Chapitre 11 : Tell me your limit, and we'll cross the line again

Une fois les reliefs du repas débarrassés, Snape se leva et lui fit signe de le suivre. Il la mena dans le couloir de l'entrée et s'arrêta devant une porte cachée dans la structure boisée de l'escalier.

- Nous allons consacrer notre après-midi à une activité beaucoup moins mouvementée afin de préserver votre piètre condition physique.

Piquée, mais décidée à ne pas réagir aux remarques sarcastiques du sorcier, Hermione se contenta de l'observer calmement, attendant qu'il poursuive.

- Vous allez pénétrer dans mon laboratoire de potions personnel. C'est un privilège rare, je compte sur votre discernement pour respecter l'ordre ainsi que la sérénité du lieu.

C'était donc là qu'il avait disparu après leur entraînement ce matin. Hermione fit brusquement le lien avec le baume qu'il lui avait donné et se demanda s'il l'avait préparé directement après leur session, ou s'il avait simplement prélevé le pot de sa réserve personnelle. Dans les deux cas, elle se sentait étrangement reconnaissante envers la prévoyance du sorcier devant elle.

Semblant avoir suivi son cheminement de pensées, Snape fronça les sourcils et la ramena à la réalité d'un claquement de langue réprobateur.

- Quand vous aurez cessé de rêvasser, peut-être pourrions-nous y aller ? demanda-t-il en ouvrant la porte.

Elle le suivit dans l'étroit escalier de pierre menant au sous-sol, pour se retrouver face à une imposante porte de bois grossier. Pour un peu, elle se serait presque crue revenue au temps de sa scolarité, lorsqu'elle attendait qu'il leur fasse signe d'entrer pour leur premier cours de potions. Cela remontait à tellement longtemps.

- Tournez-vous, Granger. Je ne compte pas vous donner libre accès à ce laboratoire de sitôt et connaissant votre propension à pénétrer dans des lieux qui devraient rester hors de votre portée, j'aime autant prendre le moins de risques possibles. Après tout, mon stock de peau de serpent d'arbre du Cap s'en souvient encore.

Abasourdie par le timing de son accusation, Hermione ouvrit de grands yeux et demanda :

- Comment savez-vous que c'était moi ?

- Jusqu'à aujourd'hui je n'avais que des soupçons, mais vous venez à l'instant de les confirmer, dit-il alors qu'un sourire ironique étirait la commissure de ses lèvres. Il faudra que nous travaillions sur votre capacité à rester impassible en cas d'interrogatoire, mais notre planning est déjà suffisamment chargé. Nous nous occuperons de cela plus tard.

À ces mots, Hermione se renfrogna, vexée de s'être laissée manipuler de la sorte. Elle jeta un regard noir au sorcier qui haussa un sourcil moqueur en réponse, avant de lui faire signe de se retourner.

Elle s'exécuta, non sans laisser échapper un faible soupir de frustration.

Quelques instants plus tard, elle entendit le cliquetis de la serrure résonner et l'homme lui fit signe d'entrer à sa suite.

Si elle avait été impressionnée par le domaine, le manoir et la maison, rien ne l'avait préparée à l'ébahissement qui la saisit lorsqu'elle pénétra dans ce laboratoire. Face à elle, dans un espace qui égalait en taille sa classe de potions à Poudlard, s'étalait une demi-douzaine de paillasses sur lesquelles reposaient des chaudrons de toutes tailles et de différentes factures. Certains semblaient d'ailleurs remplis, leur contenu préservé par des sorts de stase. En avançant parmi les bancs, elle distingua notamment une potion de Régénération Sanguine et une préparation de Veritaserum. Une autre cuve contenait une concoction qu'elle ne parvint pas à identifier, mais les effluves de menthe poivrée qui s'en dégageaient lui firent penser à un baume apaisant.

Des armoires vitrées couraient sur toute la surface des murs de la pièce. Elles étaient remplies de bocaux contenant plus d'ingrédients qu'elle n'en avait vu de toute sa vie et elle se surprit à penser que certains devaient être d'une extrême rareté.

Une série de lanternes suspendues à intervalles réguliers devaient éclairer l'endroit à la nuit tombée. Mais pour l'instant la lumière du jour entrait en flots réguliers par les lucarnes rectangulaires situées à hauteur de plafond.

