Chapitre publié le 14 juillet 2024
Les événements de ce chapitre ne sont pas présentés dans l'ordre chronologique. En gros, les deux scènes avec Kairi sur la plage se suivent et le passage avec Xion et Riku a lieu le lendemain.
Chapitre 44 : Le temps est écoulé
Le soleil déclinant de ce début de soirée lui frappait le dos et la nuque. Sur les Îles, les jours d'été, la nuit ne tombait que très tard. Dans n'importe quel autre monde, il ferait nuit à présent.
Étalée de tout son long sur le sable, comme voulant y enfouir son visage, Kairi ne bougeait pas. Les sons familiers de la conclusion des activités de la journée lui parvenaient dans le lointain : les pêcheurs qui se lançaient des instructions tout en amarrant solidement leurs embarcations pour la nuit ou en rangeant leurs immenses filets de pêche, les enfants qui profitaient des dernières lueurs du jour pour une ultime partie de jeu de ballon ou de course-poursuite, leurs parents qui les rappelaient pour aller dîner.
Elle ne bougeait toujours pas. Ses mains agrippèrent des poignées de sable, comme s'enfonçant rageusement dans le cou d'un ennemi ou déplorant leur propre impuissance.
Un sanglot étouffé agita ses épaules. Si quelqu'un s'aventurait vers elle, elle ferait un drôle de spectacle, cette fille vêtue de ce singulier manteau noir, étalée la tête la première dans le sable, les cheveux en bataille, les joues rouges et les yeux bouffis. Mais elle n'en avait cure.
Des larmes de colère et de détresse dévalaient ses yeux, aussitôt absorbées par le sable comme si le monde lui-même était indifférent à sa détresse.
Quand Xion se réveilla le lendemain matin, il lui fallut quelques instants pour comprendre où elle se trouvait. Une fois encore, elle ouvrait les yeux sur un environnement qui lui était inconnu. Une chambre haute de plafond, aux murs recouverts de tapisseries décolorées par les ans et la poussière, de lourds rideaux encadrant une fenêtre sur sa droite par laquelle s'engouffrait la lumière du jour.
Où... ? Ce n'était pas du tout sa chambre dans le manoir, encore moins dans la Citadelle de l'Organisation.
Ah. Les souvenirs de la veille lui revinrent et un profond soupir lui revint alors qu'elle laissait retomber sa tête sur l'oreiller. Ah oui. Bien sûr. Les événements s'étaient enchaînés avec une vitesse effrayante. Elle porta une main lasse à son visage pour écarter quelques mèches de cheveux noirs. Au moins avait-elle récupéré son corps.
La réalité de ce dernier s'affirma immédiatement dès qu'elle repoussa les couvertures et quitta le lit à baldaquin dans lequel elle reposait. Une douleur sourde, semblable à des courbatures mais s'enfonçant davantage dans les profondeurs de son corps, se rappela immédiatement à elle et elle tressaillit avec une grimace. Elle plaqua la main contre sa poitrine et baissa les yeux vers ses genoux. A ce point ? Non, il lui semblait que sa longue nuit de sommeil lui avait été bénéfique, en fin de compte. La douleur était toujours là, mais étouffée, comme dissimulée derrière un voile. La veille, se rappelait-elle, elle pouvait par moments à peine tenir debout.
Elle s'étira lentement, tâtant chaque muscle l'un après l'autre. Tout semblait en ordre. C'était rassurant, d'une certaine façon. Elle ne l'avait pas vraiment dit à Naminé, mais elle avait eu très peur, la veille, de devoir rester ainsi éternellement.
Naminé lui avait dit de se reposer et elle avait eu raison. Elle lui avait aussi dit qu'elle allait tenter d'utiliser ses pouvoirs pour apporter plus d'harmonie à son corps, mais Xion n'avait pas ignoré combien elle avait semblé hésitante en disant ces mots.
Naminé était vraiment très gentille, alors même qu'elle avait usurpé son identité et lui avait dérobé son corps pendant des semaines. Parfois, Xion se disait qu'elle ne cessait de voler des choses aux autres.
Xion tenta tant bien que mal d'écarter ces pensées et se dirigea vers le mur sans fenêtre à la gauche du lit. Elle n'accorda qu'un regard distrait aux portraits grandioses accrochés aux murs dont le cadre même était tout un art. Sur une petite commode blanche – Naminé lui avait dit que ça s'appelait une coiffeuse – un petit miroir ovale lui renvoya son reflet, au-dessus d'une bassine d'eau que l'autre jeune fille avait placée là la veille. Pour faire un brin de toilette à son réveil, lui avait-elle précisé.
« … Merci », murmura-t-elle en trempant ses mains dans l'eau avant de se débarbouiller le visage.
Malheureusement, nota-t-elle, si cela la rafraîchit un peu, cela ne fit rien pour dissiper la fatigue qui lui tirait encore les traits.
Elle s'empara d'une serviette et commença à s'essuyer les joues et le cou quand elle remarqua quelque chose au niveau de son col, là où s'arrêtait la fermeture éclair de son manteau noir. Une très légère trace noire, disparaissant sous son manteau. Probablement un vestige des combats d'hier, songea-t-elle en abaissant la fermeture éclair jusqu'à sa taille, une tache de crasse quelconque...
Ce n'était pas de la saleté. La saleté ne constellait pas la peau de petites taches aux contours nets. Ce n'étaient pas des bleus non plus ; ils ne la lançaient pas quand elle appuya dessus. Non, non... ce n'était pas ça. C'était une marque de détérioration. Ce mot s'imprima férocement dans son esprit et elle comprit qu'elle avait fait vu juste.
Un élan de panique la saisit alors qu'elle débarrassait ses bras de ses manches et laissait retomber le haut du manteau autour de ses hanches. Des marques noires sur ses flancs. Deux sur son ventre. Quelques-unes qui apparaissaient sur ses bras quand elle les regardait de près. La mort dans l'âme, la jeune fille se retourna lentement.
Une énorme tache noire s'étendait au centre de son dos, entourée de quelques autres plus petites, comme des fragments se détachant de la masse. Elle demeura figée sur place, regardant son reflet par-dessus son épaule. Qu'est-ce que... qu'est-ce que... qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire contre ça ?
Deux légers coups contre la porte close de l'autre côté de la pièce. Xion ne réagit pas et la personne qui avait toqué prit la décision d'entrer.
« Xion ? C'est moi. Tu es prête... ? »
Riku s'interrompit et le silence soudain arracha Xion à sa stupeur. Ses yeux pivotèrent vers la porte pour découvrir Riku, la bouche toujours entrouverte. Il la referma d'un coup et se détourna.
« Excuse-moi. Je vais te laisser te préparer », dit-il en se détournant, prêt à quitter les lieux.
C'était sa seule réaction ? Xion faillit s'indigner intérieurement puis comprit alors qu'il n'avait probablement pas remarqué les marques noirâtres sur son corps et souhaitait simplement faire preuve de courtoisie en lui laissant un peu d'intimité.
« A... Riku, attends ! s'écria-t-elle. S'il te plaît. »
Il s'immobilisa sur le seuil et sa tête pivota légèrement dans sa direction.
« Je crois, dit-elle d'une voix tendue, que j'ai besoin d'aide. » Elle hésita et se tourna à nouveau, lui tournant le dos. L'horreur de sa découverte lui avait fait dépasser depuis longtemps sa pudeur, de même que ses sentiments plus que mitigés envers Riku.
« Tu peux regarder, s'il te plaît ? Je crois qu'il y a un problème avec mon corps. »
Elle ne pouvait s'empêcher d'être gênée de lui demander cela, vu quelle était leur relation, mais elle ne pouvait rester muette et le cacher. La peur lui nouait les entrailles. Dans le miroir, elle l'aperçut qui se retournait lentement vers elle, les traits fermés. Un éclair de saisissement traversa son visage quand il aperçut la tache noire qui lui marquait le dos, mais bien vite, il redevint de marbre. Il n'était pas aussi facile à lire que Naminé, regretta-t-elle.
« C'est depuis aujourd'hui ? demanda-t-il.
-Comment... comment tu veux que je le sache ? Je n'avais pas mon corps avant. Est-ce que Kairi...
-Non, l'interrompit-il brusquement. Elle ne m'a rien dit, en tout cas. »
Xion tordit entre ses mains le tissu flottant autour de sa taille.
« C'est... tu crois que c'est permanent ?
-Je ne sais pas. Est-ce que c'est douloureux ? »
Elle passa de nouveau la main sur les étranges taches noires. « Non, admit-elle. Je me sens mieux qu'hier, en vérité. Je crois que cette nuit de sommeil m'a fait du bien. »
Sa réponse prit un peu de temps pour venir.
« Très bien, c'est une bonne nouvelle, dit-il finalement. Naminé espère toujours que l'état de... décomposition de ton corps puisse être ralenti, et peut-être remédiable. Elle a dû t'en parler. »
Xion acquiesça, le visage sombre.
« En attendant, nous ne pouvons qu'attendre, malheureusement, continua-t-il. Naminé va faire de son mieux avec les pouvoirs à sa disposition pour arranger ton corps. Mais nous allons devoir être patient et... et malheureusement, le temps joue contre nous. Du travail nous attend, tu le sais.
-Je sais.
-...Je te laisse le temps qu'il te faut pour te préparer.
-... Oui. »
Xion fixa la surface lisse de la commode – la coiffeuse – sans un mot. Sa gorge s'était nouée et ses mains, serrées autour du tissu, commençaient à lui faire mal. Mais elle avait aussi l'impression qu'elle n'avait pas le droit de se plaindre. Elle avait déjà causé suffisamment de soucis juste en existant, même sans le vouloir. Ce qui se passait n'était qu'une conséquence logique. Et puis, ce n'était que des taches noires. Elle n'allait pas en mourir.
Un mouvement à la surface du miroir. Riku s'approchait d'elle d'une démarche prudente. Il s'arrêta à un bon mètre derrière elle, l'air hésitant.
« Est-ce que... tu as besoin de quelque chose ? » demanda-t-il d'une voix bizarre.
C'était presque... comme s'il ne savait pas où se mettre.
« ...Non, répondit-elle, secouant la tête après un instant de silence. Tu as raison. On ne peut qu'attendre et là, on a autre chose à faire. Ça va peut-être finir par passer, qui sait, ajouta-t-elle après un autre regard vers ses bras.
-Ce n'est pas impossible. Nous devons faire confiance à Naminé. Je sais ce que c'est de... de sentir son corps marqué par des forces effrayantes. Je sais que ce n'est pas agréable. » Xion lui jeta un regard curieux, s'interrogeant sur ce qu'il voulait dire. « Mais je veux croire qu'il y a toujours une possibilité pour que les choses s'améliorent.
-Tu le penses vraiment ? dit-elle à mi-voix. Oui, je comprends. »
Elle commença machinalement à remonter le manteau le long de son corps. Après un instant d'hésitation, Riku l'aida à se dépêtrer des pans de tissu pliés les uns sur les autres et elle remonta sa fermeture éclair, ôtant toute trace sinistre de son champ de vision. Elle se tourna vers Riku et s'efforça de sourire, même si elle ne ressentait aucune joie en elle.
« Merci, Riku. »
Il la considéra un moment sans qu'elle puisse décrypter ses pensées.
« De rien. Tu es prête ? … Il y a de la nourriture sur la table dans l'antichambre.
-Oh. » Elle ne prit conscience que maintenant de son ventre vide. « Oui, merci. Je meurs de faim. »
Naminé se trouvait dans l'antichambre, assise sur une chaise dans un coin, occupée à griffonner dans l'imposant carnet à dessin posé sur ses genoux. Elle releva la tête et lui sourit à son arrivée, sourire que lui retourna Xion. Les deux filles échangèrent quelques mots pendant que Xion se restaurait rapidement, puis cette dernière se tourna vers Riku, déterminée, l'incident précédent résolument rejeté au fond de son esprit.
« Je suis prête, dit-elle. On peut y aller. Allons sauver ton amie. »
Il hocha gravement la tête avant de regarder Naminé.
« Naminé, nous partons. Sois prudente. Reste autant que possible dans cette partie du château. » Il hésita, puis reprit : « Je suis conscient qu'on ne cesse de te demander de rester enfermée dans des châteaux et des manoirs. Mais je sais que l'Organisation fréquente ce monde. Je ne voudrais pas que tu aies des ennuis.
-Ne t'inquiète pas, dit Naminé en lui souriant gentiment, une pointe de regret dans la voix, nota cependant Xion. J'avais compris. J'ai du travail à faire ici de toute manière. Allez-y ! Et... soyez prudents. »
Etaient-ils en train de faire une erreur ? Xion la fixa, mais le Couloir des Ténèbres s'ouvrit et elle s'y engagea à la suite de Riku.
L'Illusiopolis était exactement comme ils l'avaient laissée quand ils émergèrent. Ses mêmes rues sombres, ses mêmes façades aux fenêtres brillant comme des torches. Il pleuvait – ils remontèrent machinalement leur capuche sur leur visage.
« Allons-y », dit simplement Riku.
