ndla : ce texte a été écrit dans le cadre des 24h du FoF, qui se tiennent en ce moment-même malgré la grande débandade sur le site. en tout ce texte répond au thème n°4 "une balade qui se termine sous la pluie". j'aurais aimé le travailler davantage mais, dans la mesure où j'ai passé facile trois heures sur ce texte... je suis résignée haha. aussi, comme de manière un peu inattendue ça devient un genre de "suite", je viendrais donner des titres convenables plus tard.
« Je te dis qu'il va pleuvoir.
– Impossible. Regarde le ciel ! »
Ino soupire. Malgré l'heure matinale, le soleil brille et répand sur la terre, imbibée de rosée, une chaleur épaisse et pesante. Depuis hier après-midi, on sent dans l'air les frémissements fiévreux du firmament, trop plein de feu et de lumière. Son père le lui a dit – une tempête se prépare. A nouveau elle laisse échapper un long soupir, alors qu'elle entortille ses cheveux en un chignon rapide.
« T'étais pas obligée de m'accompagner, tance Sakura, si ça t'emmerde tant que ça.
– Mon cul, ouais. »
C'est elle qui lui a parlé de cet endroit, de ce trou de verdure enfoui dans les montagnes, derrière le village, où croissent des plantes médicinales rares, aux propriétés multiples et puissantes. Ces plaines accidentées ont vu naître les premiers membres de son clan, qui y ont paisiblement vécu avant de rejoindre les rangs de Konoha, incités en cela par les clans Nara et Akimichi. Encore aujourd'hui, le clan y possède un domaine. Sans elle, Sakura ne saurait tout simplement pas trouver son chemin ; et si elle se perdait dans ces hauteurs, impitoyables pour celles et ceux qui ne les connaissent pas, et que l'orage venait à éclater…
« Tu sais c'est quoi ton problème, Sakura ? Tu es têtue. Têtue comme un âne. Est-ce que c'est ton énorme front qui te rend têtue comme ça ? »
Elles se chamaillent ainsi jusqu'à ce qu'elles atteignent l'orée de la forêt. Les cimes lourdes et touffues des arbres étouffent les rayons implacables du soleil ; le mince ruisseau, dont elles remontaient le cours, s'élargit et s'écoule avec plus de vivacité. Les deux filles poussent un gémissement de soulagement, d'un même élan elles se précipitent au bord de l'eau et se mouillent la figure, les épaules, s'amusent à s'éclabousser l'une l'autre.
« Tu ne peux pas me dire qu'il va pleuvoir avec une chaleur pareille, Ino.
– Tu verras, réplique seulement celle-ci, en haussant les épaules. »
Elles reprennent la route, rafraîchies et revigorées. Elles se remémorent de semblables expéditions, guidées par leur institutrice à travers champs, lors desquelles elles identifiaient et cueillaient des fleurs, profitaient d'un moment d'inattention de l'adulte pour se tresser des couronnes…
La clairière s'étend devant leurs yeux émerveillés. Une foultitude de plantes, feuillues ou épineuses, exhalent leurs fragrances sucrées et amères. Toutes deux s'agenouillent et, armées de ciseaux et de couteaux, elles s'affairent à récolter les herbes, dont Tsunade leur a enseigné les nombreuses vertus. Les ronces égratignent leurs jambes et leurs mains, les sucs leur engluent les doigts…
« Il paraît que si tu émiettes les pétales du myosotis qui pousse ici dans un bol d'eau, et que tu exposes cette eau à la lumière de la pleine lune, en pensant à quelqu'un que tu as perdu, pendant toute la nuit, cette personne reviendra à toi. »
Sakura hausse un sourcil circonspect.
« Vraiment ? C'est pas un truc que tu viens d'inventer ?
– Pour qui tu me prends ? C'est ma mère qui m'a raconté ça. »
Comme pour ponctuer son propos, Ino cueille l'un de ces myosotis et le pique malicieusement à travers les mèches roses de son amie. Elles rassemblent ensemble quelques fleurs, qu'elles enveloppent dans un bout de tissu. (La jeune héritière a un pincement au cœur, pourtant, en songeant à la personne que Sakura espère ramener à soi.)
Finalement elles se laissent tomber l'une à côté de l'autre. Leurs sacs débordent de végétaux variés.
« Sakura, je t'ai dit qu'il allait pleuvoir. Regarde le ciel. »
L'azur est d'un gris laiteux, à présent, que percent quelques lueurs flavescentes. Il fait encore plus chaud que tout à l'heure, d'une chaleur fébrile. Et puis – un grondement sourd, lointain. Ino se redresse, tapote le bras de sa camarade, l'exhortant à en faire de même. Viens, presse-t-elle, on y va. Cette fois, Sakura l'écoute sans protester. Elles regagnent la forêt d'un pas hâtif, tandis qu'un vent tiède se lève.
La pluie ne tarde pas. Elles n'en sentent d'abord que quelques maigres gouttes sur leur peau, qui petit à petit deviennent plus nombreuses, plus grosses… Ino darde un regard accusateur vers son amie.
« Ça va, j'ai compris.
– Ah, s'exclame-t-elle en roulant des yeux, maintenant qu'il pleut t'as compris !
– T'avais qu'à pas venir avec moi !
– Tu rigoles ou quoi ? Sans moi t'aurais même pas trouvé !
– T'es vraiment qu'une… »
L'averse gagne soudain en puissance, coupant court à cette dispute. Elles échangent un bref coup d'œil et, d'un commun accord tacite, elles commencent à courir. Elles sont vite trempées de la tête aux pieds, leurs sandales pleines de boue glissent sur la terre amollie par l'eau – un même cri aigu leur échappe lorsqu'elles entendent le craquement cinglant d'un éclair.
Finalement elles se résignent. Ralentissent. A quoi bon ? Elles sont encore à plus d'une heure du village. Ino se souvient d'une très, très vieille cabane, où elle aimait jouer quand elle était petite – d'après son père, elle appartenait, dans l'ancien temps, à ceux de leur clan qui remplissaient la fonction de garde forestier. Elle attrape la main de Sakura et la mène ainsi, pendant une vingtaine de minutes.
La cabane est toujours là, brinquebalante et dévorée de lierre. Enfin elles peuvent s'arrêter. Souffler.
Elles se toisent l'une l'autre, dégoulinantes de pluie, haletantes. Couvertes de bourbe jusqu'aux genoux. Sakura pouffe la première, rapidement suivie par sa compagne d'infortune.
« J'te déteste, conclut malgré tout cette dernière.
– Tu m'aimes, rétorque l'intéressée d'un ton railleur. Sinon tu m'aurais pas suivie. »
Une rougeur écarlate monte aux joues d'Ino, qui détourne orgueilleusement sa figure.
« En tout cas je te l'avais bien dit, qu'il allait pleuvoir.
– Oh arrête. On dirait ma mère. »
