ndla : c'est avec une certaine satisfaction que je fais mon retour dans les nuits du FoF, avec ce texte répondant au thème n°2 « confession ». comme souvent dans ce genre d'exercice, on part d'une idée diffuse et on peine à la retranscrire de manière à la fois fidèle et efficace. je dis « on » mais c'est peut-être que moi. et pour le titre (perso' il me fait rire je le trouve kitsch), c'est une référence au son don't cry Kate de In Love With a Ghost.


« Je vous félicite, les filles, vous avez bien travaillé aujourd'hui. Vous pouvez y aller. »

D'un même élan, Ino et Sakura s'inclinent face à Tsunade, puis elles quittent la bibliothèque dans laquelle leur maître les exerce habituellement à pratiquer le ninjutsu médical. Dehors, les premières tiédeurs timides de la fin du printemps disparaissent peu à peu, avec les lueurs incandescentes du soleil couchant. Les avenues de Konoha, à travers lesquelles les deux kunoichi cheminent dans un silence contemplatif, fourmillent d'une allègre agitation ; hommes et femmes se rejoignent et, se tenant par la main pour ne pas se perdre, avancent jusqu'à trouver une table ou un bout de comptoir.

« Je te raccompagne jusqu'à chez-toi, déclare Ino.

– Ah bon ? »

Elle opine brièvement du chef et, l'air de rien, elle attrape le poignet de sa camarade et accélère le pas, l'entraînant à sa suite. Ça fait plus d'un mois à présent qu'elle s'entraîne sous sa tutelle et si, au début, son orgueil ne le supportait pas – elle lui a toujours été supérieure en tout –, le temps passé auprès d'elle, les étapes franchies ensemble lui ont rappelé la vive tendresse des jours d'antan.

Est-ce que Sakura y pense, elle aussi ? à leur amitié ? Quand Ino l'observe du coin de l'œil, lors de leurs exercices, parfois, leurs regards se croisent – aussitôt chacune se détourne de l'autre, d'un air honteux ou boudeur.

« Je voulais te dire un truc… marmonne-t-elle lorsque toutes deux s'arrêtent devant le portail de la maison des Haruno. »

Comment renoue-t-on ce qu'on a tranché de sa propre main ?

« Enfin non, c'est rien… A demain.

– Ino, attends. »

L'intéressée, qui s'apprêtait à repartir en sens inverse, marque une halte.

« Je viens te chercher demain ? Devant chez-toi ? »


Ino trébuche sur une marche alors qu'elle dévale les escaliers menant à l'appartement, au-dessus de la boutique – elle se rattrape de justesse à la rampe et rejoint Sakura, qui rit aux larmes.

« J'ai vraiment cru, hoquète-t-elle, que t'allais te ramasser… à mes pieds ! »

Là-dessus son rire redouble. Ino, qui s'efforçait de garder une certaine contenance, sent une rougeur brûlante lui monter aux joues ; elle assène une claque rageuse sur le bras de la jeune fille.

« T'es trop moche quand tu rigoles, raille-t-elle, les lèvres ourlées en une moue dédaigneuse. Avec ton grand front, on dirait une baleine. »

Et, prétendant l'imitant, elle étire sa figure en une grimace et pousse des longs cris sourds. A son tour, Sakura abat un poing sur son épaule.

« Moi au moins, je suis pas en retard. Je te préviens, si on se fait engueuler par Tsunade-sama, je lui dirais que c'est de ta faute.

– Fayotte. »

Durant toute la journée, elles perfectionnent un geste que Tsunade leur a appris. Comme souvent, Ino se résout à écouter les conseils que lui prodigue sa consœur, à observer et reproduire consciencieusement ce qu'elle lui montre. Elle ne peut s'empêcher de songer elle est incroyable – et cette pensée, en son esprit si fier, sonne comme un aveu. C'est vrai pourtant – elle retient et réinvestit un nombre abasourdissant de connaissances, elle parvient à s'approprier et à maîtriser finement jusqu'aux techniques les plus complexes que la Sannin leur enseigne… Surtout elle ne semble jamais douter d'elle-même : peu importent les échecs, elle recommence autant de fois qu'il le faut. Contrairement à Ino, qui a l'habitude de réussir sans effort, elle ne se lasse pas, ne se décourage pas ; et d'ailleurs l'héritière du clan Yamanaka aurait sans doute abandonné l'idée de devenir ninja médecin si sa rivale ne s'y consacrait pas avec une telle détermination.