Ils marchèrent en silence pendant quelques minutes. Ou plutôt, trottèrent plus que marchèrent, l'objectif étant de parcourir le plus de chemin avant de se faire arrêter par les Sans-cœur. Riku privilégiait cette fois-ci les petites ruelles aveugles aux grandes avenues et Xion le suivait en silence, ne sachant que dire. C'était la première fois qu'elle se retrouvait réellement seule avec Riku en tant que Xion... depuis leur rencontre qui n'avait été qu'une bataille, il y a des mois. Bataille qu'elle avait lamentablement perdue, d'ailleurs.
Il s'arrêta soudainement au beau milieu d'une ruelle si étroite qu'elle n'avait même pas à écarter ses bras de tout leur long pour en toucher les deux parois et baissa ses yeux bandés vers elle.
« Tu as toujours accès à la Keyblade, au fait ? »
Xion le regarda fixement, se sentant brusquement idiote. Cela ne lui était même pas venu en tête. Elle s'était engagée dans cette aventure sans même savoir si elle serait capable de se défendre.
La crainte la saisit alors qu'elle ouvrait la main. A sa grande surprise, la Keyblade se manifesta sans vraiment rechigner. Elle la leva devant elle, un soulagement aussi doux qu'une cascade d'eau chaude la saisissant. Elle avait été persuadée qu'elle ne la reverrait plus.
« Je crois que je l'ai retrouvée », dit-elle.
Riku hocha la tête.
« Bien. Continuons », dit-il en se retournant brusquement.
Ils avancèrent en silence pendant quelques minutes encore, puis il reprit la parole, la voix un peu maladroite comme s'il se forçait à faire la conversation :
« C'est bien par là ? Est-ce que tu peux me confirmer que nous sommes sur la bonne voie ? »
Xion regarda la nuit d'immeubles qui se découpait dans le ciel en plissant les yeux.
« Je pense bien... l'entrée de la Citadelle est de notre côté, du moins. Je reconnais les fenêtres.
-L'entrée. Tu peux me dire ce que c'est ? Les rares fois où je me suis approché, je n'ai rien trouvé.
-Oh, hé bien... Il y a une ouverture sous la citadelle. Elle flotte au-dessus du vide, tu sais ? L'ouverture est dessous. Roxas me l'avait montrée, une fois. Il faut activer un mécanisme pour faire apparaître un pont. »
Riku haussa un sourcil.
« J'imagine que l'Organisation sera immédiatement avertie de notre arrivée dès qu'on activera ce pont.
-Je ne sais pas, admit Xion. Peut-être ? Mais je sais aussi que le système de défense détecte immédiatement l'ouverture d'un Couloir des Ténèbres dans la Citadelle, alors nous n'avons pas le choix. D'ailleurs, je crois qu'ils peuvent bloquer l'ouverture des Couloirs à volonté. A mon avis, ils ont dû l'avoir fait.
-Ce ne serait pas étonnant, murmura Riku. Surtout s'il y a autant de personnes dotées de la capacité d'en ouvrir qui travaillent contre eux à présent. Mais j'ai bien peur qu'on nous attende dès que nous entrerons dans la Citadelle. Il va falloir être prêt.
-Peut-être qu'ils seront en mission ? suggéra timidement Xion. C'est ce qu'on fait généralement pendant la journée.
-C'est bien possible. Surtout qu'ils ne savent pas que je suis déjà au courant que Kairi est leur otage. Ils doivent sans doute chercher un moyen de me communiquer l'information. »
Un peu plus tard, leur chance finit par s'épuiser et ils tombèrent sur des Sans-coeur. Sans s'arrêter, tous deux dégainèrent leur arme respective et foncèrent dans le tas. C'était de simples Sans-cœur, et ils ne firent pas un pli. Xion avait craint d'être un peu rouillée après toutes ces semaines d'inactivité, mais il semblait que ce corps, lui, avait été entraîné car elle fendit la foule des Sans-cœur avec aisance. Riku jeta un coup d'œil derrière lui et hocha la tête quand il l'aperçut sur ses talons saine et sauve.
« Allons-y avant que d'autres n'arrivent. »
Ils remontèrent une ruelle bordée d'enseignes au néon de magasins déserts qui jetaient une lumière infernale sur les flaques d'eau dans laquelle clapotait la pluie autour d'eux, remontèrent deux autres étroits passages, puis s'arrêtèrent brusquement.
« On y est », chuchota Riku.
Le sol s'ouvrait brusquement à quelques mètres d'eux en un immense cratère d'où émanait une lumière verte maladive. Au-dessus du gouffre, comme si elle s'était arrachée du sol par magie, flottait la forteresse de leurs ennemis, une immense masse grise percée de petites fenêtres, encadrée çà et là de remparts et de balcons déserts et couronnée de l'immense lune jaune en forme de cœur qui régnait sur le monde tout entier.
Riku se retourna. Le visage de Xion était blafard sous sa capuche, zébré par quelques mèches noires collées par la pluie sur son front, et ses yeux écarquillés étaient parcourus par un mélange d'angoisse et de détermination. Une fois encore en la regardant, il eut l'impression de voir Kairi, mais une Kairi différente, un peu plus triste et mélancolique que celle qu'il connaissait. Il ne savait jamais trop comment réagir quand il relevait ces détails. C'était assez distrayant et il n'avait pas le moins du monde besoin d'une source de distraction à présent.
« Nous y sommes, répéta-t-il sans montrer son trouble intérieur. Tu es prête ? »
Pâle, elle hocha la tête.
« Tu sais comment activer le pont ? »
Xion hésita et examina la façade de l'immeuble le plus proche, le dernier avant le cratère sinistre. A part une bouche d'aération et une gouttière, il n'y avait rien, la façade était nue.
« Il n'y a pas de bouton ici, dit-elle. Il faudrait longer le cratère jusqu'à en trouver un. »
Riku hocha la tête et la jeune fille prit la tête du duo. Alors qu'ils suivaient le bord du cratère, tous deux conservaient une distance prudente avec ce dernier, se collant presque aux façades pour l'éviter. Riku songea qu'ils faisaient probablement une grossière erreur : il y avait fort à parier qu'on les avait déjà repérés depuis les murailles ou les fenêtres de la Citadelle. Cette dernière, cependant, restait silencieuse et inanimée. Mais il fallait être idiot pour ne pas se douter d'un piège.
Finalement, Xion se précipita vers un mur quelques mètres plus loin, la façade arrière d'un autre immeuble.
« J'ai trouvé ! » dit-elle dans un souffle.
Et, en effet, un petit panneau gris se trouvait cloué à la paroi aveugle. Il ne comportait qu'un unique bouton et Riku haussa un sourcil.
« C'est tout ? Pas de code ?
-Non, dit Xion, l'air perplexe. Pourquoi il en faudrait un ? Oh, le pont n'est désactivé que pour économiser de l'énergie. C'est Axel qui me l'a dit. »
Hé bien, il semblait que leurs ennemis ne se souciaient pas tant que ça d'être attaqués au sein de leur citadelle... Cela dit, sans l'aide de Xion, il aurait pu passer des jours à chercher ce discret petit bouton en faisant le tour du cratère et aurait immanquablement été repéré.
Xion appuya sur le bouton et un faisceau de lumière apparut au-dessus du gouffre, reliant l'asphalte déchiqueté à leurs pieds à une petite ouverture qui se devinait dans les fondements de la citadelle.
« Voilà. »
Riku l'examina. Ça ressemblait en tous points à un hologramme. N'allaient-ils pas le traverser en posant le pied dessus ? Mais Xion s'y était déjà engagée, nullement inquiète. Elle lui jeta un regard par-dessus son épaule et précisa :
« C'est conçu pour rester activé tant que quelqu'un est dessus. Enfin, d'après Axel. Je n'étais jamais passée par là. »
Riku hocha la tête et la suivit. Il redoutait à chaque pas qu'un tir lancé de la masse imposante de la Citadelle ne s'écrase sur eux, les envoyant dans le néant, mais rien ne vint. Tout était silencieux, même lorsque l'ombre de la Citadelle les recouvrit et les déroba à la lumière de la lune.
Le pont transparent rejoignait une volée de marches bien solides qui les conduisit à l'intérieur de la première pièce du repaire de leurs ennemis. Avant de s'y engouffrer, Riku jeta un coup d'œil derrière lui. Le pont s'était déjà volatilisé.
Ils pénétrèrent dans une vaste pièce entièrement construite du même matériau gris que le reste de la citadelle, aux allures vaguement futuristes. Un immense escalier s'élevait vers un balcon les surplombant sur lequel s'ouvrait un autre passage. Quelques petites autres ouvertures jalonnaient les murs autour d'eux. Le hall d'entrée était vide.
Xion le parcourut du regard pendant quelques secondes.
« Ça fait un moment que je ne suis pas venue ici », dit-elle d'un ton neutre que Riku ne sut interpréter. Était-elle nostalgique ? Regrettait-elle sa vie passée entre ces murs ? Il ne pouvait comprendre être attaché à un endroit pareil, mais il savait aussi que c'était le seul foyer qu'elle avait connu.
« Est-ce que tu avais envie de revenir ? » demanda-t-il avec douceur.
La jeune fille hésita, ne sachant manifestement que répondre.
« ...Je ne sais pas, dit-elle finalement. Quand je vois cet endroit, je me rends compte... qu'il n'y a que Roxas et Axel que je veux revoir.
-Je vois. » C'était un peu son point de vue vis-à-vis des Îles du Destin et de Sora et Kairi. « Moi non plus... je n'avais pas grand intérêt pour mon monde d'origine.
-Oh. Mais ce n'est pas vraiment mon monde d'origine, n'est-ce pas ? » Changeant de sujet sans lui donner l'occasion de répondre, Xion se détourna de l'escalier central et se dirigea vers une des petites ouvertures sur leur droite. « C'est un chemin plus discret pour se rendre là où doit se trouver Kairi. C'est moins direct, mais on aura moins de chance de tomber sur... quelqu'un. »
Riku lui emboîta le pas. Ils suivirent de longs et étroits passages qui n'étaient pas sans rappeler les minuscules ruelles qu'ils venaient de parcourir. Parfois, une porte close se découpait dans la paroi sur leur gauche ou leur droite, mais personne n'en sortait. Il n'y avait pour bruit que le très léger grésillement de la lumière trois mètres au-dessus de leurs têtes. Les couloirs se succédaient sans interruption, sinueux avec leurs multiples angles, mais complètement déserts. D'un commun accord, tous deux gardaient tout de même le silence.
Il songea qu'ils avaient de la chance de ne rencontrer aucun Simili : il serait difficile de se battre dans un endroit aussi étroit.
Parfois, ils devaient s'engager dans une volée de marches, tantôt montante, tantôt descendante, comme si elles avaient été installées au hasard. Et ce fut en bas de l'un de ces escaliers qu'ils croisèrent leurs premiers ennemis.
Deux Reflets émergèrent du mur un peu plus loin dans le couloir, les aperçurent et poussèrent un cri suraigu avant de fondre sur eux. Tous deux dégainèrent sans se consulter.
Leurs ennemis les ralentirent à peine. Quelques coups d'épée et de Keyblade les firent disparaître dans un miroitement cendré et Xion et Riku poursuivirent leur route en pressant le pas. Les vagues d'ennemis suivantes connurent le même sort, et heureusement pour eux qu'elles n'étaient toujours constituées que d'une dizaine d'ennemis – alors que l'étroitesse des lieux ne gênait aucunement leurs adversaires qui pouvaient traverser les murs à leur guise, Riku et Xion ne possédaient pas ce pouvoir et se trouvaient souvent acculés contre une paroi, leurs mouvements entravés dans le peu d'espace disponible.
Xion se trouvait dans une telle situation lors de la cinquième vague d'ennemis. Dos au mur, elle tentait d'asséner sa Keyblade sur l'ennemi le plus proche sans ouvrir trop les bras pour éviter d'être sans défense face à l'ennemi déjà presque sur elle. Elle se résigna à lui décocher un coup de poing de sa main libre ce qui n'eut pour effet que de faire reculer légèrement le monstre. Riku haussa un sourcil devant cette méthode peu orthodoxe avant de mettre un terme au combat en envoyant une boule de feu sur la créature qui disparut dans un grand cri aigu.
Xion se décolla de la paroi en se frottant la main.
« Merci », dit-elle. Elle le fixa un moment, puis ajouta : « C'est pas trop difficile de se battre avec ça ? »
Elle indiqua le bandeau qui lui couvrait les yeux.
« Il ne cache pas entièrement la vue, répondit Riku, se souvenant d'avoir déjà eu cette discussion avec Kairi... il y avait seulement deux jours ? Je peux voir à travers, et j'utilise d'autres sens pour sentir l'environnement autour de moi. »
Elle continuait de le fixer.
« Riku, je peux te demander quelque chose ? Pourquoi est-ce que tu te bandes les yeux ? »
Un long silence s'ensuivit.
« Pour m'assurer que la part sombre en moi reste au fond de moi », marmonna-t-il finalement, luttant pour ne pas baisser les yeux alors que la honte familière s'installait en lui.
Mais il n'y avait aucun jugement dans les yeux de Xion, seulement une vague perplexité.
« Qu'est-ce que tu sais de moi ? demanda-t-il en soupirant.
-Tu veux dire, d'après les souvenirs que j'ai en moi ? s'enquit-elle d'un ton défensif. Certaines choses, mais pas trop si c'est ce dont tu as peur. Je sais que tu es l'ami de Sora et que vous passiez beaucoup de temps ensemble sur votre île. C'est tout.
