L'envol du dragon avait été suffisamment discret pour ne pas être remarqué par l'empire ou par la grande majorité des soldats de la coalition.

Selon les apparences, Saphira était toujours présente et survolait les deux camps. Naturellement, Eragon l'accompagnait, en apparence.

Personne ne savait où était Roran mais peu s'en souciaient. Horst était trop préoccupé par son épouse pour se demander ce que faisait le jeune homme. Connaissant Roran, il devait juste se dire quece dernier s'entraînait.

Birgit était moins bienveillante. Elle n'avait pas oublié sa vie brisée et le sort épouvantable de son mari. Elle avait maudit l'empire et ses soldats mais elle sa colère avait maintes fois été prête à retomber sur Roran. Il avait lui-même affirmé être prêt à assumer la mort de Quimby. Quand elle l'avait suivi à travers la Crète puis lors du long voyage vers le Surda, c'était pour assurer sa survie mais aussi et surtout pour garder la cible de sa colère à portée de couteau.

Roran était celui qui avait apporté la ruine sur Carvahall. Roran était celui qui s'était donné pour protéger Carvahall pour finir par laisser le village pour protéger ses habitants. Elle ne savait si elle devait le punir ou le remercier.

En attendant de savoir, elle préférait être prête à tout.

Mais elle ne voyait plus et la frustration se transformait en colère.

Fidèle à sa nouvelle habitude, elle brandit un poing plein de colère en direction du camp impérial et vociférait de sourdes menaces.

Elle se souciait peu d'être prise pour une folle par les Vardens ou d'être approuvée par les urgals qui ne comprenaient pas ce qu'attendait Nasuada pour relancer l'assaut.

‒ Comment osent-ils ?

Elle venait d'apercevoir un cavalier quitter le camp impérial en direction du camp de la coalition.

‒ Chiens de Galbatorix !

Puisqu'elle ne trouvait pas Roran, elle voulut savoir ce que cela voulait dire.

Gilles Pareta revenait encore en tant qu'émissaire du roi Orrin vers le duc Audivès.

Les Vardens et les urgals se montrèrent réticents à le laisser passer mais pas pour les mêmes raisons. L'un des urgals proposa même de le libérer de la honte d'être prisonnier en l'éventrant.

Puisqu'ils avaient l'occasion de le voir de près, les Vardens voyaient clairement un bandage sur le bras de Pareta.

Malgré cette récente blessure, Pareta paraissait se porter bien. Il était, de toute évidence, bien nourri, mieux que les coalisés. Depuis quand un prisonnier de guerre était bien traité ?

Encore s'il pouvait payer une rançon, cela pouvait se comprendre mais ce n'était sûrement pas le cas pour celui-là.

Gilles Pareta entendait les murmures et sentait l'hostilité autour de lui. Il se rassurait en se disant qu'il était du Surda et donc dans le même camp que ceux qui le dévisageaient.

‒ Dame Nasuada t'attend !

Il fronça les sourcils.

‒ Chaque fois, elle exige que je lui livre un rapport complet sur les impériaux et ne me laisse rejoindre monseigneur le duc qu'une fois sa curiosité satisfaite ! Mon roi m'a envoyé pour voir monseigneur Audivès !

‒ Dame Nasuada a reçu le commandement de toutes les forces, Vardens, Surdans, Nains et Urgals !

‒ Et alors ? Quand le roi Hrothgar envoie un messager à son peuple, Dame Nasuada exige-t-elle de le voir avant ?

Fatigué d'attendre, il donna un petit coup de talon et son cheval broncha mais ne réagit pas plus que ça. Agacé par l'absence d'éperons, il renouvela ses coups et le cheval décida d'avancer.

Deux Vardens tirèrent l'épée sans hésiter et un urgal poussa un cri guttural.

Un Surdan qui était également de garde s'avança et prit le cheval par la bride.

‒ Laissez-moi vous conduire !

‒ Tu oses te rebeller ?

‒ J'obéis à un ordre de mon roi, répliqua-t-il. Je le conduirai à Dame Nasuada après.

‒ Il vient du camp impérial. Un magicien doit vérifier son allégeance !

‒ Un de nos magiciens s'en chargera !

Sans plus prêter attention aux autres soldats présents, il prit la direction du camp surdan sans lâcher la bride.

Après avoir été sondé par un magicien, Gilles Pareta fut introduit auprès du duc devant lequel il s'inclina.

‒ Sa majesté le roi a apprit pour l'attaque et souhaite savoir combien de ses hommes sont tombés.