En tournant sur elle-même, elle vit qu'à l'instar du salon, le mur de l'entrée était recouvert d'étagères qui semblaient contenir des milliers d'ouvrages. Elle se rappela cependant les recommandations du sorcier qui l'observait depuis la porte et évita de s'en approcher.

Quand il constata que son tour d'inspection était terminé, Snape s'adressa à elle :

- Il me semble me souvenir que vos résultats dans ma classe n'étaient pas aussi désastreux que ceux de vos camarades. Vous souvenez-vous des ingrédients utilisés dans l'élaboration de la Pimentine ?

- Évidemment.

- Alors allez-y, mettez-vous au travail, dit-il en lui désignant une paillasse inoccupée, située au milieu de la pièce. Vous savez où trouver les ingrédients.

Il se dirigeait vers son propre espace de travail, lorsque la voix de la sorcière retentit derrière lui, le stoppant dans son élan :

- Excusez-moi Monsieur, mais j'aurais pensé pouvoir travailler sur quelque chose de plus compliqué que la simple élaboration de la Pimentine.

Il se tourna lentement vers elle, une expression indéchiffrable sur le visage.

- Depuis combien de temps n'avez-vous pas brassé, Miss Granger ? demanda-t-il en la fixant de son regard impénétrable.

Seul le silence de la jeune femme lui répondit et il hocha simplement la tête, nullement surpris.

- Vous n'avez pas suivi un cours de potions depuis la fermeture forcée de Poudlard il y a trois ans et vous espériez sincèrement que j'allais vous confier une tâche plus importante ou plus difficile ? Vous rêvez, fillette.

Le visage d'Hermione se rembrunit face aux propos condescendants du sorcier et faisant fi de toute prudence, osa répliquer :

- Sauf votre respect Monsieur, j'ai de nombreuses connaissances dans des domaines variés et je n'ai plus rien d'une fillette depuis des années.

Un sourire mauvais s'étira sur les lèvres du potioniste, rendant soudain les traits de son visage beaucoup plus durs qu'ils ne l'étaient habituellement.

- Et bien dans ce cas, prouvez-le moi, susurra-t-il.

Son regard s'était fait plus noir encore, lui donnant l'air menaçant.

- Je veux que dans une heure vous ayez confectionné et mis en bouteille une cinquantaine de fioles de Pimentine. Après tout, les membres de l'Ordre du Phénix aussi peuvent avoir la grippe. Autant être prévoyant.

Les joues de la Gryffondor se colorèrent subitement de rouge, et il ne sut si c'était de colère ou d'embarras. N'y prêtant pas plus d'attention, il tourna les talons, les pans de sa cape bruissant doucement dans le silence du sous-sol et rejoignit enfin son bureau. Là, il tira une liasse de parchemins de son tiroir et entreprit d'en examiner le contenu, pendant que son ancienne étudiante se dirigeait d'un pas déterminé vers sa réserve d'ingrédients.

Ils travaillèrent dans un silence studieux, seulement interrompu de temps à autre par le grattement de la plume du sorcier sur le parchemin ou par le claquement du couteau sur le bois.

Relevant la tête de ses documents au bout de quelques minutes seulement, Severus décida d'observer la jeune femme pendant qu'elle s'attelait à la préparation de la potion qu'il lui avait demandée. Elle avait pris place devant la paillasse qu'il avait désignée comme étant la sienne et travaillait dans un calme et une minutie presque religieuse.

Elle avait allumé le feu sous trois chaudrons, lançant ses préparations en canon. Une idée intéressante qui allait lui permettre de gagner du temps, mais qui en retour ne supporterait pas la moindre fausse note ou le moindre retard.

Elle avait la mine concentrée et des gestes assurés. Elle coupait, pilait, écrasait et éminçait les ingrédients nécessaires avec une finesse et une précision qu'il lui avait toujours connue dans sa classe.

Ce qui était impressionnant, c'est qu'une fois pleinement plongée dans le travail, plus rien ne semblait exister autour d'Hermione Granger. Devant un chaudron, un devoir de sortilèges ou une équation arithmantique, rien ne semblait en mesure de l'arrêter.

C'en était presque exaspérant, autant de désir de perfection, surtout pour lui. Plus d'une fois durant sa carrière de professeur il avait observé cette jeune fille se démener dans ses cours pour obtenir son approbation.

