompit sa question. La femme n'était pas là. Elle ne l'avait pas suivi. Il haussa les épaules, retenant une moue désabusée. Il regarda sur sa gauche, un mur végétal prenait toute la place.
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Il décida de partir de l'autre côté où des vitrines s'alignaient les unes après les autres. Il espérait trouver un bureau de tabac. Il crevait d'envie de griller une clope. De sentir sa gorge et ses poumons chauffer.
Ses désirs furent vite douchés. Nul buraliste à l'horizon. Aucune cigarette. Pas la moindre fumée aux alentours. Rien. Au point où il en était, il envisageait même que le tabac ait tout bonnement disparu de la surface de la Terre.
Il projeta de demander un verre de Whisky-Pur-Feu lorsqu'il retourna à sa chambre et abandonna aussitôt. Il ne se faisait pas suffisamment d'illusions pour imaginer que le personnel de la Clinique l'aurait aidé à satisfaire ce vice. Dépité, il passa les quatre longues journées suivantes à étudier le devenir des uns et des autres après sa disparition.
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Il se sentait dissocié. Comme s'il était détaché de son corps et de son esprit. Il avait encore l'impression d'être un observateur de lui-même quand un Gobelin en robe de sorcier était venu l'informer de sa réhabilitation pleine et totale.
Dans la foulée, Berkhug avait sorti de sa poche une sorte de bracelet-montre qu'il lui avait scellé au poignet. Cet objet, né de la technologie moldue, lui servait à la fois à consulter son compte bancaire et à effectuer des transactions financières.
Les intérêts du legs d'Alphard avaient fructifié depuis les années 1990. Riche comme Crésus, Sirius n'en avait pas moins été mis à la rue manu-militari.
— Vous êtes guéri, Lord Black. Vous n'avez plus besoin de soins et pouvez reprendre une vie normale, lui avait annoncé l'une de ces femmes au visage bleu avec un flagrant manque d'élégance.
— Ce n'est pas un hôtel, ici ! avait ajouté une de ses collègues, un rien moqueuse
Éjecté de la Clinique Cléopâtre, il s'était alors installé dans la première auberge qu'il avait trouvée. Un endroit aseptisé tenu par des androïdes. Les robots - avec toute la neutralité objective qui les caractérisait - l'avaient aidé à appréhender le fonctionnement de cette nouvelle société.
Sirius avait appris, sans la moindre tristesse, la destruction du Square Grimmaurd et avait supporté la frustration d'avoir vu disparaître jeans et vestes en cuir de la surface du globe.
Il avait passé le reste de la semaine à explorer Greenwitch 514. Au fil des jours, de plus en plus de murmures l'avaient suivis. Il avait fait en sorte de les ignorer jusqu'à ce que son bracelet-montre se mette à hululer sans cesse.
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Son premier contact direct avec le Magenmagot avait concerné l'assignation à comparaître de Phineas II Malefoy, fils de Narcisse, descendant de Cygnus IV, lui-même fils de Scorpius, héritier de Draco, unique enfant de Lucius Malefoy.
Le vieil homme voulait récupérer son titre de Lord qui lui avait été retiré aussitôt que Sirius avait été réhabilité, mais y avait échoué à cause de la justice prédictive.
Le fonctionnement du Magenmagot rénové, le Molgenmagot, avait laissé Sirius sans voix. Le secteur juridique prédisait désormais, grâce à des algorithmes, les chances de voir aboutir positivement les procédures contentieuses.
Les moldus avaient offert leurs connaissances de l'Intelligence Artificielle pour fluidifier et améliorer le traitement de la justice. Des Conseils Androïdes Surdoués étaient désormais capables de traiter des centaines d'affaires en parallèle et de compulser, à une vitesse infinie, tout autant de dossiers.
Au sein du Molgenmagot, deux courants s'affrontaient. Une partie des membres vantaient les louanges de ces IA et s'extasiaient sur l'efficacité des CAS. Une autre frange les redoutait et craignait de voir disparaître le métier de Conseils humains qui ne tenaient pas la concurrence. Si les uns appréciaient la neutralité des machines, les autres regrettaient leur manque d'empathie et de nuances.
Ce n'était pas la pire des découvertes de Sirius. Ces trente dernières années, les nouvelles technologies s'étaient mises au service des voyantes et des prophétesses et permettaient de détecter des crimes et délits avant même qu'ils ne surviennent.
Les brigades de police magique et moldues étudiaient les réalités conditionnelles et surveillaient les concernés, prêts à les empêcher d'accomplir leurs méfaits. Cette surveillance continue était effrayante et Sirius commençait tout juste à se rendre compte qu'il ne pouvait s'en soustraire. Il se sentait tétanisé. Cet inconnu était pire que ce qu'il avait vécu. Pire que Voldemort. Pire que la perspective de son retour. Et il était bloqué là. Dans ce monde. Au moins, il n'avait plus rien à perdre.
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Prompt :
Règles imposées : Ecrire sur un futur lointain du monde de HP (au minimum une centaine d'années après l'épilogue)
Entre 500 et 4500 mots. Fanart possible
Thème : Le Magenmagot
Inspirations :
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