Miranda était assise à côté d'Emma, qui visiblement ne tenait pas en place. Elles attendaient patiemment qu'un policier vienne à leur rencontre.

« Voudriez-vous que j'aille vous chercher un café, Emma ? »

« C'est gentil. Mais non, je n'arriverais pas à avaler quoi que ce soit. Je suis assez anxieuse. Je souhaite avancer, et pouvoir passer à autre chose. Mais je sens que rien ne se déroulera comme je le souhaite. »

« C'est-à-dire ? Que voulez-vous dire ? »

« Eh bien, j'aimerais tout oublier. Pouvoir reprendre le cours de ma vie, comme si rien ne s'était passé. Je souhaiterais oublier, tout oublier. Ne pas avoir à vous embêter, ne pas avoir à demander des faveurs à Mme Mills. Je souhaiterais pouvoir vivre dans un autre monde. »

« Je comprends. Et c'est tout à fait normal, c'est humain de sentir le malheur au fond de soi. Mais vous êtes forte. Sachez aussi que vous ne m'embêtez absolument pas. Je n'aurais pas souhaité que vous traversiez cette période seule. »

« Je ne voudrais pas vous mettre dans l'embarras, ou vous obliger à quoi que ce soit. Mais vous disiez avoir vécu cela, vous aussi. Comment avez-vous réussi à passer à autre chose ? »

« Je ne vais pas vous mentir, cela n'est pas simple. J'ai encore, maintenant, des mauvais jours. Mais je suis heureuse. Heureuse d'où j'en suis. Vous savez, j'étais tombée éperdument amoureuse pendant mes études. Et j'ai vécu de très belles années. J'ai épousé Mike, nous avons eu un enfant. Nous étions heureux, et tout se passait si bien. Mais un malheureux accident a ravagé toute mon existence… »

Miranda avait du mal à continuer son récit. Elle souhaitait réellement le partager avec Emma. Lui montrer que malgré les épreuves, il est possible d'avancer. Mais faire face à son histoire était toujours douloureux. Elle reprit son souffle et continua.

« Mon ex-mari a eu un accident avec notre fille, âgée de 3 ans. Elle est décédée sur le coup. Lui a plongé dans l'alcool. »

« Je suis désolée de l'apprendre. J'imagine que cela doit être encore douloureux. Vous faites preuve d'une véritable force. Comment s'appelait-elle ? »

« Margaret. Elle me manque terriblement chaque jour, mais j'arrive à accepter certains petits bonheurs de la vie. Je travaille encore sur ma résilience. »

« Vous êtes un modèle pour moi. »

« Alors laissez-nous vous aider. »

Emma lui sourit, avant de se lever et d'aller à la rencontre du policier qui lui faisait signe.

Miranda attendit un signe. Elle ne savait pas si elle devait accompagner Emma. Mais visiblement, la jeune femme prenait les choses en main. Sans doute que son histoire l'avait motivée.

« Bonjour, je suis l'officier Nolan. Je vous écoute. »

« Bonjour, je suis Emma Swan. Je suis ici pour porter plainte. » Dit-elle en se triturant les mains, visiblement mal à l'aise d'être assise face à ce policier vêtu de bleu.

Elle ne savait pas comment commencer. Par où commencer ? Au fond d'elle, elle aurait souhaité être face à une policière. Une femme.

« Je suis ici aujourd'hui pour porter plainte contre mon mari, à la demande de mon avocate. »

Le policier resta silencieux, attendant patiemment qu'Emma lui raconte son récit. Mais voyant qu'elle restait muette, il reprit.

« Je vous écoute. Ne vous inquiétez pas. Vous pouvez tout me dire, je ne suis pas là pour juger. Mais si vous préférez pouvoir discuter avec une de mes collègues, je comprendrais. »

La jeune femme resta silencieuse quelques secondes, le regardant, l'analysant.