‒ A vrai dire, aucun. L'attaque a eu lieu loin de nos tentes mais dans le quartier aménagé pour les chevaux. Nous avons seulement entendu un bruit de bataille. J'ai pensé qu'il s'agissait d'une diversion et j'ai envoyé nos troupes face aux impériaux mais il n'y a eu finalement aucune attaque. Par contre, des ponts ont été détruits ce qui a obligé plusieurs convois d'approvisionnement à prendre une route plus longue pour arriver ici et certains ont été attaqués. Qu'en est-il de sa majesté ? Dame Nasuada a affirmé avoir envoyé le dragonnier le sauver mais de toute évidence ce fut un échec.

‒ Il va bien ! Ses blessures ont été guéries. Le dragonnier est venu avec une elfe mais ils sont repartis quand l'attaque a eu lieu.

‒ Que Tarpil nous garde en sa protection ! s'écria le duc en levant les main vers le ciel, où nous mènera cette folle aventure ? Y a-t-il demande de rançon cette fois ?

‒ Nenni ! Le roi ne m'a fait part d'aucune demande de l'empire. Il est troublé !

‒ Je vois ! Qu'en est-il des prisonniers vardens ?

‒ Je l'ignore. Nous avons été séparés dès le début de notre captivité. Il y a juste, euh…

‒ Qu'y a-t-il ? Parle !

‒ Il m'a semblé en reconnaître sous la bannière impérial. Mais ils étaient tellement nombreux et le camp est agité comme une fourmilière alors j'ai du mal voir.

Le duc hocha brièvement la tête. Que lui importait ce qu'avait cru voir ce soldat ?

‒ Le roi a-t-il demandé autre chose ?

‒ Non, monseigneur ! Il était seulement inquiet pour son peuple !

Le visage du duc se détendit un peu.

Il avait participé à la formation d'Orrin des années plus tôt. Il était bon de constater que le roi gardait toujours le même souci pour son peuple.

‒ Viens avec moi ! J'ai à parler avec dame Nasuada et elle voudra te voir aussi.

Ils se mirent en route et furent arrêtés par les faucons de la nuit.

‒ Permettez-moi de sonder votre esprit, monseigneur ? demanda une magicienne du Du Vrangr Gata.

Le duc ne put retenir une grimace exaspérée. Il avait toujours détesté cela.

À la cour d'Abéron, les mesures de sécurité étaient légères et personne ne risquait d'être sondé par un magicien. Suivant la tradition, il avait apprit à protéger son esprit mais en avait perdu l'habitude.

L'arrivée des Vardens au Surda avait changé la donne et avait nécessité un rappel de certaines mesures de sécurité.

Il n'avait pas du tout apprécié que qu'un membre du Du Vrangr Gata vérifie ses souvenirs pour s'assurer de son allégeance. Ne pouvant s'en prendre à une femme, même magicienne, il chercha Jormundur pour le défier mais Orrin lui fit baisser les armes. Ils étaient unis contre un ennemi commun.

Nasuada était dans une perpétuelle méfiance.

Certains disaient qu'elle cuisinait elle-même sa nourriture pour être sûre de ne pas être empoisonnée ou qu'elle la faisait tester par plusieurs goûteurs.

L'intrusion mentale prit fin.

‒ A vous maintenant, dit la magicienne en se tournant vers Gilles Pareta.

‒ Inutile, dit le duc. Je l'ai fait tester quand il est arrivé à mon campement.

‒ Je dois tout de même m'assurer de ce qu'il est !

‒ Il est du Surda, j'en atteste ! Mettez-vous en doute ma parole ou les compétences des magiciens surdans ?

La magicienne s'inclina pendant que les faucons de la nuit posèrent la main sur la garde de leurs épées.

‒ Je regrette, monseigneur, mais les ordres de dame Nasuada sont formels.

Malgré sa colère, le duc finit par laisser l'examen se dérouler.

Un faucon de la nuit ouvrit la tente et annonça son arrivée.

‒ Duc ! fit simplement Nasuada en inclinant à peine la tête.

‒ Dame Nasuada ! Mon roi est toujours prisonnier.

‒ La sournoise attaque de l'empire a empêché son sauvetage, révéla Nasuada. Le dragonnier Eragon ne pouvait l'emmener sans risquer sa vie. Cependant, je trouve inquiètant qu'il puisse vous envoyer un messager.

‒ Il semble que l'empire le traite avec les honneurs dus à son rang !