Mais il n'avait pas pu encourager sa soif de connaissances à l'époque, de par son statut précaire, piégé entre son rôle de professeur et la conscience d'être observé par ses Serpentard, prêts à rapporter ses éventuels écarts de comportement à leurs parents versés dans les Arts Noirs.

A présent, dans le cadre de la formation qu'il devait assurer auprès d'elle, il avait compté sur ses connaissances et sur son assiduité pour rapidement lui confier l'élaboration de préparations beaucoup plus complexes que la Pimentine. Mais étant un Maître en Potions, il ne pouvait décemment pas lui confier une tâche aussi exigeante sans s'être assuré de lui dispenser une remise à niveau, même minime. Il en allait avant tout de sa réputation, mais c'était aussi une simple question de prudence et de bon sens : on ne mettait pas des ingrédients coûteux et potentiellement mortels entre les mains de n'importe qui.

C'était la bravoure typiquement Gryffondor de la jeune femme qui l'avait poussé à lui soumettre ce défi quasiment irréalisable. Si elle n'avait pas cédé à cette stupide impulsion de le contredire, il se serait contenter d'évaluer la qualité de sa préparation avant de lui proposer de travailler sur quelque chose de plus complexe.

Mais, finalement, il ne regrettait pas ces événements inattendus. Cela servirait de leçon d'humilité à la jeune femme, tout en contribuant à asseoir un peu plus son autorité. Sans compter que cela serait une corvée en moins pour lui, puisqu'il devait effectivement refaire le stock de Pimentine pour l'infirmerie de l'Ordre. On était en octobre et même si la grippe ne faisait actuellement pas autant de victimes que les Mangemorts, autant ne pas prendre de risques inutiles.

Prenant conscience que cela faisait un moment qu'il avait son attention tournée vers la jeune femme, il décida de reporter celle-ci sur son propre travail.

Hermione se redressa, persuadée d'avoir senti son regard perçant fixé sur elle. Cependant lorsqu'elle constata qu'il était concentré sur les documents qu'elle l'avait vu sortir de son bureau, elle se demanda si elle n'avait pas imaginé cette sensation.

C'était probablement la présence du sorcier qui la perturbait. Après tout, cela faisait des années qu'elle ne s'était pas retrouvée dans une telle situation : elle, penchée sur un chaudron bouillonnant et lui, assis à son bureau, une plume à la main.

Elle remarqua néanmoins que sa manière d'écrire était moins brusque, plus posée. Sûrement parce que pour une fois, il ne corrigeait pas de copies bourrées d'inepties sans nom, qui valaient à coups sûr à leur auteur l'immanquable T de Troll et des remarques acerbes dans la marge.

Même ses copies à elle, qui frôlaient pourtant la perfection, s'étaient retrouvées affublées d'une incroyable quantité d'annotations rouges au fil des ans.

Elle se demanda subitement si ce cas de figure finirait par se représenter dans le contexte actuel. Elle réprima un rire nerveux en se figurant ses fioles de Pimentine en cours de préparation, parées de la mention Effort Exceptionnel sur l'étiquette. Après tout, elle n'avait jamais récolté de note plus haute de la part du sorcier.

Snape releva un sourcil face à son exclamation étouffée, puis reporta son attention sur la pendule, placée dans un coin de la pièce. Suivant son regard, Hermione réprima un juron et se remit à la tâche, tandis qu'il esquissait un rictus mesquin. Il ne lui restait que vingt minutes pour rendre son travail et même si ça allait être serré, elle comptait bien impressionner l'homme devant elle, afin d'obtenir un peu plus de considération pour ses compétences.

Ce défi qu'il lui avait lancé était quasiment irréalisable et ils en avaient tous les deux conscience. Peu de personnes pouvaient préparer - parfaitement - cinquante doses d'une potion en aussi peu de temps. Même aussi basique que celle-ci. Elle ne doutait cependant pas que Snape, lui, en était capable. Elle voulait donc prouver qu'elle l'était aussi et qu'elle méritait son respect. Elle avait besoin d'une victoire après la matinée éprouvante qu'elle avait passée.

De manière ironique, elle s'était lancée dans un nouvel exercice physique, puisqu'elle devait allier concentration, rapidité et précision. Mais c'était aussi une compétition mentale qui se jouait entre eux. C'était à celui des deux qui parviendrait à déstabiliser l'autre.