« Non, tout va bien. Vous avez l'air sincère. Cela fait des années que je ne me sens plus en sécurité auprès de cet homme qui me sert de mari. Mais depuis des mois, il me… bat. Il me cogne, sans réelle raison. Je pensais que ça ne durerait pas. Peut-être une mauvaise passe, comme il arrive souvent dans un mariage. Vous comprenez ? »

« Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas là pour vous juger. Seulement pour vous aider. Mais il n'existe aucun motif valable d'accepter qu'un homme puisse battre une femme. Aucun. Avez-vous été à l'hôpital, aux urgences ? »

« Non, je n'ai jamais osé. Je n'ai jamais subi de violence que je ne puisse pas soigner seule. »

« Pouvez-vous me donner des exemples ? »

« Oui. J'ai eu plusieurs ecchymoses au visage, à l'abdomen, sur les jambes ou bien les bras. Des entailles que je soignais avec du scotch ou bien des strips. Une lèvre fendue. Des courbatures. Je… Vous avez raison, je n'ai jamais rien eu de sévère. »

« Ne vous méprenez pas. Je ne suis absolument pas en train de minimiser ce que vous avez vécu. Je note simplement. Je vous explique. Si vous aviez eu un passage aux urgences, nous aurions pu avoir l'écrit de certains professionnels de santé. Vous parliez d'une avocate tout à l'heure. Qui est-elle ? »

« Madame Mills Regina. »

« Oh je vois, très bien. »

« Vous la connaissez ? »

« Je ne connais pas une personne, ne la connaissant pas, ici au poste de police. »

« Pourquoi cela ? »

« Eh bien disons que cela reste entre nous. Je vous fais confiance. » Emma fit un signe de tête, approuvant ce petit revirement de conversation.

« Ce n'est pas juste une avocate, c'est un ouragan dans une robe de couture. »

« C'est-à-dire ? »

« Quand elle rentre dans une salle d'audience, tout le monde est suspendu à ses paroles. Elle sait comment manipuler une situation comme personne d'autre. Elle pourrait vendre du sable dans le désert et vous faire croire que vous avez fait une bonne affaire. Mais elle peut berner les hommes par son charme. Elle a l'œil pour repérer la moindre faille dans un argument, et elle va l'exploiter jusqu'au bout. »

« Oh oui. C'est ce qu'on m'a raconté. » Emma buvait les paroles de cet officier. Tout en se demandant si elle faisait cet effet seulement aux hommes. La jeune femme n'en était pas sûre.

L'officier Nolan pu reprendre le cours de la conversation, après quelques échanges au sujet de l'avocate. Il put en apprendre davantage, concernant les faits vécus par la jeune femme. Il put être attentif à ses paroles, mais aussi à son langage non verbal. Il rédigea la plainte et lui proposa de l'imprimer, avant de l'envoyer directement à l'avocate de renom.

Miranda l'attendait devant le poste, voulant s'aérer un peu avant le retour de sa jeune protégée.

Cette demi-heure à faire les cent pas devant ce bâtiment lui permit de remettre de l'ordre dans ses pensées. Elle put donc réceptionner, avec son grand sourire, Emma, quand elle en eut fini.

« Alors, comment cela s'est-il passé, Emma ? »

« Bien, je suppose. Nous avons pu discuter. La plainte sera envoyée directement au bureau de Regina Mills. »

« Parfait. Nous l'appellerons cet après-midi. Je vous invite à déjeuner ? »

Après quelques minutes de route, Miranda gara sa voiture devant un petit restaurant asiatique. Elle raffolait des raviolis qui y sont préparés.

Elles furent installées dans un petit coin du restaurant, sur une table de deux personnes.

« Que dois-je faire maintenant ? » Demanda Emma, le visage plongé dans le menu.

« Eh bien, choisir ce qui vous plaît, et le commander. » Répondit-elle simplement.

« Je voulais dire concernant ma situation. » Répondit-elle, se sentant un peu bête de ne pas avoir mieux expliqué sa pensée.