-C'est... tout ?
-Je... Les souvenirs que j'ai ne sont que de vagues images ou des impressions et hum... je vois surtout Sora dedans. Un peu cette fille aussi, son amie Kairi. »
Il ne savait pas vraiment ce qu'il s'était imaginé, mais quand il avait appris que Xion était constitué des souvenirs de Sora dérobés par l'Organisation, il lui était déjà venu brièvement en tête qu'elle connaissait des choses personnelles sur leur passé et leur vie. Qu'elle connaissait peut-être des choses que lui-même ignorait sur son ami.
Mais voilà qu'il semblait qu'elle était une fille tout à fait normale.
Sans doute pouvait-il remercier Kairi. Sa présence dans le corps de Xion avait interrompu son processus d'absorption de souvenirs. Si ça s'était poursuivi...
« Je me demande d'ailleurs, dit-elle soudainement, l'air songeuse, pourquoi je suis comme je suis. Je veux dire, si l'Organisation voulait un clone de Sora, pourquoi n'ai-je pas son apparence ? Pourquoi ai-je celle de Kairi ?
-Je crois que c'est parce que tu es composée de ses souvenirs, répondit prudemment Riku. Kairi devait être le souvenir le plus puissant de Sora sur lequel l'Organisation avait mis la main. »
Elle parut un instant prise de court. Ses yeux dérivèrent dans le vide, comme si elle contemplait plusieurs choses à la fois.
« … Sora doit vraiment aimer Kairi, alors, murmura-t-elle, d'un air vaguement rêveur qui ne lui ressemblait pas.
-Oui », répondit-il simplement en fixant un point sur le sol. Il sentit ses yeux confus sur lui et se reprit. « C'est bon, ne t'en fais pas. J'étais jaloux avant, j'admets, mais c'est du passé désormais. »
Elle ne parut pas comprendre ce qu'il voulait dire mais alors qu'elle ouvrait la bouche pour poser une question, Riku se rendit compte de ce qu'il venait de dire et s'engagea brusquement dans la suite du couloir pour cacher sa gêne.
« Allons-y. On a assez perdu de temps », dit-il sèchement.
Elle trotta à sa suite sans dire un mot et il reprit plus posément :
« Pour en revenir à ta question de tout à l'heure, l'année dernière, notre Île avait été attaquée par les Ténèbres. C'est comme ça que Sora s'est découvert la Keyblade et qu'il est parti... régler la situation. Et oui, il est devenu brièvement un Sans-cœur, c'est comme ça que Roxas, son Simili, est né, même si on a réussi à le faire redevenir humain. Quant à moi, j'ai aussi... succombé aux Ténèbres.
-Tu es devenu un Sans-cœur ? demanda Xion, une nuance de respect horrifié dans la voix.
-Non, mais j'aurais pu, admit-il. La remontée a été dure. J'ai été... Sora a même été obligé de se battre contre moi et je sais que je lui ai fait du mal.
-Ah. » Elle parut songeuse. Sans doute pensait-elle à sa propre situation. « C'est pour ça que tu disais ça. Que tu savais ce que c'était, avoir son corps marqué par des forces terrifiantes.
-Oui.
-Mais tu as réussi à t'en sortir, n'est-ce pas ?
-Oui, mais une part de ténèbres reste toujours en moi. J'imagine qu'elles font partie de ce que je suis, désormais. Cependant, j'ai découvert qu'en dissimulant mon regard, je pouvais encore les contenir. C'est compliqué à expliquer, mais ça fait l'affaire, pour l'instant. Je ne veux plus jamais avoir à affronter et à faire du mal à mes amis.
-Je... oui, je comprends, murmura très doucement Xion dans son dos. Je comprends, maintenant. »
Le couloir fit un nouveau coude et ouvrit subitement sur une grande salle à l'architecture étrange, rectangulaire et très haute de plafond, si haute que Riku eut l'impression qu'ils venaient d'entrer au fond d'un puits. En levant les yeux, il pouvait apercevoir des balcons courant à intervalles irréguliers à différents étages dans les hauteurs. Certains, sous forme de ponts, enjambaient même le vide, passant au-dessus de leurs têtes. Le plafond lui-même se perdait dans l'obscurité, très loin. La salle ne contenait pas grand-chose : le sol était creusé de bassins remplis d'une eau un peu trop bleue et lumineuse pour être naturelle. D'étroits chemins gris circulaient autour des bassins.
Il se pencha légèrement au-dessus du plus proche, cherchant en vain le fond par-delà le miroir bleuté de sa surface.
« Qu'est-ce que c'est ?
-Je ne sais pas.
-Même si tu vivais ici ?
-Hé bien... » Xion fronçait les sourcils, l'air un peu vexé, comme si Riku l'avait contrariée par sa remarque qu'il avait voulue légère. Une autre différence avec Kairi ; cette dernière aurait probablement levé les yeux au ciel et répliqué par une autre plaisanterie sarcastique. « Je ne connais pas tous les endroits de la citadelle.
-Ce n'était qu'une plaisanterie. » Quand elle le fixa de nouveau d'un air perplexe, il ressentit bizarrement le besoin de se justifier et détourna le regard. « Je voulais juste... détendre l'atmosphère. Ce n'est pas grave, oublie.
-Je sais ce que c'est qu'une plaisanterie, c'est juste... je ne m'attendais pas à des blagues de ta part.
-Hé, je suis capable de rire, tu sais. »
Au bout de quelques secondes, Xion osa alors un sourire timide. C'était la première fois qu'elle lui souriait réellement, réalisa-t-il, mais avant que l'un ou l'autre ait pu dire quelque chose, des sifflements familiers résonnèrent dans la salle. Ils redressèrent la tête et levèrent automatiquement leurs armes. Leurs ennemis les avaient trouvés et fondaient à nouveau sur eux, Reflets émergeant des murs et des bassins, pointant leur tête aveugle dans leur direction.
« Attention », avertit Riku, mais elle n'en eut pas besoin.
En quelques coups, ils se débarrassèrent efficacement des premiers Reflets. Les seconds se montrèrent plus malins : ils flottaient au-dessus d'eux ou des bassins, hors de portée de leurs armes, tout en les menaçant de leurs pattes pointues, parfois s'élançant dans un tournoiement difficile à suivre du regard pour tenter de leur porter un coup. Xion para de justesse et recula précipitamment.
A cet instant, une boule d'énergie s'écrasa en grésillant aux pieds de Riku. Elle l'aurait touché s'il ne l'avait pas pressentie et reculé d'un pas. Il leva les yeux. Mince. Des Snipers les visaient depuis les hauteurs, bien installés sur un balcon hors d'accès.
Deux nouveaux projectiles fendirent l'air. Riku évita le premier et para le second qui fusait vers Xion. Cette dernière venait de se rendre compte de ce qui se passait après en avoir fini avec le Reflet qui la harcelait et brandit sa Keyblade, une détermination farouche dans le regard.
« Glace ! »
Une boule étincelante traversa l'air sous son cri et renversa le premier Sniper. Elle paraissait bien décidée à en faire de même pour le second, mais Riku l'attrapa par le bras et l'entraîna avec lui.
« Viens ! » aboya-t-il. Cette salle n'était qu'un piège dans laquelle ils étaient à la merci de leurs ennemis.
Ils traversèrent le reste de la salle en courant et se jetèrent par l'issue au moment même où un nouveau projectile s'écrasait sur leurs talons.
Le couloir suivant était plus sombre. Riku et Xion avançaient l'un derrière l'autre, l'oeil aux aguets, ralentissant légèrement l'allure quand ils s'aperçurent que leurs ennemis ne les avaient pas suivis, ce qui n'était pas bon signe aux yeux de Riku car cela signifiait que leurs ennemis étaient allés ailleurs, probablement annoncer la nouvelle de leur infiltration. Les ennuis commençaient. Arriveraient-ils seulement jusqu'à Kairi ?
Xion était silencieuse derrière lui. Il se demanda à quoi elle pouvait bien penser.
Soudain, sans crier gare, il se passa simultanément plusieurs choses : la dalle sur laquelle il venait de poser le pied vibra légèrement, très légèrement, si légèrement que ce serait passé inaperçu pour la plupart des gens (mais pas pour ses sens aiguisés par les Ténèbres), un très léger claquement se fit entendre sur sa droite et la main de Xion se referma brusquement sur la sienne, le tirant en arrière d'un coup sec avec un cri :
« Attention ! »
Il s'en était fallu de peu. A l'endroit exact où il s'était trouvé une fraction de seconde plus tôt, des rayons traversèrent l'air pendant quelques secondes, provenant de minuscules trous plantés innocemment dans le mur de droite.
Il se retourna vers Xion qui fixait le mur, l'air renfrogné.
« Il y a des pièges comme ça, dans certains passages, dit-elle. Tu vois cette partie de mur ? On dirait qu'elle est entourée par une espèce de cadre gris très fin. Il faut passer en se collant au mur pour pas activer le piège, la dalle centrale est piégée.
-Merci, dit-il sincèrement. Je crois que tu viens de me sauver la vie. »
Xion parut gênée et détourna les yeux.
« Allons-y, se contenta-t-elle de répondre. Reste bien contre le mur et il n'y a rien à craindre. »
Ils avancèrent ainsi, franchissant le piège sans encombre avant de reprendre leur route. Riku gardait désormais un œil plus inquisiteur sur son environnement et Xion s'était placée à ses côtés, sans doute pour servir d'éclaireuse. Il lui jeta un coup d'oeil : elle semblait toujours nerveuse et ça n'avait plus rien à voir avec ses remerciements. Quelque chose la tracassait. Riku avait déjà vu, en de rares mais récentes occasions, cette expression sur le visage de Kairi.
« Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.
-Euh... » Xion se mordit la lèvre puis laissa échapper : « Riku, je peux te poser une autre question ?
-Bien sûr. Je t'écoute.
-Euh... » Elle regarda droit devant elle pendant un long moment, puis dit : « Est-ce que tu me hais pour t'avoir pris ton ami ? »
Sans s'arrêter, il baissa les yeux vers elle. Elle évitait soigneusement son regard, tentant de se composer un visage de marbre tout en regardant fixement droit devant elle.
« Non, dit-il. Je ne t'en veux pas. Je sais que ce n'est pas ta faute. Je suis juste triste. »
Etrangement, elle ne parut nullement soulagée ou réconfortée. Quelque chose d'infime se plissa sur son visage, se refermant.
« Je suis désolée », dit-elle dans un souffle.
Alors que le silence retombait et qu'il considérait son air misérable, il eut l'envie soudaine d'apaiser cette expression douloureuse sur son visage.
« Ne t'excuse pas, dit-il avec un léger soupir. Je te l'ai dit, tu n'y peux rien. C'est la faute de l'Organisation. En fait... ce serait à moi de m'excuser. »
Cela fit mouche car elle détacha ses yeux du bout du couloir et lui lança un regard surpris.
« Quoi ? Pourquoi ? »
Il se sentit sourire, un sourire sans vraie joie mais un sourire d'excuse.
« Oui, je pense que je te dois des excuses pour la manière dont je t'ai traitée. Lors de notre première rencontre ou quand je t'ai empêchée de retrouver tes amis l'autre jour, ou quand avec DiZ, nous t'avons enfermée dans la Cité virtuelle. »
Elle continuait de le fixer avec des yeux ronds et même s'il soutenait son regard, il sentait monter une vague gêne.
« Je... Tu n'y peux rien non plus, répondit-elle enfin, mais il y avait une certaine légèreté dans sa voix qui lui indiquait que ses paroles lui avaient fait plaisir. Nous étions ennemis.
-Oui, mais... Bah, je suppose que Kairi avait raison, hein. Nos seuls ennemis ici, c'est l'Organisation XIII. Ce sont eux qui sont responsables de toute cette souffrance. Nous ne devons pas l'oublier. Mais cela n'excuse pas mon comportement à ton égard, je voulais que tu le saches.
-Hmm... » Xion le regardait toujours, paraissant plus curieuse que mélancolique désormais. « Tu pourrais me parler de Kairi ? Sora et toi, vous avez l'air de la tenir en grande estime.
-Vraiment ? C'est comme ça que tu nous vois ? » D'abord un peu déconcerté par sa demande, Riku se détendit. « Hé bien, Kairi est notre meilleure amie depuis que nous sommes enfants. Enfin, au départ, il n'y avait que Sora et moi. Kairi est arrivée après. Au début, c'est vrai que j'ai un peu grogné en voyant cette étrangère s'immiscer dans notre duo... » Xion rit légèrement et ce fut si inattendu qu'il s'interrompit. « Qu'est-ce qu'il y a ?
-Non, c'est rien, dit Xion, retrouvant son sérieux aussi rapidement qu'elle l'avait perdu. C'est difficile de t'imaginer grognon.
-Je n'étais qu'un enfant, à cette époque, se pensa-t-il obligé de justifier. Mais finalement, Kairi a intégré notre trio et nous sommes devenus inséparables. On passait notre temps libre à aller jouer sur les petites îles autour de l'ile principale. »
Xion hocha la tête. « Oui, ça me dit quelque chose. Mais si... si je ressemble à Kairi, si j'ai été conçue à partir de souvenirs d'elle, est-ce que je suis comme elle ? »
Riku réfléchit un moment à sa réponse.