Au bout du temps imparti, Hermione repoussa une mèche rebelle qui s'était échappée de son chignon et apposa le bouchon de liège sur son dernier flacon en soupirant de soulagement, avant que la voix de Severus Snape ne s'élève derrière elle, annonçant "Temps écoulé Granger !".

Elle sursauta vivement, manquant d'échapper la fiole qu'elle tenait entre les mains et se tourna vers lui. Depuis combien de temps était-il là, à l'observer pendant qu'elle travaillait ? Elle ne l'avait même pas entendu se lever et se déplacer, bien trop concentrée sur sa tâche.

Il la contourna pour venir se placer devant sa paillasse, inspectant minutieusement les cinquante bouteilles contenant le liquide d'un vert vif attendu.

- Pas mal, Granger.

La sorcière se renfrogna face à ces paroles.

- Pas mal ? Mes potions sont d'une perfection rarement atteinte durant vos cours ! répondit-elle en une protestation véhémente.

Snape arqua un sourcil dans sa direction, avant de la rabrouer :

- Un peu de modestie n'a jamais tué personne, sorcière.

Elle eut un reniflement méprisant qui ressemblait étrangement aux siens, avant de lui répondre :

- Peut-être, mais être consciente de la valeur de son travail non plus. Et je sais que ma préparation pourrait très bien égaler l'une des vôtres.

Le sourcil de l'homme sombre s'arqua encore plus, se confondant presque avec le noir corbeau de ses cheveux.

- Vous paraissez bien sûre de vous.

Elle carra les épaules.

- Je le suis.

- Bien. Vous ne verrez donc pas d'inconvénient à ce que l'on vérifie ?

Elle n'avait même pas encore ouvert la bouche pour lui répondre qu'il s'était déjà détourné d'elle, marchant vers le fond de la pièce. Il ouvrit une armoire et en scruta un instant le contenu avant d'y attraper quelque chose, pour ensuite revenir à sa place initiale.

Debout devant elle, il plaça sa propre fiole de Pimentine à côté d'une des siennes, et d'un signe de tête l'encouragea à les comparer.

S'efforçant de ne pas laisser transparaître le malaise grandissant qu'elle ressentait, Hermione s'empara de la version réalisée par Snape et se décala pour l'observer à la lumière naturelle qui pointait encore à travers les lucarnes.

Ses sourcils étaient froncés et elle pinçait légèrement les lèvres, signe de concentration et de nervosité.

- Alors ? la pressa Snape au bout d'une minute.

La sorcière poussa un soupir presque inaudible.

- Si je dois être parfaitement honnête, le vert de la vôtre est légèrement plus vif que celui de la mienne. Mais c'est infime, ajouta-t-elle précipitamment alors qu'il lui subtilisait le flacon des mains.

À son tour, il en observa le contenu à travers le prisme du soleil, puis empocha une bouteille restée sur la table pour les comparer.

- C'est très léger, en effet, souffla-t-il en ramenant son attention sur elle.

Les épaules de la sorcière s'affaissèrent et elle soupira en signe de défaite.

- Mais le résultat dépasse tout de même mes attentes initiales.

Le visage de la jeune femme se releva brusquement vers lui, ses yeux brillant d'une lueur d'espoir.

- Monsieur ?

Il reposa les deux objets sur la table avec une lenteur délibérée, s'assurant d'avoir toute son attention. Une fois qu'il fut certain qu'elle était pendue à ses lèvres, sa voix de basse s'éleva :

- Voyez-vous, Granger, le but de cet exercice n'était pas de vous humilier. Du moins pas complètement, ajouta-t-il en réponse au regard peu convaincu qu'elle lui renvoya. Mon idée ici était de vous donner une leçon d'humilité, mais aussi de vous pousser à vous battre pour vos convictions. Car il est un fait certain que si vous ne croyez pas en vous, vous n'accomplirez jamais rien de valable. Mais si vous péchez par excès de confiance, cela finira forcément par se retourner contre vous et pourrait causer des dommages irrémédiables.

Ses orbes noirs étaient à présent vissés dans les siens et elle se surprit à ne pas pouvoir en détacher son regard. Elle était si attentive à ce qu'il disait qu'elle avait l'impression de boire ses paroles.

- Il va vous falloir trouver le juste équilibre entre les deux. Dans ce laboratoire, mais aussi dans la salle d'entraînement, vous allez devoir apprendre à jongler entre ces deux attitudes. Prendre confiance en vous lors de nos affrontements physiques - qui vont s'intensifier au fil des jours, n'en doutez pas une seule seconde - et faire preuve d'un peu plus de retenue lorsque vous serez dans cette pièce.

