Merci pour tous vos retours, cela me fait super plaisir et me motive à continuer. En espérant que ce chapitre vous plaise aussi... Bonne lecture !
CHAPITRE 6 - CHEZ LE GOUVERNEUR
Quelque part dans la campagne, un cheval blanc se cabrait et hennissait à qui mieux mieux mais personne ne pouvait l'entendre. Le site où il se trouvait était trop bien caché. Les rochers environnants et les collines, les moindres obstacles naturels formaient un écran ne laissant passer ni son, ni mouvement au voyageur égaré près de cet endroit mystérieux. Pourtant deux cavaliers s'approchaient avec assurance, semblant connaître parfaitement les lieux. Le cheval blanc s'arrêta un instant, les oreilles dressés, puis reprit ses hennissements, plus joyeux cette fois-ci. Les deux inconnus s'approchèrent doucement puis l'un deux émit une sorte de sifflement aigu. Le bel animal accourut aussitôt.
- Ah, fit don Diego tout en flattant son encolure, tu as reconnu ton maître. Brave Phantom ! Ce soir, nous partons une nouvelle fois pour Monterey. J'espère que tu es d'accord…
L'étalon s'ébroua.
- C'est un oui, ça ?
Le jeune homme caressa encore quelques instants son cheval puis donna ses ordres à son serviteur.
- Occupe-toi de lui pendant que je me change.
Peu rassuré, Bernardo obéit pourtant tandis que le jeune homme prenait son costume accroché à sa selle et allait se transformer en défenseur de la justice. Il revint quelques minutes plus tard, tout de noir vêtu, ceint de son épée, masqué, impeccable dans sa tenue. Durant ce temps, son compagnon avait déjà sellé Phantom et le tenait par la bride. Zorro s'approcha et remercia le sourd-muet. Il mit le pied à l'étrier et enfourcha d'un bond le magnifique animal tout en accrochant un fouet à la selle.
- Bernardo, si je ne suis pas rentré dans cinq heures, ce n'est pas la peine de m'attendre, tu peux repartir à Los Angeles et tu avertiras mon père. Il saura, je pense, ce qu'il faudra faire.
Le fidèle serviteur montra ouvertement qu'il n'était pas d'accord : Zorro était le plus fort, comment pourrait-il ne pas revenir ?
- Je sais, Bernardo, je sais mais vous pensez tous que Zorro est invulnérable et invincible… je ne suis pourtant qu'un homme comme les autres. Mais il y a autre chose, …
Le fidèle serviteur acheva la phrase en formant un joli cœur avec ses mains. Le cavalier noir se contenta d'approuver. Dans ses yeux flottait une lueur d'inquiétude.
- Oui… Vois-tu, Bernardo, ce que je redoute le plus, ce n'est pas le potentiel piège que le gouverneur a pu me tendre mais c'est plutôt Ana-Maria, toute proche. Je pourrais aller la rejoindre mais je sens que ce ne serait pas raisonnable. Je t'avoue que je ne sais comment agir, tiraillé entre ma promesse et ma raison, entre mon honneur et le devoir…
Zorro s'arrêta un instant où il remarqua l'air intrigué de son valet. Il s'empressa de le rassurer.
- Mais ne te tracasse pas inutilement : je me contenterai d'une reconnaissance des lieux pour ce soir et peut-être d'une entrevue surprise avec le gouverneur… Adíos, Bernardo.
Zorro salua le muet d'un signe de la main et disparut bientôt dans la nuit, étrange silhouette dont la base était blanche comme la neige et le cavalier noir comme le charbon.
Quand Zorro arriva à Monterey au milieu de la nuit, le pueblo était étrangement calme. Comme si aucune embûche n'attendait le cavalier noir et sa monture. Pourtant l'atmosphère était chargée de tension. A moins que ce ne soit son esprit qui lui joue des tours... Par prudence, il fit néanmoins signe à Phantom de ralentir tandis qu'il gardait tous ses sens en alerte. Inspectant les moindres recoins et prêt à fuir en cas de problème, il se dirigea tranquillement vers la maison du gouverneur.
La lumière était encore allumée, le vieil homme devait probablement terminer un travail important. Zorro grimpa prestement sur le mur de la maison et se glissa silencieusement à l'intérieur grâce à la fenêtre entrouverte. Il regarda un instant autour de lui. Rien de suspect. Le gouverneur assis à quelques mètres de lui, continuait à écrire. Au bout de quelques instant, l'homme parut frissonner. Il se releva et voulut se diriger vers la fenêtre pour se protéger des courants d'air quand une ombre noire se dressa brusquement devant lui, tout en le menaçant de son épée.
