Chapitre 13.
Tout ce dont il se souvenait, c'était de ce bruit assourdissant. Puis, plus rien.
Peu à peu, la conscience lui revenait, et, malheureusement, la douleur qui l'accompagnait.
Snape eut toutes les peines du monde à ouvrir les yeux, l'air saturé d'un espèce de nuage de poussière blanchâtre étouffant.
De même que respirer était devenu difficile, il entendait ce sifflement dans ses bronches et ce goût de sang qu'il avait dans la bouche. Lorsqu'il porta sa main toute proche vers sa joue, il remarqua une fois encore, cette couche de particule qui le recouvrait, teintée d'un mince filet rouge. Vite, ce geste le fit siffler de douleur, et Snape supposa que son visage devait être rempli de multiples coupures.
Supposer était un terme plus que correct étant donné l'obscurité dans laquelle il baignait. Il dut ainsi user de ses cinq sens du mieux qu'il le put, ce qui lui permit de se rendre compte qu'à son plus grand damn, il ne reposait pas actuellement sur le sol, mais à moitié sur un corps.
Alors, tout lui revint d'une traite: le baiser, cette demande, leur lien…
« Hermione ? prononça-t-il avec difficulté avant de tousser lourdement. »
Merde.
Que s'était-il passé, par les couilles de Merlin ?
Snape voulu se redresser, mais il se rendit compte que c'était impossible. Ses jambes étaient bloquées entre plusieurs blocs de pierre, et son dos heurtait quelque chose qui l'empêchait de bouger, sans compter sur sa tête qui lui faisait un mal de chien.
« Granger, reprit Snape d'une voix plus forte, mais aussi plus difficile. »
Il pouvait la sentir en dessous de lui, son corps, ses cheveux qui lui chatouillaient les narines, eux aussi embrumés de saleté. A tâtons, Snape passa sa paume avec difficulté tout autour de lui, à défaut de pouvoir se mouvoir davantage.
Sa main heurta plusieurs angles de lourds blocs de pierres qui les entouraient, le carrelage souillé et froid, avant d'enfin réussir à toucher le visage de la jeune femme.
Dans l'explosion, il était sans doute tombé sur elle. A moins qu'il ait eu le réflexe malencontreux de la protéger, sans même s'en rendre compte. Avec une anxiété certaine, Snape pressa ses doigts sur ses joues avant d'effleurer son nez et de tenter d'un découvrir un souffle.
Il soupira en s'écroulant lorsque ce fut le cas.
Il était faible, certes, mais toujours là.
xXx
Minerva venait de s'accrocher avec une force surhumaine au bord de son bureau.
Une explosion avait retenti tout près d'elle, et la bâtisse entière avait tremblé, tant et si bien que plusieurs tableaux étaient tombés du mur, le tout suivi de cris provenant des portraits. Mais Minerva n'en tint pas tout de suite compte, et se précipita rapidement dehors dès qu'elle le put.
Lorsque son regard se porta vers l'extérieur alors qu'elle avait foncé tête baissée, elle manqua de s'évanouir.
Devant elle : le vide. Une des tours de Poudlard avait disparu.
xXx
Snape était resté éveillé du mieux qu'il avait pu, même s'il était sûr d'avoir cédé sans le vouloir à l'inconscience une fois ou deux.
Il n'avait eu de cesse de vérifier la respiration d'Hermione en dessous de lui, à défaut de ne pouvoir observer son état général.
Ses yeux s'étaient peu à peu habitués à l'obscurité. Ainsi, il avait remarqué qu'ils étaient bloqués sous des tonnes de gravas, et que Granger se portait vraiment mal. Elle avait l'air en bien piètre état comparé à lui. Une vilaine plaie située sur sa tempe avait cessé de saigner depuis peu, mais son teint était pale, ses lèvres presque blanches et sa peau trop froide. Seulement cette fois, cela n'avait malheureusement rien à voir avec la température alentour.
Régulièrement, il tentait de la réveiller. Cela ne donnait rien, mais il espérait au bout de plusieurs heures, et maintenant que sa plaie avait cautérisé, qu'elle finirait par sortir de son inconscience. Snape s'apprêtât à l'appeler une fois encore, avec le plus de douceur dont il pouvait faire preuve.
Nul doute qu'au vu de ses blessures voyantes, et sans doute internes, elle n'en ressortirait pas avec soulagement.
Mais, alors qu'il commençait déjà à poser sa main sur son épaule, Hermione reprit une respiration lourde, sifflante, avant d'aspirer l'air avec une panique palpable.