‒ C'est possible mais l'empire n'a jamais été réputé pour sa considération envers les autres peuples. Il pourrait s'agir d'un piège. Peut-être le contrôlent-t-ils par magie et le font envoyer des messages pour déstabiliser notre effort de guerre ?

‒ Le messager du roi a été vérifié par vos magiciens et il a dit des choses que seuls le roi sait. D'après ses souvenirs, le roi est maître de lui-même.

Nasuada jeta un regard à Gilles Pareta.

‒ Il n'est pas magicien. Il ne peut donc attester que le roi Orrin est maître de sa pensée. Nous devons envisager le pire. S'il devait vous amener des ordre allant à l'encontre de l'effort de guerre, que ferez-vous ?

‒ Si j'ai la certitude que sa majesté n'est pas manipulé alors je lui obéirai. Il est mon roi et je lui ai fait serment d'allégeance. Mais il n'a donné aucun ordre.

‒ Le roi Orrin m'a donné le commandement des forces du Surda pour les mener à la victoire, rappela Nasuada d'un ton péremptoire.

‒ Je sais cela !

‒ Je l'espère ! Qu'a dit le roi Orrin ? demanda-t-elle.

Troublé d'être interrogé soudainement, Gilles Pareta garda un moment le silence.

Ulcéré par ce que lui avait dit Nasuada et par la façon dont elle avait mit fin à leur entretien, le duc lui fit signe de répondre.

Il répéta le message d'Orrin et ce qu'il savait de l'attaque qui avait eu lieu.

Nasuada lui posa de nombreuses questions sur ce qu'il avait vu et entendu mais montrait peu de satisfaction dans les réponses.

Une trompette résonna au loin et un faucon de la nuit entra.

Sans se soucier des Surdans, il alla droit à Nasuada et lui parla à l'oreille. Elle laissa la contrariété apparaître sur son visage.

‒ Je ne peux rester plus longtemps. Soldat, si votre mission est terminée, vous pouvez repartir. Duc, je vous reverrai à la réunion avec les dirigeants des autres peuples de demain.

La petite fille au front argenté qui faisait parler d'elle dans tout le camp s'approcha d'elle et lui parla.

‒ Tu n'as rien à craindre. Tu remporteras cette épreuve.

Le duc sentit un frisson en croisant le regard adulte de la fillette avant de sortir.

Il n'eut pas à poser de question.

Des lézards du Hadarac étaient en route de leur pas tranquille. Au garrot, ils étaient plus petits que des chevaux mais bien plus grand. Leurs têtes étaient garnis de plumes flamboyantes. Ils étaient montés par des hommes enveloppés dans des vêtements amples qui dissimulaient leur peau sombre. De chaque coté des lézards, une rangée d'hommes portaient un baldaquin.

Ils étaient connus au Surda. C'était les nomades du désert du Hadarac. Certains disaient qu'ils habitaient au-delà du désert mais le traversait pour venir jusque dans leur pays. Ils faisaient commerce d'objets et de fruits exotiques. Ils étaient parfois accusés d'enlever des enfants pour les revendre comme esclave ou pour faire grandir leur peuple mais aucune preuve n'avait jamais étayé cette idée.

L'homme sur le premier lézard se redressa et poussa un grand cri dans une langue que personne alentour ne comprenait.

Nasuada qui se tenait à la porte de sa tente répondit en brandissant son bras droit avant de frapper légèrement son ventre.

Elle alla à la rencontre des nouveaux arrivants et une servant portant de l'eau dans un bol l'accompagnait.

L'homme, une fois descendu de son lézard, se dirigea vers elle.

Nasuada prit le bol et la lui présenta.

L'homme le prit et aspergea les siens dans un grand rire avant de jeter le bol sur le sol.

Il parla ensuite d'une voix forte à Nasuada dans sa langue et elle répondait avec hésitation.

Nasuada fit signe à sa magicienne et eut une longue discussion avant que l'homme n'accepte d'être sondé.

‒ Tu pourras dire au roi que les nomades du Hadarac sont venus à nous. Je ne sais quelles sont leurs intentions mais leurs guerriers sont redoutables. J'imagine qu'ils sont ici pour se joindre à nous. Va maintenant !

Gilles Pareta le salua et prit la direction de l'entrée du camp.

Alors qu'il allait sortir, il entendit une voix stridente :

‒ C'est toi qui vient de l'empire !?

Il se retourna pour voir une femme se précipiter vers lui avec un regard tellement haineux qu'il se figea de stupéfaction.

Birgit l'avait finalement trouvé.

‒ C'est toi le chien de Galbatorix ?