Tsunade les libère vers dix-sept heures. Toutes deux sont exténuées – elles ont consommé des quantités folles de chakra dans l'exécution d'un jutsu qui, d'après leur maître, ne devrait pas leur en demander autant.

« Comment fait-on pour en utiliser moins ? a alors interrogé Sakura d'une voix docte, à l'entente de laquelle Ino a roulé des yeux. »

La principale concernée s'est contentée de hausser les épaules. Il leur faudrait se débrouiller seules.

« Tu veux monter à la maison ? Mon père est parti en mission ce matin, il ne devrait pas revenir avant quelques jours. »

Un indescriptible sentiment d'étrangeté emplit Ino lorsqu'elle fait rentrer Sakura chez-elle. Avant, elles dormaient tout le temps chez l'une ou l'autre, chacune connaissait par cœur le foyer de l'autre – les parents de l'une étaient presque les parents de l'autre. Mebuki-san a été si gentille avec elle quand sa mère est décédée…

« Ça n'a pas beaucoup changé, entend-elle son invitée murmurer.

– Tu trouves ?

– A quelques détails près, c'est comme dans mes souvenirs… confirme-t-elle, esquissant un sourire pensif. »

Elles, elles ont changé. Tout en préparant le thé, Ino se remémore les enfants qu'elles étaient – petites et mignonnes, naïves… Elle scrute celle qu'elle considérait, à cette époque, comme sa meilleure amie. Son carré court de cheveux roses encadre une figure aux traits longilignes et délicats, sertie de prunelles qui rayonnent d'une intelligence opiniâtre ; les muscles de ses bras et de ses jambes, à force d'entraînement, cisellent finement sa peau d'albâtre.

Une fois le thé servi, elles s'effondrent sur le canapé en poussant un soupir de soulagement. Elles essayent d'abord d'imaginer ce qui pourrait leur permettre d'affiner leur maîtrise de la technique que Tsunade leur a montrée aujourd'hui ; cependant Ino s'ennuie vite de cette discussion.

« On peut parler d'autre chose ? propose-t-elle en ravalant un bâillement. »

Son interlocutrice lève les yeux au ciel, maugrée quelque chose comme t'es vraiment qu'une feignasse avant de boire une gorgée de sa tasse fumante.

« Tu veux qu'on parle de quoi ? concède-t-elle toutefois.

– Oh, Sakura, tu sais de quoi, ou plutôt de qui je veux parler…

– Encore cette histoire ? Je te dis que c'est impossible.

– Et moi je te dis que je les ai vus et qu'ils allaient s'embrasser !

– Mais tu ne les as pas vus s'embrasser ? »

Ino secoue la tête à contre-cœur. A vrai dire, même cette conversation, concernant le baiser que Neji et Tenten auraient échangé si Asuma n'avait pas retrouvé son élève à cet instant précis, ne maintient pas bien longtemps leur intérêt. Tout simplement elles sont trop fatiguées.

Le thé est encore tiède lorsqu'elles s'assoupissent l'une contre l'autre.


Depuis hier, les cerisiers de Konoha fleurissent. A chaque fois qu'Ino aperçoit leurs cimes d'un rose laiteux, elle a une pensée frémissante pour Sakura.

« J'ai envie de dango, soupire-t-elle dès qu'elles sortent de la tour du Hokage, ça te tente ? »

Elles achètent chacune une brochette – couverte de sirop pour l'une, tartinée de pâte de haricot rouge pour l'autre – et se dirigent vers la rivière Naka. Elles s'assoient au bord de l'un de ses pontons, l'une à côté de l'autre, face à l'horizon.