Il fit une courte pause, comme s'il réfléchissait à ses prochaines paroles. Puis il reprit, sa voix résonnant de manière étrange dans le calme du laboratoire :

- Je peux vous apprendre de nombreux sortilèges offensifs, aiguiser vos compétences dans différents domaines de la magie, vous inciter à aller plus loin dans vos réflexions, mais vous seule êtes responsable de votre attitude. Et celle-ci aura un impact, à la fois sur cette collaboration forcée, mais également sur le reste de votre vie. Comprenez-vous où je veux en venir Miss Granger ?

- Oui Monsieur, je pense.

Il eut un hochement de tête satisfait à sa réponse.

- Bien. Maintenant, approchez-vous, fit-il en se dirigeant vers la table où reposait le chaudron au contenu indéterminé. Une paire de bras supplémentaire ne sera pas superflue pour la seconde partie de cette recette.

Elle s'attela à la tâche qu'il lui confia avec un entrain qui manqua de peu de le faire soupirer, mais il ne fit aucun commentaire désobligeant et ils purent travailler dans une ambiance studieuse tout au long de l'après-midi. Ils ne s'arrêtèrent que lorsque les bougies qu'ils avaient allumées au coucher du soleil commencèrent à décliner dangereusement.

Quand elle monta se coucher ce soir-là, l'esprit d'Hermione bouillonnait de mille questions et réflexions à propos de cette première journée. Celles-ci qui la tinrent éveillée pendant une bonne partie de la nuit.

oOoOoOo

Les premières semaines s'écoulèrent ainsi, apportant dans le quotidien d'Hermione une routine bien huilée.

Tous les matins, elle rejoignait Snape devant la porte de la maison et ils entamaient leur footing autour du domaine. Puis, quand il estimait qu'elle avait suffisamment transpiré, il lui accordait quelques minutes de pause et une gourde d'eau, avant de la mener dans l'ancienne salle de bal pour une danse d'un tout autre genre.

Il lui enseignait alors des enchaînements de coups qu'elle répétait, encore et encore jusqu'à l'épuisement. Il était dur et intransigeant, ne s'arrêtant que pour corriger une posture ou un mouvement qu'elle n'effectuait pas correctement ou pas assez vite à son goût

Comme il le lui avait certifié, l'intensité et la difficulté de ces séances augmentaient chaque jour et elle le sentait jusque dans ses doigts de pied. Elle se couchait chaque jour plus courbaturée que la veille, prenant conscience de parties de son corps qu'elle n'avait jamais senties jusqu'alors.

Progressivement, son corps s'habitua pourtant à ce traitement. Elle souffrait et suait toujours autant pendant les entraînements, mais les crampes et les courbature s'effaçaient peu à peu, laissant place à une sensation de bien-être lorsqu'elle émergeait de sa douche ou de la baignoire.

Une chose était sûre, c'est qu'elle n'avait plus le temps de ruminer le soir. À peine sa tête s'était-elle posée sur son oreiller qu'elle s'endormait instantanément, Pattenrond roulé en boule à ses pieds.

Le félin s'était lui aussi rapidement habitué à son nouvel environnement et déambulait au gré de ses envies dans l'ensemble de la maison. Il semblait y avoir un accord tacite entre l'irascible sorcier et lui, qui consistait à ne jamais occuper la même pièce simultanément. Le Demi-Fléreur l'évitaient autant que possible, même si Severus apercevait de temps à autre le reflet d'une patte ou d'une queue touffue disparaître au détour d'une pièce.

Mais la plupart du temps, il ne remarquait même pas la présence du chat dans la maison. Il avait simplement pris le plis de lancer un Recurvite sur le mobilier à intervalle régulier. Et mis à part une remarque sarcastique à l'encontre d'Hermione concernant des poils orange sur ses vêtements de sport, il n'y faisait jamais allusion.

Leur samedi était généralement consacré à la récolte d'ingrédients et à l'entretien des plantations. Celles se trouvant dans les parterres devant la maison étaient bien des plantes médicinales, mais Snape possédait également une serre de belle taille à l'arrière de la maison. Hermione avait esquissé un sourire léger en imaginant la tête de son ami Neville s'il s'était retrouvé à cet endroit, partagé entre sa terreur à l'encontre de l'ancien directeur de Serpentard et sa passion pour la botanique.