« Difficile à dire. Tu n'as pas vraiment le même caractère, mais peut-être est-ce parce que vous venez d'un milieu différent, avec des expériences différentes.
-Oui... Après tout, je n'ai connu que l'Organisation XIII, murmura Xion.
-Kairi est plus... comment dire ? Optimiste ? Peut-être plus naïve et ingénue, aussi. Tu sembles beaucoup plus triste, tout le temps.
-Vraiment ? Ah...
-Elle est un peu plus téméraire, aussi. Je suppose que ça vient de son optimisme. Elle a tendance à prendre trop de risques. Elle est un peu comme Sora de ce côté-là.
-Je comprends. Pour avoir eu l'idée de faire cette échange, il en faut du courage. Je ne pense pas que j'en aurais autant, soupira Xion.
-Hé, je n'ai pas répondu à ta question pour te comparer à elle. Vous êtes deux personnes différentes, après tout, et c'est tant mieux.
-Je sais. Je sais, mais je ne peux pas m'empêcher de me dire... »
Elle n'acheva pas sa phrase. Une partie de sa mélancolie précédente était de retour et Riku n'était pas sûr de savoir pourquoi.
Ils émergèrent soudain dans un couloir plus large et haut de plafond, plus lumineux que le passage sombre qu'ils venaient de traverser. Cependant, ce couloir ne faisait qu'une demi-dizaine de mètres de long et se concluait par un simple mur aveugle. Pas la moindre porte en vue.
« C'est un cul-de-sac ?
-Non, dit Xion en le dépassant et se dirigeant vers l'impasse. Il devrait y avoir... Ah, trouvé. »
Elle appuya sur le mur, probablement sur un bouton secret, et un pan de mur coulissa, révélant un second couloir courant perpendiculairement au leur. Elle y passa la tête avec prudence, puis fit signe à Riku de la suivre.
« On est près des salles d'entraînement de l'Organisation, l'informa-t-elle. J'espère qu'on ne va pas tomber sur quelqu'un. »
Riku ne put s'empêcher de se demander comment elle pouvait bien arriver à se repérer. Ce couloir ne présentait pas de signe distinctif et les portes closes devant lesquelles ils passèrent ne portaient aucune pancarte annonçant leur usage.
Xion s'arrêta brièvement devant l'une d'entre elles et son regard s'y attarda.
« Roxas s'y entraînait souvent », murmura-t-elle pour elle-même, l'air nostalgique.
Avant même d'avoir pu s'en empêcher, Riku avait répondu :
« Roxas n'avait pas apprécié la manière dont l'Organisation te traitait. Il commençait à se douter qu'ils n'étaient pas dignes de confiance, tout comme toi et c'est pour ça qu'il est parti de l'Organisation. Nous l'avons croisé, Kairi et moi, dans l'Illusiopolis juste avant que l'échange ne prenne fin.
-Je sais... Roxas, tu n'aurais pas dû... Où est-ce qu'il est ? Où est-ce qu'il est parti ? »
Riku hésita puis décida de demeurer évasif.
« Nous avons été attaqués par des Sans-cœur et il est parti par un Couloir des Ténèbres juste avant ton arrivée.
-...
-Tu le retrouveras plus tard, j'en suis certain. En attendant, Xion, il faut qu'on avance. Les Similis...
-Il n'est pas... dans la Cité Virtuelle, par hasard ? »
Mince. Il aurait dû se douter qu'elle ne serait pas dupe. Son visage dut le trahir car elle fit soudainement un pas vers lui, farouche, les yeux brillants et les poings serrés.
« C'est ça, hein ? C'est pour ça qu'un couloir s'est ouvert dans la Cité Virtuelle ! Je me demandais pourquoi tu m'avais laissée sortir, mais ce n'était pas pour moi, n'est-ce pas ? Ne me dis pas que tu as envoyé Roxas là-bas !
-On... c'est un monde où l'Organisation ne pourra pas le trouver, se défendit Riku en se refusant de reculer. On a été honnête avec lui et il a accepté de s'y rendre de son plein gré. Il n'a pas perdu ses souvenirs et il peut très bien ouvrir un Couloir et partir quand il le désire ! C'est simplement un moyen de le cacher de l'Organisation le temps de mettre en place un plan. »
Xion respira profondément. Dans ses grands yeux bleus, la méfiance la disputait aux doutes.
« … D'accord, dit-elle. Mais je veux aller le voir quand on aura sauvé Kairi. »
Elle reprit son chemin et Riku la suivit.
« Ne t'en fais pas, dit-il encore. Il est en sécurité. »
Mais au fond de lui, il savait bien que ce n'était peut-être pas le cas. Rien n'empêchait DiZ de tenter d'accomplir son projet, maintenant qu'il avait le Simili de Sora sous la main. Et une voix malicieuse, détestable, qu'il tentait d'ignorer lui susurrait que ce ne serait peut-être pas si mal, si ça permettait à Sora de s'éveiller et à Xion de ne pas se sacrifier.
Devant lui, Xion activa un nouveau bouton et il la suivit dans un long escalier étroit en colimaçon. Ils émergèrent dans un large couloir dont les portes sur les côtés étaient ici des grilles donnant accès à de grandes salles vides. Chacune contenait une unique cellule, également fermée par une grille, construite au fond.
« On y est », chuchota Xion.
Ils entreprirent de remonter le couloir d'un pas rapide. Un seul coup d'oeil au-delà de chaque grille leur permettait de constater que chaque cellule était vide. Où était Kairi ? Y avait-il un second couloir de cellules ? La vague expression perplexe qui se peignait sur le visage de Xion lui fit penser que non.
L'une des grilles était légèrement entrouverte et Riku, saisi d'un pressentiment, s'aventura dans la salle. Au fond, l'entrée de la cellule était grande ouverte. Il y entra avec prudence et se pencha pour examiner le sol nu.
« Qu'est-ce que tu fais ? dit Xion qui l'avait rejoint. Tu as trouvé quelque chose ?
-Oui. » Il indiqua le sol. « Tu vois, ça ?
-De la terre ?
-Oui. Comme si quelqu'un avait marché ici avec des chaussures boueuses. Ça ne peut être qu'une seule personne. Kairi – enfin, Naminé dans son corps – avait passé la journée à marcher dans la jungle.
-Mais elle n'est plus ici, observa Xion. Tu crois que...
-Kairi possède la Keyblade, elle aussi. Depuis peu. Je doute que l'Organisation soit au courant. Elle a dû s'enfuir d'elle-même. Je me demande...
-Tu crois qu'elle est toujours dans la Citadelle ?
-Peut-être, admit Riku. Je ne vois pas comment elle aurait pu s'échapper. »
Il réfléchit. Ils avaient passé bien trop de temps entre ces murs. C'était un miracle qu'ils n'aient pas déjà été repérés par l'Organisation. Mais Kairi n'était pas là. Était-elle toujours dans la Citadelle, se cachant quelque part ? Où était-elle tombée entre de mauvaises mains ? Ou bien, avant leur arrivée, était-elle parvenue à activer le pont et à s'enfuir dans la Cité ? Il ne savait quelle solution serait la pire, Kairi aux mains de leurs ennemis ou Kairi tournant en rond dans la cité obscure, poursuivie par des hordes de Sans-cœur et sans espoir qu'ils la retrouvent dans ce labyrinthe nocturne.
Non. Leur meilleur espoir était de tenter de suivre son parcours d'évasion.
« Xion, est-ce qu'il y a une autre sortie des prisons ?
-Euh, oui... Mais on va s'enfoncer encore plus dans la Citadelle. Ça ne te dérange pas ?
-Non, dit Riku. Comme je te l'ai dit, si la situation devient dangereuse, nous nous retirerons aussitôt. Et toi, est-ce que ça te dérange ? »
Le visage de Xion se ferma et elle secoua la tête.
« Alors allons-y. »
Mais on les attendait à la sortie de la cellule. A peine eurent-ils mis le pied dans le couloir qu'une horde de Similis fondit sur eux et il regretta presque avoir décidé de continuer. De toute évidence, ils étaient attendus. Leurs ennemis savaient désormais où ils étaient.
Xion dégaina sa Keyblade et lui lança un regard d'avertissement.
« Riku ! »
Il se reprit et leva son arme.
Le combat se révéla plus facile que dans les galeries étroites. Il découvrit que Xion et lui commençaient à synchroniser leurs mouvements. Alors qu'il s'occupait de la gauche, Xion vint se placer naturellement dos à lui pour le protéger des ennemis qui pourraient le prendre à revers, et il en fit de même pour elle, stratégie se révélant excellente pour faire face aux tactiques préférées des Reflets. Ils s'en débarrassèrent sans trop de mal.
« Très bien, dit-il d'un ton neutre, sentant qu'offrir des encouragements ne serait pas de trop. On forme une bonne équipe. Continuons ainsi. »
Il lui semblait que Xion s'était légèrement empourprée, mais elle s'était déjà détournée et engagée dans le couloir à présent déserté.
Deux couloirs et une volée de marches plus loin, elle l'entraîna soudain dans une petite salle sur le côté dont la porte entrouverte laissait passer une lumière chaleureuse.
« Xion ! Tu es de retour, kupo ! »
Sous les yeux perplexes de Riku, un Mog s'envola du comptoir installé à l'autre bout de la salle et vola jusqu'à Xion, lui tournant autour. Il n'était pas familier avec ces petites créatures, mais il lui semblait bien que le Mog était heureux.
« Les Mogs commercent avec vous ? s'enquit-il. Ils ne sont pas difficiles.
-Bonjour, dit poliment Xion. Est-ce que je pourrais t'acheter des potions ? J'ai quelques munnies.
-Bien sûr, kupo ! J'ai été réapprovisionné il y a pas longtemps. »
Riku la suivit jusqu'au comptoir qui débordait d'un capharnaüm de fioles et d'objets insolites en tous genres.
« Je ne savais pas que les Similis achetaient leurs fournitures chez les Mogs, commenta-t-il.
-Quoi, tu pensais qu'on volait, c'est ça ? répliqua Xion d'un ton qui lui rappela presque celui de Kairi quand elle se sentait d'humeur taquine.
-Et encore vingt munnies pour celle-là ! Merci, kupo ! »
Le Mog fit une pirouette de joie alors que Xion se retournait et tendait deux fioles à Riku.
« Prends ça. On va en avoir besoin.
-... Merci. Au fait, pourrais-je vous poser une question ? » Le Mog parut décontenancé de le voir s'adresser à lui.
« Bien sûr, kupo ! Qui as-tu ramené, Xion ? Est-ce que c'est un nouveau membre ?
-Je ne suis que de passage, répondit évasivement Riku. Nous cherchons quelqu'un. Avez-vous vu passer une fille récemment ? La nuit dernière, probablement. Elle a notre âge, elle ressemble un peu à Xion et a de longs cheveux roux. Elle ne portait sans doute pas de manteau de l'Organisation...
-Ah oui, kupo ! Je vois, kupo ! Je l'ai vue, oui ! Hier soir. Elle est venue dans ma boutique et elle voulait que je lui donne des potions, mais j'ai rien pu lui vendre, kupo, parce qu'elle avait pas un seul munny sur elle ! Ensuite, elle est repartie.
-Tu ne l'as pas aidée ? souligna Riku, atterré.
-Ben, non, kupo ! C'est pas gratuit ici, kupo ! Je n'ai pas beaucoup de clients, si en plus ils ne payent pas, je n'ai plus qu'à fermer boutique !
-Cette personne, c'est notre amie, expliqua Xion en ignorant le courroux du Mog. On la cherche partout. Tu sais où elle est partie ? C'est très important.
-Hmm... » Le Mog croisa ses petits bras et parut réfléchir intensément, le pompon rouge au sommet de sa tête se mettant à briller. « Je sais pas, kupo. Elle a continué son chemin. Elle a juste dit qu'elle allait trouver quelqu'un qui l'aiderait. »
Riku et Xion échangèrent un regard.
« Quelqu'un qui l'aiderait, répéta Riku. Y a-t-il quelqu'un ici qui soit susceptible de l'aider ?
-Non, à part peut-être Roxas, mais...
-Mais elle savait qu'il s'était enfui. »
Xion reprit d'une voix hésitante :
« Ça me semble improbable, mais... tu crois qu'elle est allée voir Axel ? Peut-être qu'ils sont devenus amis, pendant qu'elle se faisait passer pour moi. »
Elle avait ajouté cette dernière phrase d'un ton un peu amer.
« C'est une idée, mais n'est-ce pas cet Axel qui a été envoyé la kidnapper pour commencer ? » fit remarquer Riku.
Xion parut encore plus abattue.
« Bon, alors, peut-être Demyx... Je ne sais pas. Je peux t'emmener du côté des dortoirs, si tu y tiens.
-Ça ira ?
-Ils doivent être tous en mission à l'heure qu'il est. Viens, c'est par là. Merci, monsieur le Mog, ajouta Xion en saluant poliment la petite créature.