« Ah, c'est trop bon ! jubile Sakura. C'était une super idée, Ino. »

Cette dernière se tourne vers elle. Elle aperçoit quelques mèches éparses, ayant échappé au chignon qu'elle a hâtivement noué tout à l'heure – elle ne peut s'empêcher, du bout des doigts, de les replacer derrière l'oreille de Sakura.

« 'Faut que je te dise un truc… souffle-t-elle alors que le regard de celle-ci se pose sur elle. »

Elle égare ses yeux bleus dans la vastitude du ciel, striée d'ambre et de pourpre. Le sang bat contre ses tempes.

« J'ai jamais eu une amie comme toi, depuis que… »

… tu m'as déclaré ton amour pour Sasuke. Elle lui en a tellement voulu. Pas parce qu'elle s'intéressait au même garçon qu'elle – elle le pressentait mais s'interdisait d'y penser –, mais parce qu'elle le lui a dit, là où elle aurait pu se taire.

« Tu crois que… qu'on pourrait redevenir amies ? Tu me manques...

– Toi aussi tu me manques. »

Ino sent une main recouvrir la sienne. Avant cette paume était si douce et si frêle – maintenant elle est rugueuse et puissante. Ça ne sera jamais comme avant entre elles. Le bourgeon éclot et déploie ses couleurs vibrantes, ses fragrances sucrées et obsédantes. La lumière du crépuscule auréole Sakura d'or. (Quand est-ce qu'elle est devenue aussi belle ?)

« En plus, tu veux que je te dise encore un truc ? Je crois qu'au fond de mon cœur, j'ai renoncé à Sasuke-kun. Ça fait plus d'un an qu'il est parti et… Sakura, j'ai envie de connaître le véritable amour. Je ne peux pas passer ma vie à attendre quelqu'un qui… – ne reviendra peut-être pas, se retient-elle à peine de dire – Il y a tellement d'autres personnes intéressantes… tu ne penses pas ?

– Mes sentiments à moi n'ont pas changé.

– Vraiment ? »

Au-delà de l'incrédulité, quelque chose en elle se raidit douloureusement. Se tromperait-elle ? L'amour véritable, ce serait celui que Sakura ressent pour Sasuke en dépit de tout ? Ce qu'elle-même a appelé amour autrefois, et qui ressemble à s'y méprendre à ce que Sakura éprouve encore, lui apparaît aujourd'hui dans toute sa vanité.

« Dis, Ino… Tu penses que j'ai une chance de connaître le véritable amour avec Sasuke-kun ?

– Honnêtement ? J'en ai aucune idée. »

Voyant son amie baisser la tête, Ino glisse un bras autour de ses épaules et la serre contre elle, entrechoquant malicieusement leurs fronts.

« Je suis sûre que tu connaîtras cet amour avec quelqu'un. »

Toutes deux ainsi blotties, elles contemplent les derniers rayons du soleil qui se reflètent à la surface ondoyante de la rivière, comme parsemant l'eau de miettes rougeoyantes. Ça ne sera jamais comme avant entre elles. Elles ont grandi, compris – un peu – l'indescriptible complexité des liens qui unissent les âmes ; elles sont devenues plus fortes, plus sages.

« Et toi, alors ? questionne soudain Sakura, l'air taquin. T'as qui en tête quand tu parles de « personnes intéressantes » ? »

Ino balbutie, en battant nerveusement des jambes dans le vide, qu'elle n'est pas certaine encore – quand je saurai, promet-elle, tu seras la première au courant. Sa camarade insiste et l'assaille d'hypothèses – est-ce que c'est Shikamaru ? … me dis pas que c'est Kiba ! –, jusqu'à ce qu'elle menace de la pousser dans l'eau.

L'ombre d'un sourire vacille sur ses lèvres alors qu'elle se lève et offre une main à sa camarade, l'invitant à en faire de même. La nuit a drapé l'horizon de son voile d'encre – il est l'heure de rentrer.

« Tu viens dormir chez-moi demain ? 'Faut que je te raconte, à propos de Neji et Tenten… »