« Oh ! » Miranda la regarda quelques instants. Ne réussissant pas à capter le regard de la jeune femme, elle attrapa tout en douceur le menu d'Emma, et le reposa sur la table. Avant de lui attraper les mains. Puis elle reprit.

« Maintenant nous allons manger. Il me paraît essentiel, de se faire plaisir aussi. Nous verrons ensuite avec Regina ce que nous devrons faire. C'est votre avocate maintenant, il faudra se référer à ce qu'elle vous demande. »

Le déjeuner fut calme, parlant tantôt de la boutique, tantôt de création de bijoux, faits à partir de pierres. Des conversations légères qui satisfaisaient les deux femmes.

En début d'après-midi, Miranda appela son amie, pour connaître la marche à suivre. Regina lui proposa de recevoir Emma en fin de journée, n'ayant aucun rendez-vous durant ce temps. Ce que Miranda accepta. Puis raccrocha, promettant d'être à l'heure.

« Regina vous recevra en fin d'après-midi. Je suis désolée, je me suis permis d'accepter ce créneau. »

« Très bien. Dites-moi, comment vous êtes-vous connues avec Madame Mills ? »

« Oh. Eh bien c'est une longue histoire. Nous nous sommes rencontrées à Harvard. Regina y étudiait le droit, j'étais déjà diplômée à cette époque-là. Mais j'y passais encore beaucoup de temps, pour intervenir dans le département d'histoire de l'art, ou traînant encore dans le musée d'Art. »

« Et qu'est-ce qui a fait vous rencontrer ? »

Miranda ne souhaitait pas raconter ce passage à Emma, mais elle ne pouvait cependant pas lui mentir. Peut-être devait-elle juste survoler la question sans entrer dans les détails ?

« Eh bien, pour être honnête, Regina m'a fait du rentre-dedans. »

Emma resta silencieuse, essayant de comprendre ce que voulait dire la femme plus âgée se trouvant devant elle.

« Oh ! Vous voulez dire que l'avocate Mills, vous a draguée ? »

« C'est sûrement le terme que vous utilisez à notre époque. Je préfère encore le mot 'convoiter', voyez-vous. »

Emma se mit à rire à gorge déployée. Elle ne pensait pas réussir à en oublier sa situation. Elle remerciait inconsciemment Miranda, de l'aider à traverser sa propre histoire.

« Vous en avez sûrement trop dit, ou pas assez. J'ai besoin de tout savoir maintenant. »

« J'aimerais d'autant que cela reste entre elle et moi. Mais nous nous sommes toujours bien entendus, peu importe ce qui a pu se passer. Je garde beaucoup d'estime pour elle. C'est une femme formidable. »

« Je comprends. À quelle heure exactement avons-nous rendez-vous ? Je souhaiterais contacter une amie. »

Emma passa une bonne partie de son après-midi dans la chambre d'amie de Miranda. Elle resta un long moment au téléphone avec Ruby, lui expliquant vaguement ce qu'il se passait. Elle ne voulait pas tourner en boucle sur sa situation, mais elle lui promit de la tenir au courant. Ruby le comprit, et lui raconta ses malheurs et ses petits bonheurs de la vie, toutefois quand il se présentait. Elle raconta avoir rencontré un homme qui lui plaisait, mais qu'elle ne s'attendait pas à un revirement de vie. Elle émit le souhait de reprendre contact avec l'une de ses sœurs, vivant au Nouveau-Mexique.

Après avoir raccroché avec Ruby, elle répondit à Mulan, sa collègue, en écrivant ce que lui avait suggéré Miranda. Qu'elle prenait des congés indéterminés pour le moment.

Elle avait pu bloquer son mari, Killian, pour ne plus être dérangée par les messages et appels incessants.

Puis elle fut sortie de son téléphone, par des bruits provenant de la porte.

Toc, toc.