La serre contenait un nombre impressionnant de plantes - magiques et non magiques - dont il fallait s'occuper. Il lui enseigna donc la manière adéquate de tailler le rosier ensorcelé, lui apprit à éviter de s'approcher trop près des plants de Mimbulus Mumbletonia et à récolter les fleurs de Moly à l'approche de la pleine lune.

Hermione s'attelait à chaque mission qu'il lui assignait avec concentration et minutie. Elle ne voulait en aucun cas décevoir les attentes du sorcier et s'employait à suivre consciencieusement ses instructions.

Le dimanche était cependant un jour de repos pour tous les deux. Elle pouvait dédier ce jour à ce qu'elle souhaitait. Elle avait donc entrepris d'explorer le domaine dans son ensemble.

Snape, quant à lui, passait la majorité de ce temps libre dans son laboratoire et elle ne le croisait quasiment pas, excepté pour les repas qu'ils partageaient et qu'ils préparaient à tour de rôle.

Un temps, elle avait craint que ses repas ne soient pas à la hauteur de ceux qu'il lui avait proposés, mais il n'avait jamais fait aucun commentaire en goûtant sa nourriture, ce qui l'avait quelque peu rassurée.

Puis, un soir, leur routine connut son premier imprévu. Severus ne se présenta pas au dîner à l'heure convenue. À la place, il lui avait laissé un mot, griffonné de son écriture serrée :

"Je serai absent jusque demain après-midi. Entraînez-vous sans moi. Si vous ne vous ne le faites pas, je le saurai.".

Hermione avait levé les yeux au ciel face à cette note lapidaire, mais s'était tout de même réveillée à six heures trente le lendemain pour aller courir et faire une session d'abdos dans le manoir.

Étrangement, cela ne la dérangeait plus tant que cela. Elle avait pris l'habitude de se plier à ce programme et cela lui aurait paru incongru de s'y soustraire.

Lorsqu'il avait réapparu l'après-midi-même, alors qu'elle était assise sur le canapé du salon, un lourd volume flottant à hauteur de ses yeux, il n'avait fait aucune remarque, ni n'avait posé aucune question et elle en avait fait de même, respectant sa volonté de silence.

Cependant, à mesure que les jours se succédaient, Hermione remarqua qu'il était toujours beaucoup plus désagréable le lendemain de ses convocations auprès du Seigneur des Ténèbres.

Ce n'était pas flagrant puisqu'il s'efforçait de toujours d'avoir l'air imperturbable en sa présence. Néanmoins, elle le remarqua.

Il paraissait plus nerveux et se faisait encore moins expressif que d'habitude. Il était également nettement moins patient envers elle. Plus agressif aussi.

Le moindre faux pas de sa part durant les entraînements lui valait à coup sûr des remontrances plus acerbes. Ses coups se faisaient également plus vicieux, comme s'il cherchait à la punir de quelque chose dont elle n'avait pas conscience. Il l'accablait aussi de travail supplémentaire dans le laboratoire. Là, les corvées et les tâches ingrates pouvaient s'enchaîner sans discontinuer.

Dès lors, elle apprit à se faire plus discrète durant ces périodes, mais également plus attentive pendant leurs différentes leçons. Elle n'avait pas particulièrement envie de s'attirer les foudres de l'homme, alors qu'il paraissait déjà sur les nerfs.

Néanmoins, il y eut un jour où Hermione fut particulièrement mauvaise lors de leur session de combat. Elle ne parvenait pas à effectuer correctement la parade qu'il lui avait enseignée quelques jours auparavant et plus elle s'échinait à recommencer, moins ses mouvements étaient précis.

Malheureusement, c'était aussi le lendemain de l'une de ses réunions de Mangemorts et Snape avait l'air absolument furieux. Contre sa propre personne ou contre elle, même lui ne paraissait pas le savoir. Mais ça ne l'empêchait pas d'être absolument infect.

Alors que Snape la tançait une nouvelle fois pour son manque d'implication, Hermione craqua :

- Vous le faites exprès d'être aussi empotée, Granger, ou vous êtes juste incapable de faire quelque chose correctement ces jours-ci ?

- Oh mais foutez-moi la paix à la fin ! hurla-t-elle, exaspérée.

Surpris par la réaction de la sorcière, Snape suspendit le geste qu'il avait amorcé et la fixa. Elle semblait au bord des larmes.