« Granger ! appela le potionniste, plutôt vivement. »
La jeune femme ne répondit pas, mais continua de suffoquer, en proie à un stress intense sans doute induit par la douleur.
« Hermione, respirez, mesura Snape. Respirez avec moi. Comptez chaque inspiration. »
Il savait l'air faible et à quel point la douleur pouvait être si vive que rien ni personne ne pouvait raisonner correctement. Alors, d'une voix mesurée, Snape ne mit à compter. Il voyait la jeune femme tenter de le suivre, sans succès.
« Hermione, nous sommes coincés. Je sais que ça fait mal, mais détendez-vous. »
Alors qu'il posa une paume sur sa joue, il perçut son visage hocher difficilement, et elle mit plusieurs minutes à retrouver son calme.
« Mes jambes, gémit-elle. Et… mes côtes.
_ Quelque chose est arrivé. J'ignore quoi, mais nous sommes coincés. Je crois que la bâtisse s'est effondrée sur nous.
_ Effondrée ? reprit Hermione, vaseuse. »
Hermione se tourna vers la droite. Alors, au milieu de l'obscurité, elle perçut avec difficulté le bord d'un tableau explosé encore à semi accroché à un pan de mur dont la tapisserie était marquée d'écorchures.
« Vous pouvez bouger ? »
A sa question, Hermione tenta de se tortiller. Mais ce fut peine perdu, et pire encore, cela lui arracha un cri de douleur qui la fit se figer instantanément.
« Ne faites rien. Ce n'est rien. »
Snape soupira tout haut. Merde, ils étaient bel et bien coincé, et pour combien de temps encore ? Il avait déjà l'impression d'être là dessous depuis des heures, et peut-être était-ce le cas.
« Pro-professeur, souffla Hermione. Je crois que ma baguette… est restée dans ma poche. »
Snape cligna alors des yeux. En bel idiot qu'il était, il avait complètement perdu la sienne.
« Mais je n'arrive pas à l'atteindre, gémit-elle de nouveau en déplaçant sa main, sans succès.
_ Où est-elle ?
_ Dans la poche interne de ma veste, à droite je crois, mais… faites attention, je pense que je me suis vraiment fait très mal. »
Snape grimaça. A son tour, il se servit donc de sa main libre pour la glisser entre les deux corps. Il frôla sa poitrine sans s'en rendre compte, mais cela arracha tout de même un rougissement terrible à Hermione qui, par chance, passait inaperçu dans ce noir complet.
Lentement, elle sentit ses doigts descendre le long de son ventre. A tâtons, il souleva à moitié son t-shirt, et la fit frissonner. Lorsqu'il sentit le grain de sa peau sous ses doigts, Snape se racla la gorge et rebroussa chemin, sans un mot. Il sentit ainsi le bord de sa veste, et parvint à toucher du bout des doigts la baguette de la jeune femme qui siffla de douleur. Rapidement, il la sortit et s'éloigna de la zone.
« Lumos, chuchota-t-il. »
Un bain de lumière se forma enfin autour d'eux et Snape put constater l'ampleur du problème. Il était désormais clair que l'explosion qui avait retenti avait fait bien plus de dégâts qu'il n'avait pu imaginer.
Maintenant que Hermione était consciente, il pouvait un peu plus se redresser. De quelques centimètres à peine, mais c'était suffisant pour examiner leurs états respectifs. Les cheveux de la jeune femme étaient désormais plus blancs que bruns, et le sang qui avait coulé de son arcade contrastait d'autant plus avec le teint porcelaine qu'avait pris sa peau à cause de la poussière générée par l'explosion. Lorsque Snape se tourna juste un peu, il faillit s'évanouir.
Une barre de fer pendouillait au plafond, et avait transpercé le tibia de la jeune femme.
Vite, Snape se tourna dans l'autre sens et se fixa sur son visage.
« Quoi ? s'inquiéta-t-elle. Qu'est-ce qu'il se passe ?
_ Nous sommes bloqués, c'est tout.
_ Ne me racontez pas n'importe quoi, je sais que vous avez vu quelque chose. »
Snape se pinça les lèvres et prit une profonde inspiration. Il leva le visage et plissa les yeux vers un mince interstice qui laissait échapper un tout petit filet de lumière. Vers où : il l'ignorait.
« Alors ? s'emporta-t-elle.
_ C'est votre jambe, murmura-t-il. »
Hermione grimaça et laissa un peu tomber la tête qu'elle avait relevé.
« C'est pour ça que je ne la sens pas, n'est-ce pas ? murmura-t-elle.