« Entrez. »

« Êtes-vous prêtes ? Nous devons y aller, si vous ne voulez pas être en retard. »

Assise à l'avant du véhicule, Emma était aussi impatiente qu'anxieuse de se retrouver face à la grande Regina Mills. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui la tracassait. Son mariage, autrefois prometteur, s'était transformé en un cauchemar de violence et de cruauté. Les souvenirs de ces moments de terreur la hantaient, comme des ombres insidieuses se glissant dans les recoins de son esprit tourmenté. Elle avait cru en l'amour, en la promesse d'une vie meilleure, mais à présent, elle se retrouvait seule, brisée et désillusionnée. S'accrochant à n'importe quelle main tendue.

Moins d'une demi-heure plus tard, elle se retrouva à pénétrer les portes du bureau de l'avocate.

« Bonjour, Miss Swan. »

« Bonjour, Madame Mills. »

« Vous pouvez vous asseoir. » L'informa l'avocate, d'un geste de la main. Elle retira ses lunettes, les posa délicatement sur le bureau, avant de regarder la jeune femme. « Comment allez-vous ? J'ai bien reçu les documents de la plainte. Vous venez de franchir une étape. Vous pouvez être fière de vous. »

« Que va-t-il m'arriver maintenant ? »

« Pour rentrer dans les détails. Je déposerai dès demain au tribunal cette plainte et cette demande de divorce. Je souhaiterais ajouter le maximum d'allégations de violence conjugale pour appuyer la demande. En parallèle, aujourd'hui même, j'ai fait une demande de protection. Je viens seulement de recevoir l'ordonnance. »

« Qu'est-ce que cela implique ? »

« Cette injonction nous permet de vous mettre à l'abri. Un exemplaire a été envoyé à l'avocat de Killian Jones, lui signifiant ainsi de rester éloigné de vous, sous peine d'une condamnation, ou d'une amende. »

« Mais il paiera ! Il va me retrouver maintenant que tout est lancé. » Dit-elle en se levant et en marchant en cercle devant le bureau de Regina Mills.

« Je peux vous mettre à l'abri. »

« Où ça ? Dans une association ? Je n'ai rien ! Je retrouverais ma vie d'avant ! »

Regina ne savait pas ce que signifiait 'sa vie d'avant'.

« Miss Swan. Je suis là pour vous aider. Calmez-vous. Expliquez-moi. Vous ne souhaitiez pas reprendre le cours de votre vie ? »

« Si, mais pas celle-là ! » En effet, Emma ne pensait devoir se justifier sur ses précédentes activités avant son arrivée à Seattle. Ni Regina, ni Miranda n'étaient au courant. Elle souhaitait que cela reste ainsi.

« Je souhaiterais que vous me parliez. Et cessons donc de tourner en rond. » Répondit durement l'avocate, commençant cruellement à manquer de patience. Elle se leva, et s'avança vers la jeune femme. Elle posa ses mains sur ses épaules pour la maintenir en place et la regarda dans les yeux.

« Je vous demande de m'écouter. Je sais que cela est difficile. Je vous assure. Mais pour trouver des solutions, il faut que vous soyez honnête et transparente. Pas de secret. Dans l'idéal, vous pourriez avoir un divorce à l'amiable. Mais je ne pense pas que cela sera si simple. Nous finirons sûrement devant les tribunaux. Et le but de l'avocat adverse, va être de trouver votre faille. Alors parlait moi, je vous en prie Miss Swan.»

Emma éclata en sanglots, serrant la main de Regina dans la sienne. « Je ne veux plus jamais le revoir. Je veux être libre. »

Regina la prit dans ses bras, la berçant doucement. « Vous le serez. Vous le serez. » Puis se détacha.

Emma resta plantée là, quelques instants, mais cela lui parut une éternité. Son regard plongé dans celui de son avocate. Elle pouvait sentir sur ses épaules, la pression des mains de Regina. Elle pouvait aussi sentir les caresses, faites par les pouces de son avocate.

« Je vais vous parler. Oui. »