‒ Je suis au service du roi Orrin !

‒ Alors, pourquoi viens-tu du camp impérial ? Et pourquoi y reviens-tu ?

‒ Que t'importe ? Tu n'es pas une magicienne ? De quel droit m'interroges-tu ?

‒ Pourquoi l'empire laisserait-il Orrin envoyer des messagers ? Tous ceux qui sont ici sont prêts à se battre jusqu'à la mort mais les Surdans sont plus sereins ! Quand ils sont prisonniers, ils sont bien traités !

Outré, Gilles Pareta gifla la femme.

‒ Espèce de folle ! Combien de surdans sont morts face à l'empire ?

La femme lui lança un regard hargneux.

Quelques urgals se tinrent à ses cotés.

‒ Peuh ! Cet humain s'est rendu face à son ennemi ! Quel lâche ! Mieux vaux mourir que de courber les cornes !

Gardant à l'esprit la récente alliance avec les urgals, Gilles Pareta préféra ne rien répondre.

‒ Alors, l'humain, on n'ose rien répondre ?

Se sentant soutenue, Birgit en rajouta encore :

‒ D'ailleurs, il paraît que pendant la dernière attaque, les Surdans ont été les seuls à ne rien subir !

‒ Et donc ? Ce n'est pas nous qui avons choisi de camper à cet endroit !

‒ Suffit tous ! s'écria un nain. À quoi bon vivre si peu, si vous utilisez votre temps à des disputes stériles !

Malgré ces paroles, la tension resta lourde sur cette scène.

‒ On dirait les paroles d'un elfe, glissa un autre nain provoquant une expression choquée sur le visage du premier.

‒ Si vous avez un problème, battez-vous sinon buvez jusqu'à en perdre la raison !

Quelques nains acclamèrent.

‒ Voilà comment parler en nain !

Pareta gardait un regard noir vers Birgit et les urgals.

‒ Mon roi m'attend !

Pour rire de lui, un urgal poussa soudain un grand cri juste devant lui.

Effrayé le cheval se cabra et Pareta perdit l'équilibre et chuta lourdement sur le sol.

Par réflexe, il agrippa à la bride jusqu'à ce qu'il touche le sol. À cause de cela, le cheval lui tomba dessus.

Quelques urgals ricanèrent mais soulevèrent le cheval.

‒ Il faut l'emmener d'urgence voir un guérisseur ! déclara un varden resté silencieux jusque là.

Un urgal l'attrapa sans ménagement et le porta sans se soucier du cri de douleur qu'il provoquait.

L'urgal courut vers la grande tente des guérisseurs.

‒ Il est blessé, déclara-t-il abruptement en posant sans douceur Pareta.

‒ Mais vous êtes fou ! s'exclama un guérisseur surdan.

Malgré la tentation, l'urgal ne lui fracassa pas le crâne. S'en prendre à un guérisseur, c'était bon pour les faibles.

Un urgralgra défiait des adversaires puissants pour faire grandir sa gloire. Leurs blessures sont un rappel de leurs victoires passées. Leur douleur n'est qu'une épreuve à surmonter. C'est pourquoi ils sont si réticents à utiliser la magie pour se guérir.

Le guérisseur contempla Paretta.

Il ne pensait pas pouvoir le soigner sans se tuer par utilisation excessive d'énergie.

Normalement, un cas de ce genre serait extrêmement difficile à traiter. Plusieurs guérisseurs étaient obligés de travailler ensemble pour fournir suffisamment d'énergie. Et même en cas de réussite, la personne guérie n'était jamais totalement rétablie.

La bataille avait provoqué la mort de plusieurs guérisseurs et de nombreux blessés et la dernière attaque n'avait fait qu'en rajouter.

‒ Si au moins, le dragonnier nous prêtait main-forte, marmonnait-il. Il paraît qu'il a partagé des secrets de l'ancien langage avec les membres du Du Vrangr Gata mais ils sont toujours ailleurs sur ordre de Nasuada.

Il pouvait apporter des soins au blessé mais il était incapable de le guérir. Toute l'énergie qu'il utiliserait pour lui pourrait être cruciale pour sauver d'autres moins gravement blessé.

‒ Je suis désolé, murmura-t-il en adressant une prière silencieuse à Adrova pour qu'elle conduise son âme.

Le guérisseur regarda autour de lui et remarqua que l'urgal était parti.

‒ Qui est-ce ? se demanda-t-il ?

Mais il n'avait pas le temps de s'inquiéter à ce sujet.

Tard dans la soirée, le roi Orrin attendait toujours son messager.