_ Une barre vous a transpercé.
_ Beau programme… soupira-t-elle. C'est grave vous pensez ? »
Snape grimaça, sans pour autant répondre.
« Peut-être que vous pourriez la faire disparaître ? »
Il avait envie de lui hurler qu'il était hors de questions qu'il jette de nouveau un oeil là dessus. Mais il refusait de se comporter comme un lâche, pas dans une situation pareille. Alors il soupira et se tourna de nouveau. Tout ce qu'il voyait, c'était cette chose affreuse plantée dans sa jambe et bizarrement, aucun saignement.
« Je l'ignore. Mais ça ne saigne pas.
_ Alors ne faites rien. Qui sait si la retirer ne me déclencherait pas une hémorragie.
_ Une quoi ?
_ Mes parents sont médecins, soupira-t-elle en balayant la question d'un revers de la main. »
Hermione n'osait en demander davantage, même si elle connaissait les risques. Elle préférait ne rien lui dire. Snape était potionniste, pas médicomage et elle doutait qu'il passe ses soirées devant Grey's Anatomy pour comprendre ce qui était en train de réellement se passer.
Car si elle ne sentait plus sa jambe, c'était plutôt mauvais signe.
« On devrait essayer d'envoyer un patronus. Vous vous en pensez capable ? demanda-t-il. »
Hermione hocha la tête. Snape lui rendit alors sa baguette, et une loutre argentée se forma. Seulement, l'interstice semblait si petit qu'elle ne parvint à s'échapper et s'évapora avant de pouvoir sortir.
« Merde ! jura-t-il tout haut, excédé.
_ Je vais essayer de faire léviter une…
_ Hors de question, l'interrompit le potionniste en posant sa main sur sa baguette. Vous risqueriez de nous ensevelir pour de bon.
_ Et transplaner ?
_ Nous sommes à Poudlard, Miss Granger. Au cas où vous l'auriez oublié, des protections magiques nous empêchent de le faire.
_ Alors qu'est-ce que vous proposez ? soupira-t-elle.
_ Survivre, en attendant les secours. »
Snape se redressa de nouveau, et grimaça. Ce geste élançait sans cesse une douleur sur son flanc, mais il ne laissa rien paraître. Il parvint à accéder à une petite pierre creusée et lança un Aguamenti. Tout deux burent avec prudence, gorgée après gorgée. Cela sembla avoir fatigué énormément Hermione qui peinait à maintenir ses yeux ouverts.
« Vous devriez rester éveillée, suggéra Snape.
_ Ou dormir pour récupérer des forces.
_ Et si vous perdez de nouveau conscience ?
_ Ne dites pas de bêtises… »
Le potionniste leva un sourcil, mais n'avait pas tout à fait la force d'engager un combat maintenant avec elle.
« Je préfère mettre ce que vous venez de dire sur le compte de votre état, Miss Granger. »
En réponse, la jeune femme ne put que pouffer. Au moins, elle oublia un instant sa fatigue. Mais cette dernière revint après plusieurs minutes de silence.
« Que pensez-vous qu'il se soit passé ? finit-elle par demander. Je… Je ne me souviens de rien.
_ Une explosion. Mais d'où venait-elle, là est la question, marmonna-t-il.
_ Une explosion ? Alors… alors peut-être que la tour entière s'est effondrée sur nous, ou alors… Poudlard a été détruit ! s'exclama-t-elle avec horreur.
_ Je n'espère pas. Sinon, les recherches risquent de prendre des jours et personne ne sait que nous sommes ici. »
Hermione arrondit soudain le regard. Elle sentit sa respiration s'accélérer peu à peu, et se mit à s'agiter avec nervosité. Snape mit du temps à le remarquer, mais lorsque ce fut le cas, il fronça les sourcils vers elle.
« Calmez-vous.
_ Comment pouvez-vous me dire de me calmer ?! s'emporta-t-elle. Vous avez oublié ce que vous venez de dire ? Peut-être que personne ne nous trouvera, et que nous… peut-être qu'on va mourir dans cet endroit !
_ Miss Granger, ça n'arrivera pas, affirma Snape, catégorique.
_ Qu'est-ce que vous en savez ? s'agaça-t-elle.
_ Parce que j'ai survécu à bien pire que ça.
_ Pire qu'être enseveli sous cinquante tonnes de pierre ?!