- Un seul cri, un seul geste inconsidéré et vous êtes mort, Excellence.
- Zorro ! s'écria ce dernier.
- A votre service, Excellence, répliqua le justicier en souriant. Je suis venu vous voir à propos d'une certaine affiche que vous avez fait placarder dans toute la Californie.
- Mais je n'ai jamais rien ordonné de tel, protesta le gouverneur outré.
- C'est étrange, on m'a justement dit le contraire, grimaça son interlocuteur masqué.
Le vieil homme se tut un instant, visiblement désarçonné par la mise en doute de ses dires.
- Écoutez, señor Zorro, qui que vous soyez, vous devez savoir que je n'ai pas l'habitude de mentir et dans ce cas précisément, je ne vois pas bien le profit que j'aurais pu en tirer. Que disait cette affiche ?
- Vous y demandiez à Zorro de venir vous rencontrer à Monterey dans la semaine qui suivait.
- Cette affiche ne vient pas de moi, réaffirma le gouverneur. D'ailleurs, vous remarquerez qu'il n'y en a pas une dans tout Monterey.
- Je vous crois, Excellence, s'inclina le justicier masqué en souriant. Je serais simplement curieux de savoir qui en est l'expéditeur.
- Moi aussi, figurez-vous, parce que je commence à en avoir assez qu'on se paye sans cesse de ma tête. Comme si je n'avais pas suffisamment de travail ! explosa son Excellence.
Zorro ne put s'empêcher de rire franchement. Le gouverneur prit un air indigné.
- Bien, Excellence. Je vais vous laisser à présent en m'excusant du dérangement.
- Je vous en prie, señor Zorro.
Ce dernier s'inclina et posa sa main gantée sur l'embrasure de la fenêtre, s'apprêtant à sortir.
- J'ai à mon tour une question à vous poser, lança le gouverneur.
Le justicier, sur le point de franchir la fenêtre, se retourna.
- Je vous écoute.
- Pourquoi avez-vous refusé mon offre d'amnistie ?
Zorro laissa passer un silence. On ne pouvait pas dire que le gouverneur y allait par quatre chemins.
- Ceci, Excellence, nécessite-t-il un long développement ?
- Non, señor. J'aimerais seulement connaître les motifs qui vous ont poussé à prendre cette décision.
- Eh bien, répondit Zorro en s'appuyant contre le mur et en croisant les bras, les raisons pour accepter ne manquaient pas mais une seule m'a retenu d'enlever le masque : je crois que le peuple californien espère beaucoup de moi et que je n'ai pas le droit de le décevoir. Quand les abus auront définitivement cessé et que les hommes auront décidé d'agir avec justice, peut-être alors n'y aura-t-il plus besoin de Zorro mais je crains que ce ne soit tout de suite le cas.
- Très bien, je vous remercie. Ma fonction de gouverneur m'empêche de regretter que vous soyez un hors-la-loi. Vous pouvez y aller, ajouta-t-il avec un vague signe de la main.
- Gracías, Excellence, fit Zorro en souriant.
Le gouverneur n'était pas en position de force mais continuait à donner des ordres comme si de rien n'était.
Zorro sauta, atterrit sur son cheval comme à son habitude, et disparut bientôt dans la nuit. Le gouverneur se précipita à la fenêtre juste à temps pour le voir partir au grand galop, rapidement caché par les maisons environnantes. Il referma la fenêtre soigneusement, bien décidé de ne parler à personne de cette rencontre impromptue pour le moins.
Restaient ces fameuses affiches qu'il convenait de faire enlever et de rechercher les coupables. Mais le gouverneur ne se faisait pas trop d'illusions. Voilà neuf années qu'il était gouverneur de Californie et l'expérience lui avait démontré que ses directives étaient rarement exécutées avec efficacité dans le pays. Il soupira. Quand l'ordre reviendrait-il ? Pas étonnant que Zorro ait un tel succès auprès des peones. Peut-être avait-il eu raison de garder le masque... Après tout, la Californie avait encore besoin de lui.
Le vieil homme haussa les épaules pour chasser ces pensées et se remit au travail. La nuit était déjà fort avancée et il y avait ce courrier à faire remettre absolument au vice-roi, don Esteban, demain après-midi.