Il ne pouvait s'empêcher de regarder en direction de l'entrée du camp impérial régulièrement.

Il était inquiet et contrarié mais la nuit qui tombait lui fit perdre tout espoir de le voir revenir le jour même.

‒ J'ai engagé ma parole qu'il reviendrait, dit-il à la petite fille bonde qui se tenait proche. En tant que roi, c'est une grande honte pour moi.

‒ S'il avait voulu s'enfuir, ce serait fait depuis longtemps, répondit-elle. Je ne pense pas qu'il ait manqué à votre parole.

Orrin ne put cacher sa surprise.

La disparition de son soldat malgré la parole donnée pourrait être considérée comme une félonie. Et pourtant, loin d'alourdir les conditions de sa détention, la jeune mage de l'empire se montrait compréhensive.

À vrai dire, Tanya était surtout contrariée de la disparition du seul moyen de communication qu'elle avait avec le Surda sans avoir à s'impliquer.

‒ je vous sais gré de m'avoir laisser envoyer un messager vers les miens, déclara Orrin. Mais je ne sais que faire pour laver ma honte. Si je n'étais déjà prisonnier…

Il s'arrêta inquiet de ce que cette mage pourrait décider de faire comme lui demander de renoncer à son allégeance envers les Vardens, les elfes, les nains et les urgals.

Tanya hésita et finit par s'incliner.

‒ Peut-être a-t-il seulement été retardé et contraint d'y passer la nuit ! Nous pourrons déterminer demain matin ce qu'il en est. Le service de mon roi me contraint à vous laisser. Je vous laisse prendre du repos.

Sans attendre, elle repartit.

Mais elle dut encore attendre avant de se reposer.

Les jumeaux vinrent la narguer en affirmant avoir rassemblé quantité de volontaires selon le commandement royal pour servir à la prochaine bataille.

Au camp des coalisés, une dispute éclata et les personnes concernés furent dans l'obligation de s'expliquer devant Nasuada.

Elle tenait à montrer une figure impartiale pour que les liens fragiles ne se desserrent pas davantage.

‒ Expliquez-vous !

L'urgal fut le premier à parler.

‒ Il prétend me prendre mon cheval !

‒ Quoi ? Ce cheval me revient ! S'indigna le varden.

Un nain, présent comme témoin, semblait s'amuser de la colère des deux.

‒ Que s'est-il passé ? demanda Nasuada en haussant le ton. D'où vient ce cheval ? Est-ce un que vous avez pris à l'ennemi ?

‒ C'est celui du messager de l'empire !

‒ Celui qui est venu le lendemain de la bataille et qui est revenu aujourd'hui ?

‒ Oui, ma dame !

‒ C'est un surdan ! Pourquoi vous disputez-vous son cheval ? Il ne l'a quand même pas oublié en repartant ?

Le varden hésita et ne sut quoi répondre.

‒ Il est resté là, répondit avec désinvolture l'urgal.

‒ Comment cela ? Il a décidé de rester ici pour affronter l'empire plutôt que de rester prisonnier ? Pourquoi n'ai-je pas été avisée ?

Elle vit les trois hésitants devant elle.

‒ Que s'est-il passé ? demanda-t-elle en durcissant la voix.

‒ Hé bien, il y a eu un accident ! Il s'est fait piétiner par son cheval ! dit le varden.

‒ Je l'ai conduit chez le guérisseur et, quand je suis revenu à la porte, il tenait la bride du cheval.

‒ J'ai cru qu'il allait me tuer !

‒ Chez les urgals, une telle dispute se règle par un combat !

Qu'est-ce qui ne se règle pas par un combat chez les urgals ? se demandait Nasuada. Au moins, il acceptait de présenter ses revendications devant elle.

Donc, ce Gilles Pareta était gravement blessé, peut-être même mort.

Au moins, elle était sûre qu'il ne donnerait aucune information à l'empire, à son insu ou volontairement. Mais elle perdait également tout moyen d'avoir des nouvelles d'Orrin.

‒ Aucun de vous n'a de droit sur ce cheval ! décida-t-elle. Il appartient à un soldat du Surda et il doit lui revenir. S'il est mort, il servira à la cavalerie surdane. Allez maintenant !

Elle ignora les grognements de l'urgal et réfléchit.

Le cheval était sûrement à l'empire.

Mais si Orrin était mécontent d'avoir perdu un soldat en dehors d'une bataille, elle pouvait toujours lui dire qu'elle lui laissait le cheval comme réparation. Ça devrait le calmer.