_ Si on prends en compte l'idée de se vider de son sang égorgée et de mourir de froid au milieu de l'Océan, oui. »
Son sarcasme, sans grande surprise, ne rassura pas la jeune femme d'un iota. Il sentait son coeur battre contre le sien, à s'en rompre la cage thoracique et son regard paniqué. Snape n'était pas dupe : Hermione tentait tant bien que mal de contenir une véritable crise d'angoisse, mais elle finirait bientôt par imploser, cela ne faisait aucun doute.
« Ecoutez, murmura-t-il. Ils vont nous retrouver. Et si ce n'est pas le cas, nous trouverons une solution. Mais Miss Granger, soyez assurée d'une chose : je ne vous laisserais pas dépérir ici, vous entendez ? »
La respiration d'Hermione demeurait erratique et désordonnée.
« On va mourir, répéta-t-elle avec angoisse.
_ Miss Granger…
_ On va mourir ici, tous les deux, seuls, enfermés, comme... comme avant.
_ Hermione, l'interrompit soudain Snape. Est-ce que vous me faites confiance ? »
Hermione cligna plusieurs fois des yeux vers le maître des cachots.
« Qu-quoi ? bégaya-t-elle.
_ Je vous ai demandé si vous me faisiez confiance, insista-t-il.
_ Oui, enfin, oui je crois, balbutia la jeune femme.
_ Non, vous ne croyez pas. Vous me faites confiance. Je vous dis que nous allons survivre, et c'est ce qu'il va se passer. D'accord ? »
Hermione déglutit. Puis, elle hocha difficilement la tête, et trouva son regard. Ce n'est qu'alors qu'elle se calma enfin.
« D'accord, répondit-elle. Nous allons survivre.
_ Bien… Si vous pouviez être aussi conciliante durant mes cours, marmonna-t-il.
_ Je vous ai entendu je vous signale. »
Snape ne put s'empêcher de sourire d'amusement, et bien que l'obscurité était revenu, Hermione le remarqua tout de même. Alors elle lui frappa gentiment le bras et il pouffa un peu. Puis, le calme revint avec cette fois, plus de quiétude.
« Vous avez parlé… d'une explosion ? finit-elle par demander.
_ C'était très proche. Nous étions dans la tour adjacente au bureau de la directrice. Peut-être qu'un piège posé par un mangemort n'aura pas été découvert lorsque nous avons reconstruit le château après la guerre.
_ Par Merlin, vous pensez que Minerva va bien ? s'inquiéta soudain Hermione.
_ Je l'ignore, mais croyez-moi que si elle y était passé, son fantôme serait déjà en train de me hanter.
_ Votre humour est vraiment douteux, marmonna-t-elle.
_ Ce n'était pas de l'humour.
_ Vous m'en direz tant. »
De nouveau, un long silence s'installa.
Snape avait désormais mal à la nuque, à force de retenir son corps pour ne pas le laisser entièrement reposer sur elle. Mais c'était plutôt peine perdu, en réalité. Alors, il supportait juste sa tête, mais c'était comme tenir en gainage. Autant dire qu'il avait conscience qu'il devrait lâcher les armes à un moment donné.
Snape remua son cou avec difficulté, et Hermione remarqua ainsi sa position, alors que ses avant bras se contractaient de part et d'autre d'elle. Sa respiration ventrale était tout de même perceptible, ainsi que leurs paires de jambes entremêlées mais c'était comme s'il faisait un effort considérable pour s'éloigner le plus possible d'elle. Et elle l'en aurait bien remercié, si la situation n'était pas aussi catastrophique.
« Professeur, soupira-t-elle. Vu où nous en sommes, nous pouvez franchement laisser tomber et vous allonger sur moi.
_ Quoi ? percuta-t-il en balbutiant.
_ Vous n'allez pas tenir de la sorte encore très longtemps.
_ C'est un défi ?
_ C'est un constat, reprit-elle d'un ton plus autoritaire. Et peut-être aurons nous besoin de toute votre force plus tard, quand nous aurons trouver une solution alors… soyez raisonnable et lâchez l'affaire. »
Snape grogna et elle sentit les vibrations de sa voix contre sa poitrine. Têtu, il continua de rester dans la même position, avant de pester et de se relâcher petit à petit. Hermione sentit tout son poids venir se poser sur le sien, l'enveloppant malgré lui dans un étau pas si insupportable qu'elle n'aurait pu l'imaginer.
Ses cheveux, en cet instant sales et poussiéreux lui chatouillèrent le nez et elle se défit de quelques mèches en un coup de main.
Son visage vint reposer près de son épaule et il soupira, d'aise autant que de lassitude, priant pour qu'ils ne restent pas dans cette position trop longtemps.