-De rien, kupo ! J'espère que vous retrouverez votre amie ! »
Xion lui fit alors traverser des endroits pour le moins singuliers. Finie la succession de longs couloirs étroits. Désormais, ils grimpaient des escaliers sans rampe, dont les marches paraissaient flotter au-dessus du vide, s'élevant dans des salles au plafond si haut qu'on ne le voyait pas, ils traversaient des halls qui ne conduisaient qui ne comptaient qu'une ou deux issues et ils émergèrent même une fois sur un balcon qui servait de rampe à un étage supérieur et leur fit admirer la vue sur les immeubles en contrebas.
Xion, de son côté, semblait se plaire à son rôle de guide car elle laissait échapper des petits commentaires de temps en temps.
« Par là, c'est la salle à manger, là où on prend les repas... Je ne sais pas très bien qui cuisine, mais ce n'est pas très bon. Là, c'est le couloir qui mène aux douches. Comme j'étais la seule fille, j'avais les douches pour moi toute seule. Je me sentais un peu seule, mais Axel disait que ça ne se faisait pas pour les filles et les garçons de prendre une douche ensemble, apparemment... »
Cette réflexion énoncée d'un ton désinvolte réussit à lui tirer un sourire discret, en dépit du malaise qui grandissait en lui - les lieux étaient trop calmes... Ils n'avaient plus croisé âme qui vive depuis la prison. Était-ce normal ?
Un peu plus loin, ils atteignirent un réseau de couloirs plus étroits et Xion s'arrêta devant une porte, l'air hésitant.
« Qu'y a-t-il ?
-C'est... c'était... » Xion poussa soudain la porte. Riku s'engagea sur ses talons après un rapide coup d'oeil vers le couloir désert.
Xion se tenait au centre d'une petite chambre, lui tournant le dos. Riku laissa errer son regard autour d'eux : un lit aux draps blancs défait près d'une petite table de nuit et un placard dont le battant entrouvert dévoilait tout un bric-à-brac, objets utiles – potions, quelques vêtements, papier et crayons – mêlés à des objets visiblement ramassés dans des mondes divers. Le tout baignant dans le léger clair de lune s'engouffrant par la large fenêtre leur faisant face.
L'étrangeté des lieux, d'une artificialité irréelle et malsaine, le gênait bizarrement moins que ces bribes de familiarité qu'il y avait trouvées – des rappels que les ennemis qui les attendaient n'étaient peut-être pas que des êtres sans cœur, ombres des ténèbres...
Plongé dans ses réflexions, il manqua le début de la phrase de Xion.
« … mais c'est quand même la mienne. Je crois que je suis contente d'avoir pu revenir ici.
-Pardon ?
-Ma chambre, répéta Xion en le regardant par-dessus son épaule. Je pensais qu'elle ne me manquerait pas, mais je suis quand même contente de la revoir. Même si certains détails ont changé et que je ne peux pas m'empêcher de me rappeler que quelqu'un d'autre y a vécu.
-Alors, c'est ta chambre », murmura Riku. Il se sentit soudain un peu gêné de promener son regard partout. Xion, après tout, ne l'avait même pas invité à entrer.
« Est-ce qu'il y a quelque chose que tu veux récupérer ? C'est le moment ou jamais.
-Non, je... » Xion parcourut sa chambre du regard, l'air distant. Elle s'approcha d'une étagère de l'armoire et attrapa un coquillage, le levant à hauteur de son regard. Puis, après une seconde de réflexion, elle l'enfouit dans sa poche. « Allons-y. J'ai vu tout ce que je voulais voir. Ce n'est pas grave si je n'y retourne plus jamais, maintenant.
-Hmm. » Riku la considéra un moment. « Que comptes-tu faire après qu'on ait sauvé Kairi ? Tu ne pourras plus remettre les pieds ici, cela est certain.
-Hein ? Comment ça, ce que je compte faire ? » Elle paraissait surprise. Sa voix tremblait d'une émotion à peine contenue et il comprit que c'était de l'espoir qu'elle n'osait reconnaître. Il réalisa alors qu'elle n'avait pas pensé qu'il lui offrirait un quelconque choix ; sans doute avait-elle supposé qu'elle serait contrainte de « rendre à Sora ce qu'elle lui avait pris », en d'autres termes...
« Je te l'ai dit, dit-il d'un ton grave, de ce côté, le choix t'appartient.
-Mais je... » La mélancolie était revenue sur son visage. Elle ne le regardait pas dans les yeux. « Mais, ton ami...
-Oublie un peu ce que moi je veux ou ce que voudraient les autres, d'accord, la coupa Riku en s'avançant d'un pas. Elle eut un mouvement instinctif de recul mais demeura sur place, levant des yeux emplis de doute et d'une once de défi vers lui. « Qu'est-ce que toi, tu veux ? C'est cela auquel tu devrais réfléchir.
-Je veux... dit Xion, semblant en proie à un brouillard de pensées contradictoires. Ce que je veux... je voudrais juste... revoir Roxas et Axel.
-Hé bien, tu vois, fit remarquer Riku avec un sourire en coin, tu as des souhaits pour toi aussi. Et il me semble que ton souhait va bientôt être exaucé, non ? Emmène-nous chez cet Axel. »
Xion hocha la tête, muette.
« Ne t'en fais pas, poursuivit-il alors qu'ils quittaient la pièce, je m'assurerai que ton souhait se réalise. Je te protégerai, si besoin. »
Elle le fixa avec des yeux incertains et perplexes.
« Pourquoi tu me dis ça... ? »
Ce fut alors que le danger qui avait quitté leur esprit un bref mais fatal moment se rappela brusquement à eux. Riku se retourna en un éclair, son épée brandie et prêt à passer à l'attaque mais Xion se figea. Son cœur s'emballa à éclater. Une fine couche de sueur couvrit les paumes de ses mains quand elle croisa le regard de Saïx qui se tenait debout tout au fond du couloir, les toisant de toute sa hauteur.
Aucune trace de surprise dans ce regard glacial.
Elle aurait dû s'y attendre.
« Si vous cherchez Axel, je crains qu'il ne soit pas disponible pour le moment. »
Sa voix était grave, emplie d'une froideur mortelle et d'une sécheresse acérée. Le regard de Saïx lui donna envie de rentrer sous terre.
« Je... » commença-t-elle d'une voix faible sans trop savoir quoi dire. Elle dut lutter contre le besoin impérieux de s'excuser et sa voix s'effaça, se bloquant dans sa gorge. Elle s'en voulut subitement, de ne pas être aussi forte qu'elle l'aurait souhaité.
Riku dut sentir son malaise car il fit soudainement un pas en avant tout en se plaçant légèrement devant Xion, la soustrayant à moitié au regard meurtrier de Saïx.
« Où est Kairi ? lança-t-il d'un ton sans réplique.
-Je dois admettre être plutôt surpris, dit Saïx et il avait pris une seconde de trop pour répondre, ce qui fit penser à Xion qu'il était sans doute sincère. Je suis surpris que la nouvelle de notre... acquisition de la demoiselle te soit parvenue aussi vite, Imposteur. Et je suis surpris que la nouvelle de sa situation ne te soit pas parvenue, elle.
-Que veux-tu dire ? répliqua Riku d'une voix prudente sans baisser sa garde, bien que Saïx ne fasse pas le moindre geste pour les attaquer. Où est Kairi ? »
Pendant un instant, Xion redouta le pire et elle sut que c'était également le cas de Riku, même si son visage demeurait de marbre. Mais après quelques secondes à les laisser mariner dans leurs craintes, Saïx répondit d'un ton neutre :
« Il semble qu'elle se soit enfuie. Avec la complicité de cet idiot d'Axel, à en croire nos enregistrements de surveillance. J'ai bien peur que vous arriviez trop tard ; elle n'est plus ici depuis la nuit dernière. »
Il leva une main mine de rien et dans un chuintement doux, l'immense claymore qui lui servait d'arme apparut. Xion trouva la force d'invoquer sa Keyblade et Riku leva un peu plus son arme.
« Cependant, ce n'est pas grave, acheva Saïx, l'air sombre. Vous m'avez facilité la tâche, bien que votre présence ici relève d'une chance inespérée. Je ne compte pas vous laisser partir. »
Xion devait faire quelque chose.
« Saïx, s'il te plaît... commença-t-elle, la bouche sèche, sans trop savoir quoi dire. Je... Je voulais simplement aider...
-De quoi parles-tu ? dit Saïx d'une voix monotone. Tu nous trahis, et tu oses encore te pointer ici avec de telles sornettes pathétiques ?
-Non, je ne... je n'ai pas... mon but n'était pas de trahir qui que ce soit ! » s'écria-t-elle, sentant désespérément la situation lui échapper. Il ne l'écouterait pas. Ses jours à l'Organisation étaient terminés.
« Tu es vraiment inutile. Je ne comprends pas comment le Supérieur a pu insister poursuivre cette expérience jusque-là, asséna Saïx avec mépris. Mais maintenant que tu es devenue complètement inutile, en plus de t'allier avec nos ennemis, il a enfin entendu raison. »
Xion refoula le besoin pressant de baisser la tête comme une enfant prise en faute. Non, elle n'était pas venue ici pour se faire marcher sur les pieds. Elle avait décidé de ce qu'elle souhaitait faire. Il ne pourrait rien contre cela. Alors, elle s'efforça de ne pas détourner le regard, même si elle pouvait, pour sa plus grande honte, sentir quelques larmes perler au coin de ses yeux.
« Laisse-la tranquille, intervint Riku. Elle n'est pour rien dans cette histoire. C'est vous qui lui avez causé tous ces soucis et c'est vous qui avez kidnappé mon amie. Elle ne fait que m'aider à la récupérer. Si tu souhaites t'en prendre à quelqu'un, je suis ton adversaire. »
Xion tourna légèrement la tête vers Riku mais il continuait de fixer Saïx. Elle s'autorisa un pauvre sourire. Merci, Riku.
Saïx émit un son méprisant.
« Ne me dis pas que tu prends sa défense, lâcha-t-il, hautain et mauvais. Comme si cette chose a la moindre valeur à tes yeux.
-Xion est une très bonne personne. Je refuse de la traiter comme vous le faites.
-Tu parles, gronda Saïx. Sait-elle, quel est votre projet la concernant ? N'es-tu pas hypocrite, à la traiter en amie alors qu'elle n'est qu'une poupée défectueuse ? En dépit de tes belles paroles, tu la sacrifieras avec joie pour permettre le réveil de ton ami.
-Je n'en suis pas aussi sûr pour les autres, mais en ce qui te concerne tu manques vraiment de cœur, répliqua Riku sans se démonter sous le regard incrédule de Xion. Je ne bondirai jamais de joie à l'idée de causer de la souffrance à autrui, ou de les voir se sacrifier. Xion est une de mes amis à présent et je lui ai dit que je la protégerai. Si tu tentes de lui faire du mal, tu me trouveras sur ta route.
-Comme tu le souhaites », dit Saïx, impassible et ce fut le seul avertissement qu'ils eurent avant qu'il ne fonde sur eux.
Xion para au dernier moment le fauchage de claymore. Le choc la projeta en arrière sur quelques mètres et, quand elle heurta le mur, désorientée, elle comprit instantanément que le combat allait être difficile... pire, sans Riku à ses côtés, elle ne ferait pas le poids. Quand elle se stabilisa, elle vit Saïx se précipiter à nouveau vers elle, les traits empreints d'une détermination sauvage, pour se faire stopper par Riku in extremis. Il comprit alors qui était le vrai danger et se concentra sur ce dernier, tous deux se lançant dans un échange rapide de coups que Xion eut du mal à suivre.
Les lames volaient dans un tournoiement scintillant, ne laissant derrière elles que des éclats argentés et un chaos de claquements et tintements aigus, ne permettant pas que quiconque s'interpose entre eux.
Mais il était hors de question qu'elle laisse Riku se débrouiller seul ! Il tenait bon, mais son visage était tendu par l'effort et elle ne pouvait s'empêcher de remarquer qu'il reculait lentement dans sa direction.
Elle prit une profonde inspiration.
« Saïx ! aboya-t-elle. C'est pas après lui que tu en as ! »
Saïx lui lança à peine un coup d'oeil, seul signe manifestant sa surprise devant son exclamation subite, avant de se concentrer à nouveau sur Riku. Xion leva sa Keyblade, soudain emplie d'une colère froide et déterminée et se jeta dans la mêlée.
Sa Keyblade, bien entendu, ne rencontra que la masse inébranlable de la claymore de Saïx. Elle fit aussitôt un bond en arrière pour ne pas se faire faucher par la contre-attaque et la claymore la suivit. Mais... ? Ah, il en avait invoqué une seconde ! La première restait fermement dans sa main, ne cessant pas une seconde son ballet meurtrier avec l'épée de Riku. La capacité de ce dernier à parer chaque coup sans fléchir était impressionnante, elle se serait laissée à l'admirer si la seconde arme, tout aussi meurtrière, ne faisait pas pleuvoir les coups sur elle. Elle résista vaillamment... parant un coup porté à sa tête, un à ses jambes, un à ses bras, de nouveau un double coup à la tête, sautant pour éviter un balayage visant les chevilles, tenant sa Keyblade des deux mains, les genoux tendus, alors que la claymore se lançait dans une tornade de coups destinée à briser sa garde...
C'était inutile. Elle parvenait à peine à se protéger. Elle ne pouvait même pas prendre assez de temps pour lancer un sort, ni même sortir une potion quand le besoin s'en ferait sentir. Elle ne voyait pas comment approcher Saïx dans ces conditions.