- Cela fait des heures que je m'escrime à vous satisfaire, répétant cet enchaînement encore et encore, alors que la douleur de mes règles me tord le bide depuis ce matin ! J'en ai assez, vous entendez !? Assez !

Le visage de Snape se figea à ses paroles et il se redressa lentement tandis que les larmes coulaient maintenant abondamment le long des joues de la jeune sorcière. En l'observant plus attentivement, il remarqua la pâleur de ses traits et les légers cernes sous ses yeux. Une étrange sensation lui tordit l'estomac quand il se rendit compte qu'elle avait lutté pendant des heures simplement pour ne pas le contrarier, avant de craquer sous la pression.

Quand il prit la parole, sa voix était plus posée qu'elle ne l'avait été de toute la matinée :

- Bien. Je suppose que nous pouvons nous arrêter là pour aujourd'hui.

- Quoi ?

L'expression d'Hermione était des plus ahuries.

- Allez vous allonger Granger, je m'occuperai moi-même des repas pour aujourd'hui.

- Mais je…

- Déguerpissez avant que je ne change d'avis.

Son ton était froid et sans appel. Sans demander son reste, Hermione rangea rapidement son matériel en lui jetant de temps à autre un regard perdu, puis se précipita hors du manoir en direction du cottage.

Lorsqu'elle eut disparu, Snape laissa échapper un lourd soupir. Merlin, il ne manquait plus que cela ! Comment avait-il pu ne pas anticiper ce cas de figure ? Ce n'était pas comme s'il n'était pas totalement au fait du cycle menstruel féminin.

Après tout, il avait été à la fois le directeur de la Maison Serpentard et un potionniste renommé. Cela l'avait fréquemment amené à s'occuper de ce genre de désagrément au cours sa carrière, même s'il préférait d'ordinaire confier cette tâche aux préfets et préfètes de sa Maison. Après tout, les élèves - même celles de sa maison - n'avaient pas forcément envie de rapporter leurs problèmes intimes à la Chauve-Souris des Cachots.

Malgré tout, c'était lui qui fournissait l'infirmerie de l'école en remèdes. Les potions anti-douleur faisaient à l'époque partie de ses brassages quotidiens.

Se passant une main sur son visage fatigué, il prit le temps de remettre la salle d'entraînement en ordre avant de se diriger d'un pas lourd vers la maison. Il avait des plantes à récolter.

En fin d'après-midi, lorsque Hermione descendit de sa sieste salutaire pour s'installer dans le canapé du salon avec un livre de runes, quelle ne fut pas sa surprise de constater qu'une tasse fumante d'infusion d'achillée millefeuille l'attendait sur la table basse.

Elle jeta un regard au sorcier qui était installé dans son propre fauteuil, mais il ne releva pas son regard de sa lecture. Elle se contenta donc de trouver une position confortable dans le canapé pour entamer son propre livre.

Ils n'échangèrent pas un mot durant cette séance de lecture, ni pendant le repas qu'il avait préparé à sa place.

Le soir lorsqu'elle monta se coucher, elle trouva sur son lit une bouillotte enchantée pour diffuser sa chaleur toute la nuit et une fiole de potion antidouleur sur sa table de chevet. D'abord perplexe, elle enfila son pyjama et s'installa dans son lit. Elle observa alors l'objet pendant un long moment, ses méninges tournant à plein régime.

Décidant qu'elle ne résoudrait pas l'énigme que représentait Severus Snape lors d'une soirée de souffrances menstruelles, elle s'empara finalement de l'objet chaud et le posa avec soulagement sur son ventre douloureux. Après cela, elle ne mit que quelques minutes à s'endormir.

Le lendemain, ni l'un ni l'autre ne commenta les événements qui s'étaient déroulés la veille et ils reprirent leur quotidien comme si de rien n'était.

Pourtant, à partir de ce jour-là Snape ne lui imposa plus d'entraînement physique le premier jour de ses règles, remplaçant celui-ci par des sessions d'études qu'elle pouvait effectuer où bon lui semblait dans la maison. Comment faisait-il pour repérer le jour critique, elle n'en savait strictement rien, mais elle lui en était reconnaissante d'en tenir compte dans son planning.

Cela sembla également marquer un premier tournant dans leur collaboration. Il y avait maintenant une compréhension mutuelle qui semblait se construire entre eux.