« Xion, attention... ! »
Le temps que l'avertissement de Riku s'inscrive dans son esprit, il était trop tard. Saïx, qui s'était dégagé légèrement de son combat contre Riku d'un petit bon en arrière, venait d'invoquer une troisième claymore qu'il lui balança à vive allure. Xion, complètement absorbée par sa défense contre celle qui s'acharnait sur elle, ne la vit que trop tard et Riku, occupé à parer les coups de son adversaire, ne put lui venir en aide.
Un éclair de douleur la percuta de plein fouet et l'air fut expulsé de ses poumons. Elle avait... Où était-elle ? La tête lui tournait, le sol s'était dérobé à ses pieds et elle ne voyait plus rien. Quelque chose de dur frappa violemment son bras gauche et elle comprit plus tard que c'était le mur contre lequel elle avait été projetée. Par réflexe, la jeune fille rentra la tête dans les épaules, cherchant à la protéger de coups quelconques alors qu'elle était vulnérable.
Rien de vint, cependant et quand l'image du couloir se stabilisa de nouveau devant ses yeux, elle comprit pourquoi. Plus loin, beaucoup plus loin que précédemment – le coup qu'elle avait encaissé l'avait envoyée presque à l'extrémité du couloir – Riku venait de bloquer les deux claymores qui l'avaient attaquée. Médusée, elle l'observa lutter un court instant, avant de les repousser d'un large geste qui les envoya flotter quelques pas derrière leur propriétaire.
Ce dernier avait les traits tirés par une rage que Xion pouvait ressentir même de loin. Un grand frisson la parcourut alors qu'elle se remettait péniblement debout, exhortant ses muscles las et criant grâce à bouger.
« Pourquoi tu la protèges ? cracha Saïx. Elle n'est rien, pas même un Simili, juste une expérience ratée qui n'aurait jamais dû survivre jusque-là ! Ne me fais pas croire que tu as un faible pour elle ou une stupidité de ce genre ! »
Ses yeux devinrent complètement jaunes. Une énergie sauvage sembla transparaître entre les traits de son visage et ses cheveux se hérisser. Xion écarquilla les yeux.
« Riku ! hurla-t-elle. Recule ! »
Une fois encore, son aide arriva in extremis. Riku fit un bond en arrière ce qui lui sauva certainement la vie car au même moment, Saïx laissa échapper un hurlement sauvage, une plainte contre nature qui les glaça jusqu'à l'os. D'une vitesse redoublée, il se rua en avant, fouettant l'air de coups puissants. Même Riku n'osa tenter de le parer, se contentant d'esquiver par de multiples bonds en arrière... qui les amenaient immanquablement vers la jeune fille.
Xion serra les dents ainsi que la poignée de sa Keyblade. Mais au fond d'elle, elle était morte de peur. Pour la première fois, elle contemplait sans voile la possibilité de ne pas en revenir vivante.
En un éclair, Saïx fut sur eux.
Elle leva sa Keyblade avec l'énergie du désespoir, mais fut soustraite à son élan quand Riku l'empoigna brusquement par le bras et l'entraîna avec lui.
« On bat en retraite !
-Vous ne vous échapperez pas ! » hurla Saïx.
Ils n'avaient pas fait dix pas dans le long couloir qui s'éloignait des chambres que Saïx balança le bras, projetant son arme dans leur direction. Riku lâcha Xion quand tous deux tentèrent d'esquiver dans des directions contraires ; Riku se plaqua contre le mur avec une vivacité inouïe que Xion aurait aimé posséder. Elle sauta de côté mais ne fut pas assez rapide : si elle parvint à protéger son dos en se penchant en avant, l'une des pointes de la claymore lui érafla le mollet et elle laissa échapper un sifflement de douleur.
Ils se retournèrent. Xion demeura un instant pétrifiée en voyant Saïx. Elle ne l'avait jamais vu comme ça et, même si elle avait redouté le Numéro VII et soupçonné que son calme constant masquait une force terrifiante, elle ne se serait jamais doutée qu'il pourrait perdre le contrôle à ce point. Les yeux jaunes, une énergie terrible irradiant de lui, il courait dans leur direction, balançant ses claymores en tous sens comme si la Citadelle elle-même était son ennemie. Les dents de l'arme s'enfonçaient dans les murs, en arrachant des morceaux ; il fracassa la dernière porte de chambre, celle de Xion, la laissant à moitié enfoncée, pliée en deux et prête à retrouver le sol. Xion ouvrit la bouche mais son esprit était vide ; elle se jeta au sol pour éviter l'arme qui lui aurait arraché la tête et des débris de mur se mirent à pleuvoir sur elle quand elle s'enfonça avec un son terrifiant dans la paroi juste à sa gauche.
Le couloir ressemblait à un champ de bataille à présent.
« Ne reste pas là ! » lança Riku quelque part dans le chaos.
Désespérée, Xion se précipita en avant, courbée en deux, sa Keyblade inutile serrée dans sa main, et ce fut à cet instant qu'elle fut touchée pour la troisième fois.
Elle eut l'impression qu'une voiture venait de percuter sa hanche gauche. Une souffrance terrible l'envahit, occultant complètement le choc lointain quand son corps, vraisemblablement, heurta le mur puis le sol. Elle ne pouvait plus respirer. Son corps lui semblait brisé en morceaux et elle réalisa alors que c'en était fini d'elle. C'est terminé, pensa-t-elle, le prochain coup sera le dernier. Je ne peux plus bouger de toute façon.
Mais le coup suivant se fit attendre. Elle était.. elle ne savait pas très bien. Quelqu'un la tirait, la soutenait, obligeant ses jambes à réagir pâteusement. Le sol défilait sous ses yeux... c'étaient des marches. Ils montaient un escalier. Ils empruntaient un autre passage que celui duquel ils venaient.
« Allez ! On doit s'éloigner ! » insista une voix et elle essaya. Elle essaya de faire abstraction de la douleur, essaya de forcer ses jambes à l'action, tout en abandonnant de trouver ses repères dans cette tornade de douleur et de vacarme et de chaos.
L'air frais sur son visage, nota-t-elle distraitement. A cet instant, un choc sourd l'atteignit. Pas comme si elle avait été directement touchée, non, mais comme si le choc avait été absorbé par une masse entre elle et l'arme.
Un halètement de douleur dans son oreille et elle se sentit tomber. Puis, enfin, le monde se stabilisa.
Xion reprit ses esprits. Ses yeux se posèrent sur le sol gris qui se poursuivait jusqu'à une barrière de la même couleur. De l'autre côté, le ciel nocturne jusqu'à l'horizon. Ils étaient sortis sur un des balcons qui reliaient différents points de la Citadelle.
Xion tenta sans grande volonté de se redresser et constata alors un fait qui la glaça. Elle était à moitié avachie sur Riku, qui était tombé avec elle, et il ne faisait pas mine de se relever. Une légère grimace qu'il tentait de maîtriser barrait son visage et il avait la main crispée sur le tissu de son manteau au niveau du flanc, et pour une bonne raison. Une énorme estafilade s'y ouvrait et par les plaies béantes du tissu, elle aperçut clairement la blessure et la quantité de sang qui s'en échappait.
Dans son dos lui parvenaient des pas lourds alors que leur ennemi les rejoignait. Toujours accroupie à ses côtés, Xion ne pouvait détacher ses yeux de Riku, de sa blessure et de son visage blafard. Elle sentait sur son corps une blessure semblable qui la coupait en deux, lui infligeait une souffrance odieuse qui sapait tout son courage.
Allaient-ils mourir ici, sous le regard impassible du Kingdom Hearts qu'elle avait contribué à construire ?
Des larmes lui étaient montées aux yeux et elle ne pouvait dire si elles étaient nées de la souffrance, du désespoir ou encore de la rage.
« Riku, parvint-elle à articuler, ou du moins le pensa-t-elle, peut-être que ce n'était que dans sa tête. Je ne veux pas mourir ici. »
Les pas s'interrompirent, tout près, derrière elle. Elle sut que les secondes suivantes seraient décisives et ferma les yeux, se préparant à l'effort terrible et la perspective terrifiante que ce soit la dernière chose qu'elle ferait.
« Je veux vivre... Avec mes amis », siffla-t-elle encore, ses mots entrecoupés par la douleur.
Elle se releva. Ses jambes tremblaient, menaçant de l'envoyer rejoindre Riku. Elle se demanda à quoi ce dernier pouvait bien penser.
Elle se retourna pour faire face à Saïx, lui lançant son regard le plus défiant et farouche, bien qu'elle devait avoir fière allure avec ses yeux larmoyants, ses cheveux ébouriffés, probablement grièvement blessée et tenant debout avec difficulté. Saiïx, bien sûr, ne fut guère impressionné. Il la toisa, impassible, d'un visage qui avait retrouvé son apparence normale en même temps que son calme, sa claymore serrée dans sa main et attendant d'asséner le coup de grâce.
« Et je ne suis pas... une marionnette ! » hurla-t-elle.
Elle brandit sa Keyblade. Saïx s'était manifestement attendu à ce qu'elle l'attaque physiquement et se prépara à contrer, aussi fut-il pris au dépourvu quand elle utilisa sa réserve entière de MP pour lui décocher le plus puissant sort de foudre qu'elle maîtrisait.
Alors que le feu s'abattait sur lui dans un fracas à leur briser les tympans, éblouissant les alentours d'une lumière crue, il poussa un hurlement qui lui glaça le sang. Un humain normal serait mort, mais c'était Saïx et Xion ne se faisait aucune illusion. Elle utilisa les quelques secondes dont elle disposait pour avaler une potion d'une seule traite – au moins cela soulagerait sa douleur et l'empêcherait de se vider de son sang – avant de se précipiter vers Saïx, invoquant toute sa force dans son attaque finale.
Avec un cri, elle abattit sa Keyblade et Saïx fut à son tour projeté en arrière, heurtant le mur à gauche de l'entrée du balcon. Quelques éclairs crépitaient encore autour de lui, disparaissant peu à peu. Respirant difficilement, elle le fixa pendant de longues secondes tandis qu'il lui retournait un regard légèrement étonné, nota-t-elle avec satisfaction.
C'était la seule chose qu'elle pouvait célébrer, car il paraissait sinon indemne.
« Et maintenant ? dit-il simplement. Tu ne pourras jamais nous battre. Tu n'as nulle part où aller. Est-ce que tu vas errer dans les mondes en nous évitant jusqu'à ce que ton corps achève de se détériorer ?
-Tais-toi, répondit sèchement Xion. Je sais ce que je veux. Et je me fiche de ce que tu en penses.
-Votre amitié est stupide, continua Saïx avec une grimace de mépris. Vous êtes tous stupides. Vous allez en payer le prix, très bientôt.
-C'est toi qui es stupide », marmonna Xion.
Elle se détourna. Elle n'avait plus rien à lui dire.
Riku s'était relevé et venait de boire une potion à son tour, mais il dut tout de même s'y reprendre à deux fois avant d'ouvrir un Couloir des Ténèbres.
« Partons, dit-il d'une voix qui ne trahissais pas la douleur. Il faut que nous trouvions Kairi. »
Xion hocha la tête et se hâta de le rejoindre, s'attendant à chaque instant à ce que Saïx reparte à l'assaut. Mais quand elle se retourna, sur le seuil du Couloir, il n'avait toujours pas bougé, les fixant d'un regard mauvais.
« Votre mission sera vaine, lança-t-il. Même si vous réveillez le Héros de la Keyblade, il ne pourra jamais battre notre détermination. Et toi, j'ai hâte que tu connaisses le sort funeste qui t'attend, Numéro Quatorze... enfin, ancien Numéro Quatorze.
-Si tu le dis, dit Xion, mais je n'ai pas l'intention d'attendre qu'il me trouve. »
Sur ces mots, elle s'engouffra dans le Couloir, qui l'emmena très loin de la Citadelle pour toujours.
Kairi finit par relever la tête. Il commençait à faire sombre.
Elle se redressa sur ses genoux tout en chassant tant bien que mal de ses mains gantées le sable qui s'était collé à son visage humide. Cela faisait un moment que les larmes s'étaient taries mais il lui avait fallu longtemps pour trouver la force de s'arracher au sol.
L'horizon familier des Îles du Destin accueillit son regard, mer tranquille s'étendant à l'infini, revêtant une robe de reflets rouges sous le soleil couchant. Combien de fois avait-elle contemplé cette mer ?
Retour à la case départ.
Elle n'avait plus la force de s'en indigner. Avec la fin de la journée, ses dernières forces, sa colère et sa détermination avaient été emportées avec le soleil. Elle avait tant pleuré qu'elle était certaine qu'il ne lui restait plus une larme dans son corps.
Fatiguée, la jeune fille se releva. Ses jambes protestèrent, menaçant de la renvoyer tout droit au sol. Sans les écouter, elle s'épousseta avec lassitude puis retira le manteau, désormais inutile. L'air de la soirée sur ses mollets et ses bras nus lui fit du bien.
Elle plia soigneusement le manteau sur son bras puis se dirigea vers le port, plus loin sur la plage, où demeuraient encore des pêcheurs achevant les dernières tâches de la journée et quelques enfants qui jouaient dans le sable sans lui accorder le moindre regard. Un tout petit attroupement, nota-t-elle, quelques femmes et hommes curieux, s'était regroupé près de la cabane du gardien des barques qui permettaient de se rendre sur la petite île. Intriguée, elle se glissa parmi eux. Personne ne parut remarquer la jeune fille échevelée aux yeux rouges.
Une petite affiche avait été placardée sur la fenêtre de la cabane.
FERMÉ JUSQU'À NOUVEL ORDRE
DECISION DE MONSIEUR LE MAIRE ET DE LA POLICE DES ILES
L'accès à la petite île est strictement restreint aux seules personnes autorisées, pour une durée indéterminée. Des créatures dangereuses y ont été aperçues et des civils ont été attaqués. Île hors d'accès en attendant leur élimination.
Des créatures dangereuses ? Sur les Îles du Destin ? Des Similis ? Des Sans-cœur ?
Naminé avait été capturée par l'Organisation, après tout, ce qui signifiait que cette dernière avait dû y amener ses créatures sur l'île dans la journée. Bon, au moins avait-elle toujours la Keyblade... Ce serait enfin un problème qu'elle serait en mesure de résoudre...
Kairi ressentit un vague dégoût. Ce défaitisme amer ne lui ressemblait pas. Mais après tout ce qu'elle avait vécu dans cette seule journée – son retour aux Îles, la bataille à la Forteresse Oubliée où elle avait vu Riku tuer un homme, les combats à Illusiopolis et sa discussion avec Roxas, se retrouver soudainement prisonnière de l'Organisation, son évasion et ce qui avait suivi – tout son optimisme habituel avait disparu depuis belle lurette.
Elle se plongea à nouveau dans ses souvenirs les plus récents. Ils ne lui apporteraient aucun réconfort.
Axel avait finalement accepté de lui offrir son aide.
Il avait été très clair : elle l'emmènerait au lieu précis où se trouvaient Roxas et Xion. Kairi avait hésité, puis avait accepté. De toute manière, c'était son unique solution si elle ne tenait pas à demeurer enfermée à jamais dans ce monde.
Ils s'étaient donc mis en route.
Le voyage dans le Couloir des Ténèbres qu'avait ouvert Axel s'était déroulé dans un silence gênant alors qu'ils avançaient côte à côte. Axel avait bien lâché une ou deux remarques ironiques, comme lui demander de faire attention où elle mettait les pieds et de ne pas s'éloigner de lui comme si c'était la première fois qu'elle en empruntait un – bien qu'il ne pouvait pas savoir que c'était loin d'être le cas – mais il était demeuré généralement distant et silencieux, d'un calme dangereux qui annonçait qu'il se préparait à un affrontement. Elle ne se rendait compte que désormais à quel point il baissait sa garde quand il était avec Roxas et Xion.
Ils émergèrent finalement sous le soleil doux de la Cité du Crépuscule. Le bâtiment de la gare, avec son horloge imposante, les dominait. Il n'y avait personne en vue, mais les sons d'activités – le brouhaha enflant à l'intérieur du bâtiment annonçant qu'un train venait d'entrer en gare, le bruit de perceuses dans une ruelle dans leur dos – étaient bel et bien présents et elle n'avait jamais été aussi ravie de revoir la lumière du jour.
Kairi n'eut guère le temps d'en profiter, cependant, car Axel se tourna vers elle avec impatience sitôt le Couloir refermé.
« Alors ? Tu nous conduis où, Princesse ? »
Kairi ne releva pas le surnom et tourna les talons.
« Par ici, indiqua-t-elle. Il faut sortir de la ville.
-Ah, tu aurais dû le dire plus tôt. Je nous aurais pas fait apparaître en plein centre-ville. »
Elle se refusait à lui révéler immédiatement l'emplacement de leur destination. Il pourrait la planter là pour s'y rendre par Couloir et elle n'osait imaginer la catastrophe qui l'attendrait quand elle le rejoindrait.
Elle prit les devants et Axel lui emboîta le pas, conservant cependant une certaine distance entre eux. Il ne lui faisait pas confiance, cela était évident. Il soupçonnait que les chances qu'elle le conduise tout droit dans un piège n'étaient pas nulles.
Elle espérait que ce n'était pas le cas.
Elle franchit le trou dans le mur qui conduisait hors de la ville et Axel ne fit aucun commentaire quand elle s'enfonça dans la forêt. Il devait avoir compris que ce n'était pas une diversion : si elle l'avait conduit jusqu'à ce monde pour tenter de lui échapper, elle se serait réfugiée auprès de civils ou dans les ruelles, mais ne l'entrainerait pas dans un lieu isolé.
Finalement, trop tôt à son goût, ils émergèrent dans la petite clairière. Le manoir se profilait devant eux dans la lumière crépusculaire, toujours aussi inhospitalier. Kairi le contempla avec angoisse, taraudée par l'impression qu'elle faisait une grossière erreur. Elle faisait tout son possible pour conserver son optimisme, mais elle avait la déplaisante sensation de trahir ses amis. N'amenait-elle pas sur les lieux où reposait Sora un de leurs ennemis ?
Je dois honorer ma promesse, se murmura-t-elle mentalement. Et Axel lui avait promis qu'il ne toucherait pas à Sora ni ne révélerait l'emplacement de leur cachette à ses collègues. Il avait promis de venir simplement pour ses amis.
Elle espérait qu'il ne les trahirait pas.
Elle sentit les yeux perçants d'Axel dans son dos, analysant tous ses faits et gestes, alors qu'elle poussait la haute grille grinçante et s'aventurait dans le jardin aux colonnes brisées par les années. Elle leva des yeux nerveux vers les fenêtres opaques derrière de lourds rideaux jaunis. Riku, Naminé et Xion étaient-ils là ? Savaient-ils qu'elle était arrivée ? Comment allaient-ils réagir en voyant qu'elle était accompagnée d'un ennemi ?
« Je n'arrive pas à croire que vous vous cachiez là, marmonna Axel dans son dos. Juste sous notre nez.
-Parfois, les choses les mieux cachées sont celles qui sont juste sous nos yeux, murmura distraitement Kairi et elle l'entendit souffler, l'air presque appréciateur.
-J'avoue que je suis un peu curieux de savoir quel est ton rôle dans tout ça, Princesse », dit-il sur le ton de la conversation. Il la suivait tout en parcourant les environs d'un regard faussement nonchalant. « Jusqu'à présent, t'étais censée être une jeune demoiselle sans défense bien à l'abri sur ton île. Et là, tu nous sors une Keyblade, une connaissance poussée des plans de tes petits copains, et même des infos sur mes amis à moi. J'dois dire que je m'y attendais pas. »
Sans répondre, Kairi s'avança jusqu'au seuil et poussa la lourde porte qui s'ouvrit en grinçant, lui crachant un souffle d'air empestant l'humidité au visage. Du coin de l'oeil, elle vit Axel se tendre, les doigts agités d'un spasme comme s'il se trouvait sur le point de faire apparaître ses armes. Elle-même s'était raidie, dans l'attente d'un danger, mais personne ne vint les accueillir et le battant dévoila le hall sombre et désert du manoir.
« Euh... C'est moi, Kairi ! lança-t-elle après un instant d'hésitation. Je suis rentrée ! Il y a eu... un petit changement ! »
Ses mots résonnèrent dans l'air avant de disparaître. Personne ne lui répondit. Aucun bruit ne troublait le silence lourd. Elle se mordit la lèvre.
« Wouah, quel comité d'accueil...
-Ils ne sont peut-être pas là, hypothétisa-t-elle, même si elle n'y croyait guère.
-M'a tout l'air d'un manoir abandonné.
-Je t'oblige pas à me croire, répliqua Kairi avec agacement en se dirigeant d'un pas hésitant vers l'escalier conduisant à l'étage. Tu peux repartir quand tu veux.
-Du calme, c'était une plaisanterie pour détendre l'atmosphère. Tu caches très mal tes émotions ; je vois bien que tu me mens pas. »
Kairi ne répondit pas et Axel la suivit en silence le long du couloir du premier étage. Elle poussa la porte de la chambre qu'on lui avait cédée pour la nuit précédente. Personne. Elle entrebâilla la porte qu'elle savait mener à la pièce vide où Riku se reposait. Personne. Enfin, elle poussa la porte de Naminé, la petite pièce blanche où des croquis représentant quelques souvenirs de Sora avaient été accrochés au mur.
Personne.
Où étaient Riku, Naminé et Xion ?
« Ils sont peut-être au sous-sol, suggéra-t-elle en s'efforçant de demeurer calme. Je ne vois pas d'autre... »
Axel avait traversé la pièce pour aller s'intéresser aux dessins qui ornaient les murs. Kairi vit une lumière intriguée traverser ses yeux plissés.
« Je reconnais bien ce genre de dessin, dit-il. C'est le travail de Naminé, ça. Alors, c'est bien ici qu'elle se cache, pas de doute... »
Il promena son regard sur la pièce d'un air songeur et Kairi le vit avec malaise passer le doigt sur la table près du carnet à dessin, en écartant une très fine couche de poussière.
« Ça fait un moment que Naminé n'a pas pu travailler, tenta-t-elle d'expliquer. A cause de... enfin...
-Hmm. »
Il contempla la poussière sur son gant d'un air méditatif, puis se tourna vers elle avec son habituel sourire faussement nonchalant.
« Bon, tu me conduis où maintenant ?
-Euh... je crois qu'ils doivent être au sous-sol. Mais... »
Il sourit plus largement, ce qui ne fit pas grand-chose pour la rassurer.
« T'inquiète, petite miss. Je te l'ai promis tout à l'heure, non ? Je vais pas cafter auprès du boss. Je viens juste récupérer mes amis, c'est tout. Alors, t'en fais pas, tu peux me montrer tous tes secrets.
-Très bien, dit-elle avec raideur. C'est par ici. »
Elle quitta la pièce et retraversa le couloir, direction la petite bibliothèque de l'aile opposée. Axel était sur ses talons, elle le savait même si ses bottes n'émettaient pas le moindre son.
Axel l'observa d'un air intéressé alors qu'elle activait la manette cachée débloquant les escaliers secrets permettant d'accéder au sous-sol.
« Très ingénieux... L'architecture de ce tunnel n'a rien à voir avec le reste du manoir. J'en conclus que vous avez une aide extérieure qui avait les moyens de construire tout ça ? Je me demande de qui il s'agit. »
Kairi haussa les épaules sans prendre la peine de répondre.
Il ne dit plus rien alors qu'ils s'engageaient dans le passage souterrain. Elle continuait d'ouvrir la voie, sa nervosité enflant avec chaque pas. Aucun son ne lui parvenait de derrière ou devant elle.
La salle des ordinateurs, comme elle l'appelait, était déserte et plongée dans la pénombre. Les lampes du plafond étaient éteintes et la seule lumière provenait des écrans contre le mur, émettant une lueur un brin lugubre. Elle s'arrêta sur le seuil, perplexe. Mais où étaient les autres ? Avec Sora ? Ou...
Non, non. Ils ne pouvaient pas avoir quitté les lieux. Abandonner Sora à son sort, ce serait impensable.
A moins que... et si Riku, Naminé et Xion avaient tous les trois décidé de partir la secourir ? Non. Riku ne prendrait jamais un tel risque, n'est-ce pas ?
Quant à la dernière possibilité, elle éveillait un mélange d'espoir et de crainte en elle. Et si... et si Riku et DiZ avaient... et que Sora s'était...
Non. Riku avait dit qu'il ne le ferait pas. Elle était revenue dans ce but. Ce ne pouvait pas...
Mais automatiquement, ses yeux s'envolèrent vers l'écran au coin du mur présentant un vague schéma de la silhouette de Sora. De multiples données y étaient affichées en jaune vif sur fond noir, mais ce qu'elle cherchait était écrit tout en bas, en gros.
Restauration à 71 %
Réveil envisageable mais non conseillé.
Soixante... Soixante-et-onze pourcents ?! Le pourcentage n'avait certainement pas été aussi haut la dernière fois qu'elle était venue, c'est-à-dire la veille ! Que...
Il semblait qu'Axel partageait ses pensées car il la dépassa soudain, les yeux rivés sur l'écran.
« Réveil envisageable, répéta-t-il, le ton tendu. Vous avez... »
Kairi ouvrit la bouche. Une déflagration ôta de son esprit toute tentative de réponse à peine formée.
L'explosion résonna entre les murs de métal de la pièce, détruisant tout autre son. Elle porta les mains à ses oreilles avec un cri tout en se reculant dans le tunnel, cherchant à se protéger de la lumière aveuglante et du danger quelconque qui venait d'apparaître. Mais la lumière se dissipa aussi soudainement qu'elle était venue et le son infernal ne se répéta pas.
Les oreilles sonnant sournoisement, le cœur battant, Kairi retira ses mains. Elle écarquilla les yeux, une horreur écœurante s'emparant d'elle.
Au centre de la petite pièce, à mi-chemin de l'ordinateur, Axel tomba à genoux en laissant échapper un juron.
« J'aurais dû m'en douter », siffla-t-il entre ses dents, les traits tordus par la douleur. Il plaquait sa main contre sa hanche, mais l'obscurité l'empêchait de voir la nature et l'amplitude de sa blessure. « C'était un piège. J'ai pas été assez prudent.
-En effet, Simili. »
Axel et Kairi tournèrent tous deux la tête, la seconde vivement, le premier sans grand empressement. Sur leur droite depuis l'entrée, dans la direction opposée des écrans qui avait attiré leur attention, une haute silhouette sortait de l'ombre.
DiZ observait Axel d'un air sombre, une lueur de répulsion dans son œil doré. Il portait à la main une arme spéciale, vaguement semblable à un pistolet massif à la structure peu commune, qu'il gardait tranquillement pointée vers l'homme à terre.
« J'ai conçu cette arme dans le but spécifique de me débarrasser de créatures telles que vous, dit-il de sa voix tonnante. Sens-tu ton essence se déliter et retourner au néant auquel tu appartiens ?
-La seule chose que je sens, c'est ton odeur putride, vieil homme, dit péniblement Axel. Fais chier... Comme si j'allais abandonner aussi facilement. »
L'arme lugubre dans les mains de DiZ frémit légèrement et Kairi décida d'intervenir avant qu'Axel ne se fasse tuer par sa propre impudence.
« Attendez ! s'écria-t-elle en s'avançant de quelques pas. Ce n'est pas ce que vous croyez. Il n'est pas venu pour.. »
Les yeux de DiZ pivotèrent vers elle en lançant des éclairs.
« J'admets que tu ne manques pas de culot, de conduire un de nos ennemis jusqu'à nous le lendemain du jour où Riku t'a fait confiance pour t'impliquer dans nos affaires, tonna-t-il. Quelle n'a pas été ma surprise en vous voyant arriver sur les caméras. Je n'aurais jamais pensé que la Princesse, la chère amie du Héros de la Keyblade, puisse nous trahir ainsi.
-Je ne vous ai pas trahis, protesta Kairi. Je voulais simplement aider et je ne pouvais pas rester enfermée dans la Citadelle de l'Organisation ! L'Organisation m'avait prise en otage, je ne pouvais pas rester coincée là-bas sans rien faire ! Et je ne peux plus ouvrir des Couloirs des Ténèbres maintenant. Je devais bien trouver une solution ! »
Elle fit encore quelques pas, cherchant à se placer entre DiZ et Axel. Ce dernier, remarqua-t-elle avec inquiétude, était toujours à genoux, la main plaquée sur son flanc, la mâchoire contractée, bien que ses yeux ne perdent pas une miette de la scène qui se jouait devant lui. Elle crut également voir de fins filaments argentés jouer brièvement autour de sa blessure avant de disparaître. C'était les mêmes qui subsistaient quelques secondes dans l'air quand elle éliminait un Simili.
« Axel n'est pas venu se battre, continua-t-elle avec une ardeur renouvelée. Il veut sauver ses amis, lui aussi. Il... il m'a aidée à revenir. »
DiZ lui lança un regard méprisant.
« Tu es naïve. Je n'aurais jamais dû accepter que Riku t'emmène ici ; c'était une erreur. Une telle naïveté n'était qu'une bombe à retardement. Je vais t'expliquer. Les Similis ne ressentent pas d'émotion – l'amitié, la dévotion, l'amour, ce ne sont que des choses qui leur sont étrangères. Il n'est pas venu pour ses amis ; il est venu pour nous détruire ! rugit DiZ. Et tu as été trop sotte pour remarquer qu'il se servait de toi ! »
Furieuse, Kairi était sur le point de riposter quand une voix s'éleva péniblement derrière elle.
« Où sont Roxas et Xion ? » Axel devait manifestement lutter pour énoncer des phrases. « Je sais qu'ils étaient là. T'as intérêt à ne pas me mettre en colère, vieil homme, et à me dire tout de suite ce que tu en as fait. »
DiZ le considéra sans la moindre pitié.
« Oh ? dit-il d'un ton dubitatif. Je ne pense pas que tu sois en position de proférer des menaces. Mais soit, si tu souhaites le savoir, je ne vois pas d'inconvénient à t'éclairer. »
Il traversa tranquillement la pièce et s'approcha de l'ordinateur. Axel et Kairi le suivirent d'un regard prudent, le premier se tendant comme un chat sur le point de passer à l'attaque, la seconde refoulant tant bien que mal les répliques acerbes qu'elle avait sur le bout de la langue.
« Je vous prie de regarder cet enregistrement, dit DiZ en tapotant sur son clavier et ouvrant un fichier. Il s'agit d'une vidéo enregistrée dans la Cité virtuelle, il y a trois bonnes heures.
-La Cité virtuelle », répéta Axel tandis que Kairi osait un pas en avant, quelque chose se nouant dans sa gorge.
DiZ ne se donna pas la peine de lui répondre. Il appuya sur un bouton et une vidéo de mauvaise qualité se lança.
Roxas se trouvait au cœur d'une pièce blanche qu'elle reconnut aisément. Il faisait face à un immense cristal blanc en forme de fleur close, à travers laquelle on devinait la silhouette sombre d'un autre jeune garçon. Roxas était visible de profil vu d'en haut, si bien que les traits de son visage étaient difficilement discernables. Ses lèvres bougeaient, mais ses mots demeuraient inaudibles.
La vidéo était courte, mais elle laissa derrière elle un silence assourdissant.
« Non », murmura Kairi. Les larmes, déjà invoquées par sa fureur précédente, lui montaient à présent aux yeux. « Mais pourquoi ? »
Elle avait dit... elle avait dit qu'elle voulait le protéger. Elle s'était promis de le protéger tout comme Sora. Elle ne pourrait plus jamais le faire désormais. Pourquoi ? Il disait qu'il voulait des réponses, qu'il voulait revoir Xion, qu'il voulait la protéger. Pourquoi avait-il abandonné ?
« Tu es arrivé trop tard. Le Simili a rempli son rôle, déclara DiZ d'un ton victorieux. Grâce à lui, le réveil du Héros de la Keyblade est imminent. Vos machinations auront été sans succès, Simili, et votre règne touche à sa fin. Vous allez payer le prix d'avoir joué avec l'ordre des mondes. Et je te dois tout de même des remerciements, Kairi. Grâce à toi...
-Ferme-la. »
DiZ s'interrompit. Son regard s'assombrit sensiblement alors qu'il baissait les yeux vers la silhouette prostrée d'Axel. Kairi l'imita sans un mot ; elle pensait qu'elle pleurait peut-être déjà.
Axel baissait les yeux vers le sol. Le visage plongé dans l'ombre, il était impossible de décrypter son expression, mais une promesse menaçante pesait dans l'air.
« Je t'interdis de parler de Roxas ainsi, murmura-t-il d'un ton que Kairi ne lui connaissait pas. Tu vas... tu vas me le payer. »
Kairi pâlit et eut un mouvement de recul.
Tout se passa en un éclair. Axel amorça un mouvement pour se jeter en avant, ses chakrams surgissant dans ses mains. Avant même que Kairi ne réalise ce qui était sur le point de se passer, il y eut une seconde déflagration suivie d'un sifflement de douleur.
« Axel ! »
Axel lâcha ses chakrams, qui tombèrent en tintant sur le carrelage sombre. Des éclats argentés apparaissaient ostensiblement autour de lui à présent alors qu'il retombait à terre, posant les mains au sol pour ne pas s'effondrer complètement.
« A...Axel ? »
Elle osa s'approcher de lui. Il n'eut aucune réaction, fixant le sol en haletant. On aurait dit qu'il utilisait ses dernières forces pour ne pas s'évanouir. Elle ne savait pas ce qu'elle devait faire.
Non, elle savait ce qu'elle pouvait faire.
« Attends, marmonna-t-elle en fouillant dans ses poches, je crois que j'ai... »
Les yeux de DiZ étincelèrent dangereusement. « Que fais-tu ? »
L'ignorant, Kairi sortit une potion de sa poche tout en s'agenouillant aux côtés d'Axel et plaça le goulot contre sa bouche.
« Voilà, ordonna-t-elle. Bois. »
Il l'entendit. Sa main se saisit de la potion avec une vivacité surprenante juste au moment où Kairi sentait une poigne de fer lui empoigner le bras et la rejeter en arrière.
« Tu as perdu la tête ? tonna DiZ. C'est notre ennemi ! Il ne devrait pas exister de toute manière. Pourquoi essaies-tu de le sauver ? »
Kairi s'arracha à sa prise et le fusilla du regard.
« Tout cela est faux ! s'insurgea-t-elle. J'ai passé assez de temps avec eux pour savoir qu'ils sont des êtres humains comme nous, avec des souhaits, des sentiments et une envie de vivre ! Sinon, pourquoi est-ce qu'ils auraient subsisté après avoir perdu leur cœur ? Axel est mon ami, à moi aussi, alors je refuse de te regarder lui faire du mal ! »
Elle ignora l'expression perplexe d'Axel et le vague dégoût outré sur les traits de DiZ et continua : « On va arrêter cette folie, tout de suite ! Où sont Riku, Naminé et Xion ? On doit en discuter tous ensemble ! » Sa belle assurance fléchit soudainement quand une pensée lui traversa l'esprit. « Où est Xion ? Elle n'est pas... elle aussi...
-Qui sait ? répliqua DiZ et son ton était d'une joie cruelle quand il ajouta : Tout cela ne te concerne plus, à présent. Tu as rempli ton rôle à merveille et je ne saurais tolérer que tu viennes entraver notre mission. Alors, tu vas me faire le plaisir de retourner attendre sagement sur les Îles du Destin que ton ami Sora s'occupe de tout.
-Je ne... » commença-t-elle, la fureur l'enflammant à nouveau.
DiZ fit un geste de la main. Le sol s'effaça sous les pieds de Kairi qui laissa échapper un cri de panique en se sentant sombrer. Elle croisa une fraction de seconde le regard de DiZ qui la fixait, près de la silhouette prostrée d'Axel, puis les ténèbres l'envahirent.
Alors qu'elle sombrait dans le puits de Ténèbres, elle eut l'impression que son cœur achevait de s'émietter. Elle avait échoué ? Elle était arrivée trop tard. Que pouvait-elle faire à présent ?
Au bout d'une chute interminable où elle était seule avec ses pensées torturées, le Couloir s'effaça pour la recracher sur la plage qui lui était familière et elle s'y effondra.
Voilà, c'est ici que je disparais.
Perdu au milieu de l'immensité blanche qui l'entourait, Roxas levait les yeux vers la fin de sa vie.
Non, se répétait-il comme pour se distraire, ce n'est pas ça pas ça pas ça... Il n'allait pas mourir, pas vraiment, n'est-ce pas ? De toute manière, pour un Simili, la mort existait-elle ?
Il avait traversé les sous-sols sans se retourner. Chaque marche l'amenait encore plus profondément en enfer, lui avait-il semblé. Il n'avait cessé de se demander ce qui l'attendrait au bout et la vue du garçon endormi piégé dans sa fleur de cristal ne l'avait pas surpris. Il avait eu raison, en fin de compte. Sora l'attendait bel et bien ici.
Et maintenant, il ne pouvait plus tergiverser. Plus de chemin à parcourir. Il était arrivé au bout de sa route, à la destination qu'il avait choisie.
Il fixa le visage endormi qu'il devinait à peine de l'autre côté de la paroi protectrice et se sentit sourire alors même qu'il ne ressentait qu'un grand vide. Peut-être que tout ce qui le constituait était déjà retourné à Sora.
« Alors, c'est toi, Sora ? » dit-il à haute voix. Ça lui fit du bien, d'entendre sa voix.
Alors qu'il contemplait celui qu'il était avant, d'autres pensées se formèrent dans sa tête. Il ressentit quelque chose. Était-ce... du regret ?
« Tu en as de la chance, tu sais. Moi, je ne voulais pas faire ça. » Ses joues lui paraissaient humides. Il leva une main machinale, récoltant des larmes qu'il fixa d'un air perplexe avant de se concentrer de nouveau sur le garçon devant lui. « Mais je n'ai plus le choix maintenant, hein ? Dis, tu crois qu'Axel sera en colère ? Bien fait pour lui, après tous ses mensonges... » Mais il ne parvenait pas à ressentir une once de rancœur envers son ami. « Sora, je suis venu te voir pour que tu m'aides. J'ai besoin de ta force. Ensemble, on va pouvoir arranger les choses. On pourra sauver tout le monde. »
Personne ne lui répondit. Le silence n'avait rien d'apaisant en ce lieu. Il se demanda brièvement où était passé l'homme qui lui avait ouvert la voie.
« Xion n'aura pas besoin de disparaître, comme ça, continua-t-il à haute voix. L'autre monsieur l'a dit. Il a dit qu'un seul de nous deux suffira. Alors, ne lui demande pas de disparaître pour toi, d'accord ? »
Il soupira. L'autre garçon ne lui répondrait pas, mais il aurait aimé tout de même quelques paroles de réconfort.
Il s'octroya un unique regard derrière lui. Au fond de la salle, la porte par laquelle il venait d'entrer était toujours là, le narguant d'une promesse d'issue qu'il ne pouvait pas prendre.
« Au revoir, mes amis, murmura-t-il. Xion... Axel. A tout de suite. »
Il s'accrocha à cette pensée, alors qu'il sentait le mur de sa personnalité se dissoudre et toute chose disparaître autour de lui. Du néant tout se reconstruisit.
